Rapport d'information n° 478 (2004-2005) de M. Roland du LUART , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2005

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N° 478

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 juillet 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire ,

Par M. Roland du LUART,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Budget.

SOMMAIRE

Pages

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL 5

INTRODUCTION 7

I. UNE INQUIÉTUDE MAJEURE : LES FRAIS DE JUSTICE 9

A. UN ÉTAT DES LIEUX PRÉOCCUPANT 9

1. Une progression constante : + 22,87 % en 2004 9

2. Contexte et conséquences de l'évolution 10

B. UNE ÉVOLUTION INÉLUCTABLE 18

1. Avec ou sans LOLF, la maîtrise devient urgente 18

2. Donner priorité à la transparence budgétaire 19

3. Une régulation inévitable mais mieux encadrée 20

C. DES MARGES DE PROGRESSION SENSIBLES 21

1. Les efforts de la chancellerie 22

2. Mutualiser les bonnes pratiques 28

D. UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE 29

1. Une enquête attendue de la Cour des comptes 29

2. La mission budgétaire sécurité doit-elle supporter une partie de la charge financière des frais de justice ? 30

3. Un « principe de précaution » à relativiser 31

II. UN MESSAGE BROUILLÉ : LA SORTIE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DE LA MISSION « JUSTICE » 33

A. UNE IGNORANCE DU RÔLE MAJEUR DE LA COUR DES COMPTES POUR LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF 33

1. La maquette initiale « collait » à la situation ancienne 33

2. Les critiques et propositions du Sénat ont été ignorées 34

B. UNE « PROMOTION » COMPRÉHENSIBLE POUR LA COUR DES COMPTES 35

1. Les démarches du nouveau Premier président de la Cour des comptes 35

2. Un arbitrage favorable à l'ensemble des juridictions financières et administratives 36

C. DES CONSÉQUENCES MAL ÉVALUÉES POUR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 38

1. Le rassemblement de l'ensemble des juridictions financières dans un seul programme s'impose 38

2. La totalité des juridictions administratives doit aussi figurer dans un seul programme 39

3. Une évaluation insuffisante des conséquences de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice » 40

D. VERS UNE « ÉGALITÉ DES DROITS » ENTRE CES DEUX ORDRES DE JURIDICTION ? 47

1. Une réponse différenciée pour les juridictions judiciaires que la Cour de cassation ne gère pas 47

2. Une extension aux juridictions judiciaires des règles particulières de gestion envisagées pour les juridictions administratives et financières 49

III. DÉCONCENTRATION OU RECONCENTRATION ? 51

A. UNE LOGIQUE DE DÉCONCENTRATION ENGAGÉE DEPUIS 10 ANS 51

1. La création de services administratifs régionaux (SAR) 51

2. Une accentuation du mouvement avec la LOLF 52

B. DES CONSÉQUENCES DIVERSEMENT APPRÉCIÉES 57

1. Une réponse aux doutes des magistrats et greffiers : le renforcement du dialogue de gestion. 57

2. La fongibilité des crédits et les BOP 60

IV. LA MESURE DE LA PERFORMANCE : EXEMPLE OU CONTRE-EXEMPLE DE L'ASSOCIATION DES ACTEURS DE TERRAIN À LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF ? 61

A. UNE ASSOCIATION INSUFFISANTE DES ACTEURS DE TERRAIN 61

1. Les plaintes des magistrats 61

2. La chancellerie a privilégié l'information à la concertation 63

B. LA RÉPONSE DE LA CHANCELLERIE 64

1. Des interrogations qui persistent 64

a) Comment mesurer la qualité des décisions juridictionnelles 64

b) Quelles sanctions pour la contre-performance ? 66

2. Quelques orientations de la chancellerie pour 2006 66

EXAMEN EN COMMISSION 69

ANNEXE : RÈGLES D'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN RÉGIME LOLF 81

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

La mise en oeuvre de la LOLF dans la justice :

Concilier l'indépendance de l'autorité judiciaire avec une culture de gestion

L'importante dérive des frais de justice (+ 23 % en 2004 ; sur l'exercice 2004, pas moins de 90 % de l'augmentation des crédits consommés en 2004 pour le fonctionnement des services judiciaires a été absorbé par la majoration des dépenses de frais de justice ) et le caractère limitatif donné à ces crédits à partir de 2006 suscitent d'importantes préoccupations dans les juridictions. Il conviendra, pour remédier à cette situation , qu'il soit mis fin aux habitudes de sous-évaluation des besoins en loi de finances initiale, que le prescripteur ait une meilleure connaissance des coûts grâce à la création d'un outil fiable de suivi informatique de la dépense et que la mise en concurrence devienne la règle, sans que pour autant la « liberté de prescription » du magistrat soit remise en cause.

La commission des finances a condamné le fait que les juridictions administratives aient été « sorties » de la mission budgétaire « justice » , dans le but affiché de préserver leurs spécificités, alors même que l'indépendance de l'autorité judiciaire est garantie par la Constitution, qui lui confère aussi la mission de gardienne de la liberté individuelle. Elle a préconisé le regroupement dans une seule mission des juridictions judiciaires et administratives, qui n'empêchera pas, bien au contraire, la nécessaire adaptation de certaines règles budgétaires à leurs spécificités .

La mise en oeuvre de la LOLF, avec la gestion déconcentrée des crédits au niveau des cours d'appel, dont les chefs de cour seront ordonnateurs conjoints, suppose l'engagement de moyens importants en personnel, formation et informatique . L'implication des acteurs de terrain témoigne d'ores et déjà de l'avancée d'une « culture de gestion » au sein de la justice.

Enfin, la mesure de la performance impliquée par la LOLF se heurte à la difficulté de mesurer objectivement la « qualité » des décisions juridictionnelles , même s'il convient de saluer les efforts entrepris en ce domaine.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Dans la perspective de l'élaboration du programme de contrôle budgétaire de la commission des finances, votre rapporteur spécial avait, en application de l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, pour ce qui concerne son secteur de compétence, la justice, engagé trois pistes de réflexion :

- les frais de justice, pour lesquels une enquête a été demandée par votre commission des finances à la Cour des comptes, conformément à l'article 58 (2°) de la LOLF 1 ( * ) ;

- les problèmes spécifiques de la justice à Bobigny et à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle ;

- les contrats d'objectifs entre chancellerie et cours d'appel.

Il est clairement apparu à votre rapporteur spécial aussi bien lors de ses déplacements que durant ses auditions que, en cette année 2005, le premier sujet de préoccupation des magistrats et greffiers était, globalement, les conditions de mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire et, en particulier, la question des frais de justice.

Surtout, cette constatation a conduit votre rapporteur spécial à penser que le plus important, cette année, était de faire un point sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire , ce qui l'a donc conduit à « convertir » en ce sens ses sujets initiaux de contrôle budgétaire.

Sur ce thème, quatre sujets apparaissent principalement

- une inquiétude majeure sur les frais de justice ;

- la « sortie » des juridictions administratives de la mission justice, qui paraît avoir « brouillé » le message de la LOLF ;

- les changements induits par la déconcentration des crédits ;

- la mesure de la performance des juridictions judiciaires.

Le présent rapport d'information constitue le reflet de ces quatre points de préoccupation .

I. UNE INQUIÉTUDE MAJEURE : LES FRAIS DE JUSTICE

A. UN ÉTAT DES LIEUX PRÉOCCUPANT

1. Une progression constante : + 22,87 % en 2004

Les frais de justice (expertises, écoutes téléphoniques, frais médicaux, interprétariat...) laissés à la charge du budget de la justice, dès lors qu'ils n'incombent pas à une partie à une procédure, voient leur taux de progression s'aggraver sensiblement d'année en année. Après avoir progressé de 30 % en deux ans (entre 2001 et 2003), ceux-ci ont augmenté de 22,87 % en une seule année (de 2003 à 2004). Pour la seule cour d'appel de Paris, ceux-ci représentent 74 millions d'euros (sur un budget de 260 millions d'euros) et progressent d'environ 5 millions d'euros chaque année.

L'évolution globale de la dépense effective des frais de justice depuis 1998 s'établit de la manière suivante 2 ( * ) :

Evolution de la dépense effective des frais de justice

(en millions d'euros)

Année

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Dotation finale

248,103

266,565

258,823

271,070

288,190

338,000

358,00

Dotation initiale

248,103

266,565

283,215

277,169

293,190

310,100

338,151

Dépense

247,059

243,140

258,361

262,010

290,090

341,431

419,00

Solde

1,044

23,424

0,462

9,060

- 1,900

- 3,43

-80,85

Evolution de la dépense en %

5,44%

-1,59%

6,25%

1,42%

10,72%

17,70%

22,87%

Evolution de la dépense

12,757

-3,918

15,220

3,649

28,080

51,341

77,57

Source : chancellerie

Les frais pénaux représentent environ les trois quarts de la dépense des frais de justice (74 %).

Les frais de justice, en matière pénale , se répartissent de la manière suivante :

2. Contexte et conséquences de l'évolution

De tels chiffres montrent la nécessité d'une analyse et de décisions : il n'est plus possible de s'en remettre à « l'évolution naturelle des choses » . L'inventaire des causes diverses de « l'emballement » des frais de justice en atteste manifestement : « l'envolée » neutralise une part grandissante du renforcement des moyens accordés à nos juridictions.

a) Un besoin croissant de justice

L'attente grandissante des citoyens à l'égard de la justice constitue sans aucun doute l'une des causes de l'augmentation des frais de justice. Ceux-ci ont de plus en plus fréquemment recours à la justice civile pour traiter leurs litiges, tandis que l'intensification de l'activité des forces de sécurité (police et gendarmerie nationales) 3 ( * ) débouche logiquement sur un renforcement de celle des juridictions pénales.

Les justiciables, singulièrement les victimes d'infraction et les membres de leurs familles , exigent une justice plus efficace et attendent, à cet effet, que tous les moyens d'investigation disponibles soient mis en oeuvre. En 2004, l'évolution des affaires pénales traitées par les parquets s'est stabilisée aux alentours de 5 millions. Le nombre de délinquants mineurs poursuivis progresse de 3,3 %, tandis que les admissions à l'aide juridictionnelle ont augmenté, tant en matière civile (+ 9,6 %) que dans les affaires pénales (+ 14,4 %).

L'exigence des citoyens vis-à-vis de la justice n'est pas en soit condamnable, même si elle débouche sur une majoration des frais d'enquête .

b) Une législation coûteuse et non évaluée

L'évolution de la législation n'est pas sans incidence sur celle des frais de justice. Ainsi, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) a été créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs et mis en oeuvre par le décret n° 2000-413 du 18 mai 2000 relatif au fichier national automatisé des empreintes génétiques et au service central de préservation des prélèvements biologiques. Ce fichier était, au départ, réservé aux infractions sexuelles.

Les modifications apportées à ces textes 4 ( * ) ont eu pour objet d'étendre le champ des infractions concernées par ce fichier et, ce faisant, de majorer en conséquence les frais de justice.

Le FNAEG est aujourd'hui régi par les articles 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale (partie législative), modifiés en dernier lieu par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, et par les articles R. 53-9 à R. 53-21 du même code, dans leur rédaction issue du décret n° 2004-470 du 25 mai 2004 relatif au fichier national automatisé des empreintes génétiques.

Le FNAEG centralise les traces et empreintes génétiques concernant, notamment, les infractions sexuelles, les délits d'atteinte volontaire à la vie de la personne, le trafic de stupéfiants, le proxénétisme, la mise en péril des mineurs, les crimes et délits de vols, d'escroquerie, le recel ou le blanchiment.

Il centralise également les empreintes des suspects. Ceux-ci sont définis par le code de procédure pénale, à savoir « les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis » l'une de ces infractions.

Le FNAEG est, certes, placé sous le contrôle d'un magistrat, dont la mission effective semble essentiellement déontologique. Selon les cas prévus par la loi, l'officier de police judiciaire (OPJ) agit sous l'autorité d'un magistrat (procureur de la République ou juge d'instruction) ou d'office. Les OPJ peuvent donc, dans certaines hypothèses, prendre l'initiative d'un recours aux empreintes génétiques. Cet aspect est invoqué par la chancellerie dans le débat qui l'oppose au ministère de l'intérieur sur une éventuelle répartition des frais de justice entre les missions sécurité et justice (au sens de la LOLF), cette dernière supportant seule, en l'état, ce type de dépense (voir infra , partie I-D-2).

L'incidence financière des lois devrait pouvoir être appréciée lors de l'examen des projets de lois, ce qui supposerait une étude d'impact réelle et sérieuse . Il ne s'agit naturellement pas d'écarter par principe une évolution de la législation pour des raisons strictement financières. En l'occurrence, le FNAEG est indispensable à l'amélioration de la justice. Pour autant, une évaluation de l'impact financier aurait été utile à une meilleure anticipation de l'évolution des frais de justice, même si l'évaluation ne peut être totalement précise : elle dépend, pour une large part, de l'application qui en sera faite par les acteurs concernés (en l'occurrence, magistrats et OPJ).

Dans un autre domaine, lorsque la législation prévoit, dans le cadre d'une procédure judiciaire, des enquêtes sociales ou des examens médicaux, elle génère aussi des frais de justice.

L'évolution du droit pénal, source de frais de justice :
l'analyse de la commission des lois

En premier lieu, plusieurs réformes successives en matière pénale ont imposé des procédures qui génèrent des frais de justice et induit des dépenses nouvelles. On peut citer par exemple :

- la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection et la présomption d'innocence et les droits des victimes qui a engendré des charges nouvelles liées aux indemnités versées aux jurés d'assises siégeant en appel ou encore aux frais d'expertise psychologique ou d'enquête de personnalité correspondant aux mesures d'investigation sur les conséquences de l'infraction pour les victimes ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui a étendu les données recensées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (article 29) ; celui-ci contenait seulement 2.824 empreintes en 2002 contre 22.640 au 31 août 2004 et devrait s'enrichir de près de 10.000 profils supplémentaires ;

- la loi n° 2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants dont le décret d'application a été publié le 1 er avril 2003 qui a entraîné un volume de consultations médicales supplémentaires estimé à 25.000 ;

- la loi du 9 mars 2004 (dite « loi Perben II ») qui ne comprend pas moins de onze mesures nouvelles susceptibles d'avoir un impact sur les frais de justice (frais de location de camion, d'entrepôts pour les opérations d'infiltration, frais d'écoutes téléphoniques dans les nouvelles d'hypothèses d'intervention du juge des libertés et de la détention et du procureur de la République dans le cadre des enquêtes de fragrance, possibilité de prise en charge des frais de déplacement des victimes au cours de l'enquête...).

Source : avis de notre collègue Yves Détraigne au nom de la commission des lois sur les crédits de la justice pour 2005 (services généraux) : document Sénat n° 79 (2004-2005), tome III pages 42-43

c) Une concurrence entre le siège et le parquet ?

Votre rapporteur spécial a été convié, dans le cadre d'un séminaire sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire, organisé le 17 mai 2005 par l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), à dialoguer avec plusieurs chefs de cour, chefs de juridiction et chefs de greffe. Ceci lui a permis de mieux percevoir les interrogations des acteurs à la veille de l'entrée en vigueur complète de la LOLF.

En particulier, il a été évoqué, au cours de cette manifestation, l'incidence de la politique du parquet sur l'évolution des frais de justice, voire sur un risque de dissensions entre le siège et le parquet.

D'un côté, il ne fait pas de doute que le degré de mise en oeuvre de l'opportunité des poursuites a une répercussion sur le niveau des frais de justice engagées par une juridiction, du moins pour la justice pénale (qui représente, on l'a vu, les trois-quarts de ce poste de dépense). Ainsi, le développement de la composition pénale provoque une majoration des frais de justice 5 ( * ) .

En effet, la composition pénale implique l'intervention d'un nouvel acteur, le délégué du procureur, qui entend la personne mise en cause, lui notifie la peine et, s'il s'agit d'une amende, procède à son recouvrement. L'intervention du délégué, qui peut être recruté parmi des personnes individuelles choisies es qualité , soit parmi des salariés d'associations, est financée sur le poste des frais de justice. Toutefois, l'intervention des délégués du procureur allège la charge de travail des magistrats et greffiers. Il s'agit donc aussi d'un transfert de charges à l'intérieur des crédits de la justice.

D'un autre côté, une juridiction est « copilotée » par le siège et le parquet (le président et le procureur sont les chefs de juridiction). Le siège ne doit donc pas être opposé au parquet. D'une part, une politique pénale qui ne serait pas approuvée dans ses lignes principales par le siège se trouverait inéluctablement sanctionnée au stade du jugement. D'autre part, le parquet n'a pas « intérêt » à une dégradation des moyens de la justice civile. Ainsi, un mauvais traitement du contentieux familial pourrait « déteindre » sur le niveau du contentieux pénal, comme l'a justement observé notre collègue Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission justice (justice et accès au droit), lors du séminaire précité de l'ENM.

Ces dernières semaines, la Conférence nationale des premiers présidents de cours d'appel et celle des procureurs généraux de cours d'appel ont exposé des points de vue divergents sur cette question essentielle.

(1) Le point de vue des magistrats du siège

Ce point de vue a été exprimé, le 2 juin 2005, par une délibération votée à l'unanimité des vingt-neuf présents à la Conférence nationale des premiers présidents de cours d'appel .

Selon celle-ci « il est prévu que les crédits alloués à la justice judiciaire vont constituer un programme unique de la mission justice et que l'ordonnancement des dépenses de ce programme sera confié conjointement au premier président et procureur général de chaque cour d'appel, alors que, d'une part, chacun d'eux est investi de responsabilités fonctionnelles bien distinctes, et que, d'autre part, certaines dépenses en matière de frais de justice échappent à la décision de l'un comme de l'autre.

« Ainsi, par exemple, le procureur général, responsable dans son ressort de l'action publique sur laquelle le premier président n'a institutionnellement aucune prise, ne devrait pas, selon la logique même de la LOLF, se voir imposer le contreseing de celui-ci pour l'ordonnancement des dépenses de l'action publique.

« De même, l'architecture actuellement retenue pour la mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine judiciaire conduisant à placer la gestion des frais de justice sous la double responsabilité du siège et du parquet, les juges pourront voir leurs capacités d'investigation conditionnées par les décisions du parquet, autorité de poursuite .

« Il en ira d'ailleurs de même dans d'autres domaines essentiels au fonctionnement des juridictions comme l'allocation des moyens en personnel et en frais de fonctionnement .

« Une telle situation ne garantit manifestement pas l'indépendance des juges . ».

(2) Le point de vue des magistrats du parquet

Ce point de vue qui a été exprimé par une délibération de la Conférence nationale des procureurs généraux , le 8 juin 2005, débouche sur une conclusion inverse :

« Le premier président, ordonnateur, par hypothèse, des dépenses relatives à l'activité de jugement, ne saurait en aucune manière intervenir dans la décision juridictionnelle d'un magistrat du siège qui serait source de dépenses en matière de frais de justice, pas plus d'ailleurs que ne pourrait évidemment le faire le procureur général.

« La maîtrise des frais de justice, qui constitue un enjeu capital pour l'institution judiciaire, doit être recherchée de façon concertée par l'ensemble de ceux qui concourent à la bonne administration de la justice, à quelque niveau de responsabilité qu'ils se trouvent. Elle passe par la mise en place, par l'administration centrale, de procédures permettant d'en assurer en temps réel le suivi et d'en réduire le coût (par la passation de marchés nationaux, la création de cellules de renseignements sur les coûts comparés des prestations...), et par une prise de conscience accentuée des juridictions .

« Mais une telle maîtrise ne saurait à l'évidence porter atteinte à l'indépendance du magistrat du siège ou du parquet dans la décision qu'il prend dans le cadre de son activité juridictionnelle, que ce soit au stade de l'enquête, de l'information, du jugement, de l'exécution d'une procédure .

« Il doit donc être clairement affirmé que le principe de la libre prescription de mesures judiciaires liera de fait l'ordonnateur secondaire, auquel par ailleurs il doit être alloué les moyens budgétaires nécessaires pour faire face à ces dépenses . ».

(3) Le point de vue de votre rapporteur spécial

Votre rapporteur spécial constate que, dans ce domaine comme dans d'autres, la LOLF est moins la source que le révélateur des problèmes.

Ces points de vue contradictoires, exprimés par les chefs de cours d'appel et coordonnateurs des dépenses, « contraints par la LOLF » à s'entendre, sont riches d'enseignements.

Le problème posé porte sur l'unicité du corps judiciaire et le caractère dyarchique de l'ordonnancement mis en place pour l'administration des juridictions judiciaires.

Une telle question ne saurait être tranchée dans le cadre précis de la mise en oeuvre de la LOLF au sein des juridictions. Celle-ci porte sur les fondements mêmes de l'organisation judiciaire.

Peut-être notre « exception judiciaire française », à savoir l'unicité du corps judiciaire, devra être un jour remise en question, et le mérite de la LOLF aura alors été d'être un révélateur.

Il ne semble pas, en revanche, opportun et même simplement possible de mettre fin à cette exception avant la complète entrée en vigueur de la LOLF.

Votre rapporteur spécial reviendra plus loin sur le débat entre magistrats du siège et magistrats du parquet lorsqu'il abordera la place de la justice judiciaire dans la nouvelle nomenclature budgétaire.

d) Une gestion «  aveugle »

D'aucuns prétendent que les magistrats sont étrangers à la culture de gestion. Telle appréciation est sans aucun doute excessive, même si le caractère évaluatif des crédits de frais de justice ne constituait pas une incitation à la rigueur. Le prescripteur disposait, en quelque sorte, d'un « droit de tirage » sans limitation sérieuse.

Certes, le coût des expertises a augmenté sensiblement. Celui des examens médicaux a progressé de 22,5 % en 2003, pour partie en raison de la revalorisation tarifaire de la consultation du médecin généraliste. Les examens toxicologiques ont progressé de 39 % et les examens psychiatriques de 11 %.

Les prestations dans le domaine de la téléphonie ont progressé de 26 % en un an, représentant plus du quart des frais de justice pénale.

