EXAMEN EN COMMISSION
Lors d'une première réunion tenue le 29 juin 2005, la commission a entendu une communication de Mme Maryse Bergé-Lavigne et M. Philippe Nogrix sur le rôle des drones dans les armées.
M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a rappelé que la mission d'information sur les drones, créée au sein de la commission au mois de février dernier, avait depuis cette date entendu les représentants des principales industries aéronautiques françaises impliquées dans la conception des drones, comme EADS, Thalès, Dassault et Sagem. Elle avait également entendu des représentants du ministère de la défense exposer les perspectives d'emploi des drones, notamment dans l'armée de l'air.
M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a précisé qu'au terme de ces auditions, Mme Maryse Bergé-Lavigne et lui-même avaient exprimé le souhait de poursuivre leurs travaux au-delà de la fin de ce mois de juin 2005, terme initialement prévu. Il leur avait semblé indispensable, en effet, de recueillir des informations complémentaires auprès notamment de l'Agence européenne de défense et de l'OTAN.
Puis, M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a rappelé que le drone désignait un aéronef dépourvu d'équipage et ayant vocation à être récupéré. La réunion tenue à Helsinki en 1999, par les autorités européennes compétentes en matière de défense, avait conduit à la création d'un groupe ECAP (European capabilities action plan). Les experts européens redoutaient alors que le drone Predator, utilisé par l'armée américaine, ne domine rapidement le marché international. S'agissant de la France, M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a rappelé que la loi de programmation militaire 2003-2008 prévoyait les crédits nécessaires à l'acquisition de douze drones MALE (Moyenne altitude, longue endurance), avec une livraison prévue autour de 2009. Il s'est félicité des décisions prises par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, portant d'une part sur la construction d'un démonstrateur de drone de combat UCAV (Unmanned combat aeral vehicle), dont la maîtrise a été confiée à la société Dassault, et d'autre part, sur le lancement d'un projet européen de drone d'observation dénommé EuroMALE, dont la société EADS constitue le pivot. Ces deux projets illustrent la forte capacité d'adaptation du ministère de la défense à l'évolution stratégique, qui souligne le caractère indispensable de ces engins de nouvelle génération.
Puis M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a retracé l'utilisation, par l'armée de l'air française, du drone de surveillance HUNTER, dont quatre exemplaires ont été achetés en 1984 à Israël, qui détenait alors une avance technologique notable dans ce domaine. M. Philippe Nogrix a rappelé que ces HUNTER avaient été utilisés avec succès dans les Balkans, puis, cette fois sur le territoire français, pour contribuer à la sécurité du Sommet du G8 réuni à Evian en juin 2003, ainsi qu'à celle des cérémonies du 60e anniversaire du Débarquement allié en juin 2004. Les HUNTER ont été ensuite retirés du service, du fait du coût trop élevé de leur maintenance. Il a indiqué que l'armée française attendait, pour combler ce déficit capacitaire, la livraison de trois SIDM (Système intérimaire de drone MALE), achetés à Israël par EADS, à charge pour cette société d'en fournir les liaisons électroniques.
Puis M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a évoqué le projet EuroMALE, considéré par l'Etat-major des armées comme « le drone tactique de l'avenir, à vocation interarmées ». Il a souligné le caractère indispensable de ce type d'équipement pour préserver l'autonomie française et européenne en matière de recueil d'informations, rappelant qu'il s'agissait là d'un élément décisif de la maîtrise des combats. Il a relevé que les satellites et les avions pilotés concourraient également à ce recueil d'information, mais que les drones présentaient une endurance en vol, doublée d'une précision des éléments fournies, qui leur est spécifique, et en fait leur atout. Ainsi, les SIDM pourront voler douze heures durant, et parcourir un millier de kilomètres, en fournissant en continu des informations sur la zone survolée. La vocation des drones d'information est également d'être engagée dans des zones dangereuses ou fortement défendues, puisque leur perte éventuelle ne met pas en danger de vie humaine.
Les nombreux atouts de cet engin sont illustrés par l'utilisation croissante qu'en font les armées occidentales. Ainsi, l'Etat d'Israël les affecte, depuis une vingtaine d'années, à la surveillance de territoires hostiles à ses frontières, et l'armée américaine les utilise quotidiennement en Afghanistan et en Irak. M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a fait état des nombreuses applications civiles de tels engins, en matière de surveillance maritime et forestière, notamment. Il a cependant rappelé que de nombreuses contraintes techniques pesaient sur l'insertion des engins non pilotés dans la circulation aérienne, alors que la sécurité de cette dernière est fondée sur la capacité ultime du pilote : « à voir et éviter ». M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a conclu en estimant que ces difficultés techniques pourraient être résolues au regard des apports irremplaçables fournis par les drones d'observation.
Au terme de cet exposé, un débat s'est ouvert au sein de la commission.
M. Serge Vinçon, président, s'est félicité de l'existence des projets français en matière de drones, qui constituent à l'évidence des capacités essentielles pour l'avenir, et pour lesquels notre pays dispose d'une compétence particulière en matière d'aéronautique militaire. Il s'est dit également intéressé par les nombreuses potentialités d'utilisation des drones d'observation en matière civile.
M. Didier Boulaud s'est interrogé sur les drones à disposition de l'armée de terre.
Mme Gisèle Gautier a souhaité connaître l'autonomie du système de propulsion de ces drones.
