D. DES EVALUATIONS DISCUTABLES
Par intermittence, la MCNG procède ou fait procéder à une évaluation des projets qu'elle cofinance, mais la démarche évaluative n'est pas systématique.
1. Le choix des évaluateurs
Selon le guide d'évaluation publié en mars 2003 par la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID), le principe est qu'il est procédé à une mise en concurrence pour la sélection de l'évaluateur. Mais ce principe est mal appliqué : si ces opérateurs sont parfois choisis à l'issue d'un appel d'offres, c'est loin d'être toujours le cas.
A priori, et afin de disposer d'un diagnostic en principe impartial et objectif, l'administration donneur d'ordre (le MAE) doit recourir à un évaluateur extérieur, qui peut appartenir soit à une autre administration, soit à l'université, soit au secteur associatif.
Le recours à des évaluateurs externes est réservé aux bilans d'une « certaine ampleur ». La DGCID admet, en effet, utiliser aussi les agents de ses services, dans le but « d'assurer un suivi plus complet des activités de la direction », pour évaluer eux mêmes les actions dont ils assurent la conduite.
Les caractéristiques « externes » des évaluateurs choisis, et donc le degré d'indépendance qu'ils ont vis à vis de l'administration qui les utilise, recouvrent des notions assez différentes. En effet, les intervenants peuvent être :
• des universités, écoles nationales ou autres organismes d'enseignement ;
• des personnes morales qui sont financées directement et indirectement par le ministère des affaires étrangères. Il en va ainsi :
o du Groupe de recherche et d'échanges technologiques (GRET), association essentiellement financée par des fonds du MAE et de l'AFD,
o de l'IRAM (Institut de recherches et d'applications des méthodes de développement), dont les partenaires financiers principaux sont notamment le MAE, l'AFD, et le conseil régional du Nord Pas-de-Calais,
o de F3E, association regroupant plusieurs ONG (une cinquantaine) et financée à 70 % par le ministère ;
• des organismes d'études et de recherche dépendant d'institutions publiques (Centre international d'études pour le développement local, BDPA, SERES, CIEP, CREDES);
• des cabinets privés ou des consultants indépendants.
Lorsqu'elle est confiée à des agents de la DGCID, la réalisation de ces travaux peut conduire à une certaine « endogamie » dans les diagnostics, ce qui est déjà regrettable.
Or la Cour a constaté que quelques ONG (comme le GRET) ou certains collectifs (comme le Fonds pour la promotion des études préalables, des études transversales et des évaluations, le F3E) sont à la fois financés pour des projets et retenus comme évaluateurs d'autres projets. Les liens qui existent entre ces évaluateurs et les opérateurs de terrain d'une part, et d'autre part l'influence que peut avoir sur la démarche évaluative la perspective d'être à l'avenir jugé à son tour en tant qu'opérateur peuvent altérer la sérénité et l'objectivité du jugement porté.
2. La pertinence des études d'évaluation
En publiant sur son site électronique la liste, et le contenu à la demande, des études qui ne sont pas en « diffusion restreinte », la DGCID cherche explicitement à satisfaire quatre types de « publics » différents :
• ses propres équipes en démontrant qu'un travail de ce genre sert à optimiser la gestion des moyens budgétaires ;
• le public qui doit être convaincu de la valeur de l'intervention de l'Etat ;
• les décideurs qui doivent pouvoir juger, au vu de l'efficacité des programmes d'intervention, de leur maintien ou de leur arrêt ;
• enfin, les partenaires/bailleurs éventuels des projets FAC/FSP (cas des projets « mobilisateurs » en particulier) qui doivent être impliqués dans une démarche d'évaluation qui les concerne également.
Le travail ainsi demandé aux prestataires choisis ne peut donc pas être une étude strictement limitée au seul souci de connaître objectivement la réalité parce que les imperfections éventuelles, ou même l'inefficacité, des actions du FSP ne peuvent être publiquement étalées, surtout lorsqu'y sont implicitement associés, dans ce cas, les acteurs et les bénéficiaires.
Mais les réserves précédemment exprimées sur l'objectivité de l'évaluation permettent de comprendre en partie pourquoi ces études ont rarement, jusqu'à présent, entraîné des mesures correctives : les critiques sont rares, et portent en général sur des éléments sans réelles conséquences sur la suite d'un programme. Rien ne démontre de manière précise qu'il y ait un « retour » des études faites sur la façon d'orienter et de conduire les actions de développement qui se portent sur des sujets identiques.
Ainsi, si le document établissant le bilan de l'aide française au Vietnam (rapport d'évaluation n° 21) ne dissimule pas les difficultés et les incohérences du dispositif français mis en place dans ce pays, en revanche le rapport sur l'évaluation de la coopération télévisuelle en Afrique subsaharienne pour les années 1995 à 2000 (rapport n° 57) qu'a rédigé le GRET (Groupe d'échanges et de recherches technologiques) consacre davantage de temps à décrire le périmètre précis de ce que l'Etat français a dépensé sur ce sujet (90 MF soit 13,72 M€) dans l'ensemble des pays d'Afrique, qu'à tenter de déterminer l'efficacité des aides apportées.
S'agissant des programmes FSP, il n'y a pas non plus de méthodologie homogène dans les documents disponibles :
• certains rentrent dans le détail des réalisations et des difficultés rencontrées en cours de mise en place (cas du document relatif à l'état d'avancement du projet FSP n° 2000-128 « Appui à l'éducation nationale du Burkina Faso ») ;
• d'autres se bornent à rappeler peu ou prou les objectifs du programme initial et donnent peu de renseignements sur le déroulement du projet lui même (voir documents concernant le programme FSP n° 9701200 « Appui à la décentralisation et au développement local au Sénégal », et celui sur le projet FSP n° 2000-156 « Appui à la décentralisation et à la déconcentration en Mauritanie »),
• d'autres encore se contentent de faire le point sur le taux de consommation des crédits alloués (exemple du document sur le FSP n° 2000-69 « Appui à l'enseignement du français à Cuba »).
Il est rare de trouver une évaluation à mi parcours qui prenne réellement position quant à la méthode, au devenir ou à la façon de conduire le programme en cours : le travail effectué sur l'avancement du programme FAC n° 99001100 « Appui à la déconcentration et à la décentralisation au Burkina Faso » par le cabinet BDPA (« petite fille » de la Caisse des Dépôts et Consignations) est, à cet égard, un bon contre-exemple, puisqu'il correspond véritablement à ce que devrait systématiquement être une démarche de ce genre.