Cependant, le système de décision ne semble pas avoir permis une maîtrise suffisante des dépenses . Ainsi, M. Dominique Perben, alors ministre de la justice, indiquait lui-même à la presse le 22 septembre 2004, lors de la présentation du projet de budget de la justice pour 2005, qu'il n'était pas rare « de voir des prestations payées deux fois ou des factures honorées alors qu'elles ne correspondaient plus à des prestations utiles à la procédure ».

Sans remettre en cause la liberté de prescription du magistrat, on peut néanmoins souhaiter que ce dernier connaisse le coût des mesures qu'il diligente, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Cette liberté de prescription ne doit pas conduire à un abus du principe de précaution. Les très nombreux vols et pertes de téléphones portables doivent-ils systématiquement déboucher une coûteuse demande de recherche par l'opérateur de téléphonie ? La politique pénale doit conduire à certains choix et c'est le mérite de la LOLF que de contribuer à cette réflexion indispensable.

Surtout, l'importance du coût des expertises ne dispense pas d'un appel à la concurrence , qui doit bien sûr être effectué au niveau le plus approprié, qui peut, selon les cas, être l'échelon national ou celui du ressort de la cour d'appel.

Il est intéressant de noter que la chancellerie engage d'ores et déjà une politique alternative de mise en concurrence et que l'annonce de l'ouverture des négociations avec les opérateurs de téléphonie mobile a suscité, de leur part, une baisse spontanée de 10 % de leurs tarifs, comme l'a exposé à votre rapporteur spécial la coordinatrice du service administratif régional (SAR) d'une cour d'appel (voir partie I-C, ci-dessous).

e) Une progression du budget de la justice trop largement absorbée par celle des frais de justice

La progression « régulière » du budget de la justice est traditionnellement saluée et il convient, en effet, de s'en réjouir, compte tenu de son insuffisance notoire. Il est cependant important de connaître la proportion de l'augmentation du budget des juridictions qui est « absorbée » par celle des frais de justice afin qu'elle ne réduise pas trop la « marge de manoeuvre » restant disponible...

En passant de 2.017,44 à 2.103,1 millions d'euros, soit un différentiel de 85,66 millions d'euros, les dépenses ordinaires (titres III et IV) effectivement consommées en 2004 pour les services judiciaires ont progressé de 4,25 %.

Les frais de justice , pour leur part, ont évolué en dépense effective, sur la même période , de 341 à 419 millions d'euros (+ 22,87 %).

En d'autres termes, pendant que les dépenses de fonctionnement des services judiciaires progressaient de 85,66 millions d'euros, le poste des frais de justice a été majoré de 78 millions d'euros. Cela signifie que, en 2004, pas moins de 90 % de l'augmentation des crédits consommés pour le fonctionnement des services judiciaires a été absorbé par la majoration des frais de justice .

A quoi cela sert-il, alors, de reconnaître un caractère prioritaire au budget de la justice ? En sens inverse, la maîtrise des frais de justice pourrait être considérée comme une façon de renforcer les moyens généraux de celle-ci, grâce à la fongibilité asymétrique des crédits ouverte par la LOLF, en exécution.

B. UNE ÉVOLUTION INÉLUCTABLE

1. Avec ou sans LOLF, la maîtrise devient urgente

L'aggravation du montant des dépenses de frais de justice - perceptible depuis 2002 - ne provient évidemment pas de la LOLF. La nécessité d'y remédier résulte de celle de maîtriser le niveau de nos dépenses publiques, compte tenu de celui préoccupant de la dette.

Avec ou sans LOLF, il aurait bien fallu, de toute façon, parvenir à une meilleure maîtrise de la situation. La LOLF, en conférant, à partir de l'exercice 2006, un caractère limitatif à des crédits jusqu'à présent évaluatifs, n'a contribué qu'à la « révélation » d'un problème réel mais préexistant et qu'il n'est plus possible de contourner .

Il convient, au demeurant, d'observer que la LOLF ne « vise » pas particulièrement les frais de justice . En effet, sauf exceptions très spécifiques, par exemple les charges de la dette de l'Etat ou les comptes de concours financiers consentis par l'Etat, les crédits sont désormais tous, par principe, limitatifs . L'autorisation parlementaire sera donc plus précise et le gestionnaire mieux responsabilisé.

Comme votre rapporteur spécial l'exposera ci-après, la réforme budgétaire, qui ne saurait servir de bouc émissaire, n'a ni pour objet ni pour effet de remettre en cause, de quelque manière que ce soit, la « liberté de prescription du magistrat ». Une meilleure gestion devrait précisément permettre de confirmer cette liberté avec un renforcement de la transparence budgétaire. Tel est l'un des objets de la LOLF.

2. Donner priorité à la transparence budgétaire

Celle-ci suppose, au stade de la loi de finances initiale, une estimation sincère des crédits de frais de justice .

En exécution, il conviendra, d'une part, de constituer des réserves pour parer aux imprévus et, le cas échéant, de recourir à la régulation budgétaire, dont les règles ont cependant été « resserrées ». La difficulté majeure éventuelle se résoudra dans le cadre d'une loi de finances rectificative, tandis que la loi de règlement permettra de vérifier la sincérité de la loi de finances initiale et, si nécessaire, d'en tirer toutes les conséquences utiles.

Les frais de justice ont cessé de connaître une évolution relativement linéaire pour progresser sensiblement, en 2002 (+ 10,7 %), en 2003 (+ 17,7 %) et, plus encore, en 2004 (+ 22,8 %).

A partir de l'exercice 2003, la sous-évaluation des frais de justice est manifeste (310 millions d'euros de dotation initiale et 341 millions d'euros de dépense effective, soit un dépassement de 10 %) qui a cependant été « couvert » en loi de finances rectificative, la ligne budgétaire ayant été portée à 338 millions d'euros.

Pour l'exercice 2004, la dotation initiale correspond à la dotation finale de l'année 2003, soit 338,15 millions d'euros. La dépense effective 2004 s'élève à 419 millions d'euros, soit un « dérapage » de 24 %. La loi de finances rectificative pour 2004 n'a d'ailleurs que modestement couvert ce grand écart en portant la ligne budgétaire en cause à 358 millions d'euros.

Nous ne connaissons évidemment pas ce que sera la dépense effective de frais de justice du présent exercice. Il est cependant assez surprenant de constater que la loi de finances pour 2005 prévoit une dotation initiale équivalente à la dotation finale de 2004, soit 358 millions d'euros.

Compte tenu du niveau de la dépense effective de l'an dernier (419 millions d'euros), la dotation initiale pour 2005 résulte manifestement d'une sous-évaluation qui ne répond pas à l'exigence de transparence.

Il est vrai que le crédit de frais de justice revêt toujours, cette année, un caractère évaluatif. Une telle sous-évaluation ne serait pas admissible à l'avenir, s'agissant alors de crédits limitatifs.

Selon la chancellerie, la détermination des crédits des frais de justice pour 2006 pourrait se faire de la manière suivante :

- un « socle » correspondant aux seuls crédits pour 2005 figurerait en autorisation d'engagement et en crédit de paiement, pour manifester une volonté de maîtrise de ces dépenses ;

- la différence entre les crédits consommés en 2004 et ceux pour 2005 ne serait prévue qu'en autorisation d'engagement, afin de garder la capacité effective de répondre aux nécessités

3. Une régulation inévitable mais mieux encadrée

Il n'en demeure pas moins que le montant des frais de justice ne pourra jamais être évalué d'une manière absolument certaine, ne serait-ce qu'en raison des coûts exceptionnels de certains dossiers aussi lourds qu'imprévisibles (voir ci-dessus, partie I-A-1).

C'est pourquoi la chancellerie a prévu, à partir de l'exercice 2006, la constitution d'une réserve au plan national et de réserves à l'échelon des cours d'appel.

Celle-ci devrait être fixée à 8 % des crédits au niveau de chaque cour d'appel.

Naturellement, la régulation budgétaire pourra s'avérer utile, mais dans le cadre plus strict fixé par la LOLF 6 ( * ) .

Ainsi, des virements pourront modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère. Le montant cumulé, au cours d'une même année, des crédits ayant fait l'objet de virements ne pourra cependant pas excéder 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes concernés. Une information préalable des commissions parlementaires compétentes devra avoir été effectuée.

En cas d'urgence, des décrets d'avance , pris après avis du Conseil d'Etat et des commissions des finances, pourront ouvrir des crédits supplémentaires, sans affecter l'équilibre budgétaire défini par la loi de finances, après annulation de crédits ou constatation de recettes supplémentaires. Le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne pourra excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année. De telles avances devront être ratifiées par le Parlement dans une loi de finances rectificative.

Les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année pourront être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, sous la réserve qu'ils ne majorent pas les crédits de personnel.

Les crédits de paiement disponibles à la fin de l'année pourront être reportés à l'exercice suivant sur le même programme ou sur un programme poursuivant les mêmes objectifs , ce qui signifie que des crédits du programme « justice judiciaire » disponibles en fin d'exercice, pourraient « renforcer » éventuellement le poste des frais de justice de l'exercice suivant. Les reports sont globalement plafonnés à 3 % de l'ensemble des crédits initiaux inscrits sur les mêmes titres du programme concerné, d'une part pour les dépenses de personnel, et d'autre part pour les autres dépenses 7 ( * ) .

En outre, si les réserves régionales et nationale et si les dispositions ci-dessus récapitulées sur la régulation budgétaire ne suffisaient pas à répondre aux besoins imprévus, il restera toujours la possibilité d'avoir recours à l'autorisation parlementaire dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative .

Enfin, le projet de loi de règlement , dont l'importance est renforcée par la LOLF sera, pour votre commission des finances et, en l'occurrence votre rapporteur spécial, l'occasion d'un examen attentif de l'exécution budgétaire, dans l'esprit d'en tirer toute conséquence utile lors de l'examen du projet de loi de finances qui suivra.

C. DES MARGES DE PROGRESSION SENSIBLES

Sans entraver le fonctionnement de la justice, il est possible, par une meilleure gestion de réduire le niveau des frais de justice. A cet effet, la chancellerie a engagé un « plan de bataille », qui pourrait être utilement complété par une mutualisation de bonnes pratiques.

1. Les efforts de la chancellerie

La circulaire ministérielle du 30 mai 2005, adressée aux chefs de cour 8 ( * ) , relative aux modalités de préparation des budgets opérationnels de programme (BOP), et aux demandes budgétaires pour 2006 a été communiquée à votre rapporteur spécial. Son annexe E, relative aux frais de justice, fait le point sur les chantiers de la chancellerie en vue de maîtriser les frais de justice.

L'action de la chancellerie par la maîtrise des frais de justice

Chantiers en cours à la chancellerie en vue d'une meilleure maîtrise des frais de justice :

I.) Maîtriser les coûts induits par les analyses d'identification par empreintes génétiques réalisées pour alimenter le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG)

Dans le domaine des empreintes génétiques, des travaux ont été engagés en vue d'une tarification, par le CPP, des analyses génétiques standard, afin d'en faire baisser le coût unitaire facturé par les laboratoires, beaucoup trop élevé par rapport au coût de revient estimé.

De même, il a été décidé de mettre en place un dispositif permettant de réguler la répartition des réquisitions entre les laboratoires publics et privés, afin d'éviter que ces derniers ne soient surchargés. A terme, il s'agira de mettre en concurrence les laboratoires privés sur un marché prédéfini afin de réduire le coût des prestations pour le ministère de la justice. Enfin, il est envisagé de modifier le décret du 6 février 1997 afin de pouvoir agréer des laboratoires européens et développer ainsi l'offre des laboratoires privés.

II.) Diminuer le coût des interceptions téléphoniques

Le ministère a engagé des négociations avec les différents opérateurs de téléphonie mobile et fixe. Cette démarche s'inscrit dans le droit fil des travaux conduit par la Mission Hirel. Quatre pistes d'économies sont envisageables à plus ou moins court terme.

1) Un geste commercial sans compensation (effet prix)

Un geste commercial a été demandé aux opérateurs afin qu'ils consentent unilatéralement une remise sur leur tarif. Dans un contexte budgétaire contraint et compte tenu des fortes croissances en volume des réquisitions, les opérateurs ont compris le bien fondé de la demande du ministère, qui se trouve confronté à un effet ciseaux. Il semblerait qu'un toilettage des tarifs soit possible sans pour autant que l'effet volume puisse être compensé par les baisses tarifaires. Les opérateurs feront des propositions, bien qu'ils mettent en avant le fait de ne pas réaliser de marges sur ces prestations.

2) Une remise conditionnée à des efforts organisationnels

Des remises pourraient être effectuées par les opérateurs sous réserve que le ministère s'engage dans des réformes qui auraient pour conséquence de dégager chez les opérateurs des gains de productivité.

Cette recherche d'une plus grande efficience est envisagée grâce à l'automatisation et l'harmonisation des demandes de réquisitions judiciaires d'une part, et par un allègement de la procédure de facturation d'autre part.

3) Annuaire en libre consultation pour les numéros de téléphones mobiles

L'immense majorité des réquisitions judiciaires portent sur des demandes d'identifications d'abonnés ou de numéros de téléphones (estimée à 90% pour Orange en 2003). Or, ces demandes sont facturées à un prix élevé (9,15 euros). Il est clair que toute méthode ou décision visant à baisser ces coûts d'identification peut se révéler, d'un point de vue économique, très intéressante.

4) Abonnements temporaires France Télécom

Les interceptions légales de communications mobiles nécessitent, pendant la durée de la prestation, le raccordement des équipements d'écoutes installés auprès des OPJ au réseau de l'opérateur mobile sur lequel l'abonné à intercepter est situé. A l'heure actuelle, ce raccordement est réalisé par des lignes temporaires France Télécom qui sont facturées près de 200 € par prestation. Dans le cadre de travaux interministériels, une réflexion est menée en vue de favoriser la centralisation des écoutes, sur un plan régional ou national. Une telle centralisation permettrait en effet, de disposer de lignes permanentes.

III.) Diminuer le coût de la facturation en matière de réquisitions téléphoniques

Le coût élevé des facturations (15 euros par facture) réalisées par les opérateurs de téléphonie s'explique d'une part, par la contrainte que représente la nécessité d'une facturation à l'acte et d'autre part, par les modalités de traitement auxquels les opérateurs étaient soumis. En effet, il leur était demandé de rapprocher systématiquement le mémoire de frais de l'original de la réquisition, ce qui impliquait de fortes dépenses en « temps agent ».

Au vu de ces éléments, la chancellerie s'est donné pour objectif de simplifier le traitement de ces factures. Dans cette perspective, des instructions ont été adressées par voie de circulaire aux juridictions. En effet, il s'agissait de modifier les modalités d'envoi des réquisitions aux opérateurs, ainsi que de clarifier la nature et la liste des pièces que doit produire le prestataire à l'appui de sa demande de paiement (Circulaire du 18/06/04 ; SJ.04-163-JUSTICE-BUDGET).

En vertu de ladite circulaire, la saisine de l'opérateur est désormais effectuée par une réquisition, qui lui sera adressée uniquement par voie de télécopie et qui ne doit plus être suivie de l'envoi de l'original de la réquisition. L'exigence de la seule télécopie emporte pour les opérateurs des gains importants en temps agents et permet, en outre, à la chancellerie de mettre fin aux risques de double paiement qui ont pu être constatés. Le coût des facturations devrait donc diminuer. Des discussions en ce sens sont actuellement menées avec les opérateurs. Toutefois, une baisse significative des coûts de facturation supposerait l'abandon d'une facturation systématique à l'acte et l'adoption d'une méthode de paiement par facture récapitulative, ce qui était impossible sans les simplifications apportées par la circulaire.

Une telle démarche ouvrirait la voie à de nouvelles formes de négociation avec les opérateurs. Le bordereau devrait indiquer le nombre de prestations réalisées et en toute hypothèse, il demeurera indispensable de joindre la réquisition à la facture. Une telle solution pose le problème des modalités de transmission et de contrôle. Une Délégation interministérielle aux interceptions judiciaires mise en place en 2005 à la suite des conclusions du rapport Hirel devra, entre autres, réfléchir sur ce point.

IV.) Diminuer le coût de location des appareils d'écoutes

Environ huit entreprises, dont deux en position dominante, interviennent sur ce marché. Par ailleurs, au prix de la location des appareils d'écoute est associé le coût d'installation de la ligne temporaire France télécom qui s'élève à près de 200 € par écoute.

Le secteur connaît des évolutions technologiques importantes puisque de nouveaux intervenants (Elektron) ont développé la technologie numérique ainsi que la centralisation des écoutes. Ces innovations permettent de s'affranchir des coûts d'installation des lignes temporaires France Télécom et rendent possible la retranscription de données numériques de type SMS.

Deux phases de négociation ont été conduites, dans un premier temps avec les acteurs majeurs du marché, puis avec l'ensemble des intervenants connus de l'administration centrale. A périmètre constant, elles ont permis de diminuer les tarifs de 10 à 15 %. Une circulaire vous parviendra prochainement. Celle-ci détaillera les tarifs pratiqués par les différents loueurs.

V.) Création d'une Délégation interministérielle aux interceptions judiciaires

Plusieurs départements ministériels sont impliqués dans la mise en place des interceptions téléphoniques judiciaires : justice, défense, intérieur, économie-finances-industrie. Or, jusqu'à présent, il n'existait pas de structure administrative particulière pour centraliser et arbitrer les questions liées à ces problématiques. Cette lacune pouvait poser des difficultés aux interlocuteurs de l'administration. De plus, des risques d'incohérence pouvaient apparaître dans la mise en place de nouveaux dispositifs liés aux évolutions technologiques.

Le rapport Hirel a proposé la création d'une délégation interministérielle pour coordonner l'ensemble des conditions d'exploitation, notamment financières, des interceptions judiciaires. Une réunion au cabinet du Premier ministre a acté le principe de cette délégation qui serait rattachée au garde des sceaux, ministre de la justice et présidée par un magistrat. Depuis, des groupes de travail interministériels justice-défense intérieur se sont réunis pour étudier les aspects tant budgétaires et financiers, que techniques ou fonctionnels afin d'alimenter la réflexion de la délégation.

VI.) Formaliser les nouveaux circuits comptables des frais de justice

La nature évaluative des crédits de frais de justice justifiait, jusqu'à ce jour, qu'il n'y ait pas de comptabilité des engagements. La LOLF a pour effet de rendre ces crédits limitatifs. Le système actuel ne permet pas d'assurer un réel suivi des dépenses, ce qui rend difficile toute tentative de rationalisation (à l'heure actuelle, il est par exemple très difficile de réaliser des économies d'échelle). Or, un tel suivi devra obligatoirement être mis en place puisque l'application de la LOLF obligera les cours à évaluer a priori leurs dépenses en matière de frais de justice, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par ailleurs, il était essentiel de faire en sorte que le préfet ne soit plus ordonnateur secondaire de ces crédits en 2006. C'est la raison pour laquelle le décret du 24 mai 2004 confie aux chefs de cour cette qualité. L'ensemble de ces réformes impose aujourd'hui une refonte du circuit d'engagement et de paiement.

Le mécanisme Autorisation d'engagement/ Crédits de paiement (AE/CP) suppose la tenue d'une double comptabilité qui soit en mesure, de suivre de manière la plus fine et réactive possible, la consommation des autorisations d'engagement, tout comme celle des crédits de paiement. La recomposition de l'ensemble du circuit de la dépense doit aboutir à l'organisation de modalités de contrôle plus efficaces, ce qui suppose l'élaboration d'un outil informatique adéquat. A terme, la mise en place d'une comptabilité d'engagement aboutira à une meilleure maîtrise des frais de justice, notamment par le biais d'une meilleure identification des coûts. On disposera alors, d'une réelle connaissance du volume et du nombre de prestations par nature d'acte, ainsi que des coûts moyens pratiqués.

La mise en place d'un réel suivi de la dépense, une centralisation des engagements et la tenue d'une double comptabilité devraient permettre d'aboutir à une plus grande lisibilité de la dépense. Or, c'est précisément cette connaissance et cette lisibilité qui pourront ouvrir la voie à un véritable mouvement de rationalisation des dépenses de frais de justice car cette meilleure vue d'ensemble permettra de relever les dysfonctionnements, de prendre la mesure des évolutions et donc de mieux les anticiper, d'être à même de négocier les tarifs, de procéder à une véritable mutualisation de la dépense ...

Sous l'impulsion du garde des sceaux, a été mis en place, au mois de septembre 2004, un groupe de travail chargé d'élaborer des propositions d'organisation du circuit d'exécution de la dépense. En effet, la comptabilité des engagements est aujourd'hui inexistante et de nouveaux circuits de paiement devront être établis (mandatement ou paiement par les régies). Le groupe de travail devrait remettre ses conclusions dans les semaines à venir.

La mise en oeuvre de ces réformes nécessite la mise en oeuvre d'un outil informatique permettant la tenue d'une comptabilité des engagements juridiques des frais de justice en cours de développement dans la cour d'appel de Lyon, application dénommée FRAIJUS, qui devrait permettre le suivi budgétaire des frais de justice et le suivi analytique des dépenses par prescription, par procédure, par juridiction, et le cas échéant par prescripteur.

VII.) Créer un outil de suivi informatique

Le but de l'application en cours d'élaboration est de permettre de suivre une comptabilité budgétaire et comptable des frais de justice par juridiction, à partir de leur engagement juridique par une consommation des autorisations des engagements jusqu'à l'ordonnancement par les chefs de cour en leur qualité d'ordonnateur secondaire, avant paiement pour les montants supérieurs à 2.000 € ou après paiement par les régisseurs pour les sommes inférieures ou égales, qui soldera l'autorisation d'engagement initialement ouverte.

L'application en cours de développement est destinée à être utilisée par l'ensemble des prescripteurs de frais de justice au sein des services judiciaires à compter du 1er janvier 2006.

Toutefois, une partie des frais de justice sont prescrits par des personnes extérieures aux services judiciaires, les OPJ, qu'ils agissent d'initiative ou sur réquisitions du parquet ou commissions rogatoires d'un juge d'instruction.

Des réunions techniques ont débuté avec le ministère de l'intérieur et celui de la défense pour mettre en place les modalités de transmission électronique des prescriptions des OPJ pour permettre un suivi précis de la consommation des autorisations d'engagement.