M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a souligné que l'armée de terre était actuellement dotée de deux types de drones, le Sperwer et le CL 289, destinés à renseigner les fantassins sur la configuration des zones de combat proches. Ces appareils sont en plein développement, avec la construction actuelle de micro ou mini-drones, comme le « Libellule », présenté au dernier salon du Bourget. Il a souligné que les moteurs des drones de surveillance à longue endurance faisaient appel à des technologies leur conférant une autonomie de déplacement d'au moins douze heures.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé que, selon le voeu des co-rapporteurs, cette communication ne constituait qu'un report d'étape et qu'ils reviendraient devant la commission pour présenter les conclusions de leurs investigations.
Lors d'une seconde réunion tenue le 6 décembre 2005, la commission a entendu une communication de Mme Maryse Bergé-Lavigne et M. Philippe Nogrix sur le rôle des drônes dans les armées.
M. Philippe Nogrix, co-rapporteur, a précisé que les deux rapporteurs de la mission d'information avaient procédé à 11 auditions, réunissant les principaux responsables industriels et militaires impliqués dans la conception des drones aériens. Ces engins non pilotés sont promis à un avenir militaire, civil et industriel, considérable, car ils permettront la réalisation de missions dangereuses et de longue durée. Cependant, l'intervention humaine restera déterminante dans l'interprétation des informations transmises. S'agissant des drones civils, leur emploi se heurte, pour l'instant, aux aléas inhérents à l'insertion d'engins non pilotés au sein de la circulation aérienne.
M. Philippe Nogrix a ensuite évoqué l'enjeu prioritairement militaire des drones, que la France a notamment utilisés au Kosovo, avec les quatre exemplaires acquis en 1994 en Israël. Ces drones HUNTER ont été retirés du service, en septembre 2004, du fait du coût élevé de leur maintenance, et seront remplacés par trois SIDM (Système Intérimaire de Drone Moyenne Altitude Longue Endurance - MALE) fournis par EADS à partir d'une plateforme israélienne. Ces SIDM devaient être livrés à l'armée française au début 2005, mais, du fait de difficultés techniques, ils ne le seront qu'en avril 2006. Avec une autonomie de 24 heures et de 1.000 km, de jour et de nuit et par tous temps, ce nouveau système sera donc plus performant que le HUNTER.
Le rapporteur a ensuite évoqué le programme EuroMALE, préalable à la construction d'un futur drone d'observation, dont les capacités de vol (altitude, autonomie) seront supérieures à celles du SIDM. Du fait du coût de lancement de ce programme, estimé à 340 millions d'euros, le ministère de la défense souhaite qu'il soit construit en participation européenne, mais seule l'Espagne, qui a apporté 40 millions d'euros, a exprimé le souhait de prendre part au projet.
M. Philippe Nogrix a déploré le manque de coopération européenne en la matière : la Grande-Bretagne a ainsi acquis auprès de Thalès un système « Watchkeeper », dont la conception est différente de celle du MALE. L'Italie a acheté aux Etats-Unis deux Predator, et l'Allemagne s'oriente vers la l'achat d'un drone Haute Altitude Longue Endurance (HALE) américain en partenariat avec l'OTAN.
Puis M. Philippe Nogrix a rappelé que le besoin d'un drone endurant d'observation avait été exprimé, dans les années 1990, par la Direction du renseignement militaire, qui devait alors impérativement renouveler des informations stratégiques dont la pertinence avait été bouleversée par la fin de la guerre froide. L'EuroMALE, s'il se concrétise, permettra de répondre partiellement à ce besoin. Parmiles avions d'observation de l'armée de l'air, le plus spécialisé d'entre eux, le DC 8 SARIGUE (système automatisé de recueil d'informations de guerre électronique) a d'ailleurs été retiré du service en 2004 du fait du coût trop élevé de sa maintenance. M. Philippe Nogrix a donc estimé que la France et, plus largement, l'Europe, devaient se doter d'un drone d'observation de nature à préserver une nécessaire autonomie en matière de recueil d'informations, déplorant que le choix ne puisse se faire qu'entre l'EuroMALE, d'une part, programme coûteux et au soutien européen incertain, et le Predator américain, d'autre part.
M. Philippe Nogrix a ensuite évoqué le programme de drones de combat NEURON, dont la responsabilité a été confiée à Dassault et qui a recueilli, pour l'instant, l'adhésion de quatre pays européens : l'Espagne, la Grèce, l'Italie et la Suisse. Ce projet, évalué à 400 millions d'euros, permettrait à l'Europe de maîtriser les technologies des avions de combat non pilotés.
Le rapporteur a conclu en rappelant le consensus existant chez les décideurs militaires européens sur la nécessité de se doter rapidement de drones aériens d'observation de moyenne ou longue endurance, mais a déploré que les financements ne soient pas au rendez-vous.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, co-rapporteur, a déploré la difficulté de l'Union européenne à se doter d'une capacité de défense opérationnelle, dans le domaine des drones, alors qu'il s'agissait d'un marché industriel à l'avenir prometteur. Elle s'est interrogée sur la place prééminente qu'occupait EADS, en la matière, par rapport aux nombreuses petites et moyennes entreprises qui participent à la construction de mini-drones dans des conditions économiques difficiles. Elle a estimé que les choix effectués par l'état-major des armées n'étaient pas entièrement indépendants de la pression des industriels, citant en exemple les retards regrettables qui affectent le programme SIDM. Elle a exprimé la crainte que ces erreurs ne se reproduisent à l'occasion du programme EuroMALE, dont la viabilité industrielle ne semblait pas acquise, et son inquiétude que notre pays construise, essentiellement sur fonds publics, un engin coûteux et dépourvu de débouchés à l'exportation.
Puis la commission a approuvé les conclusions et a autorisé la publication de la communication sous la forme d'un rapport d'information.