II. LES SCÉNARIOS ENVISAGEABLES D'ICI 2030
Dans deux domaines centraux de notre vie économique et sociale, les effets du changement climatique et la montée du prix du pétrole, les échéances se rapprochent.
L'évolution de ces deux éléments climatiques et économiques, même s'ils ont leurs rythmes propres, sera convergente.
Que ces événements évolueront de façon séculaire n'implique pas qu'ils ne nous affecteront pas fortement d'ici moins d'une génération .
Très rapidement, à l'échelle de l'histoire, notre monde va connaître des changements de l'ampleur de ceux qu'il a enregistrés à l'occasion de chacune des révolutions industrielles qui ont marqué les deux siècles qui nous précèdent . Avec une accélération propre à notre temps.
On a vu également qu'en fonction des variables de commande du modèle énergétique mondial le poids de ces tendances lourdes pouvait s'amplifier ou se réduire - dans le domaine du prix du pétrole comme en matière de changement climatique.
Quels sont alors les scénarios envisageables d'ici 2030 ?
Compte tenu de la difficulté de l'exercice 25 ( * ) , il ne s'agit pas de décrire précisément un avenir prédéterminé, mais de tracer brièvement les grandes typologies de ce que pourraient être les assises et les formes du développement à un horizon lointain, mais encore perceptible, celui des années 2020-2030.
Et parmi ces futurs possibles, on peut en distinguer trois :
• la poursuite de la tendance ou la perspective du pire,
• la rétractation de l'économie mondiale,
• le dépassement de la crise par la réussite de la transition énergétique.
A. LA POURSUITE DE LA TENDANCE OU LA PERSPECTIVE DU PIRE
Quel pourrait être l'état de notre planète en 2030, si la tendance actuelle se poursuivait ?
Si les politiques nationales de promotion d'une production et d'une utilisation plus durable de l'énergie n'étaient ni renforcées, ni généralisées ?
Les tentatives du cycle de Kyoto de réinsérer la déséconomie externe menaçante que constitue la croissance des émissions de gaz à effet de serre dans les mécanismes de l'économie de marché avaient alors échoué au niveau mondial, malgré certains progrès en Europe.
En d'autres termes, le bateau continuerait sur son erre d'aggravation des effets du changement climatique et de renchérissement de la ressource pétrolière.
L'état de la planète serait alors caractérisé par une partition accentuée des économies et des sociétés et un renforcement des tensions.
1. Une partition accentuée des économies et des sociétés mondiales
C'est un constat d'évidence, les économies mondiales sont inégalitaires et fonctionnellement très segmentées. Entre elles et à l'intérieur de chacune d'elles. La mondialisation récente de l'économie ayant dans certains cas accru ces caractéristiques et dans d'autres les ayant réduites.
Il est à craindre que la poursuite de la tendance actuelle ne renforce ces traits dominants de segmentation et d'inégalité.
Face à la double contrainte que vont représenter la montée des aléas et des coûts du changement climatique et la progression des prix du pétrole, les nations, les professions et les organisations sociales ne seront pas égales.
Globalement, il est certain que la plupart des États les plus pauvres seront les plus pénalisés par les perturbations climatiques, n'y étant ni préparés par leur tissu administratif, ni par leurs infrastructures, ni par leurs capacités financières.
Dans cette approche, une première observation s'impose .
La moitié de l'humanité, qui a déjà eu du mal à suivre le cours de la mondialisation parce qu'elle était restée à l'écart du mouvement de développement qui a suivi la décolonisation, sera de plus en plus marginalisée.
Des économies, pour lesquelles le pétrole à 30 $ se vendait au litre, et qui subissent le contrecoup d'un pétrole à 60 $, ne pourront pas résister, en dépit de la rusticité de certaines d'entre elles, à l'impact d'un baril à 150 $.
De plus, ces sociétés qui subissent déjà les effets d'aléas climatiques de grande ampleur (sécheresse, modification des biotopes, inondations, typhons, etc.) sans pouvoir leur apporter de réponses vont indubitablement souffrir de l'aggravation des conséquences du changement climatique.
Mais qu'en sera-t-il des sociétés plus développées ?
Une réponse d'ensemble consiste à estimer qu'en fonction du degré de développement, ces sociétés, même si elles ne sont préparées ni à l'aggravation des effets du changement climatique, ni aux conséquences de la montée des prix du pétrole, trouveront peu à peu des réponses à ces deux contraintes, faute de l'avoir fait plus tôt.
Mais il y a peu de chances que ces adaptations s'engagent sur la base de schémas « gagnants-gagnants ».
Le changement climatique aura des coûts économiques et sociaux qui s'ajouteront à ceux générés par la hausse du prix du pétrole.
Et suivant le secteur économique, suivant la place du pétrole dans la production de valeur des branches, suivant la localisation des acteurs économiques, suivant la dotation des infrastructures des transports en commun, suivant la capacité financière des entreprises ou des particuliers à s'assurer contre les coûts du changement climatique, suivant leur revenu il y aura des gagnants et des perdants .
Par ailleurs, les capacités des États, même les plus développés, de cicatriser le tissu social seront limitées par les coûts croissants du changement climatique.
Les sociétés développées deviendront donc encore plus segmentées et plus inégalitaires qu'elles ne le sont .
* 25 Il suffit, pour mesurer cette difficulté, de se rapporter aux travaux des prospectivistes et des futurologues publiés dans les années soixante-dix sur le monde de l'an 2000.