Avec cet outil informatique, il sera possible :

- de suivre la consommation des autorisations d'engagement et d'alerter pour mettre en oeuvre les procédures d'abondements supplémentaires des dotations et permettre la continuité de l'activité judiciaire,

- de connaître, en fin d'année, le montant des AE consommés mais non soldés qui pourront être reportées,

- de disposer de statistiques par juridictions,

- de calculer des coûts moyens par actes, pour les actes non tarifés, et par procédures.

L'application, développée au sein de la cour d'appel de Lyon, est actuellement en test sur certains services du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance de Lyon. Après validation complète des modules, elle devrait être installée dans tous les services puis sur tout le ressort de la cour d'appel de Lyon, cour qui expérimente la globalisation des crédits depuis le 1er janvier 2004. Actuellement, ne sont prises en compte que les prescriptions émanant des magistrats.

L'objectif est de doter les huit autres cours expérimentales depuis le 1 er janvier 2005 dans le courant du 3ème trimestre de cette première version du logiciel. Parallèlement, une réflexion est entreprise sur les modalités pratiques d'intégration des données en provenance des OPJ qui devrait permettre la conception d'une seconde version de l'application afin de pouvoir saisir l'intégralité des prescriptions de frais de justice, quelque soit le prescripteur. Le but est que toutes les cours d'appel disposent d'un outil complet pour le 1 er janvier 2006.

VIII.) Sensibiliser les prescripteurs aux coûts des frais de justice

Les prescripteurs des frais de justice sont constitués d'une part par les magistrats (les juges d'instruction et les parquets ordonnent les plus gros volumes de dépenses) et d'autre part, par les officiers de police judiciaire (police et gendarmerie). Ces derniers ne dépendent pas du ministère de la justice, ministère payeur. En conséquence, une sensibilisation à leur égard devra se faire sur la base d'une concertation étroite avec les ministères de la défense et de l'intérieur. Une telle action n'est pas traitée par le présent paragraphe. Il n'en reste pas moins que le budget du ministère de la justice supporte aujourd'hui de nombreuses dépenses imputées sur frais de justice dont il n'est pas directement prescripteur, ce qui rend difficile le suivi et donc la maîtrise de la dépense imposés par la loi organique.

L'acte individuel du magistrat se situe en amont de la gestion financière des frais de justice. Si le magistrat doit pouvoir accomplir sa mission sans avoir à vérifier la disponibilité des crédits, il apparaît toutefois que celui-ci se doit d'être sensibilisé à la problématique des frais de justice (étant donné que celle-ci participe de la cohérence de l'ensemble du système de justice). Cet impératif ne saurait cependant remettre en cause les principes fondamentaux de la liberté du prescripteur ou du libre choix de l'expert.

Il s'agirait tout d'abord d'exposer clairement les enjeux de la réforme budgétaire aux acteurs du monde judiciaire. La maîtrise des frais de justice doit permettre de rendre une justice de qualité par un meilleur usage de l'argent public. Il importe que cette sensibilisation intervienne en amont, au niveau de l'Ecole nationale de la magistrature, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue.

Une réflexion sur les coûts et les avantages d'une réquisition doit être menée en amont de la prescription. Une certaine ignorance des coûts rend parfois difficile une telle démarche mais la mise en place d'une comptabilité d'engagement permettra de mieux identifier le coût des différentes prestations. Dans la pratique, les réquisitions s'avèrent souvent imprécises. Le fait d'intégrer une certaine dimension économique lors de l'analyse préalable doit contribuer à améliorer la pertinence de la réquisition. En effet, une réquisition formulée en des termes très larges pourra inciter le prestataire à réaliser une mission bien plus étendue (et donc forcément plus coûteuse) que ce qui était nécessaire.

IX.) Elaboration d'un guide méthodologique sur les frais de justice

Une meilleure sensibilisation suppose également une meilleure information. Or, la matière des frais de justice couvre une très grande diversité d'actes et de mesures indispensables à l'activité judiciaire. Cette diversité est source de complexité. Sur bon nombre de points (d'ordre juridique, pratique ou financier), un besoin de clarification se faisait sentir.

Un groupe de travail composé de praticiens des juridictions et des différents services de la chancellerie a été mis en place en décembre 2004. Il a pour but d'élaborer un guide méthodologique, un véritable « petit code des frais de justice » qui constituerait un document pratique sur lequel les juridictions pourraient utilement s'appuyer. Ce document serait mis en ligne sur l'Intranet justice et serait composé de différentes fiches, à caractère juridique et pratique, qui seraient déclinées par domaine ou type de prestation.

Il doit permettre aux juridictions de disposer d'un document qui définira le périmètre exact des frais de justice, recensera les procédures qui s'imposent ainsi que les textes applicables selon les domaines concernés. Il sera donc de nature à rationaliser la dépense, uniformiser le périmètre des frais de justice mis en paiement, clarifier les relations avec les autres partenaires publics ...

Source : annexe E de la circulaire de la chancellerie du 30 mai 2005 relative aux modalités de préparation des budgets opérationnels de programmes (BOP) et aux demandes budgétaires pour 2006

2. Mutualiser les bonnes pratiques

Le caractère limitatif des crédits conduira nécessairement les gestionnaires à rechercher les bonnes pratiques, susceptibles d'engendrer des économies sans remettre en cause la qualité des décisions juridictionnelles, dans l'esprit défini par la circulaire précitée de la chancellerie, dont votre rapporteur spécial se félicite.

Ces bonnes pratiques devront être mutualisées. C'est ce que plusieurs services administratifs régionaux (SAR) ont entrepris en rassemblant, au sein de groupes de travail, les gestionnaires des juridictions du ressort, pour échanger sur leurs procédures.

Ainsi, par exemple, convient-il de veiller à ce que ne figurent dans les frais de justice que les dépenses limitativement énumérées par les textes (ce qui ne semble pas avoir été toujours le cas) et prendre le soin de réclamer à qui de droit une provision pour frais de procédure avant que la personne concernée devienne insolvable.

De même, il apparaît souhaitable de veiller à une prescription aussi précise que possible de la mission confiée à un expert, afin d'éviter les investigations portant sur un champ plus large que nécessaire, et donc trop coûteuses.

En matière de téléphonie, une information du prescripteur sur la différence de coût entre une localisation toute les trente secondes et une localisation toutes les minutes pourrait utilement guider sa décision.

Autre exemple, pour ce qui est des mises en fourrière, il peut être utile de ne pas « oublier » pendant un temps inconsidéré les épaves qui ne seront manifestement plus jamais utilisables.

D. UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE

La concertation devrait, dans les prochains mois, faire connaître les résultats provisoires des travaux qu'elle a engagés en vue d'une maîtrise des frais de justice. Il en ira de même pour la Cour des comptes.

Une concertation interministérielle sérieuse devra être engagée sur une éventuelle répartition des frais de justice entre les missions « justice » et « sécurité ».

Enfin, sur le fond, votre rapporteur spécial estime qu'une réflexion devra être engagée sur le « principe de précaution ».

1. Une enquête attendue de la Cour des comptes

La mission d'assistance du Parlement, confiée à la Cour des comptes par l'article 47 (dernier alinéa) de la Constitution, a été explicitée et précisée par l'article 58 de la LOLF.

Celle-ci permet aux commissions des finances des deux assemblées parlementaires de demander à la Cour des comptes de procéder à des enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Le 2° de cet article prévoit que les conclusions de ces enquêtes sont transmises dans un délai de huit mois à la commission qui en a fait la demande, celle-ci statuant alors sur leur publication.

Sur la base de ces dispositions, le président de la commission des finances, sur proposition de votre rapporteur spécial, a demandé par lettre en date du 1 er mars 2005 à la Cour des comptes une enquête sur les frais de justice, dont les conclusions devraient être livrées dans un délai de huit mois, donc, au plus tard, le 1 er novembre 2005.

Conformément à un usage maintenant établi, ces conclusions seront prolongées par une audition contradictoire publique et ouverte à la presse, au cours de laquelle votre commission des finances confrontera, selon des modalités à définir, les analyses de la Cour des comptes, de la chancellerie et peut-être de chefs de cours et de juridiction et d'un service d'administration régionale (SAR). Nos collègues membres de la commission des lois seront conviés à cette audition publique contradictoire.

A la suite de cette étape, votre commission des finances devrait publier un rapport de synthèse comportant en annexe les conclusions de la Cour des comptes.

En d'autres termes, les efforts de la chancellerie et des juridictions et services gestionnaires seront accompagnés par une réflexion soutenue de la Cour des comptes et du Sénat.

2. La mission budgétaire sécurité doit-elle supporter une partie de la charge financière des frais de justice ?

Le budget de la justice supporte aujourd'hui de nombreuses dépenses imputées sur frais de justice dont il n'est pas directement prescripteur, ce qui complique le suivi et donc la maîtrise de la dépense.

Ainsi, en particulier pour l'alimentation du fichier des empreintes génétiques, dans certaines hypothèses, les officiers de police judiciaire peuvent-ils d'office, en application de la loi précitée du 18 mars 2003, ordonner des expertises génétiques, alors qu'en l'état du droit antérieur l'enregistrement d'une empreinte génétique était de la compétence exclusive des magistrats du parquet qui ordonnaient l'analyse.

Faut-il alors appliquer le principe selon lequel « le prescripteur est le payeur » et donc imputer au budget de la mission « sécurité » les frais de justice résultant de la décision autonome d'un OPJ ?

En dépit des avantages budgétaires que les juridictions pourraient tirer de l'institution d'une telle répartition des charges, les magistrats sont les premiers à s'inquiéter des incidences possibles d'une telle orientation.

Tous les magistrats interrogés par votre rapporteur spécial ont fait valoir que la préservation de l'indépendance de l'autorité judiciaire impliquait que toutes dépenses diligentées sous l'autorité d'un magistrat (procureur ou juge d'instruction), même dans le cas où elles seraient engagées par un OPJ, devraient être imputées sur le budget de la justice. Il convient, en effet, de se prémunir contre tout risque de refus d'exécution de la décision d'un magistrat pour des raisons financières, compte tenu de la hiérarchisation des corps de sécurité publique (police et gendarmerie nationales).

Le ministère de l'intérieur , pour sa part, fait valoir, en premier lieu, que, quelle que soit la mission budgétaire assumant la charge, celle-ci est, de toute façon, supportée par le contribuable. Un transfert éventuel ne règlera pas, en lui-même, la question de la progression du coût des enquêtes.

Ce transfert serait, selon le ministère de l'intérieur, contraire aux principes du code de procédure pénale qui décrit précisément les missions de chacun : aux officiers de police judiciaire l'exécution des enquêtes, aux magistrats le contrôle sur l'activité de la police judiciaire.

Un tel équilibre est fragile. Le transfert de la dépense afférente aux enquêtes judiciaires le heurterait directement en chargeant le ministère de l'intérieur du contrôle de la dépense. Ce contrôle serait, de fait, à même de porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Selon le ministère de l'intérieur, ce contrôle pour indispensable qu'il soit, ne serait légitime, dans le cadre de nos institutions, que s'il était assuré par l'autorité judiciaire elle-même. En le transférant au ministère de l'intérieur, le risque de voir reprocher à la police ou à la gendarmerie d'entraver l'action de la justice en raison de contraintes budgétaires étrangères à l'enquête serait très grand.

Pour la chancellerie , il y a lieu de distinguer, parmi les prescriptions des OPJ, d'une part celles qui sont soumises à l'autorité d'un magistrat, dans le cadre d'une enquête judiciaire, dont les dépenses doivent continuer à relever de la justice, et d'autre part, celles qui relèvent de compétences propres des OPJ, dans le cadre de leur mission préventive de sécurité, pouvant donc être mises à la charge de la mission « sécurité ».

Figurent parmi les compétences propres des OPJ, l'engagement de certaines dépenses liées à la garde à vue (interprétariat, visites médicales) et celles liées aux enquêtes de flagrance, sans oublier, comme cela a déjà été évoqué, les expertises génétiques qui, depuis la loi précitée du 18 mars 2003, peuvent, dans certains cas de figure, être diligentées sans autorisation préalable par un OPJ.

Votre rapporteur spécial souhaite que la poursuite de la discussion interministérielle permette de dégager une solution susceptible de favoriser les économies budgétaires sans porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, protégée par l'article 64 de la Constitution. L'impact de la décision éventuelle devra être mesuré avec la plus grande vigilance.

3. Un « principe de précaution » à relativiser

Votre rapporteur spécial souligne l'importance de ne pas porter atteinte, ni en droit, ni en fait, à la « liberté de prescription » du magistrat . Comme on l'a déjà exposé, une meilleure gestion est susceptible d'apporter des économies appréciables.

Pour autant, le magistrat doit être clairement informé du coût de ses prescriptions, qui peut constituer un élément de sa libre appréciation.

Le « principe de précaution » peut conduire le magistrat à multiplier les expertises pour être totalement certain de découvrir l'entière vérité et, il faut bien le reconnaître aussi, pour se protéger éventuellement face à certaines « pressions médiatiques » dans les affaires les plus sensibles.

Pour autant, une justice pour tous implique que trop de moyens ne soient pas concentrés sur les affaires les plus médiatiques, au détriment de dossiers suscitant moins d'attention alors qu'ils concernent le plus grand nombre de justiciables.

Certes, le juste équilibre est difficile à trouver, dans un contexte de médiatisation plus forte de la justice et d'aspiration à une plus grande responsabilisation des magistrats, mais le principe de précaution ne peut pas, en toute circonstance, revêtir un caractère absolu.

II. UN MESSAGE BROUILLÉ : LA SORTIE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DE LA MISSION « JUSTICE »

A. UNE IGNORANCE DU RÔLE MAJEUR DE LA COUR DES COMPTES POUR LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF

1. La maquette initiale « collait » à la situation ancienne

Un premier avant-projet de nomenclature budgétaire avait été présenté par le gouvernement le 21 janvier 2004 en vue d'un examen parlementaire, notamment des commissions des finances. Sur la base des observations et suggestions des assemblées, le gouvernement a présenté un deuxième avant-projet, le 16 juin 2004, étant précisé que la nomenclature définitive, mise en oeuvre avec le projet de loi de finances pour 2006, a été présentée au Parlement, dans la perspective du débat d'orientation budgétaire (DOB) pour 2006, le 30 juin 2005.

Le premier avant-projet, celui de janvier 2004, prévoyait, au sein de la mission « gestion et contrôle des finances publiques », - mission « relevant » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie -, un programme « juridictions financières » (130 millions d'euros, 1.850 emplois), reprenant l'intégralité des crédits de l'ancien agrégat relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

Cette configuration correspondait à la situation précédente où le budget des juridictions financières « dépendait » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et où les chambres régionales relevaient - et relèvent toujours - de la gestion de la Cour des comptes . Le Premier président de la Cour des comptes était pressenti comme le responsable du programme « juridictions financières ».

Selon le schéma initial, rien ne changeait réellement pour la Cour des comptes.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat et les juridictions administratives faisaient l'objet d'un programme « justice administrative » (193 millions d'euros, 2.677 emplois) au sein de la mission « justice ».

Enfin, le Conseil économique et social (CES) faisait l'objet d'une mission mono-programme (32,9 millions d'euros).

2. Les critiques et propositions du Sénat ont été ignorées

Votre commission des finances, analysant le premier avant-projet de nomenclature budgétaire de janvier 2004 9 ( * ) , avait souhaité la création d'une mission entièrement nouvelle traduisant les fonctions de régulation et d'audit des finances de l'Etat, et reflétant, au sein même de la nomenclature budgétaire, l'objectif fondateur de la LOLF de transparence et de lisibilité de l'action publique .

A cet effet, votre commission des finances avait proposé l'institution d'une mission « transparence et régulation de l'action publique », constituée de deux programmes :

- « juridictions financières » ;

- « autorités administratives indépendantes ».

Le programme « juridictions financières » aurait donc regroupé les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Le souhait de soustraire la Cour des comptes du « giron de Bercy » s'appuyait sur la nouvelle mission confiée à celle-ci par le 5° de l'article 58 de la LOLF de « certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat. Cette certification est annexée au projet de loi de règlement et accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ». Le certificateur ne doit pas voir ses moyens dépendre du certifié, et cela d'autant plus que la sincérité des comptes de l'Etat constitue désormais un principe budgétaire « de plein rang ».

La mission « transparence et régulation de l'action publique », qui aurait revêtu un caractère interministériel, aurait comporté un second programme regroupant certaines autorités administratives indépendantes .

Cette solution aurait assuré « la séparation des crédits du régulateur des administrations compétentes, en évitant que la règle de fongibilité au sein d'un programme ne s'opère au détriment du régulateur ».

Selon les propositions de votre commission des finances, les juridictions administratives, Conseil d'Etat y compris, seraient restées au sein de la mission « justice ». Le Conseil économique et social aurait cessé d'être une mission « monoprograme » pour figurer comme programme au sein d'une mission « Premier ministre ».

Les propositions de votre commission des finances, singulièrement celle concernant la « sortie » de la Cour des comptes de la sphère du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, n'avaient pas, à l'époque, suscité d'échos, y compris de la part de la Cour des comptes elle-même.

Le deuxième avant-projet de nomenclature budgétaire, publié le 16 juin 2004, n'a, en effet, aucunement changé le positionnement de la Cour des comptes et des juridictions financières ainsi que celui du Conseil d'Etat et des juridictions administratives.

B. UNE « PROMOTION » COMPRÉHENSIBLE POUR LA COUR DES COMPTES

1. Les démarches du nouveau Premier président de la Cour des comptes

Peu après sa nomination, M. Philippe Seguin, Premier président de la Cour des comptes, marquait sa préoccupation d'une meilleure définition de son positionnement institutionnel.

A l'occasion de son allocution lors de la séance de rentrée solennelle de la Cour des comptes, le 19 janvier 2005 , il a convenu de ce que l'étroite dépendance de la Cour vis-à-vis du ministère chargé des finances ne lui avait jamais « porté préjudice », ajoutant que « cette solution, empirique, paraissait aujourd'hui remise en cause sous l'effet de deux facteurs : la revendication par le Parlement d'une collaboration toujours plus étroite de la Cour à la préparation de ses délibérations et, d'autre part, l'intervention de la LOLF ». C'est pourquoi le Premier président a décidé de « solliciter du gouvernement qu'il veuille bien rechercher, avec nous, les voies et moyens susceptibles de remédier à cette situation, le rattachement du programme des juridictions financières à la mission des pouvoirs publics apparaissant, de prime abord, comme la solution la plus naturelle. Monsieur le président du Conseil constitutionnel pourrait témoigner que je ne sors pas de mon rôle en formulant cette proposition. N'est-ce pas le Conseil qui, dans sa décision du 25 juillet 2001, a affirmé -je cite- qu'il appartiendra aux autorités de la Cour de faire en sorte que l'équilibre voulu par le constituant ne soit pas faussé au détriment de l'un (des) deux pouvoirs » ?, a demandé M. Philippe Séguin.

Cette déclaration du Premier président de la Cour des comptes a été suivie par diverses démarches de ce dernier en direction des assemblées parlementaires et du gouvernement.

2. Un arbitrage favorable à l'ensemble des juridictions financières et administratives

Les différentes discussions entre le gouvernement, le Parlement et la Cour des comptes ont permis de parvenir à la conclusion que, si la sortie de celle-ci de la sphère budgétaire de Bercy s'imposait, compte tenu de sa mission de certification des comptes de l'Etat, le rattachement aux dotations des pouvoirs publics 10 ( * ) ne pouvait être retenu .

Outre le défaut de légitimité issue du suffrage universel et le risque de demandes similaires , notamment de la part du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, il était observé que le programme « juridictions financières » regroupait non seulement les crédits de la Cour des comptes mais aussi ceux des chambres régionales des comptes, lesquelles ne sont ni mentionnées dans la Constitution, ni dotées de compétences spécifiques par la LOLF.

Aussi, le Premier président de la Cour des comptes s'est montré ouvert à la création de toute autre mission de nature à garantir l'indépendance de la Haute juridiction vis-à-vis du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Selon l'article 7-I (deuxième alinéa) de la LOLF, « seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une mission ». L'arbitrage ne pouvait donc être pris que par le gouvernement .

Dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, prévu par l'article 48 de la LOLF en vue du débat d'orientation budgétaire (DOB) et devant comporter la nomenclature budgétaire prévue pour le prochain projet de loi de finances, le Premier ministre a confirmé l'arbitrage rendu en la matière et qui avait été présenté devant la Cour des comptes le 9 mai 2005.

Une mission « conseil et contrôle de l'Etat », rattachée au Premier ministre, sera créée et constituée de trois programmes :

- le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » , qui cessera donc d'appartenir à une mission relevant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » , qui cessera d'appartenir à la mission justice (sous l'appellation « justice administrative ») ;

- le programme « Conseil économique et social » , qui constituait, dans les avant-projets, une mission à elle seule.

Les crédits de cette mission, sans bénéficier du régime des dotations - réservé par la LOLF notamment aux pouvoirs publics - feront l'objet de règles dérogatoires de gestion, qui restent à préciser , notamment en matière de régulation budgétaire. En particulier, les gels de crédits seront en principe soumis à l'acceptation du responsable de programme (respectivement le Premier président de la Cour des comptes, le vice-président du Conseil d'Etat, le président du Conseil économique et social) 11 ( * ) .

En définitive, cet arbitrage, incontestable pour la Cour des comptes et le Conseil économique et social est étendu :

- à l'ensemble des juridictions financières (chambres régionales des comptes) ;

- à l'ensemble des juridictions administratives (Conseil d'Etat, cours administratives d'appel et tribunaux administratifs).

C. DES CONSÉQUENCES MAL ÉVALUÉES POUR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

Si la « promotion » de la Cour des comptes, du Conseil d'Etat et du CES peut se justifier, ou du moins s'expliquer, il convient de déterminer les motivations de l'extension de cette « promotion » à l'ensemble des juridictions financières et administratives, à l'exclusion des juridictions judiciaires.

