6. Des délégués du procureur désormais incontournables
Les délégués du procureur sont de plus en plus présents dans le processus judiciaire. Leur rôle s'est particulièrement accru dans la mise en oeuvre des procédures accélérées de jugement : dans la composition pénale qu'ils gèrent la plupart du temps d'un bout à l'autre, au stade de la notification de l'ordonnance pénale, voire même dans de rares cas dans la CRPC 97 ( * ) .
Depuis la mise en place de la composition pénale, leur nombre a progressé de 45 % entre 2001 et 2004, passant ainsi de 750 à 1.101.
Des partenaires privilégiés du parquet
Les conditions d'habilitation des délégués résultent d'un décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001 récemment modifié par un décret n° 2004-1021 du 27 septembre 2004 98 ( * ) .
Les candidatures sont instruites par le procureur de la République ou le procureur général 99 ( * ) puis soumises à l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet soit du tribunal de grande instance soit de la cour d'appel. Depuis 2004, un renforcement du contrôle du parquet est intervenu, les délégués du procureur devant désormais être habilités par le procureur de la République ou le procureur général pour une durée probatoire d'un an 100 ( * ) .
L'habilitation concerne soit des associations soit des personnes physiques .
Les délégués du procureur qui exercent leur fonction en qualité de personnes physiques -837- sont plus nombreux que ceux qui interviennent dans le cadre du secteur associatif -264 (soit 25 %).
Les politiques d'habilitation des juridictions à cet égard sont assez variées .
Le ministère de la justice a indiqué à la mission qu'au 1 er février 2005 près de cinquante tribunaux de grande instance répartis dans 13 cours d'appel n'avaient pas recours à une association habilitée mais habilitaient uniquement des délégués « personnes physiques » 101 ( * ) . Dans de nombreuses juridictions comme à Nîmes, la plupart des candidatures est en pratique sollicitée par le parquet.
Une vingtaine de juridictions 102 ( * ) (dont Toulon et Nantes) s'appuient uniquement sur une association. Ainsi, à Nantes, l'association d'action éducative (AAE) emploie des salariés à temps plein soumis à une obligation de formation et dont les effectifs évoluent en fonction de la politique pénale du parquet. Comme l'a indiqué une représentante de cette association devant la mission, cette structure entretient des liens étroits avec le parquet qu'elle tient informé de ses projets de recrutement.
Près d'une quarantaine de tribunaux 103 ( * ) -dont Bobigny qui compte dix délégués- pratiquent la complémentarité entre ces deux modes d'habilitation.
Un profil socio-professionnel varié qui permet d'ouvrir la justice à des personnes issues de la société civile
L'ensemble du corps judiciaire a unanimement salué le travail accompli par les délégués du procureur et souligné leur dévouement et leur disponibilité. Ces acteurs, bien qu'extérieurs à l'institution judiciaire, contribuent véritablement à améliorer la qualité de la justice rendue à l'égard des justiciables.
L'origine socio-professionnelle variée des délégués du procureur constitue un atout en permettant à la justice de bénéficier de l'expérience de personnes fortement impliquées dans la vie sociale et ayant le sens du contact. En effet, comme l'a indiqué le ministère de la justice à la mission, le profil des intervenants diffère fortement suivant le cadre dans lequel ils interviennent .
Les délégués habilités à titre individuel, les plus nombreux, sont très majoritairement des hommes (83 %) retraités (85 %) principalement issus de la police ou de gendarmerie (55 %), de l'enseignement (10 %), du secteur privé (8 %), de la fonction publique (8 %), du secteur médico-social (6 %), ou encore de la magistrature (4 %).
A titre d'exemple, à Nîmes, on compte notamment un ancien officier de gendarmerie retraité, un éducateur auprès du tribunal, un ancien directeur d'assurance ayant exercé les fonctions de conseiller prud'homal, un ancien professeur de gymnastique, une mère de famille. Le profil des délégués présente une particularité dans ce tribunal dans la mesure où la plupart possède déjà une expérience en qualité de médiateurs.
Le recensement des délégués issus du milieu associatif révèle un profil différent. Avec une majorité de femmes (55 %), la répartition homme-femme est plutôt équilibrée par rapport aux délégués personnes physiques. 50 % des intervenants sont salariés, 30 % indemnisés à l'acte et 20 % bénévoles. Les salariés sont le plus souvent recrutés parmi des juristes (30 %), des travailleurs sociaux (25 %), des psychologues (8 %).
A Nantes, la représentante de l'AAE a indiqué que ces professionnels étaient ainsi issus d'horizons différents (travailleurs sociaux, juristes d'entreprise, anciens policiers).
Compte tenu des profils très divers, l'ENM a mis en place une formation déconcentrée qui se décompose en une partie théorique organisée avec le concours des magistrats délégués à la formation (une journée) et une partie pratique (deux jours) dispensée par une équipe de formateurs spécialisés dans la formation des délégués 104 ( * ) .
