3. Des ajustements envisageables à la lumière d'une plus longue expérience
Les auditions auxquelles la mission a procédé ainsi que les déplacements qu'elle a effectués ont permis également de mettre en évidence certaines difficultés ou limites liées à la mise en oeuvre de la CRPC. Les inquiétudes relatives à la place de la victime dans le déroulement de la procédure semblent cependant devoir être dissipées.
Les droits de la victime
Ils sont garantis par trois dispositions prévues à l'article 495-13 du code de procédure pénale :
- si la victime est identifiée, elle est informée sans délai et par tout moyen de cette procédure et invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits, accompagnée, le cas échéant, de son avocat lors de l'audience d'homologation, pour se constituer partie civile et demander réparation ; le président pourra même statuer en son absence comme en matière de comparution immédiate, si elle a demandé réparation du préjudice pendant l'enquête ;
- si la victime n'a pu exercer ce droit, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant sur intérêt civil ;
- en tout état de cause, la victime peut faire appel de l'ordonnance d'homologation.
Sans doute, malgré ces garanties, la victime peut-elle être « frustrée » d'un vrai débat devant le juge du siège. Cependant, l'ensemble des pratiques concordent sur ce point : la CRPC est mise en oeuvre avec beaucoup de précaution lorsque sont en cause les intérêts des victimes.
En revanche, une attention vigilante devra être accordée à trois autres interrogations.
Des pratiques disparates selon les juridictions
Les pratiques des juridictions peuvent encore présenter certaines disparités . Celles-ci doivent cependant être analysées comme des écarts par rapport à une moyenne -les TGI ayant dans leur grande majorité suivi des orientations similaires. En outre, ces écarts devraient s'estomper au fur et à mesure de la montée en puissance du dispositif. Il importe en tout cas que l' ensemble des possibilités ouvertes par le législateur et, en particulier, la faculté pour le parquet de proposer des peines d'emprisonnement ferme, puissent être utilisées .
Les moyens des greffes insuffisants
Les moyens des greffes ne paraissent pas être adaptés à cette nouvelle procédure. Ainsi, selon Mme Naïma Rudloff, secrétaire générale de Force-ouvrière- magistrats, du fait d'effectifs insuffisants, le président d'un tribunal de grande instance a décidé de ne mettre en place la CRPC que si celle-ci n'impliquait pas la présence d'un greffier, alors même que le parquet estime indispensable une telle présence lors de l'audience d'homologation.
Au cours de la table ronde organisée avec les représentants des syndicats des greffes, une double critique a été formulée : d'une part, l'insuffisance de formation du personnel au nouveau dispositif et, d'autre part, l'inadaptation des moyens informatiques aux formalités requises par la procédure.
Sur ce dernier point, les responsables du greffe du tribunal de grande instance de Nîmes ont précisé que la CRPC impliquait l'édition de quatre documents différents 82 ( * ) .
Cependant, selon le président du tribunal et un magistrat du parquet, les pièces d'exécution étant jointes à la procédure, la CRPC permettrait de faire l'économie de la phase d'exécution qu'implique le jugement correctionnel classique. A terme et sous réserve qu'un instrument informatique efficace puisse être mis en place, le nouveau dispositif pourrait ainsi permettre un gain de temps.
La présence de l'avocat requiert une meilleure information
A l'initiative du Sénat, le dispositif prévoit que la personne ne peut renoncer à son droit d'être assistée par un avocat. Cette disposition soulève en pratique quelques difficultés.
En effet, la personne n'est pas toujours suffisamment informée de cette exigence au moment où une CRPC lui est proposée : ainsi, comme le cas en a été rapporté, notamment au tribunal de grande instance de Bobigny, les personnes convoquées se présentent souvent sans avocat, ce qui rend impossible la mise en oeuvre de la procédure.
Or, une meilleure information permettrait aux intéressés dont les ressources sont insuffisantes, d'entamer auparavant les démarches nécessaires auprès du bureau de l'aide juridictionnelle. Quant aux personnes qui ne sont pas susceptibles de bénéficier de l'aide juridictionnelle, elles comprennent parfois mal l'obligation de la présence de l'avocat dès lors qu'elles admettent leur culpabilité.
Néanmoins, la présence de l'avocat demeure pour la mission d'information la garantie qu'aucune pression ne s'exerce sur le délinquant comme tel pourrait être le cas dans un huis clos avec le procureur. A cet égard, il importe d'ailleurs de relever que la CRPC peut être proposée à l'auteur des faits dans le cadre d' une garde à vue alors même qu'il peut ne pas être assisté de son conseil. La situation dans laquelle se trouve l'intéressé n'est pas nécessairement propice à un libre consentement. Un encadrement plus rigoureux de cette possibilité pourrait être envisagé .
Des perspectives d'évolution favorables
La mise en oeuvre de la CRPC semble avoir démenti les appréhensions initiales qu'elle avait suscitées. Elle ouvre la perspective d'un traitement différent de l'infraction pénale inscrit davantage dans une logique de dialogue et de compréhension de la sanction. Aussi doit-elle être encore développée. Sans doute est-il prématuré d'étendre aujourd'hui le champ d'application de la CRPC. Cependant, les premiers résultats encourageants de sa mise en place permettent d'envisager deux pistes d'évolution possibles.
En premier lieu, la CRPC pourrait être étendue à d'autres catégories de contentieux à caractère répétitif mais qui sont passibles de peines d'emprisonnement supérieures à cinq ans. Tel pourrait être le cas par exemple de la falsification de chèque pour laquelle est encourue une peine d'emprisonnement de sept ans.
Ensuite, comme l'a d'ailleurs suggéré M. Jean-Yves Leborgne, président de l'association des avocats pénalistes, la CRPC pourrait être envisagée, dans le cadre du circuit judiciaire « long », au terme de l'instruction préparatoire dès lors que la phase préparatoire a été approfondie et que les faits sont acquis.
* 82 Le procès-verbal de proposition de peine, la requête en homologation d'une proposition de peine, le procès-verbal de comparution devant le magistrat homologateur et l'ordonnance d'homologation.