1. Le rassemblement de l'ensemble des juridictions financières dans un seul programme s'impose

Selon l'article R. 212-3 du code des juridictions financières, le Premier président de la Cour des comptes 12 ( * ) « assure la gestion des magistrats et des personnels des chambres régionales des comptes ainsi que celle des moyens matériels de ces juridictions. Il ordonnance les dépenses des chambres régionales des comptes ». Un magistrat de chambre régionale des comptes est mis à disposition de la Cour des comptes, sur proposition de son Premier président, afin d'apporter son concours à l'accomplissement de ces missions.

Les articles L. 213-3 et L. 212-4 du même code prévoient respectivement que chaque chambre régionale des comptes est présidée par un conseiller-maître ou un conseiller référendaire à la Cour des comptes, et que des magistrats de celle-ci peuvent, sur proposition de son Premier président, être mis à la disposition ou détachés auprès d'une chambre régionale des comptes.

Dans l'ancienne configuration, l'agrégat 11 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie regroupait les crédits affectés à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Il en sera de même dans la nouvelle configuration, au sein du programme « Cour des comptes et juridictions financières », dont le Premier président de la Cour des comptes sera le responsable.

Il est donc clair que, à l'heure actuelle, la gestion des chambres régionales des comptes est assurée par la Cour des comptes, ce qui peut expliquer leur regroupement dans un seul programme.

Certes, la certification des comptes de l'Etat est assurée par la seule Cour des comptes, mais ceci n'empêche pas que des travaux communs à cette dernière et aux chambres régionales des comptes soient possibles et couramment pratiquées .

A titre d'exemple, la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes se sont données en l'an 2000, conformément à l'article R. 136-3 du code des juridictions financières, un programme de travail pluriannuel permettant d'appréhender les principaux aspects tant de l'enseignement scolaire que de l'enseignement supérieur : le rapport particulier de la Cour des comptes d'avril 2003 sur la gestion du système éducatif est ainsi le fruit, selon la Cour des comptes, des rapports élaborés par 67 magistrats et rapporteurs de la Cour des comptes et 48 magistrats de 17 chambres régionales des comptes, sur 109 établissements d'enseignement supérieur, 356 établissements publics locaux d'enseignement, 7 conseils régionaux, 13 conseils généraux, 21 rectorats et 13 services académiques 13 ( * ) .

En définitive, la réunion au sein d'un même programme de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes semble, en l'état, inéluctable et, d'une certaine manière, assez logique.

Compte tenu de la mission de certification des comptes de l'Etat désormais assurée par la Cour des comptes, il était nécessaire que ce programme « sorte de la sphère » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette nouvelle configuration ne semble pas soulever, en ce qui concerne les juridictions financières, de difficultés pour la mise en oeuvre de la LOLF dans les juridictions judiciaires.

Il en va différemment pour ce qui est de la « migration » du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives ».

2. La totalité des juridictions administratives doit aussi figurer dans un seul programme

Précédemment assurée par le ministère de l'intérieur, la gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a été confiée au Conseil d'Etat par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif. Depuis le 1 er janvier 1990, le vice-président du Conseil d'Etat assure ainsi la gestion des corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, depuis le 1 er janvier 1991, celle du budget de ces juridictions, ainsi que de leur greffe 14 ( * ) . L'article L. 112-5 du code de justice administrative confie au Conseil d'Etat une mission permanente d'inspection à l'égard des juridictions administratives.

Dans l'ancienne configuration, l'agrégat 12 du ministère de la justice regroupait les crédits du Conseil d'Etat, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs . La situation sera comparable au sein du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives », dont le vice-président du Conseil d'Etat sera le responsable, comme elle l'aurait été pour le programme « juridictions administratives » au sein de la mission « justice » .

Comme pour les juridictions financières, un regroupement au sein d'un même programme du Conseil d'Etat et des autres juridictions administratives apparaît tout à la fois logique et sans doute inéluctable.

En revanche, le transfert de ce programme au sein de la nouvelle mission « conseil et contrôle de l'Etat » ne s'impose pas de la même manière, puisque les juridictions administratives ne se voient évidemment pas confier une mission de certification des comptes de l'Etat, ou toute autre mission de contrôle budgétaire.

Les conséquences de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice », au regard de la justice judiciaire en particulier, ne semblent pas avoir été suffisamment mesurées.

3. Une évaluation insuffisante des conséquences de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice »

a) Le risque d'éclatement de la mission « justice »
(1) Une hypothèse évoquée par le Premier président de la Cour des comptes

La création de la mission « conseil et contrôle de l'Etat » a été annoncée, dans le cadre d'une séance solennelle de la Cour des comptes le 9 mai 2005, par M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre 15 ( * ) .

Dans sa réponse, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, s'est félicité de la création de cette mission, soulignant à juste titre que la solution retenue en ce qui concerne les juridictions financières consacrait « le principe d'équidistance de la Cour entre le législatif et l'exécutif, affirmé depuis 2001 par le Conseil constitutionnel ».

Après s'être réjoui de l'intégration dans cette mission du Conseil économique et social ainsi que du Conseil d'Etat et des autres juridictions administratives, le Premier président de la Cour des comptes a évoqué dans les termes suivants le positionnement des juridictions judiciaires et des autorités administratives indépendantes (AAI) : « Pourrais-je simplement formuler le voeu que l'intégration dans le dispositif de la LOLF de la Cour de cassation, des autres juridictions judiciaires et des autorités administratives indépendantes -avec lesquelles nous avons été également en relation étroite- puisse se faire -toutes choses égales par ailleurs- de manière aussi harmonieuse, leur indépendance n'étant pas moins précieuse à la République ».

La sortie des juridictions administratives de la mission « justice » a soulevé d'importantes interrogations au sein de la justice judiciaire.

(2) Une proposition « réactive » du Conseil supérieur de la magistrature

Dans son dernier rapport d'activité 16 ( * ) , le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a évoqué la question de son positionnement dans la nomenclature budgétaire.

Figurant, pour l'essentiel, dans l'agrégat 11 (services judiciaires) du ministère de la justice, dans l'ancienne configuration, les crédits du CSM se situeront désormais principalement au sein d'une action spécifique du programme « justice judiciaire ».

Le CSM ne considère pas cette situation comme satisfaisante. Il s'appuie sur l'article 64 de la Constitution , lui donnant mission d'assister le président de la République dans son rôle de « garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire » 17 ( * ) .

Il évoque également l'article 5 de la Constitution , chargeant le président de la République de la mission plus générale de veiller au respect de la Constitution et d'assurer, « par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat ».

Selon ce dernier rapport, le CSM, « qui n'exerce aucune responsabilité dans la gestion administrative de l'institution judiciaire, se voit en réalité confier par la Constitution une mission de régulation sui generis. Cette mission n'est analogue à aucune autre fonction exécutive ou judiciaire car elle se situe à la croisée des deux ordres de pouvoirs concernés ».

Il estime, en conséquence, paradoxal le maintien de l'inscription de ses crédits au sein de la mission reliée au ministère de la justice, le « caractère limité du volume de ces crédits » ne lui paraissant pas de nature à justifier le défaut de création d'un programme distinct.

Le CSM demande la création d'un programme spécifique qui figurerait dans la mission regroupant les dotations relatives aux pouvoirs publics.

En réponse à une question de votre rapporteur spécial, la chancellerie a fait valoir que, faute de procéder du suffrage universel, le CSM ne pouvait, pas plus que la Cour des comptes, prétendre au régime budgétaire des pouvoirs publics . Elle estime que, de fait, le CSM dispose déjà d'une autonomie financière et que ses moyens seront mieux individualisés, grâce à la création d'une action spécifique dans ce programme « justice judiciaire » .

(3) La réaction des magistrats

Dans un communiqué du 17 mai 2005, le bureau de l'Union syndicale des magistrats (USM) a demandé d'étendre au programme « justice judiciaire » le rattachement annoncé des juridictions financières et administratives à la mission « conseil et contrôle de l'Etat » .

L'USM considère qu'il s'agit « d'un enjeu majeur en matière d'indépendance de la justice », laquelle passe « par son indépendance financière vis-à-vis de tel ou tel ministre ».

En conclusion, l'USM considère qu'« il est plus que temps que la France se mette aux standards européens d'indépendance en matière de justice ».

L'intégration des juridictions administratives dans la mission « conseil et contrôle de l'Etat » a suscité une controverse ou en a peut-être constitué le prétexte. Les Premiers présidents de cours d'appel ont exprimé leur sentiment sur la position de la justice judiciaire au sein de la nomenclature budgétaire.

Votre rapporteur spécial a estimé intéressant de citer intégralement la position des Premiers présidents, issue d'une délibération adaptée à l'unanimité des 29 présents à leur conférence nationale.

DÉLIBÉRATION DE LA CONFÉRENCE NATIONALE
DES PREMIERS PRÉSIDENTS DE COUR D'APPEL

Conscients de la nécessité de faire participer pleinement l'institution judiciaire à la modernisation de l'Etat au travers notamment de la réforme ambitieuse de la Constitution financière, les premiers présidents constatent que les conditions actuelles de l'entrée des juridictions judiciaires dans le nouveau dispositif de la loi organique relative aux lois de finance (LOLF) et les choix opérés par le ministère de la justice créent une confusion dans les responsabilités, rendent peu lisibles les choix budgétaires et font courir un risque sérieux à l'indépendance de la justice.

La Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel constate que la construction budgétaire envisagée pour la justice judiciaire n'est pas adaptée car elle ne permettra pas aux premiers présidents et aux procureurs généraux d'exercer pleinement leurs responsabilités respectives, qui impliquent que chaque gestionnaire dispose de la maîtrise entière des moyens qui lui sont attribués pour atteindre les objectifs fixés.

Il est impératif que la nouvelle architecture budgétaire garantisse l'indépendance constitutionnellement affirmée de l'autorité judiciaire.

Or, il est prévu que les crédits alloués à la justice judiciaire vont constituer un programme unique de la mission justice et que l'ordonnancement des dépenses de ce programme sera confié conjointement au premier président et procureur général de chaque cour d'appel, alors que, d'une part, chacun d'eux est investi de responsabilités fonctionnelles bien distinctes, et que, d'autre part, certaines dépenses en matière de frais de justice échappent à la décision de l'un comme de l'autre.

Ainsi, par exemple, le procureur général, responsable dans son ressort de l'action publique sur laquelle le premier président n'a institutionnellement aucune prise, ne devrait pas, selon la logique même de la LOLF, se voir imposer le contreseing de celui-ci pour l'ordonnancement des dépenses de l'action publique.

De même, l'architecture actuellement retenue pour la mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine judiciaire conduisant à placer la gestion des frais de justice sous la double responsabilité du siège et du parquet, les juges pourront voir leurs capacités d'investigation conditionnées par les décisions du parquet, autorité de poursuite.

Il en ira d'ailleurs de même dans d'autres domaines essentiels au fonctionnement des juridictions comme l'allocation des moyens en personnel et en frais de fonctionnement.

Une telle situation ne garantit manifestement pas l'indépendance des juges.

En outre, l'articulation du programme en deux actions civile et pénale n'est pas opérationnelle en ce sens, notamment que dans les juridictions et particulièrement dans les petites, les magistrats collaborent aux deux et passent très rapidement de l'une à l'autre au cours d'un même exercice budgétaire.

La mise en place très complexe d'un co-ordonnancement qui soumet l'exécution des budgets des juridictions à la double signature du premier président et du procureur général entraîne la confusion entre l'action publique qui relève de la seule responsabilité du procureur général hiérarchiquement rattaché au ministère de la justice et l'activité de jugement qui relève de la seule responsabilité des juges nécessairement indépendants.

La Conférence des premiers présidents demande une modification des modalités d'application de la LOLF aux juridictions de l'ordre judiciaire pour répondre à la spécificité de la fonction juridictionnelle et aux objectifs de modernisation de l'Etat.

Elle observe avec intérêt les dérogations accordées d'une part à la Cour des comptes et aux juridictions financières, d'autre part au Conseil d'Etat et aux juridictions administratives. Pour des raisons également liées à leur indépendance, ces juridictions avaient elles mêmes demandé une adaptation de la LOLF.

La séparation fonctionnelle des autorités de poursuite et de jugement exigée par la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et par le code de procédure pénale doit impérativement se retrouver dans la gestion opérationnelle des budgets.

Le garde des sceaux est organiquement le supérieur hiérarchique du ministère public et participe, en qualité de vice-président du Conseil supérieur de la magistrature, à la protection de l'indépendance des juges. Aussi convient-il, dans le cadre de la mission « rendre la justice » qui lui est rattachée, de créer non un programme unique « justice judiciaire » mais deux programmes distincts.

L'un concernera les moyens alloués aux missions du ministère public (action publique, enquête préliminaire, mesures alternatives, exécution des peines, participation aux politiques publiques du parquet, etc.), sous la responsabilité des procureurs généraux, l'autre concernera les moyens des juridictions judiciaires, c'est à dire ceux affectés à l'activité de jugement des cours et tribunaux proprement dits, confiés aux premiers présidents.

La conférence des premiers présidents demande que la direction de ce second programme, qui pourrait être intitulé « activité juridictionnelle », soit confiée à un directeur de programme, autorité désignée suivant des modalités garantissant de façon incontestable son indépendance et qui devrait être assisté d'un conseil représentatif.

Source : délibération adoptée à l'unanimité des vingt-neuf présents à Beaulieu-sur-mer le 2 juin 2005

Pour leur part, les procureurs généraux ont pris une position opposée, que votre rapporteur spécial souhaite tout autant citer dans son intégralité.

OBSERVATIONS DE LA CONFÉRENCE NATIONALE
DES PROCUREURS GÉNÉRAUX

La Conférence nationale des procureurs généraux, réunie à Paris le 8 juin 2005, a examiné les conséquences qui pourraient être tirées, pour l'institution judiciaire, de l'inclusion de la Cour des comptes et des juridictions financières d'une part, du Conseil d'Etat et des juridictions administratives d'autre part, dans une mission spécifique, intitulée « conseil et contrôle de l'Etat », dont les programmes budgétaires seront formellement rattachés au Premier ministre pour leur présentation au Parlement et pour la définition des plafonds d'emploi.

Les spécificités institutionnelles du Conseil d'Etat et le rôle particulier dévolu à la Cour des comptes dans sa mission de contrôle les placent, ainsi que les juridictions qui en relèvent, dans une situation différente de celle de l'autorité judiciaire, dont la situation, au regard de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, doit s'apprécier différemment.

Les buts généraux vers lesquels tendent les dispositions de la LOLF doivent être, pour l'autorité judiciaire, les moyens de parvenir à une meilleure qualité des décisions rendues et à une efficacité accrue de ses services.

L'application de cette réforme doit toutefois se faire dans le respect de l'indépendance et de l'identité propre des juridictions.

La nouvelle architecture budgétaire doit donc garantir, en premier lieu, l'indépendance constitutionnellement affirmée de l'autorité judiciaire qui, comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel, et tout récemment encore dans sa décision du 2 mars 2004, comprend les magistrats du siège et du parquet.

Elle doit également tenir compte de la spécificité de la mission judiciaire, sur laquelle ne saurait être plaqué, sans les adaptations nécessaires, un modèle administratif de gestion sans doute pertinent pour de nombreuses administrations, mais pas forcément pour des juridictions.

A cet égard, les dispositions relatives au programme « justice judiciaire » de la mission justice, dûment validées par le Parlement, déclinant une action « justice civile » et une action « justice pénale », correspondent bien à la logique de la spécificité judiciaire.

L'autorité judiciaire participe en effet toute entière à la mission qui lui est dévolue, celle de garantir la liberté individuelle et de rendre la justice dans le domaine de compétence qui est le sien, quel que soit le stade du processus où l'un de ses membres, magistrat du parquet ou magistrat du siège, intervient.

Le processus judiciaire ne saurait être artificiellement scindé, tout particulièrement en matière pénale. Il ne peut donc se concevoir sans une nécessaire complémentarité tant dans l'action, gage de cohérence et par conséquent d'efficacité, que dans la gestion des moyens humains et financiers des juridictions.

A cet égard, la création de deux programmes distincts, l'un pour l'activité de jugement, l'autre pour les missions du ministère public, irait à l'encontre du but recherché, en séparant artificiellement une action globale.

De surcroît, et à l'inverse de ce que recherche la LOLF, une telle création ne serait pas non plus source d'économie ou de maîtrise accentuée de la dépense. En effet, le premier président, ordonnateur, par hypothèse, des dépenses relatives à l'activité de jugement, ne saurait en aucune manière intervenir dans la décision juridictionnelle d'un magistrat du siège qui serait source de dépenses en matière de frais de justice, pas plus d'ailleurs que ne pourrait évidemment le faire le procureur général.

La maîtrise des frais de justice, qui constitue un enjeu capital pour l'institution judiciaire, doit être recherchée de façon concertée par l'ensemble de ceux qui concourent à la bonne administration de la justice, à quelque niveau de responsabilité qu'ils se trouvent. Elle passe par la mise en place, par l'administration centrale, de procédures permettant d'en assurer en temps réel le suivi et d'en réduire le coût (par la passation de marchés nationaux, la création de cellules de renseignements sur les coûts comparés des prestations...), et par une prise de conscience accentuée des juridictions.

Mais une telle maîtrise ne saurait à l'évidence porter atteinte à l'indépendance du magistrat du siège ou du parquet dans la décision qu'il prend dans le cadre de son activité juridictionnelle, que ce soit au stade de l'enquête, de l'information, du jugement, de l'exécution d'une procédure.

Il doit donc être clairement affirmé que le principe de la libre prescription de mesures judiciaires liera de fait l'ordonnateur secondaire, auquel par ailleurs il doit être alloué les moyens budgétaires nécessaires pour faire face à ces dépenses.

Le but assigné par la LOLF à toutes les administrations de l'Etat implique par ailleurs que le service public de la justice se dote d'une administration compétente, structurée et disposant des moyens d'agir avec efficacité. La scission entre un programme siège et un programme parquet ne contribuerait pas à la création d'une telle administration. Une gestion séparée du siège et du parquet engendrerait, en effet, pour tout ce qui a trait aux services communs, d'inextricables difficultés, qui ne seraient pas propices à une saine gestion des moyens budgétaires alloués aux juridictions. Elle ferait entrer l'institution dans une logique de séparation complète entre une administration judiciaire du siège et une administration judiciaire du parquet, chacune dotée de ses moyens budgétaires propres, de ses sites immobiliers distincts, de ses personnels de greffe spécifiques et de ses corps séparés de magistrat, réforme fort coûteuse pour le budget de l'Etat et lourde de menaces pour l'unité du corps judiciaire.

La Conférence nationale des procureurs généraux réaffirme donc unanimement son attachement à l'unité du corps judiciaire, qui constitue une garantie majeure de l'indépendance de la justice. Elle estime que le système dyarchique, qui en est la traduction en matière d'administration et de gestion des juridictions, est un gage d'efficacité du service public de la justice. La démonstration en est d'ailleurs quotidiennement faite dans les cours et tribunaux qui actuellement fonctionnent de la sorte sans difficulté aucune.

Elle considère que le dispositif de la loi organique relative aux lois de finances, qui va permettre une véritable déconcentration de la gestion budgétaire au niveau des cours d'appel, constitue un indéniable progrès en attribuant à celles-ci un rôle plus dynamique et une plus grande autonomie, et en conférant aux chefs de cour une plus grande responsabilité.

Elle tient pour indispensable à une meilleure gestion des juridictions, que les chefs de cour demeurent associés dans la responsabilité conjointe de l'ordonnancement secondaire, qui suppose une concertation préalable en vue de l'élaboration, à partir notamment d'indicateurs de performance fiables, d'un plan prévisionnel des besoins et des priorités de dépenses qu'il leur reviendra d'arrêter.

Sans méconnaître la spécificité qui résulte des fonctions des procureurs généraux dans l'animation et le contrôle de l'action publique, il lui apparaît que ces fonctions s'inscrivent aussi dans le cadre d'une politique de juridiction à laquelle doivent nécessairement être associés les magistrats du siège pour y prendre toute la part qui leur revient. Cette politique implique une analyse concertée au niveau des objectifs à atteindre, notamment en termes de délai de traitement des affaires, notion d'intérêt public qui s'applique tout autant au parquet qu'au siège.

Elle observe que la mise en oeuvre de cette réforme dans les cours expérimentales où elle est déjà appliquée s'est faite également sans difficulté entre les co-ordonnateurs, et sans qu'il en résulte la moindre confusion dans l'exercice de la mission judiciaire. Il serait d'ailleurs cohérent que ce principe fut également décliné dans toutes les instances impliquant une cogestion, telles que les assemblées générales des magistrats et des fonctionnaires, les assemblées générales des magistrats du siège et du parquet, les comités techniques paritaires régionaux...

Elle souligne par ailleurs que la mission dévolue à l'autorité judiciaire et les conditions particulières dans lesquelles elle l'exerce, impliquent que la dotation budgétaire allouée au ministère de la justice ne soit effectivement pas soumise aux aléas des mises en réserve de crédits, que les juridictions judiciaires, à l'instar des juridictions administratives et financières, bénéficient de procédures allégées en matière d'exécution de la dépense, que les contrôles financiers a priori soient considérablement allégés et que ceux opérés par les comptables publics le soient également.

Source : délibération des procureurs généraux des cours d'appel du 8 juin 2005

Là encore, votre rapporteur spécial constate que la LOLF agit plus comme révélateur et amplificateur que comme l'origine d'une question essentielle .

Celle-ci, qui porte sur l'unicité du corps judiciaire et le caractère dyarchique de l'ordonnancement, ne saurait être tranchée dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF au sein des juridictions judiciaires. En outre, les mois qui nous séparent du « premier exercice budgétaire LOLF », ne laissent pas la possibilité de faire évoluer une question aussi « lourde ».

b) Vers un effet « boule de neige » ?

La sortie des juridictions administratives de la mission « justice » soulève en effet la question du « risque de contagion » .

Ce risque doit être mesuré d'abord pour la mission « justice », comme les développements précédents le démontrent.

La mission « justice » sans les programmes « justice administrative » et « justice judiciaire » garderait-elle un sens, en ne « conservant que les programmes correspondant aux autres métiers de la justice » (administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, accès au droit et à la justice et pilotage de la politique de la justice) ?

La mission « justice » ainsi réduite correspondrait-elle encore à la définition qu'en donne l'article 7 de la LOLF : « une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » ?