L'intervention des délégués du procureur : un coût financier qui inquiète les juridictions
L'externalisation de certaines tâches vers des acteurs extérieurs à l'institution judiciaire allège les tâches des personnels des greffes et du parquet mais représente un coût supplémentaire non négligeable pour les juridictions .
En effet, la rémunération des délégués du procureur est prise en charge au titre des frais de justice . Les modalités de rétribution varient selon, d'une part, la nature de la mesure à mettre en oeuvre 105 ( * ) et, d'autre part, le type d'habilitation du délégué. En effet, l'intervention des délégués du procureur habilités en qualité de personne physique représente un coût moindre pour les juridictions.
Ainsi, le tarif de la notification de l'ordonnance pénale pour un délégué « personne physique » s'élève à 7,62 euros contre 11,43 euros pour un délégué issu du secteur associatif. La notification d'une mesure de composition pénale avec recueil de l'accord représente un coût de 15,24 euros pour un délégué « personne physique » et de 30,49 euros pour un délégué issu du secteur associatif.
Il a été observé à Bobigny qu'en matière de notification de l'ordonnance pénale, l'intervention du délégué du procureur représentait un coût moyen équivalent à celui engendré par l'envoi des lettres recommandées.
Toutefois, le recours accru aux délégués du procureur a nécessairement pour contrepartie un alourdissement prévisible des frais de justice.
Cette perspective inquiète un grand nombre de chefs de juridiction comme a pu le constater la mission tout au long de ses travaux.
Afin d'éviter une dérive des coûts, certaines juridictions comme le TGI de Nantes ont décidé de mettre en place un suivi des frais de justice mensuel pour affiner la connaissance de leurs besoins.
Interrogé sur ce point lors de son audition devant votre commission le 21 juin dernier 106 ( * ) , le garde des sceaux, M. Pascal Clément, a précisé que la rémunération des délégués du procureur -qui représente seulement 4 % de l'enveloppe totale des frais de justice (soit un million d'euros)- ne constituait pas un enjeu pour la maîtrise des frais de justice 107 ( * ) .
Néanmoins, dans le cadre de sa réflexion pour contenir l'accélération des frais de justice, le ministère de la justice a indiqué à la mission qu'il pourrait être opportun de rétribuer les délégués « sur d'autres bases, en s'inspirant des modalités adoptées pour d'autres acteurs participant au fonctionnement de l'institution judiciaire comme par exemple les membres assesseurs des tribunaux pour enfants » 108 ( * ) . Cette piste de réforme paraît intéressante et mériterait d'être creusée .
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Les procédures de jugement rapides incitent les différents acteurs de la chaîne pénale à travailler en étroite concertation. Entre les magistrats du siège et du parquet, le dialogue doit désormais être permanent. De même, les officiers de police judiciaire et les magistrats du parquet doivent s'informer mutuellement des affaires en cours. Enfin, l'efficacité de ces nouvelles réponses pénales n'est plus concevable sans une articulation harmonieuse entre le parquet et les partenaires extérieurs à l'institution judiciaire (délégués du procureur et associations).
* 97 A Reims par exemple où ils interviennent dans la préparation en amont de la procédure pour distinguer parmi les dossiers faisant l'objet d'une convocation par officier de police judiciaire ceux qui, parce que la personne reconnaît les faits et présente des gages de réinsertion, sont susceptibles d'être traités par la voie de la CRPC (voir I - C - 1).
* 98 Ces dispositions sont codifiées aux articles R. 15-33-30 à R. 15-33-37 du code de procédure pénale.
* 99 Suivant que la compétence du délégué du procureur est étendue au ressort du tribunal de grande instance ou de la cour d'appel.
* 100 Le décret de 2004 a également instauré une limite d'âge (75 ans) et précisé certaines conditions d'exercice des fonctions en instaurant une prestation de serment et la remise d'un rapport d'activité annuel.
* 101 Par exemple à Lyon ou à Périgueux.
* 102 Comme l'indique une réponse écrite du ministère de la justice à une question de M. Francis Falala publiée au Journal Officiel du 1er février 2005, pages 1.135 et suivantes, qui fait le point sur la répartition des délégués du procureur par juridiction à la date du 31 juillet 2003.
* 103 Même source que précédemment.
* 104 Cette équipe est composée d'un magistrat, d'un délégué du procureur expérimenté et d'un représentant de la protection judiciaire de la jeunesse.
* 105 En application de l'article R. 121-2 du code de procédure pénale.
* 106 Voir bulletin des commissions n° 30 (session ordinaire 2004-2005), page 5.764.
* 107 En effet, le garde des sceaux a imputé l'essentiel de la montée en puissance de ce poste budgétaire aux interceptions téléphoniques et aux analyses génétiques.
* 108 Les assesseurs des tribunaux pour enfants perçoivent une indemnité calculée sur le traitement mensuel moyen d'un magistrat (juge du TGI) qui équivaut à 1/30 ème de cette enveloppe (art. R. 522-10 du code de l'organisation judiciaire).