III. LES DRONES DE COMBAT : UN CONCEPT SÉDUISANT, POUR UN EMPLOI QUI RESTE À DÉFINIR
A. LE PROJET NEURON, LANCÉ PAR LA FRANCE, SUSCITE L'ADHÉSION DE SES PRINCIPAUX PARTENAIRES EUROPÉENS
La France est à l'initiative du seul projet européen de drone de combat existant à ce jour, le projet Neuron, annoncé par le Ministre de la Défense à l'occasion du Salon du Bourget de juin 2003.
La responsabilité d'ensemble en a été confiée à la société Dassault , qui a, depuis, recueilli les engagements fermes , assortis de contributions financières, des cinq pays européens suivants : Italie, Grèce, Espagne, Suède et Suisse . La Belgique pourrait également se joindre à ce programme. La DGA, qui intervient comme agence exécutive pour l'ensemble des partenaires, a notifié à Dassault Aviation, le 9 février 2006, la maîtrise d'oeuvre du projet de développement et de réalisation du NEURON ; le montant total du contrat s'élève à 405 millions d'euros.
Permettant de maintenir les compétences des bureaux d'études de Dassault, après la mise en production du Rafale, ce drone, dont une maquette a été présentée lors du Salon du Bourget de juin 2005, et dont le premier vol expérimental devrait intervenir en 2011, mobilise aujourd'hui 405 millions d'euros ; la moitié de cette somme doit être financée par la France, et l'autre moitié par les pays associés. Le lancement de ce projet a constitué une rupture avec la doctrine antérieure du Ministère français de la Défense, qui considérait ces engins trop coûteux pour notre pays : c'est pourquoi ce projet ne figure pas dans la loi de programmation militaire 2003/2008 . Cette évolution est tout à fait pertinente, notamment parce qu'elle permettra à l'Europe de ne pas laisser les Etats-Unis maîtriser seuls cette technologie. Cependant, le concept d'emploi de ces UCAV (Unmanned Combat Aerial Vehicle) 10 ( * ) n'est pas encore défini ; il semble probable que ces engins seront utilisés en complémentarité des avions pilotés, pour effectuer des missions de suppression des défenses ennemies (SEAD : Suppression of Enemy Air Defence) et d'attaque sur des cibles très défendues, lors des combats brefs mais de haute intensité qui caractérisent les affrontements militaires actuels, et à venir. Ils facilitent l'évaluation des dommages infligés à l'ennemi (BDA : Battle Damage Assessment).
L'objectif des responsables de Dassault est que le coût unitaire de ce futur UCAV, qui sera mis au point à partir des données tirées du démonstrateur, ne dépasse pas la moitié de celui d'un Rafale, soit environ 25 millions d'euros. Cet engin devrait bénéficier d'un décollage et d'un atterrissage automatique, et être dévolu aux missions air/sol, excluant les missions air/air qui resteront l'apanage des avions pilotés.
Le démonstrateur devrait être équipé des moteurs, adaptés, du Jaguar. En revanche, l'UCAV nécessitera probablement une motorisation spécifique, plus puissante, et qui pourrait s'appuyer sur les moteurs du Rafale.
Cependant, le Ministère de la Défense précise 11 ( * ) que « le démonstrateur d'UCAV ne préjuge pas de programmes d'équipements ultérieurs. A vocation expérimentale, ce démonstrateur est destiné à faire progresser les technologies de discrétion, et l'intégration d'un véhicule aérien dans les réseaux du champ de bataille.
Les résultats de cette démonstration pourront servir à une nouvelle génération d'avions pilotés. Le projet d'UCAV est ouvert à la coopération européenne en favorisant l'emploi des compétences technologiques existantes. Ainsi, les industriels suédois (SAAB), HAI (Italie), EADS Casa (Espagne), Ruag (Suisse), et Alenia (Italie) participeront au programme Neuron.
Les drones offrent de nouvelles possibilités d'action, comme la permanence, ou l'attaque dans la profondeur dans des zones fortement défendues. »
Le budget finalement alloué au Neuron, d'un montant de 405 millions d'euros, soit plus que prévu initialement, permettrait de le doter d'une soute modulaire dans laquelle seraient installés un désignateur laser et une bombe que ce désignateur guiderait, ce qui doterait l'engin d'une totale autonomie de frappe.
Le choix de la société Dassault pour la maîtrise technique du programme Neuron a été facilité par l'initiative industrielle développée par cette société depuis 1999 sous le terme « Logiduc » : logique de développement d'UCAV.
Le programme LOGIDUC de Dassault La première réalisation du programme est dénommée « Petit Duc », ou AVE-D (Aeronef de validation expérimental - Discrétion). Il s'agit d'une maquette biréacteur de 50 kg et 2 mètres d'envergure, pilotée par radio, et entièrement réalisée en matériaux furtifs. Le premier vol date de juillet 2000, au terme de travaux marqués par la volonté de réduire la signature radar et infrarouge de l'appareil. Puis apparaît, en juillet 2001, le « Moyen Duc », d'un poids de 500 kg, qui peut aller de 60 mètres/seconde, pour des missions de surveillance et à 200 mètres/seconde pour celles de reconnaissance, avec une autonomie allant jusqu'à 4 heures. Il s'agit d'un drone de reconnaissance tactique visant à répondre aux besoins de l'armée de terre postérieurs au SDTI. Le Grand Duc visait à valider la démonstration opérationnelle d'une mission de combat, en développant les capacités de furtivité et de contrôle du vol. |
Au Grand Duc a été substitué le programme Neuron, qui associe à Dassault les sociétés françaises EADS et Thalès, ainsi que les industries aéronautiques des pays européens partenaires.
C'est à partir de ces travaux préparatoires que Dassault a réalisé le Neuron, dont le dessin très spécifique, marqué par des lignes brisées et rappelant la forme du bombardier furtif américain B-2, garantit une bonne furtivité.
Le Neuron aura des dimensions comparables à celles d'un Mirage 2000, avec une longueur de 9,5 mètres (14,5 m pour le Mirage), et une envergure de 12 mètres (9 m pour le Mirage), avec un poids à vide entre 2 et 3 tonnes, et de 5 tonnes avec l'ensemble des capteurs et des armes.
Deux grands pays demeurent absents de cette coopération : la Grande-Bretagne, qui pourrait s'associer aux Etats-Unis pour le développement d'un démonstrateur d'UCAV, et l'Allemagne, qui a manifesté son souhait de rejoindre le projet Neuron, mais n'a pu, à ce jour, dégager un financement adéquat.
* 10 Engin aérien de combat non piloté
* 11 Réponse à la question écrite du 13 janvier 2004 de M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes ; J.O. Questions A.N. du 10 février 2004.