L'effet « boule de neige » pourrait peut-être aussi concerner d'autres missions, toute dérogation pouvant favoriser d'autres exceptions.

D. VERS UNE « ÉGALITÉ DES DROITS » ENTRE CES DEUX ORDRES DE JURIDICTION ?

1. Une réponse différenciée pour les juridictions judiciaires que la Cour de cassation ne gère pas

Votre rapporteur spécial a exposé précédemment que pour les juridictions financières et les juridictions administratives, le Premier président de la Cour des comptes et le vice-président du Conseil d'Etat étaient ordonnateurs principaux pour leurs ordres de juridiction respectifs, assurant leur gestion administrative et financière. Les budgets des ordres de juridiction en cause sont « négociés » par le Premier président de la Cour des comptes et le vice-président du Conseil d'Etat. Ceci explique, en tout état de cause, que « juridiction suprême » et « juridictions inférieures » figurent dans un seul et même programme, qu'il s'agisse, d'une part, du Conseil d'Etat, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ou, d'autre part, de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes.

La situation est, de ce point de vue, différente pour les juridictions judiciaires. En effet, la Cour de cassation ne gère pas les autres juridictions judiciaires, qu'il s'agisse, notamment, des cours d'appels, des tribunaux de grande instance ou d'instance. La gestion des juridictions , comme votre rapporteur spécial l'exposera plus loin à propos de la déconcentration des crédits dans le cadre de la LOLF, s'effectue au niveau de l'administration centrale et de celui des cours d'appel, par l'intermédiaire des services administratifs régionaux (SAR).

Le maintien de l'ensemble des juridictions de l'ordre judiciaire (Cour de cassation y compris) dans un seul programme n'est donc pas fondé sur une « unité de gestion » de celles-ci, « sous la houlette » de la Cour de cassation.

D'une certaine manière, sur un plan strictement technique, le regroupement des programmes des juridictions financières et des juridictions administratives semble ne devoir produire qu'un « effet d'optique », les modes de gestion de celles-ci ne paraissant pas devoir évoluer sensiblement, sous les réserves exposées plus loin 18 ( * ) concernant l'aménagement prévu de certaines règles de gestion.

En revanche, « le départ » des juridictions administratives de la mission « justice » brouille sensiblement le message de la LOLF, en suscitant des interrogations légitimes de la part des juridictions judiciaires.

Votre rapporteur spécial, comme l'ensemble de votre commission des finances, a, dès l'an dernier, souligné la nécessité de « sortir » la Cour des comptes du « giron de Bercy », compte tenu de sa nouvelle mission de certification des comptes de l'Etat. Encore une fois, les moyens du certificateur ne peuvent dépendre du bon vouloir du certifié et les règles en vigueur de gestion des juridictions financières peuvent en effet plaider pour leur regroupement avec la Cour des Comptes au sein d'un même programme, même si ces règles pourraient évoluer.

Toutefois, le « départ » des juridictions administratives, qui semble ne devoir changer que peu de choses à leur gestion quotidienne, ne peut que semer le trouble au sein des juridictions judiciaires, au moment de la pleine entrée en vigueur de la LOLF, qui devrait, au contraire, être l'occasion de centrer l'effort sur une meilleure gestion et une meilleure performance.

Votre rapporteur spécial tient à marquer son attachement à l'indépendance de l'autorité judiciaire, constitutionnellement protégée et favorisée par la volonté des magistrats. Il doute que l'allocation des moyens par la chancellerie puisse constituer un obstacle réel et durable à l'indépendance de magistrats déterminés. Les éventuelles tentations, de la part du pouvoir central, pour « étouffer » la liberté d'appréciation des magistrats peuvent utiliser d'autres canaux .

En revanche, une amélioration de la gestion et de l'utilisation des moyens alloués par les juridictions paraît de nature, grâce aux économies réalisées, à renforcer ces moyens, dans le respect de l'effort des contribuables.

Tel est l'axe de la LOLF. La justice ne peut que gagner en indépendance par une gestion plus performante et économe en moyens .

2. Une extension aux juridictions judiciaires des règles particulières de gestion envisagées pour les juridictions administratives et financières

Lors de l'audience solennelle précitée de la Cour des comptes, le 9 mai 2005, le Premier ministre a fait connaître les lignes directrices du régime financier spécifique applicables aux trois programmes de la nouvelle mission « conseil et contrôle de l'Etat ».

Le prochain régime des juridictions financières et administratives (ainsi que du Conseil économique et social) a été exposé dans les termes.

« Le régime financier spécifique applicable à ces programmes sera fixé par une lettre que j'adresserai aux responsables de chacun d'entre eux, ainsi qu'aux ministres concernées et ce régime dérogera au droit commun.

« Il témoignera de l'autonomie de discussion dont doivent bénéficier ces institutions dans leur relation avec le ministère des finances.

« Il témoignera également de conditions favorables à une gestion sereine en cours d'exercice. La Cour des comptes, comme le Conseil d'Etat, bénéficiera d'une exonération de mise en réserve et les programmes concernés feront, dans leur ensemble, l'objet de dispositions spécifiques en matière de gestion budgétaire.

« Que tous voient dans cette décision la volonté du président de la République et du gouvernement de faire de leur indépendance un élément fondamental du bon fonctionnement de la République ».

En réponse aux interrogations exprimées par les magistrats, M. Dominique Perben, alors Garde des Sceaux, ministre de la justice, a indiqué, le 23 mai 2005, que le Premier ministre lui avait exprimé son accord « pour poser le principe qu'il n'y ait plus de gel imposé aux juridictions judiciaires, au même titre que pour les juridictions administratives et financières ».

En d'autres termes, un même régime financier spécifique sera accordé aux juridictions financières, administratives et judiciaires, les protégeant de mesures de gel parfois déstabilisatrices pour leur gestion surtout quand le « dégel » intervient en fin d'exercice, et pas toujours très transparentes, pour celles-ci comme pour le Parlement.

En l'état actuel des informations dont dispose votre rapporteur spécial, ce régime portera essentiellement, outre la régulation budgétaire, sur le contrôle financier. Selon la chancellerie, à propos de ce dernier point, il s'agirait non d'un régime explicitement dérogatoire mais d'une « application des dispositions les plus souples » du décret n° 2005-59 du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l'Etat.

Pour le surplus, c'est-à-dire pour l'essentiel, la LOLF s'appliquera pleinement et dans des conditions égales aux juridictions financières, administratives et judiciaires.

Ceci démontre clairement que la traduction de leurs spécificités dans le régime budgétaire des juridictions financières, administratives et judiciaires n'est pas liée à la création d'une mission particulière . Rien n'empêcherait, dans ces conditions, la « réintégration » du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » dans la mission « justice », tout en préservant la solution retenue pour l'ensemble des juridictions administratives, fondée sur le rôle de certification des comptes de l'Etat dévolu à la Cour des comptes.

III. DÉCONCENTRATION OU RECONCENTRATION ?

A. UNE LOGIQUE DE DÉCONCENTRATION ENGAGÉE DEPUIS 10 ANS

1. La création de services administratifs régionaux (SAR)

En un peu plus de 20 ans, le processus de gestion des juridictions a subi des évolutions sensibles qu'il convient de garder en mémoire au moment où la mise en oeuvre de la LOLF suscite des interrogations.

Jusqu'en 1983, les magistrats étaient assistés de greffiers titulaires de charges soumis à une gestion de droit privé.

Les moyens de fonctionnement des juridictions étaient alloués par les collectivités territoriales, à savoir les communes pour les tribunaux d'instance et les départements pour les tribunaux de grande instance.

Seule l'activité juridictionnelle au sens strict relevait de l'Etat.

A la suite de la vague de décentralisation du début des années 1980, l'Etat a « fonctionnarisé » les greffes et pris en charge l'ensemble de l'administration des juridictions. Une école nationale d'application des greffes (ENAG) a été créée pour assurer la formation des greffiers.

C'est en 1996 qu'a été fait le choix d'une gestion déconcentrée des juridictions au niveau des cours d'appel. A cet effet, les chefs de cour ont reçu l'appui d'une nouvelle structure de gestion, le service administratif régional (SAR).

Les SAR sont composés de fonctionnaires de justice dont l'action est animée par un coordinateur. Seuls les SAR des cours d'appel de Paris et de Rennes sont assurés par des magistrats.

Le SAR est chargé d'assister les chefs de cour (premier président et procureur général) dans les domaines du budget, de l'informatique, de la gestion des ressources humaines, de l'immobilier et de la formation. Il coordonne la gestion administrative et financière des juridictions du ressort de la cour d'appel.

C'est sur la base d'une circulaire ministérielle que les SAR ont été créés, sans que, depuis, un décret ait « consolidé » cette structure.

Puis, dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF, un décret n° 2004-435 du 24 mai 2004 (article R. 213-30 du code de l'organisation judiciaire) a fait du premier président et du procureur général de chaque cour d'appel des ordonnateurs secondaires conjoints pour les dépenses et les recettes des juridictions de leur ressort, en lieu et place des préfets, à l'exception des dépenses et recettes d'investissement . Leur signature peut être déléguée conjointement, sous leur responsabilité, à un même magistrat ou fonctionnaire de catégorie A de la cour d'appel. Ce transfert d'ordonnancement secondaire est d'ores et déjà en vigueur dans les 9 cours d'appel faisant l'objet d'une expérimentation de globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement 19 ( * ) . Il sera étendu à l'ensemble des cours d'appel à partir du 1 er janvier 2006 .

Les chefs de cour reçoivent donc la compétence pour mandater les dépenses des juridictions du ressort, via les SAR, qui doivent donc créer à cet effet une cellule d'ordonnancement secondaire. Le transfert de compétence des préfectures vers les cours d'appel est opéré sans transfert de personnel, ce qui soulève un problème sur lequel votre rapporteur spécial reviendra. Les SAR devront, de plus, désormais gérer les frais de justice et les dépenses d'aide juridictionnelle qui, précédemment, sous le régime des crédits évaluatifs, ne faisaient pas l'objet d'un ordonnancement secondaire.

De plus, les chefs de cours acquièrent la qualité de personne responsable de marché (PRM) pour leur ressort.

La LOLF apparaît donc comme poursuivant un mouvement de déconcentration amorcé depuis quelques années.

Pour autant, la culture administrative et budgétaire des services déconcentrés de la justice est donc assez récente, il n'existe pas de tradition ancienne de gestion.

2. Une accentuation du mouvement avec la LOLF

a) Les expérimentations de globalisation des crédits

Pour anticiper l'application de plusieurs dispositions de la LOLF, les ministères ont été invités à engager des expérimentations de globalisation des crédits.

A la chancellerie, la direction des services judiciaires a organisé une expérimentation en 2004 dans le ressort de la cour d'appel de Lyon et étendue celle-ci en 2005 à huit nouveaux ressorts de cours d'appel.

Cette expérimentation répond à plusieurs objectifs :

- approfondir la déconcentration et accroître les responsabilités incombant aux acteurs locaux ;

- réaliser un pilotage des moyens dans le cadre d'une dotation globale, incluant dépenses de personnel, crédits de fonctionnement et frais de justice, les chefs de cours pouvant procéder à des arbitrages au sein de cette enveloppe ;

- tester les nouvelles modalités de dialogue de gestion, tant avec la chancellerie qu'avec les arrondissements judiciaires (juridictions du ressort du tribunal de grande instance) ;

- préfigurer les processus et outils de gestion globalisée des moyens, de pilotage de la masse salariale et du plafond d'emplois et de mesure de la performance ;

- pour les frais de justice, qui deviennent limitatifs dans le cadre de l'expérimentation, mise en place d'une comptabilité des engagements ainsi qu'une analyse de ceux-ci et de nouveaux circuits de dépenses (paiement par la régie des mémoires inférieurs à 2.000 euros et mandatement par l'ordonnateur secondaire au-delà de cette somme) ;

- mise en oeuvre expérimentale par les chefs de cours de leurs compétences en termes d'ordonnancement secondaire 20 ( * ) et de personne responsable de marchés ;

- amélioration des performances, tant par rapport au passé qu'en comparaison avec les cours d'appel non expérimentales ;

- la direction des services judiciaires apporte le soutien nécessaire aux cours d'appel en leur procurant conseils et outils de pilotage ;

- l'expérimentation fait l'objet de bilans périodiques ;

- les cours d'appel expérimentales sont associées aux travaux de concertation engagés à l'échelon central dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF dans l'ensemble des juridictions judiciaires.

Les dotations globales des cours d'appel expérimentales ont été, dans le cadre de la loi de finances pour 2005, inscrites sur un chapitre particulier (37-30 : expérimentations locales : dotations globalisées) et trois articles relatifs respectivement aux dépenses de personnel (article 10), dépenses de fonctionnement (article 20) et frais de justice (article 30). L'expérimentation ne porte par sur les crédits suivants : informatique, action sociale, réparations civiles, aide juridictionnelle, subventions, équipement, opérations immobilières importantes.

Pour les frais de justice, une réserve de 15 millions d'euros est conservée en administration centrale, pour faire face aux dépassements liés à des affaires exceptionnelles ou à une évolution de l'activité (dans son volume ou sa nature). La réserve ne sera débloquée dans ces hypothèses qu'après examen contradictoire de la consommation des crédits.

Le plafond d'emploi est calculé en équivalents temps plein (ETP) rémunérés. On notera à ce sujet que les modalités d'intégration dans ces plafonds des agents non titulaires recrutés sur crédits n'ont pas encore, dans le cadre de la LOLF, été complètement déterminées.

La dotation de frais de justice a été déterminée sur la base des dépenses 2003 majorées de la moyenne des pourcentages d'augmentation en lois de finances pour 2004 et 2005.

Les dotations globales ne sont, en principe, pas abondables, sauf circonstances non prévisibles (revalorisation du point de la fonction publique, revalorisations indiciaires non prévisibles, mesures indemnitaires non prévisibles, événements exceptionnels). L'abondement éventuel serait réalisé par utilisation de la réserve de 5 % des crédits de personnel constituée en administration centrale.

Les cours d'appel doivent constituer une réserve pour aléas de 5 % des crédits délégués de fonctionnement et de frais de justice. Sauf événement imprévu, le déblocage n'est pas possible avant le second semestre 2005.

La gestion des crédits délégués est effectuée par les chefs de cour dans le respect des règles relatives à la fongibilité asymétrique (les gestionnaires peuvent « déplacer » des crédits, à l'intérieur d'un programme, sous la réserve de ne pas majorer les dépenses de personnel).

L'exécution des dépenses de personnel relève de la compétence de la cour d'appel expérimentale pour l'ensemble des juridictions de son ressort. Le SAR assure comme actuellement la gestion financière des personnels et constitue la seule interface avec la trésorerie générale en matière de rémunération.

Les frais de déplacement et les crédits d'entretien immobilier continuent d'être gérés au niveau de la cour d'appel pour l'ensemble des juridictions du ressort.

Les autres crédits de fonctionnement (fonctionnement courant) sont répartis par les chefs de cour entre les arrondissements judiciaires après concertation en conférence budgétaire régionale. Les chefs d'arrondissement judiciaire sous-répartissent l'enveloppe de l'arrondissement entre les juridictions de leur ressort après concertation en conférence budgétaire d'arrondissement. Ces crédits sont ensuite gérés par chaque juridiction du ressort.

S'agissant des frais de justice, ils feront l'objet d'un suivi budgétaire et comptable grâce à l'utilisation des outils de suivi mis à disposition des cours expérimentales par la chancellerie.

Les répartitions sont faites par cour d'appel, puis par arrondissement judiciaires et par juridictions, après conférence budgétaire, sur la base de l'exécution des gestions des derniers exercices clos.

En cas de dépassement des crédits de frais de justice, la réserve pour aléas constituée au niveau régional sera utilisée prioritairement. Le cas échéant, il pourrait être fait appel à la réserve nationale (crédits non délégués par l'administration centrale).

L'échelon de la cour d'appel constitue le niveau de mise en oeuvre de la fongibilité des crédits au sein de la dotation globale, les chefs de cour ayant été considérés comme l'échelon pertinent de programmation des moyens.

L'expérimentation de la fongibilité asymétrique s'entend notamment comme suit :

- pour les actes de gestion, la direction des services judiciaires expose son calendrier annuel des mutations et des sorties d'école ;

- les chefs de la cour d'appel doivent faire connaître à l'administration centrale, dès le début de l'année, la localisation des emplois équivalent temps plein entre les juridictions de leur ressort. Cette localisation est ensuite intégrée dans l'outil de gestion partagé des emplois. Elle doit nécessairement prendre en compte la répartition de l'effectif réel du ressort au 31 décembre 2004 et faire l'objet d'une concertation au sein du comité technique paritaire régional ;

- de même, l'utilisation du plafond d'emplois, lorsqu'elle est de nature à entraîner des répercussions sur la gestion au plan national (par exemple le recrutement d'un contractuel sur un emploi qui est susceptible de diminuer la disponibilité des emplois utilisés pour l'organisation des recrutements au niveau national), doit faire l'objet d'une information préalable de l'administration centrale ;

- les chefs de cour ont, dans la limite de leur enveloppe de crédits, une totale liberté de recruter des agents non titulaires, sous réserve qu'il s'agisse de recrutements dont l'impact financier n'excède pas l'exercice budgétaire considéré et que leurs décisions de recrutement soient conformes à la politique générale de résorption de l'emploi précaire.

Les règles statutaires et de compétences doivent évidemment être respectées.

Les marges de manoeuvre sur les dépenses de personnel déléguées à la cour d'appel peuvent abonder les dotations de fonctionnement et de frais de justice dans les conditions suivantes :

- les chefs de cour transmettent à l'administration centrale leur proposition de modification des dotations de chacun des articles considérés, accompagné de l'avis du contrôleur financier déconcentré sur la « soutenabilité » budgétaire de la réduction des crédits de personnel ;

- cette proposition est instruite par l'administration centrale, au vu de l'évaluation précise de la dépense de rémunération principale, indemnitaire et de charges et prestations sociales transmise par la cour d'appel et de la prévision d'exécution au titre des frais de justice.

Dès validation, le redéploiement de crédits s'effectue par une remontée des crédits de personnel non consommés vers le niveau central puis une nouvelle délégation à la cour d'appel du montant de ces crédits sur ceux de fonctionnement et de frais de justice.

Le dialogue de gestion , tant entre la chancellerie et les cours d'appel qu'entre ces dernières et les arrondissements judiciaires est organisé selon une périodicité trimestrielle.

Un suivi de gestion (relation des crédits consommés avec les objectifs fixés) est assuré selon la même périodicité et selon une procédure administrative déterminée par un protocole signé par l'administration centrale et chaque cour d'appel. Ce suivi, ainsi que celui de la performance, démontrent que la « liberté de gestion » accordée aux acteurs locaux demeure étroitement surveillée.

Les cours d'appel devront présenter un rapport annuel de performance dont le contenu correspond aux prescriptions de l'article 54 de la LOLF, en vue de l'élaboration du projet de loi de règlement.

b) Un handicap pour l'indépendance des juridictions ?

La compétence pour l'ordonnancement des dépenses est donc transférée du préfet aux chefs de cour. Cette compétence sera donc exercée conjointement par le premier président et le procureur général de la cour d'appel, ce qui signifie, comme on l'a déjà vu, une obligation de « gestion en commun » et donc un accord sur celle-ci entre le siège et le parquet. Concrètement, la charge nouvelle de l'ordonnancement sera supportée par les SAR, dont les effectifs n'ont malheureusement pas, jusqu'à présent, fait l'objet d'un ajustement (voir ci-après, point B de la partie III).

Les traitements, ordonnancés par la chancellerie, étaient jusqu'à présent payés par les préfectures. Cette charge est également transférée aux SAR.

Enfin, les frais de justice et d'aide juridictionnelle feront désormais l'objet d'un ordonnancement dans le cadre du régime limitatif de leurs crédits.

De prime abord, le nouveau régime pourrait sembler plus protecteur pour l'indépendance des juridictions, dont les moyens cesseront de « dépendre » des préfectures.

En réalité, le contrôle exercé par les SAR pourrait s'avérer moins formel que ne l'était celui des préfets, moins impliqués, par définition, dans la gestion des juridictions.

B. DES CONSÉQUENCES DIVERSEMENT APPRÉCIÉES

1. Une réponse aux doutes des magistrats et greffiers : le renforcement du dialogue de gestion.

Certains magistrats entendus par votre rapporteur spécial se sont interrogés sur la légitimité des greffiers en chef 21 ( * ) pour assurer, certes sous l'autorité des chefs de cour, la gestion des juridictions du ressort, du moins pour procéder aux arbitrages de crédits, élément déterminant les moyens de chaque juridiction du ressort. La plupart des magistrats n'ont cependant pas exprimé de telles interrogations, eu égard à la priorité qu'ils accordent à leurs tâches juridictionnelles, ainsi qu'au dévouement perceptible et à la compétence des personnels des SAR.

Les chefs de cour, à Paris en particulier, ont regretté que le renforcement des responsabilités et des charges des personnels de SAR n'ait pas été accompagné de mesures d'encouragement en leur faveur, ce qui les conduit parfois à des demandes de mobilité vers des postes moins « lourds » en responsabilités et charge de travail. Ils ont aussi observé que les insuffisances en personnel de gestion dans les arrondissements judiciaires (juridictions situées dans le ressort d'un tribunal de grande instance), tant sur le plan quantitatif que sur celui de la formation, conduisaient à transférer de facto l'essentiel du « poids » de la gestion vers les SAR.

Il est d'ailleurs possible que le sentiment d'une reconcentration au bénéfice des SAR, exprimé par certains magistrats corresponde, à cet état de fait : un renforcement des capacités de gestion des tribunaux de grande instance serait sans doute de nature à apaiser certaines craintes. Il est nécessaire que l'arrondissement judiciaire « fasse le poids » et puisse ainsi contribuer à un dialogue de gestion renforcée avec les SAR.

Les chefs de cour, à Paris, ont suggéré la mise en place de conseils régionaux de gestion constitués des chefs de cour et de juridictions, du coordinateur du SAR et des chefs de greffe chargés des cellules de gestion des arrondissements judiciaires. Il est vrai que, sur un plan informel, les responsables de gestions des juridictions ont généralement pris l'habitude de se concerter, politique appelée à se développer dans le cadre d'une gestion déconcentrée des crédits.

Votre rapporteur spécial a tenu à recueillir le sentiment des coordinateurs et personnels exerçant au sein des SAR des cours d'appel de Versailles, d'Aix-en-Provence et de Paris. Son premier sentiment est que ces acteurs de terrain témoignent d'une réelle volonté de répondre aux changements de procédure induits par la LOLF, quelle que soit la difficulté de la tâche, ce point méritant d'être souligné.

En revanche, coordinateurs et personnels exerçant dans ces SAR expriment quelques inquiétudes quant aux moyens dont ils disposent pour répondre au « défi » qui leur est lancé.

Ils déplorent, en particulier, une information insuffisante et tardive. Ainsi, la circulaire de la chancellerie du 30 mai 2005, relative aux modalités de préparation des budgets des cours et juridictions a-t-elle été diffusée effectivement le 7 juin 2005, et ce, sans aucune explication ou commentaire de la chancellerie. La simple prise de connaissance de ce document suppose plusieurs heures de lecture.

Les agents des SAR regrettent l'insuffisance de leur formation, en particulier pour ce qui est de l'ordonnancement secondaire, précédemment assuré par les préfectures. Ils déplorent des outils informatiques inadaptés aux nouveaux processus, et, en particulier, le défaut de chaîne informatique de gestion depuis les arrondissements judiciaires jusqu'à la chancellerie via les SAR.

La chancellerie semble désarmée pour « soutenir » les SAR, dont le bon fonctionnement repose d'abord sur la bonne volonté et la motivation de ses agents.

Les SAR réclament, comme les magistrats, un renforcement des moyens de gestion dans les arrondissements judiciaires afin de pouvoir déléguer dans de meilleures conditions à ces derniers. Il ne s'agit donc pas pour eux de chercher à s'immiscer dans la conduite des juridictions.

Ils estiment, en particulier celui de Paris, que la crainte d'une reconcentration à la faveur de la LOLF repose d'abord sur l'inconnu que représente celle-ci. Il s'agirait d'une réaction psychologique. Les plus grosses juridictions, celles qui expriment le plus une telle crainte, sont, en réalité, trop importantes pour pouvoir sérieusement redouter une immixtion trop importante des cours d'appel à la faveur de la LOLF.

Plus fondamentalement, le dialogue de gestion pourrait conjurer le risque de reconcentration. Celui-ci, qui devrait connaître assez peu de modification en la forme, va changer surtout dans son esprit. Il s'agira de passer d'une logique de simple répartition de la dotation vers un dialogue budgétaire fondé sur les moyens nécessaires et la performance réalisée. Une concertation au plan national aura permis, en premier lieu, une nécessaire répartition entre cours d'appel. Ensuite, des conférences d'arrondissements judiciaires déboucheront sur des conférences de juridictions. Un dialogue devrait donc permettre une meilleure répartition des moyens disponibles entre les juridictions.

Il s'agit de substituer au traditionnel partage de dotation une réelle demande de crédit, « justifiée au premier euro » et ajustée par un dialogue de gestion rénové .

En revanche, s'agissant des marchés publics, la complexification de la législation et de la réglementation justifie la « remontée » des compétences au niveau des cours d'appel, ce point ne paraissant pas, à ce stade, soulever d'interrogations.

2. Un transfert non compensé des charges d'ordonnancement

Les SAR entendus par votre rapporteur spécial ont tous fait valoir que le transfert vers eux des charges d'ordonnancement assurées précédemment par les préfectures n'avait pas été accompagné d'un transfert correspondant de personnel.

Selon les estimations des chefs de cour, ce transfert représenterait environ 300 équivalents temps plein. En réalité, les besoins correspondant concernent surtout les grosses juridictions.

S'ajoute à ce handicap en termes d'emplois, celui de la formation : les personnels des préfectures connaissent bien le processus, pas ceux des SAR.

Votre rapporteur spécial estime que cette question devra faire l'objet d'un réexamen .

2. La fongibilité des crédits et les BOP

Les budgets opérationnels de programme (BOP), constituent une « déclinaison locale » du programme.

Le budget opérationnel de programme (BOP)

Le budget opérationnel de programme (BOP) regroupe la part des crédits d'un programme mise à la disposition d'un responsable identifié pour un périmètre d'activité (une partie des actions du programme par exemple) ou pour un territoire (une région, un département...), de manière à rapprocher la gestion des crédits du terrain.

Le BOP a les mêmes attributs que le programme : c'est un ensemble globalisé de moyens associé à des objectifs mesurés par des indicateurs de résultat. Les objectifs du budget opérationnel de programme sont définis par déclinaison des objectifs du programme.

Source : guide méthodologique pour l'application de la LOLF (ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, Cour des comptes, Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP)

Pour le programme « justice judiciaire », 41 BOP seront constitués 22 ( * ) .

Il y aura donc une cohérence certaine entre l'ordonnancement secondaire confié aux chefs de cour et le BOP dirigé par les mêmes. On imagine mal des périmètres distincts.

Le BOP créé au niveau des tribunaux de grande instance, voire des plus importants d'entre eux, serait porteur de certaines incohérences. Il pourrait déboucher sur une rupture de la solidarité de gestion au sein des cours d'appel et conduire à des régimes budgétaires différents selon les juridictions. En outre, le montant des crédits ne peut constituer un argument en faveur de la constitution de BOP. Ainsi, 50 % des crédits du TGI de Paris sont cristallisés sur les dépenses incompressibles.

Donc, l'ordonnancement et le dialogue de gestion, d'une part avec les arrondissements judiciaires et, d'autre part, avec la chancellerie, resteront « calés » sur une seule circonscription, celle de la cour d'appel.

Les unités opérationnelles de programme (UOP) constituent les « sous-ensembles » des BOP. Pour ce qui est du programme « justice judiciaire », peu de précisions ont, jusqu'à présent, été apportées. Peut-être pourrait-il y avoir un UOP par tribunal de grande instance.

La fongibilité asymétrique des crédits - qui permet au gestionnaire des transferts de crédit à l'intérieur d'un programme, sous la réserve de ne pas majorer les crédits de personnel - sera pratiquée par le responsable du programme « justice judiciaire », à savoir le directeur des services judicaires du ministère de la justice .

Certains chefs de juridictions ont regretté une telle situation, estimant que la LOLF aurait pu permettre une meilleure responsabilisation des acteurs de terrain. Ils auraient préféré que la fongibilité intervienne au niveau des BOP.

En réalité, il convient de prendre en considération la responsabilité de gestion, confiée par la LOLF au responsable de programme qui devra en rendre compte notamment au Parlement.

Ceci étant, le responsable d'un BOP devra formuler ses demandes qui devront ensuite être arbitrées par le responsable de programme. Ce dernier devrait être conduit à entendre des demandes exprimées localement si, globalement, elles ne tendent pas à la majoration de l'enveloppe de crédits.

Il faut souhaiter cependant que des procédures de dialogue soient simplifiées, afin que la fongibilité asymétrique ne contribue pas au développement d'une « bureaucratie lolfienne ».

IV. LA MESURE DE LA PERFORMANCE : EXEMPLE OU CONTRE-EXEMPLE DE L'ASSOCIATION DES ACTEURS DE TERRAIN À LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF ?

A. UNE ASSOCIATION INSUFFISANTE DES ACTEURS DE TERRAIN

1. Les plaintes des magistrats

Des magistrats entendus par votre rapporteur spécial, ainsi que les organisations syndicales, ont déploré n'avoir pas été suffisamment associés à l'élaboration de la stratégie, des objectifs et des indicateurs de performance du programme « justice judiciaire ».

Les magistrats se sont interrogés essentiellement sur la signification des « indicateurs de qualité », s'agissant des décisions judiciaires . Ils se sont demandés si les spécificités de la justice avaient été suffisamment prises en compte et si le taux d'infirmation en appel était un critère de qualité 23 ( * ) . En outre, les magistrats se sont inquiétés de la sanction du non respect des indicateurs de performance : les difficultés vont-elles entraîner une réduction des moyens ? Enfin, l'accent a été mis sur les caractéristiques particulières de certaines juridictions, comme celle de Paris, spécialisée dans de nombreux contentieux « lourds », pour laquelle les délais de jugement ne pouvaient valablement être comparés à ceux d'autres juridictions.

Les acteurs de terrain ont-ils été suffisamment associés à l'élaboration des indicateurs de performance ? Cette question a été évoquée par notre collègue Jean Arthuis, président, dans un rapport d'information 24 ( * ) , en écho à une observation de notre collègue Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de la justice.

Une association insuffisante des acteurs de terrain

« Ainsi, le Syndicat de la magistrature, l'Union syndicale des magistrats et les syndicats de personnels des greffes ont exprimé à notre collègue de la commission des lois leur regret « de ne pas avoir été consultés à l'occasion de la définition des indicateurs, jugeant paradoxal de vouloir mobiliser les personnels sans les associer à la mise en oeuvre des modalités de l'évaluation ».

« Pour illustrer les conséquences préjudiciables d'un défaut d'association des acteurs de terrain, le rapport pour avis de notre collègue Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois sur les crédits de la justice - services judiciaires, rejoignant ainsi une observation de votre rapporteur spécial formulée dans son dernier rapport budgétaire, souligne une anomalie relevée par le Syndicat de la magistrature dans l'indicateur n° 4 de l'objectif n° 1 du programme « Justice judiciaire » de la mission « Justice ».

« Cet indicateur mesure le taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer. Bien qu'il se rapporte à des erreurs objectives, (...), cet indicateur n'évalue pas de manière pertinente la qualité des décisions juridictionnelles, compte tenu de la proportion élevée des requêtes de cette nature qui sont formulées à des fins dilatoires par la partie perdante.

« Il serait, en effet, plus pertinent que la mesure de la performance porte sur le taux de requêtes ayant effectivement abouti à une rectification d'erreur matérielle.

(....)

« A partir de cet exemple ciblé, votre commission des finances souligne l'importance d'associer étroitement les différents acteurs de terrain à la mise en oeuvre de la LOLF, notamment dès l'élaboration des objectifs et indicateurs de performance. Comment pourraient-ils être ensuite pleinement partie prenante de la mesure de la performance, dès lors qu'ils ne seraient pas associés à la définition initiale des référentiels ? Cette recommandation de bon sens pourra être rapidement mise en oeuvre pour la nécessaire révision de certains indicateurs, en s'inspirant notamment des préconisations du présent rapport d'information, et pour la construction de ceux qui ne sont pas encore disponibles, ainsi que pour les mises à jour qui s'avèreront nécessaires au fil des années.

« Votre commission des finances n'imagine pas un succès de la LOLF sans une réelle concertation avec l'ensemble de ses acteurs de terrain. A défaut, des blocages et des échecs surviendront inévitablement ».

Source : rapport précité du président Jean Arthuis, n° 220 (2004-2005)

2. La chancellerie a privilégié l'information à la concertation

Il aurait été souhaitable que les cours d'appel, reconnues comme le niveau pertinent de déconcentration des crédits, soient mieux associées à l'élaboration des indicateurs de performance, pour lesquels il est prévu une déclinaison au niveau des BOP.

La chancellerie a certes associé un premier président, un procureur général et un coordinateur de SAR à un groupe de suivi de mise en place de la LOLF, constitué conjointement avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce groupe a notamment travaillé sur les indicateurs de performance, et sur leur « mise à jour », dans la perspective du projet de loi de finances pour 2006 devant tenir compte des observations formulées par les assemblées.

Le ministère de la justice a aussi organisé un certain nombre de présentations de la LOLF, assurant donc plus une information ou une sensibilisation qu'une véritable consultation. Encore faut-il préciser que cette information semble avoir surtout eu un caractère général, les SAR regrettant précisément une insuffisance de soutien à l'initiation aux nouveaux processus. La préparation des personnels à la LOLF semble, d'ailleurs, avoir prioritairement porté sur les frais de justice, question il est vrai centrale.

En revanche, la chancellerie s'est intégrée à un groupe de travail sur la LOLF, constitué au niveau de la cour d'appel de Paris, tandis que celle d'Aix-en-Provence a fait remarquer que les informations sur les nouvelles procédures, au lieu de « descendre » de la chancellerie, étaient souvent « remontées » des SAR.

Il est vrai que la brièveté des délais - élément peut-être nécessaire au maintien d'une pression favorable à la concrétisation d'une volonté politique forte - constitue une source de difficulté, peu favorable à la concertation.

Celle-ci demeure néanmoins une condition de la réussite d'une réforme de l'importance de celle de la nouvelle Constitution financière.

Ceci étant, l'expérience devrait permettre des évolutions positives au cours des prochaines années.

B. LA RÉPONSE DE LA CHANCELLERIE

Celle-ci n'est pas restée fermée aux interrogations qui se sont exprimées, annonçant quelques orientations, même si certaines questions demeurent.

1. Des interrogations qui persistent

a) Comment mesurer la qualité des décisions juridictionnelles

Cette question a été évoquée par le rapport d'information précité de votre commission des finances, au moyen d'une comparaison entre les indicateurs proposés dans le cadre du projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2005 pour la justice judiciaire et ceux proposés pour la justice administrative 25 ( * ) .

La mesure de la qualité des décisions juridictionnelles
Mission « Justice »

Programme « Justice administrative »

Programme « Justice judiciaire »

Objectif n° 2 : Maintenir la qualité des décisions juridictionnelles

Objectif n° 1 : Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile

Objectif n° 2 : Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale

Indicateur n° 1 : Taux d'annulation par les cours administratives d'appel des jugements des tribunaux administratifs

Indicateur n° 2 : Taux d'annulation par le Conseil d'Etat des arrêts des cours administratives d'appel

Indicateur n° 3 : Taux d'annulation par le Conseil d'Etat des jugements des tribunaux administratifs

Indicateur n° 4 : Taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer (cours d'appel, tribunaux de grande instance et conseils de prud'hommes)

Indicateur n° 2 : Taux de rejet par le Casier judiciaire national (CJN) (une décision est rejetée par le CJN lorsque la décision juridictionnelle n'entre pas dans la « fourchette » prévue par la loi)

Source : avant-PAP « Justice », annexé au projet de loi de finances initiale pour 2005

Outre les défauts de coordination formelle, déjà signalés à propos des indicateurs de délai, on observe une différence essentielle entre les mesures de la performance « qualitative » des deux ordres de juridiction.

Pour la juridiction administrative, l'évaluation porte sur le taux d'annulation par la « juridiction supérieure », ce qui -indépendamment des possibles revirements de jurisprudence- pourrait comporter le risque d'incitation au « conformisme » des « juridictions inférieures ».

En ce qui concerne les juridictions judiciaires civiles, le critère du taux d'infirmation en appel n'a pas été retenu, et ce au profit de l'évaluation des seules « erreurs objectives » : la requête en interprétation (fondée sur une rédaction de mauvaise qualité), l'erreur matérielle ou l'omission de statuer.

Sous la réserve que la mesure porte sur les décisions effectivement infirmées au lieu des requêtes, compte tenu de leur caractère trop souvent dilatoire, votre commission des finances recommande un alignement de la mesure de la « performance qualitative » des juridictions administratives sur celles des juridictions judiciaires civiles.

La mesure de la « qualité » des décisions en matière pénale, construite sur la base de caractéristiques particulières (existence d'un casier judiciaire), dont l'objectivité paraît incontestable, semble pouvoir être conservée.

En tout état de cause, votre commission des finances recommande, pour la mesure de la « qualité » des décisions juridictionnelles, de s'en tenir à des critères strictement objectifs et ne nécessitant aucune appréciation de fond sur leur contenu.

Source : rapport précité du président Jean Arthuis, n° 220 (2004-2005)

Votre rapporteur spécial souhaite que la réflexion sur la qualité des décisions juridictionnelle soit approfondie et alimentée par un réel dialogue avec les acteurs de la justice : magistrats, avocats, greffiers et, pourquoi pas, justiciables.

Ces derniers pourraient sûrement souhaiter, entre autres éléments, des meilleurs délais et des décisions plus compréhensibles, encore que la « compréhensibilité » ne soit peut-être pas aisée à appréhender de manière très objective.

b) Quelles sanctions pour la contre-performance ?

Celle-ci devra-t-elle conduire à une réduction des moyens ? Une telle interrogation est souvent exprimée au sein des juridictions.

Il convient sans doute de distinguer la responsabilité politique de la responsabilité administrative.

Sur un plan politique , par un « renforcement » des conditions d'examen du projet de loi de règlement, le Parlement pourra, à partir des résultats chiffrés de la performance, tirer certaines conclusions dans la perspective du prochain projet de loi de finances. L'autorisation parlementaire sera donc précédée d'une meilleure information.

Sur un plan administratif , les choses sont moins simples. Les responsables de programme - en l'occurrence le directeur des services judiciaires à la chancellerie - seront appelés à rendre compte de leur gestion devant le Parlement, ses commissions et ses rapporteurs spéciaux ou pour avis. Certes, les chefs de cour et les chefs de juridictions devront aussi « restituer » leur gestion à « l'échelon supérieur », dans le cadre du dialogue de gestion. Sur les conséquences possibles d'une contre-performance, rien n'est clairement précisé pour l'instant. Le dialogue de gestion en vue de l'élaboration du budget des juridictions pourra sans doute intégrer les « performances » de celles-ci selon des modalités à définir. Là encore, la réflexion devra être approfondie et alimentée par un véritable échange avec les acteurs de terrain.

2. Quelques orientations de la chancellerie pour 2006

La chancellerie, interrogée par votre rapporteur spécial sur les suites susceptibles d'être données au débat auquel a donné lieu la publication, à l'automne dernier, des avant-projets annuels de performance, a formulé les principales orientations retenues dans la perspective du prochain projet de loi de finances.

Ainsi, afin de tenir compte des spécificités des différents types de contentieux, il est confirmé la création de sous-indicateurs spécifiques.

S'agissant du Casier judiciaire national , désormais entièrement automatisé, le délai retenu dans les indicateurs le concernant sera celui entre l'audience de jugement et sa transmission effective. Le projet initial faisait partir ce délai de la date de réception par le Casier judiciaire national de la décision juridictionnelle, sans tenir compte de la durée du traitement et de la saisie de cette décision par la juridiction.

Enfin, la situation particulière de certaines juridictions, résultant de certains contentieux pour lesquels elles ont une compétence exclusive ou dont, dans les faits, elles sont massivement saisies, fera l'objet d'un traitement spécial. Le responsable de programme ajoutera aux indicateurs prévus des mesures de performance spécifiques, « non labellisées PAP », qui seront utilisées dans le cadre du dialogue de gestion.

Le gouvernement a fait connaître, dans son rapport de juin 2005 sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques 26 ( * ) les objectifs et indicateurs de performance afférent aux différents programmes, retenus pour le projet de loi de finances pour 2006.

On trouvera ci-après les objectifs et indicateurs prévus pour le programme « justice judiciaire », étant précisé que les éléments soulignés sont nouveaux par rapport à ceux prévus dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2005.

Les éléments soulignés ont été ajoutés par rapport aux propositions qui figuraient dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2005.

Objectifs et indicateurs de performance retenus dans la perspective
du projet de loi de finances pour 2006 (programme « justice judiciaire
) »

Justice judiciaire

1. Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile

- Délai moyen de traitement des procédures, par type de juridiction ;

- Dispersion de la durée de traitement des affaires civiles terminées, par type de juridiction ;

- Ancienneté moyenne du stock par type de juridiction ;

- Délai moyen de délivrance de la copie revêtue de la formule exécutoire ;

- Taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer ;

- Nombre d'affaires traitées par magistrat (en emplois équivalents temps plein travaillés ) ;

- Nombre d'affaires traitées par fonctionnaire (en emplois équivalents temps plein travaillés ) ;

2. Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale.

- Délai moyen de réponse pénale ;

- Taux de rejet par le Casier judiciaire national ;

- Délai moyen de transmission des fiches de condamnation pénale au Casier judiciaire national ;

- Nombre d'affaires poursuivables traitées par magistrat du parquet (en emplois équivalents temps plein travaillés ) ;

- Nombre d'affaires pénales traitées par magistrat du siège (en emplois équivalents temps plein travaillés) ;

- Nombre d'affaires pénales traitées par magistrat à l'instruction (en emplois équivalents temps plein travaillés).

3. Amplifier et diversifier la réponse pénale

- Taux de réponse pénale ;

- Taux d'alternatives aux poursuites hors mesures de rappels à la loi.

4. Améliorer l'exécution des décisions pénales

- Taux de mise à exécution ;

- Délai moyen de mise à exécution.

5. Maîtriser la croissance des frais de justice pénale

- Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale.

6. Garantir un enregistrement rapide des décisions judiciaires et accélérer la délivrance des bulletins

- Délai de saisie à partir de la réception des fiches de jugement ;

- Taux d'informatisation des demandes de bulletins n° 1, n° 2 , n° 3 27 ( * )

- Source : tome 2 du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques (juin 2005), présenté dans la perspective du débat d'orientation budgétaire (DOB)

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 13 juillet 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a expliqué que, dans la perspective de l'élaboration du programme de contrôle budgétaire de la commission des finances, il avait engagé, pour ce qui concernait son secteur de compétence, la justice, trois pistes de réflexion, à savoir, les frais de justice, pour lesquels une enquête avait été demandée à la Cour des comptes, conformément à l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la justice à Bobigny et à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle et les contrats d'objectifs entre chancellerie et cours d'appel.

Il a indiqué qu'il lui était clairement apparu, dès le départ, qu'en cette année 2005, le premier sujet de préoccupation des magistrats et greffiers était, globalement, les conditions de mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire et, en particulier, la question des frais de justice, ce qui l'avait conduit à « convertir » en conséquence son « thème d'étude du semestre ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a évoqué successivement les quatre préoccupations principales de ses interlocuteurs : l'inquiétude majeure sur les frais de justice, la « sortie » des juridictions administratives de la mission justice, les changements induits par la déconcentration des crédits et la mesure de la performance des juridictions judiciaires.

Abordant tout d'abord la question des frais de justice (expertises, écoutes téléphoniques, interprétariat notamment), il a précisé que ceux ci étaient les dépenses laissées à la charge du budget de l'Etat, car n'incombant pas à une partie à une procédure. Il a indiqué que ces dépenses, qui incluaient aussi les frais d'enquête des officiers de police judiciaire, les OPJ, connaissaient un taux de progression de plus en plus élevé, soit 30 % en deux ans (entre 2001 et 2003), et de presque 23 % au cours de la seule année 2004, pour laquelle la dépense s'était élevée à 419 millions d'euros.

Il a précisé que les frais de justice, difficiles à évaluer précisément en amont et qui étaient jusqu'ici évaluatifs, allaient devenir limitatifs, précisant que les trois quarts des frais de justice avaient trait à la procédure pénale.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a évoqué, parmi les causes de cette évolution, le besoin croissant de justice de la part de la population, les Français ayant de plus en plus recours à la justice civile pour régler leurs différends, tandis que l'intensification de l'activité des forces de sécurité débouchait logiquement sur un renforcement de celle des juridictions pénales. Il a reconnu que l'exigence des citoyens vis-à-vis de la justice, en particulier des victimes d'infraction et de leurs proches, n'était pas, en soi, condamnable, même si elle débouchait sur une majoration des frais d'enquête.

Il a souligné, par ailleurs, qu'à l'origine des frais de justice, devait aussi être évoquée une législation instable, coûteuse et mal évaluée quant à son impact financier. Il a également évoqué les dérives d'une gestion « aveugle » des frais de justice, le prescripteur ayant pu parfois penser qu'il disposait d'un « droit de tirage » sans limite, puisque les crédits en cause étaient évaluatifs, citant à titre d'exemple les recherches engagées en cas de perte de téléphone portable qui entraînaient souvent des dépenses excessives par rapport à l'enjeu réel de l'affaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué que le champ des expertises et leur coût avaient évolué sensiblement, mais que la gestion des frais de justice pourrait être améliorée, en particulier avec la connaissance des coûts par les magistrats et par l'introduction de l'appel à la concurrence. Après avoir rappelé que la justice bénéficiait généralement d'une priorité budgétaire, il a déploré que, sur l'exercice 2004, pas moins de 90 % de l'augmentation des crédits consommés pour le fonctionnement des services judiciaires avaient été absorbés par la progression des frais de justice. Il en a déduit que la LOLF n'avait fait que révéler l'urgence du redressement de la dérive des frais de justice, qui préexistait donc à celle-ci.

Il a ajouté que les magistrats exprimaient la crainte de ne plus pouvoir diligenter des enquêtes dès lors que l'enveloppe de crédits limitatifs serait épuisée et a précisé qu'une telle perspective devait cependant être écartée, la justice étant due à tous les citoyens, « douze mois sur douze ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a ajouté que, selon la chancellerie, la détermination des crédits de frais de justice pour 2006 pourrait se faire de la manière suivante :

- un « socle » limité au niveau des seuls crédits autorisés pour 2005 figurerait en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour manifester une volonté de maîtrise de ces dépenses ;

- la différence entre les crédits effectivement consommés en 2004 et ceux autorisés pour 2005 ne serait prévue qu'en autorisation d'engagement afin de garder la capacité effective de répondre aux nécessités.

Il a observé que, pour tenir compte du caractère imprévisible des dépenses de cette nature, par exemple la survenance d'une affaire «surdimensionnée» comme celle de la pédophilie à Angers, des réserves de précaution devraient être constituées au niveau de chaque Cour d'appel et au plan national. Il a précisé, en outre, que la chancellerie ayant engagé un effort de rationalisation louable, les principales orientations du ministère de la justice étaient :

- de diminuer le coût des interceptions téléphoniques, en particulier par la promotion d'une culture de la concurrence et la négociation tarifaire ;

- de formaliser les circuits comptables des frais de justice, en créant une comptabilité des engagements afin de permettre un suivi réel des dépenses, dossier par dossier ;

- de créer un outil de suivi informatique et de sensibiliser les prescripteurs au montant des frais de justice qu'ils prescrivaient, qu'il s'agisse des magistrats (juges d'instruction et « parquetiers », en particulier) ou des officiers de police judiciaire (policiers et gendarmes).

Il a considéré, enfin, que la réflexion sur ce sujet devait impérativement se poursuivre. En particulier, il a confirmé qu'une discussion avait été ouverte sur l'opportunité d'un éventuel partage entre les missions « justice » et « sécurité » des frais de justice aujourd'hui mis à la charge de la seule justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , s'est demandé s'il fallait appliquer le principe responsabilisant, selon lequel le prescripteur serait le payeur, et transférer en conséquence à la mission « sécurité » certaines dépenses engagées par les OPJ.

Il a souligné, comme de nombreux magistrats l'avaient observé, qu'il convenait avant tout de préserver l'indépendance de l'autorité judiciaire et qu'il fallait donc se prémunir de tout risque de refus d'exécution de la décision d'un magistrat qui serait motivé par des considérations financières, compte tenu de la hiérarchisation des corps de sécurité publique (police et gendarmerie nationales).

Il a estimé, par ailleurs, qu'il appartenait aux ministres concernés de poursuivre une discussion interministérielle sur le sujet, afin de dégager une solution susceptible de favoriser des économies budgétaires, sans porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , s'est dit soucieux de préserver la liberté de prescription du magistrat, prenant en compte l'accroissement du besoin de justice au sein de la population. Il a souligné l'opportunité de relativiser le « principe de précaution », celui-ci pouvant conduire le magistrat à multiplier les expertises pour être totalement certain de découvrir l'entière vérité et pour se protéger de certaines « pressions médiatiques », parfois excessives, dans les affaires les plus sensibles, voire contre la mise en cause de sa responsabilité en cas d'erreur judiciaire.

Il a considéré que, pour autant, une justice pour tous - un objectif pour la République - impliquait de ne pas consacrer trop de moyens sur les affaires les plus médiatisées, au détriment de dossiers suscitant moins d'attention, alors qu'ils concernaient le plus grande nombre de justiciables.

Il a reconnu que le juste équilibre était difficile à trouver dans ce contexte de médiatisation de la justice et d'aspiration à une plus grande responsabilité des magistrats, estimant cependant que le principe de précaution ne pouvait plus, en toute circonstance, revêtir un caractère absolu.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a souhaité évoquer les incidences sur la justice judiciaire de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice ».

Il a précisé que, dans la « première mouture » de nomenclature budgétaire qui avait été présentée au Parlement le 21 janvier 2004, la Cour des comptes et les autres juridictions financières constituaient un programme au sein d'une mission « dépendant » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et que ces juridictions demeuraient, comme sous l'empire de l'ordonnance de 1959, « sous la coupe » de Bercy. Il a noté que les juridictions administratives figuraient au sein de la mission « justice », sur le même plan que les juridictions judiciaires et que, là encore, il n'y avait pas de changement : les juridictions, tant administratives que judiciaires, relevaient, budgétairement, de la chancellerie.

Il a rappelé que la commission avait demandé que la Cour des comptes, en raison de sa nouvelle fonction de certification des comptes de l'Etat, sorte du « giron » de Bercy, et qu'elle avait donc proposé l'année dernière la création d'une nouvelle mission, « transparence et régulation de l'action publique », constituée de deux programmes, l'un pour les juridictions financières et l'autre pour les autorités administratives indépendantes (AAI), du moins certaines d'entre elles. Il a noté que la commission avait souhaité, en revanche, que juridictions administratives et judiciaires demeurent au sein de la mission « justice ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a regretté que les propositions du Sénat n'aient pas été retenues l'an passé, et que la Cour des comptes, dans la deuxième nomenclature présentée par le Gouvernement le 16 juin 2004, soit demeurée dans le « giron » de Bercy, la situation des juridictions administratives, quant à elle, n'évoluant pas. Il a également regretté qu'une telle situation n'ait « pas ému grand monde », en dehors de la commission, et ce jusqu'à ce que M. Philippe Séguin soit installé comme Premier président de la Cour des comptes, en septembre 2004.

Il a souligné que le nouveau Premier président avait alors accompli des démarches « volontaristes » pour que la Cour des comptes ait une place particulière dans la nomenclature budgétaire, témoignant à la fois de son indépendance et de son équidistance entre Gouvernement et Parlement. Il a rappelé que, dans un premier temps, M. Philippe Séguin avait préconisé pour la Cour des comptes un statut de « pouvoir public », qui ne pouvait pas lui être accordé, sa légitimité ne procédant pas du suffrage universel. Il a ajouté, qu'en définitive, un arbitrage avait été donné par le Premier ministre le 9 mai 2005 et confirmé dans la nomenclature budgétaire définitive présentée au Parlement le 30 juin 2005.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué qu'une mission « conseil et contrôle de l'Etat » avait été créée et rattachée au Premier ministre. Elle était constituée de trois programmes : Cour des comptes et autres juridictions financières, Conseil d'Etat et autres juridictions administratives, Conseil économique et social, qui cessait donc de figurer dans une « mission mono programme ».

Il a indiqué que les crédits de cette mission, sans bénéficier du régime des dotations réservé aux seuls pouvoirs publics, feraient l'objet de règles particulières pour la détermination concertée de leur budget et de procédures d'exécution dérogatoires, les gels de crédits étant soumis à l'accord des responsables de programme, respectivement le Premier président de la Cour des comptes, le vice-président du Conseil d'Etat et le président du Conseil économique et social. Il a précisé que cet arbitrage, incontestable pour la Cour des comptes, bénéficiait aussi à l'ensemble des juridictions financières (chambres régionales des comptes) et administratives (cours administratives d'appel et tribunaux administratifs).

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a observé que la réunion, dans un même programme, de la Cour des comptes et des autres juridictions financières paraissait devoir être acceptée car leur gestion administrative et financière était commune, assurée par la Cour des comptes, et parce que les textes prévoyaient des missions communes à cette dernière et aux chambres régionales des comptes.

En ce qui concerne les juridictions administratives, il a précisé que leur gestion était assurée par le Conseil d'Etat, ce qui plaidait aussi pour leur regroupement dans un seul programme, mais il a estimé que cela ne justifiait pas, en revanche, que le programme afférent à celles-ci soit « sorti » de la mission « justice » pour être « promu » au sein de la nouvelle mission «conseil et contrôle de l'Etat». Il lui a semblé que le responsable de ce programme, à savoir le vice-président du Conseil d'Etat, aurait certainement pu obtenir de continuer à négocier directement son budget avec Bercy, comme cela se faisait depuis au moins 1945, dans le cadre du budget du ministère de la justice.

En revanche, il a relevé que les conséquences d'une telle décision sur les juridictions judiciaires ne semblaient pas avoir été sérieusement évaluées, que le risque d'éclatement de la mission « justice » ne pouvait être négligé, le Premier président de la Cour des comptes l'ayant évoqué lui-même. Il a noté que, pour commencer, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait demandé à constituer un programme spécifique dans la mission « pouvoirs publics », et que l'Union syndicale des magistrats (USM) avait réclamé le rattachement du programme « justice judiciaire » à la mission « conseil et contrôle de l'Etat ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , s'est alors demandé ce que signifierait le maintien de la mission « justice » dans ces conditions. Il a rappelé que la sortie du programme justice administrative de la mission « justice » avait suscité l'ouverture d'un vif débat ou, peut-être, constitué le prétexte de ce débat, entre siège et parquet sur leurs missions respectives au sein des juridictions, et les conséquences qui pourraient en résulter pour la mise en oeuvre de la LOLF.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a précisé que les premiers présidents de cours d'appel faisaient valoir que l'action publique relevait exclusivement du procureur, et que les dépenses afférentes à celle-ci n'avaient pas à être visées par le président. De ce fait, ils demandaient l'éclatement du programme justice judiciaire en deux programmes distincts, correspondant respectivement au siège et au parquet.

Il a ajouté que les procureurs souhaitaient, pour leur part, que le processus judiciaire ne soit pas artificiellement scindé en deux et préconisaient que le principe de la libre prescription de mesures judiciaires lie l'ordonnateur secondaire.

Il a constaté que, dans ce domaine comme dans d'autres, la LOLF était moins la source que le révélateur des problèmes, et, en l'occurrence, de débats récurrents. Il a noté que le problème posé portait sur l'unicité du corps judiciaire et le caractère dyarchique de l'ordonnancement mis en place pour l'administration des juridictions judiciaires, et qu'une telle question ne saurait être tranchée dans le cadre précis de la mise en oeuvre de la LOLF au sein des juridictions, puisqu'elle portait sur les fondements mêmes de l'organisation judiciaire.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a estimé que si l'« exception judiciaire française », à savoir l'unicité du corps judiciaire, devait être un jour remise en question, il ne lui semblait, en revanche, pas opportun et même simplement possible de mettre fin à cette exception avant l'entrée en vigueur complète de la LOLF, donc avant la présentation en septembre 2005 du projet de loi de finances pour 2006.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a cité M. Dominique Perben, alors Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui avait indiqué, en réponse à certaines interrogations exprimées au sein des juridictions judiciaires le 23 mai 2005, que le Premier ministre lui avait exprimé son accord « pour poser le principe qu'il n'y ait plus de gel imposé aux juridictions judiciaires, au même titre que pour les juridictions administratives et financières ». Il en a déduit qu'un même régime financier spécifique serait accordé aux trois ordres de juridiction, les protégeant de mesures de gel parfois déstabilisatrices pour la gestion des juridictions, surtout quand le «dégel» intervenait en fin d'exercice.

Il a indiqué que ces assurances ne semblaient pas avoir atténué l'émotion ressentie au sein des juridictions, et que c'était la raison pour laquelle il lui semblait que la situation nouvelle avait « brouillé » quelque peu l'image de la LOLF dans les juridictions judiciaires.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a alors évoqué la déconcentration, certains se demandant si la LOLF n'allait pas parfois conduire à une « reconcentration », ce qui serait alors paradoxal.

Il a souligné que, comme il allait l'indiquer dans son rapport écrit, le processus de gestion des juridictions avait subi des évolutions sensibles depuis 20 ans, et qu'à la suite de la vague de décentralisation du début des années 1980, l'Etat avait « fonctionnarisé » les greffes et pris en charge l'ensemble de l'administration des juridictions, les moyens de fonctionnement des juridictions étant précédemment assurés par les collectivités territoriales. Il a relevé que, s'agissant de fonctions régaliennes, ce mouvement avait sa logique.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a rappelé que le choix d'une gestion déconcentrée des juridictions au niveau des cours d'appel avait été fait en 1996, que les chefs de cours avaient alors reçu l'appui d'une nouvelle structure de gestion, les services administratifs régionaux, communément dénommés SAR et que ceux-ci assistaient donc les chefs de cours dans leurs attributions de gestion et coordonnaient celle des juridictions du ressort de la cour d'appel.

Il a souligné que, dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF, un décret du 24 mai 2004 avait fait du Premier président et du procureur général les ordonnateurs secondaires conjoints pour toutes les juridictions du ressort de la cour d'appel, en lieu et place des préfets, et que, de plus, les chefs de cour allaient acquérir la qualité de personne responsable de marché (PRM) pour leur ressort.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué que, pour anticiper l'application de plusieurs dispositions de la LOLF, l'ensemble des ministères avait été invité à engager des expérimentations de globalisation des crédits, et que, pour ce qui est des juridictions judiciaires, l'expérimentation avait porté, dès 2004, sur la cour d'appel de Lyon et avait été étendue en 2005, à huit autres cours d'appel. Il a renvoyé à son rapport écrit concernant les modalités précises de cette expérimentation qui avait porté sur les dépenses de personnel, celles de fonctionnement et sur les frais de justice.

Il a précisé que des dotations globales étaient déléguées aux cours d'appel, qui procédaient ensuite aux répartitions entre les juridictions de leur ressort. Il a noté que, dans un cas comme dans l'autre, les répartitions étaient précédées d'un dialogue de gestion, sous forme de conférences budgétaires et que des réserves de crédits étaient constituées, tant au plan national qu'au niveau des cours d'appel.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a estimé qu'il était possible que le sentiment d'une reconcentration au bénéfice des SAR, exprimé par certains magistrats, corresponde à une insuffisance de capacité de gestion au niveau des tribunaux de grande instance, et il lui a paru nécessaire, pour répondre à cette préoccupation, que ces tribunaux « fassent le poids » en termes de capacité de gestion et puissent ainsi contribuer à un dialogue de gestion renforcée avec les SAR.

Il a précisé qu'il avait tenu à recueillir le sentiment des coordinateurs et personnels exerçant au sein des SAR qu'il avait rencontrés, et qu'il lui semblait que ces acteurs de terrain témoignaient d'une réelle volonté de répondre aux changements de procédure induits par la LOLF, quelle que soit la difficulté de la tâche. En revanche, il a estimé que coordinateurs et personnels exerçant dans ces SAR exprimaient quelques inquiétudes quant aux moyens dont ils disposaient pour répondre au « défi » qui leur était lancé. M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a regretté, en particulier, une information insuffisante et tardive, et que la circulaire de la chancellerie du 30 mai 2005, relative aux modalités de préparation des budgets des cours et juridictions, ait été diffusée effectivement le 7 juin 2005, et ce, sans aucune explication ou commentaire particulier.

Il a constaté que les agents des SAR regrettaient l'insuffisance de leur formation, en particulier pour ce qui était de l'ordonnancement secondaire, précédemment assuré par les préfectures, et qu'ils déploraient les outils informatiques inadaptés aux nouveaux processus, et, en particulier, le défaut de véritable chaîne informatique de gestion depuis les arrondissements judiciaires jusqu'à la chancellerie via les SAR.

En outre, il a noté que les SAR réclamaient, comme les magistrats, un renforcement des moyens de gestion dans les arrondissements judiciaires afin de pouvoir déléguer dans de meilleures conditions à ces derniers, et qu'il ne s'agissait donc pas, pour eux, de chercher à s'immiscer dans la conduite des juridictions.

Il a relevé que les SAR qu'il avait entendus avaient tous fait valoir que le transfert vers eux des charges d'ordonnancement assurées précédemment par les préfectures n'avait pas été accompagné d'un transfert correspondant de personnel, et que, selon les estimations des chefs de cour, ce transfert représentait environ 300 équivalents temps plein. Il a précisé, qu'en réalité, les besoins résultant de ce transfert concernaient surtout les plus grosses juridictions.

Par ailleurs, il a noté que s'ajoutait à ce handicap en termes d'équivalents temps plein (ETP), celui de la formation, les personnels des préfectures connaissant bien le processus, mais pas ceux des SAR.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a estimé que, fort logiquement, les budgets opérationnels de programme (BOP) seraient constitués dans chaque cour d'appel, puisque les chefs de cour constituaient véritablement l'interface entre la chancellerie et les juridictions.

Il a considéré, concernant la fongibilité asymétrique qui permet au gestionnaire de transférer des crédits à l'intérieur d'un programme, sous la réserve de ne pas majorer ceux de personnel, qu'elle serait pratiquée par le responsable du programme justice judiciaire, à savoir le directeur des services judiciaires à la chancellerie, celui-ci ayant, en effet, à répondre de sa gestion, notamment devant le Parlement.

Il a précisé que les responsables de BOP, c'est-à-dire les chefs de cour, pourraient évidemment formuler des demandes auprès du responsable de programme, et a souhaité que le dialogue de gestion puisse remédier à ce qui pourrait apparaître comme une « responsabilisation d'acteurs éloignés du terrain ». Il a souhaité que ce dialogue soit réel, mais qu'il ne contribue pas au développement d'une « bureaucratie lolfienne ».

Il a évoqué, enfin, la mesure de la performance, qui soulevait, pour la justice, des questions spécifiques déjà abordées par le président Jean Arthuis en mars 2005 dans son rapport d'information portant sur la mise en oeuvre de la LOLF et justement intitulé « Culte des indicateurs ou culture de la performance ? ».

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a considéré que les délais de mise en oeuvre de la LOLF expliquaient peut-être une insuffisance de concertation avec les acteurs de terrain quant à la fixation des indicateurs de performance, la chancellerie semblant avoir privilégié l'information, certes indispensable, à la concertation.

Il a souhaité indiquer que les principales questions soulevées par les magistrats portaient sur la difficulté de mesurer finement et objectivement la qualité des décisions juridictionnelles et sur la nature des sanctions possibles en cas de « contre performance ».

Il a rappelé que les objectifs et indicateurs de performance retenus dans la perspective du projet de loi de finances pour 2006 avaient été publiés le 30 juin 2005, et que cinq indicateurs nouveaux apparaissaient par rapport aux propositions figurant dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2005. Il s'est félicité de ce que les objectifs et indicateurs de performance correspondaient pour une part effective à des recommandations formulées tant par le président de la commission que par lui-même, même si des marges de progression existaient encore, estimant que l'expérience permettrait, certainement, de les franchir.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a considéré que la LOLF, dans la justice, comme dans d'autres domaines, bousculait les habitudes, mais que les conditions accélérées de sa mise en oeuvre ne permettaient sans doute pas une concertation suffisante ni une bonne circulation de l'information.

Il a considéré qu'il s'agissait, du moins pour une part, de la conséquence d'une volonté politique qui, pour éviter sa dilution dans le temps, se devait de rythmer la réforme.

Il a souligné qu'il ne fallait pas, toutefois, sous-estimer l'importance de l'association étroite des acteurs de terrain pour réussir une « révolution » de cette nature, le risque de bureaucratie centrale étant réel et ne devant pas se substituer à la concertation même si, bien sûr, une coordination et une harmonisation étaient indispensables.

Pour conclure, M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a déclaré qu'à l'issue des contacts noués au cours de sa mission, il avait acquis la conviction que la justice, magistrats et greffiers, commençait à accéder à une culture de gestion, et que la LOLF aurait donc, sans aucun doute, contribué à une certaine ouverture des juridictions et de leur personnel aux questions budgétaires, ce qu'il convenait de souligner et de saluer.

M. Jean Arthuis, président , approuvant les analyses de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, et en soulignant sa grande qualité, a considéré que celles-ci pouvaient être assimilées à un hommage à la LOLF, qui a favorisé l'amorce d'une culture de gestion au sein des juridictions judiciaires.

Il s'est interrogé sur l'opportunité qu'il y aurait eu à regrouper les trois hautes juridictions que sont la Cour de cassation, le Conseil d'Etat et la Cour des comptes, au sein de la mission « conseil et contrôle de l'Etat », approuvant en tout état de cause le fait que la Cour des comptes soit sortie de la « sphère » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en raison de sa nouvelle mission de certification des comptes de l'Etat, telle que définie par la LOLF.

M. Jean-Claude Frécon partageant les conclusions de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a considéré, lui aussi, que le problème posé par la nouvelle mission tenait à l'existence en son sein du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives ».

Il a exposé qu'en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « conseil et contrôle de l'Etat », il avait rencontré, au cours du mois de juillet 2005, le Premier président de la Cour des comptes et le Vice-président du Conseil d'Etat, précisant qu'il verrait dans les prochains jours le président du Conseil économique et social. Il a ajouté que les autorités entrevues lui avaient fait part de leur concertation mutuelle en vue de la création de cette mission.

Il a confirmé avoir lui-même entendu les échos des interrogations formulées au sein de la justice judiciaire, sur le « départ » des juridictions administratives de la mission justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a réaffirmé l'importance qu'il y avait à ce que les magistrats connaissent les conséquences financières de leurs décisions, sans pour autant que leur « liberté de prescription » soit remise en cause. Il a indiqué que les conséquences pour les juridictions judiciaires de la « sortie » des juridictions administratives de la mission « justice » seraient soulignées dans son rapport d'information, si la commission en autorisait la publication. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'une démarche de la commission auprès du Premier ministre au sujet de cette nouvelle configuration, afin de rappeler la position de principe qui avait été adoptée il y a déjà plus d'un an.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, et à M. Joël Bourdin, M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a indiqué que certains dossiers lourds entraînaient des frais d'expertise considérables, inclus dans l'enveloppe budgétaire des frais de justice, comme celui du dossier AZF à Toulouse (1,5 million d'euros), de l'incendie du tunnel du Mont-blanc (3 millions d'euros), ou encore du renflouage et du rapatriement du chalutier Bugaled-Breizh (5 millions d'euros).

M. Jean Arthuis, président , considérant que ces expertises étaient nécessaires, s'est interrogé sur les économies qui auraient pu être réalisées si toutes les mises à concurrence utiles avaient été entreprises.

M. Aymeri de Montesquiou ayant évoqué les comparaisons possibles avec la situation existant à l'étranger, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a fait valoir que de telles comparaisons, certes utiles, devraient être relativisées compte tenu de « l'exception judiciaire française » sur les fonctions et positions respectives du siège et du parquet au sein des juridictions judiciaires.

M. Jacques Baudot s'est interrogé sur les incidences de la multiplication des téléphones portables quant à l'évolution du montant des frais de justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a considéré que, en cas de vol de téléphone portable, les procédures coûteuses de localisation se justifiaient pleinement dans les affaires de grand banditisme, par exemple, mais que celles-ci devaient être utilisées avec beaucoup plus de parcimonie dans le cas de « simple vol » de ce type d'appareil.

Revenant sur la problématique des frais de justice et sur les moyens d'en limiter le coût, grâce notamment à des procédures d'appel d'offres, M. Jean Arthuis, président , a craint que le recours à la numérisation des pièces comptables n'ait pas fait l'objet de procédures de mise en concurrence.

M. Michel Mercier se référant à titre d'exemple au contentieux des accidents automobiles selon qu'une personne publique soit impliquée ou non, a fait valoir que la complexité des règles de répartition de compétences entre juridictions administratives et juridictions judiciaires, plaidait pour l'inclusion des deux ordres de juridiction au sein d'une même mission, en l'occurrence la mission « justice ».

M. Philippe Marini, rapporteur général , a fait valoir que le suivi par le Gouvernement des propositions formulées par la commission des finances en mai 2004 sur la nouvelle nomenclature budgétaire au format LOLF aurait évité les difficultés concernant le positionnement des juridictions administratives au sein de cette nomenclature. Il a ajouté que l'entrée de ces juridictions dans la mission « conseil et contrôle de l'Etat » ne lui apparaissait pas avoir été décidée dans un esprit conforme à la LOLF. Il s'est par ailleurs interrogé sur le « rapport coût/efficacité » de la mise en place du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

M. Roland du Luart, rapporteur spécial , a souligné l'importance d'une meilleure répartition des effectifs de greffe entre les juridictions pour y mettre, dans des conditions satisfaisantes, la LOLF en place, précisant que globalement l'effectif actuel des magistrats ne pouvait pas, en revanche, être considéré comme une source de difficulté.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a indiqué qu'il envisageait de se rendre à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle pour y visiter les salles d'audience spécialisées dans des contentieux particuliers, dans quelques mois, lorsque celles-ci seraient mises en place, précisant que les magistrats du tribunal de grande instance de Bobigny lui avaient fait connaître tout l'intérêt qu'ils portaient au bon aboutissement de ce projet.

Se référant à l'article XV de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », M. Michel Charasse a souligné que l'indépendance de l'autorité judiciaire, protégée par l'article 64 de la Constitution, ne constituait pas un obstacle aux contrôles budgétaires, en particulier des parlementaires, dans les juridictions judiciaires.

La commission a alors donné acte, à l'unanimité, à M. Roland du Luart, rapporteur spécial, de sa communication et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE : RÈGLES D'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE EN RÉGIME LOLF

Mouvement de crédits

Référence LOLF

Commentaire

Rappel du droit antérieur

Engagement de dépenses par anticipation

Art. 9, 2 ème alinéa :

« Les conditions dans lesquelles des dépenses peuvent être engagées par anticipation sur les crédits de l'année suivante sont définies par une disposition de loi de finances ».

Dérogation au principe d'annualité, faisant l'objet des dispositions de l'article 108 de la loi de finances pour 2005 :

« I. - A partir du 1 er novembre de chaque année et dans la limite du quart des crédits de l'année en cours ouverts par les lois de finances sur les titres correspondants de chaque programme ou dotation, les engagements de dépenses autres que de personnel et d'investissement peuvent être pris sur les crédits de l'année suivante. Ces engagements indiquent que l'exécution du service ne pourra intervenir avant le 1 er janvier.

« II. - Pour la période du 1 er novembre au 31 décembre 2005, la limite du quart des crédits est appréciée par titre des programmes et dotations figurant dans la présentation indicative prise en application du I de l'article 66 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances ».

En pratique, 6 milliards d'euros par an 28 ( * ) .

Reprise des dispositions de l'article 8 du décret n° 86-451 du 14 mars 1986, pris en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Dépassement de crédits évaluatifs

Article 10 :

« Les crédits relatifs aux charges de la dette de l'Etat, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'Etat ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs.

« Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts . Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution jusqu'à la fin de l'année.

« Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée ».

« Les crédits prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 12 et 13 ni des mouvements de crédits prévus à l'article 15 ».

Seule exception prévue par la LOLF au principe selon lequel les crédits sont limitatifs, alors que l'ordonnance organique de 1959 mettait aussi en place le régime des crédits dits provisionnels.

L'information, dont les délais n'ont pas été précisés par la LOLF, porte sur les évolutions constatées (« les motifs de dépassement ») et celles à venir (« les perspectives d'évolution »).

Dans la mesure où il s'agit de crédits évaluatifs, les mouvements de crédits mentionnés aux articles 12, 13 et 15 ne peuvent pas être gagés sur ces derniers, mais des annulations de crédits (article 14) restent possibles.

La liste annexée à l'état F de la loi de finances était plus large.

Répartition des crédits globaux

Article 11 :

« En tant que de besoin, les crédits ouverts sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles sont répartis par programme, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances.

« Les crédits ouverts sur la dotation pour mesures générales en matière de rémunérations sont, par arrêté du ministre chargé des finances, répartis par programme. Cet arrêté ne peut majorer que des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel ».

Les crédits globaux, dérogation au principe du caractère limitatif des programmes, sont désormais limités :

- aux dépenses accidentelles et imprévisibles (dans ce cas, décret de répartition ) ;

- aux mesures générales en matière de rémunération (donnant lieu dans ce cas à un arrêté de répartition )

Ces deux catégories de dépenses font l'objet d'une mission spécifique au sens de l'article 7 de la LOLF.

Les crédits des pouvoirs publics sont exclus du champ d'application, de même que les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Reprise de la procédure de décret , prévue à l'article 11 de l'ordonnance de 1959, pour les dépenses accidentelles.

Virements , modifiant la répartition des crédits entre les programmes d'un même ministère

Article 12, 1 er , 3 ème , 4 ème et 5 ème alinéas (I, II et IV) :

« I. - Des virements peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère. Le montant cumulé, au cours d'une même année, des crédits ayant fait l'objet de virements, ne peut excéder 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes concernés . Ce plafond s'applique également aux crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel pour chacun des programmes concernés (...).

« III. - Les virements et transferts sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, après information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des autres commissions concernées . L'utilisation des crédits virés ou transférés donne lieu à l'établissement d'un compte rendu spécial, inséré au rapport établi en application du 4° de l'article 54.

« IV. - Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit de programmes non prévus par une loi de finances.

« Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre ».

Les virements de crédits sont nécessairement limités, compte tenu du principe de fongibilité asymétrique des dépenses au sein d'un programme, pour répondre à des erreurs ponctuelles de prévision ou le financement d'opérations spécifiques (seulement 4 milliards de francs en 1999).

Double plafond de 2 % 29 ( * ) :

- 2 % des crédits du programme de départ et 2 % des crédits du programme d'arrivée ;

- en cas de transfert de crédits d'un titre de dépenses de personnel vers un autre titre de dépenses de personnel, 2 % des crédits du titre du programme de départ et 2 % des crédits du titre du programme d'arrivée.

Pas de délai d'information des commissions. Pas d'avis requis des commissions informées : la procédure des décrets d'avance de l'article 13 est, elle, plus strictement encadrée et permet notamment des mouvements de crédits au profit de programmes non prévus par une loi de finances.

A posteriori un compte rendu inséré dans chaque rapport annuel de performance (RAP) et en annexe à la loi de règlement.

Pas de virements de crédits entre le budget général et un budget annexe ou un compte spécial.

Article 14 de l'ordonnance de 1959.

Le plafond actuel est de 10 % des crédits du programme de départ et du programme d'arrivée.

Transferts de crédits, ne modifiant pas l'objet de la dépense

Article 12 :

« II. - Des transferts peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts , dans la mesure où l'emploi des crédits ainsi transférés, pour un objet déterminé, correspond à des actions du programme d'origine. Ces transferts peuvent être assortis de modifications de la répartition des emplois autorisés entre les ministères concernés.

« III. - Les virements et transferts sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, après information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des autres commissions concernées . L'utilisation des crédits virés ou transférés donne lieu à l'établissement d'un compte rendu spécial, inséré au rapport établi en application du 4o de l'article 54.

« IV. - Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit de programmes non prévus par une loi de finances.

« Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre ».

Ces dispositions sont destinées à une meilleure gestion, notamment dans le cas de politiques interministérielles.

Pas de plafond.

Pas de délai d'information des commissions. Pas d'avis requis des commissions informées : la procédure des décrets d'avance de l'article 13 est, elle, plus strictement encadrée, et permet notamment des mouvements de crédits au profit de programmes non prévus par une loi de finances.

A posteriori un compte rendu inséré dans chaque RAP et en annexe à la loi de règlement.

Pas de transferts de crédits entre le budget général et un budget annexe.

Actuellement, un arrêté suffit.

Décrets d'avance : ouverture de crédits supplémentaires en cas d'urgence

Article 13

« En cas d'urgence , des décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'Etat et après avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. A cette fin, les décrets d'avance procèdent à l' annulation de crédits ou constatent des recettes supplémentaires . Le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne peut excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année.

« La commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret. La signature du décret ne peut intervenir qu'après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l'expiration du délai susmentionné .

« La ratification des modifications apportées, sur le fondement des deux alinéas précédents, aux crédits ouverts par la dernière loi de finances est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée .

« En cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national , des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, après information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, par décret d'avance pris en Conseil des ministres sur avis du Conseil d'Etat. Un projet de loi de finances portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement ou à l'ouverture de la plus prochaine session du Parlement ».

La procédure des décrets d'avance doit permettre de faire face à des situations exceptionnelles, mais est utilisé en fait pour financer des actions prioritaires du gouvernement ou répondre à une sous-évaluation initiale des besoins de financement (ce qui est notamment le cas, de manière récurrente, pour les opérations extérieures).

Nécessité de gager les dépenses supplémentaires pour ne pas dégrader l'équilibre budgétaire, sauf « en cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national » (ce qui sera à préciser en pratique).

Nouveauté par rapport à l'ordonnance de 1959 : le contenu du décret d'avances, procédure d'avis (mais non d'avis conforme) des commissions des finances pour les décrets d'avance gagés. Pour les décrets d'avance non gagés la seule obligation est d'informer préalablement les commissions des finances.

Pas de condition sur la nature des unités de spécialité, contrairement aux virements, transferts et reports de crédits.

Le plafond (peu contraignant au regard des pratiques antérieures) de 1 % a été introduit sur l'initiative du Sénat. Incertitude sur la base applicable :

- y compris les remboursements et dégrèvements ? manifestement, oui

- budget général et comptes spéciaux ? les règles propres aux comptes d'affectation spéciale invitent à ne retenir que le budget général.

A l'encontre des travaux préparatoires, l'analyse par le Conseil constitutionnel de l'article 12 de la LOLF tend à empêcher qu'un décret d'avances crée un nouveau programme.

Article 11 (alinéas 2° et 3°) de l'ordonnance de 1959, qui prévoyait un décret en CE (pour les décrets d'avance gagés) mais pas de plafond.

Pas de cas, jusqu'à présent, de refus de ratification d'un décret d'avance : on peut donc s'interroger sur les conséquences qu'emporterait un tel refus.

Trois cas de décrets d'avance pris en conseil des ministres en cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national :

- financement des dépenses afférentes à l'élection présidentielle de 1974, après le décès de Georges Pompidou ;

- augmentation des crédits d'intervention du budget de l'agriculture après la sécheresse de 1976 ;

- ouverture de crédits après les inondations de juillet 1977 dans le sud-ouest.

Annulations de crédits

Article 14

« I. - Afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. Un crédit devenu sans objet peut être annulé par un décret pris dans les mêmes conditions.

« Avant sa publication, tout décret d'annulation est transmis pour information aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées .

« Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.

« II. - Les crédits dont l'annulation est proposée par un projet de loi de finances rectificative sont indisponibles pour engager ou ordonnancer des dépenses à compter de son dépôt jusqu'à l'entrée en vigueur de ladite loi ou, le cas échéant, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel interdisant la mise en application de ces annulations en vertu du premier alinéa de l'article 62 de la Constitution.

« III. - Tout acte , quelle qu'en soit la nature , ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles, est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ».

Dispositions entrées en vigueur au 1 er janvier 2002 (un premier décret d'annulation pris sur la base de la LOLF en date du 7 février 2002).

Selon le Conseil constitutionnel, l'équilibre budgétaire doit être apprécié de manière souple et donc pas « au premier euro ».

Les annulations ne peuvent intervenir qu'en cas de dégradation de l'équilibre budgétaire.

Au regard des pratiques antérieures, le plafond de 1,5 % a souvent été dépassé.

Les actes définis au III sont imprécis, et pourraient concerner les gels de crédits dans une définition large.

Article 13 de l'ordonnance de 1959 ; lequel prévoyait seulement un arrêté du ministre en charge des finances annexé au projet de loi de finances rectificative (PLFR) et ne s'appliquait qu'aux crédits devenus sans objet (principe non respecté en pratique), sans plafond.

Reports de crédits

II, III et IV de l'article 15 :

« II. - Les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs , par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, majorant à due concurrence les crédits de l'année suivante. Ces reports ne peuvent majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel.

« Sous réserve des dispositions prévues à l'article 21 30 ( * ) , les crédits de paiement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, dans les conditions suivantes :

« 1° Les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés ;

« 2° Les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l'ensemble des crédits initiaux inscrits sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. Ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances.

« III. - Les crédits ouverts sur un programme en application des dispositions du II de l'article 17 31 ( * ) et disponibles à la fin de l'année sont reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs , par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé.

« Le montant des crédits ainsi reportés ne peut excéder la différence entre les recettes et les dépenses constatées sur le fondement des dispositions précitées.

« Les reports de crédits de paiement effectués en application du présent paragraphe ne sont pas pris en compte pour apprécier les limites fixées aux 1° et 2° du II ».

« IV. - Les arrêtés de report sont publiés au plus tard le 31 mars de l'année suivant celle à la fin de laquelle la disponibilité des autorisations d'engagement ou des crédits de paiement a été constatée ».

Resserrement des conditions par rapport au droit résultant de l'ordonnance de 1959 :

- arrêté conjoint ;

- date de publication limite des arrêtés de report fixée au 31 mars (souvent non respectée dans le passé, mais des progrès récents) ;

- plafonds de 3 % (pour les dépenses de personnel et hors crédits de personnel) pour les crédits de paiement, ces seuils ayant souvent été dépassés par le passé.

Fréquente inscription des crédits pouvant être reportés à l'état H annexé à la loi de finances.

Rétablissements de crédits

IV de l'article 17 :

« IV. - Peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des finances :

« 1° Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ;

« 2° Les recettes provenant de cessions entre services de l'Etat ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires ».

Par rapport au droit existant, suppression de la possibilité de procéder à des rétablissements de crédits, outre les deux seuls cas expressément énoncés à l'article 17 (restitution de sommes indûment payées et opérations de paiements sur crédits budgétaires entre services de l'Etat)

Article 19 de l'ordonnance de 1959

RESUMÉ

Plafonds Procédure

1 % des crédits LFI décrets d'avance (art. 13)

1,5 % des crédits LFI annulations de crédits (art. 14)

2 % des crédits du programme virements de crédits (art. 12)

3 % des crédits du programme reports de crédits de paiement (art. 15)

Information ou avis des commissions des finances (CF) et des commissions concernées (CC)

Décrets d'avance (art. 13) : avis CF dans un délai de 7 jours

Virements (art. 12), transferts (art. 12), annulations de crédits (art. 14) : information CF et CC

Dépassements de crédits évaluatifs (art. 10) : information CF

* 1 Cette demande a été ratifiée par lettre du président de la commission des finances au Premier président de la Cour des comptes en date du 1 er mars 2005 et devrait être satisfaite dans un délai de huit mois après cette date, soit le 1 er novembre 2005.

* 2 Certains dossiers lourds entraînent des frais d'expertise considérables : 1,5 million d'euros dans le dossier AZF à Toulouse, 3 millions d'euros dans l'affaire du tunnel du Mont-Blanc et plus de 5 millions d'euros pour le renflouage et le rapatriement du chalutier Bugaled-Breizh.

* 3 Comme l'a exposé notre collègue Aymeri de Montesquiou dans son dernier rapport spécial sur la sécurité (document Sénat n° 74 (2004-2005) - tome III - annexe 22, pages 65 et suivantes), la baisse globale de la délinquance ne doit pas occulter des évolutions différenciées (par exemple, progression de 33 % en cinq ans des atteintes aux personnes et de 16 % des infractions à la législation sur les stupéfiants).

* 4 La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, relative à la sécurité quotidienne, a étendu le FNAEG à d'autres infractions graves.

* 5 La composition pénale est une mesure alternative aux poursuites pénales. Pour certaines infractions, le parquet peut proposer à l'auteur d'exécuter une ou plusieurs obligations : versement d'une amende dite de « composition », remise du permis de conduire ou de chasser, dessaisissement au profit de l'Etat du produit de l'infraction ou de la chose qui a servi à la commettre, réparation des dommages ou réalisation d'un travail non rémunéré. L'exécution des obligations peut mettre fin à la poursuite pénale.

* 6 Voir, en annexe, le tableau récapitulatif des règles d'exécution budgétaire en régime LOLF.

* 7 Dans ce dernier cas, ce plafond de 3 % peut être majoré par une disposition figurant en loi de finances.

* 8 N° SJ-05-AB3.

* 9 Rapport d'information de nos collègues Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, n° 292 (2003-2004).

* 10 Présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel, Haute cour de justice et Cour de justice de la République, dotés d'une légitimité issue du suffrage universel ou chargés de contrôler les organes qui en sont issus, constituent les six dotations de la mission spécifique regroupant les crédits des pouvoirs publics.

* 11 Voir ci-dessous, partie II-D-2.

* 12 Qui assure la présidence du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

* 13 L'ordonnance n° 2005-647 du 6 juin 2005 modifiant le code des juridictions financières, prise en application de l'article 64 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit renforce les possibilités de contrôle simultané entre la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, pour tenir compte du développement des politiques conjointes ou partagées entre l'Etat et les collectivités territoriales (articles L.111-9-1 et L.112-2 du code des juridictions financières).

* 14 Dispositions codifiées aux articles R. 222-11 et R. 231-3 du code de justice administrative.

* 15 Dont le discours a été lu par M. François Fillon, alors ministre de l'éducation nationale.

* 16 Portant sur la période 2003-2004.

* 17 Selon le premier alinéa de l'article 65 de la Constitution, le CSM est présidé par le Président de la République. Le ministre de la justice, vice-président de droit, peut suppléer le Président de la République.

* 18 Voir le point 2 du présent D.

* 19 Angers, Basse-Terre, Colmar, Versailles, Bordeaux, Lyon, Metz, Pau et Nîmes.

* 20 La signature d'ordonnateur est délégable à un magistrat ou un fonctionnaire de catégorie A de la cour d'appel. Cette compétence s'applique à l'ensemble des crédits de personnel de fonctionnement et d'intervention (recettes et dépenses).

* 21 Sauf dans les cours d'appel de Paris et de Rennes, les SAR sont coordonnés par des greffiers en chef.

* 22 Un pour chacune des 35 cours d'appel et pour les tribunaux supérieurs d'appel de Mayotte et de Saint-Pierre et Miquelon. Les autres BOP concernent : le CSM, la Cour de cassation, le Casier judiciaire national et l'Ecole nationale des greffes (ENG). L'Ecole nationale de la magistrature (ENM) est un établissement public bénéficiant déjà d'une autonomie de gestion.

* 23 Il a été exposé à votre rapporteur spécial que si, souvent, en matière pénale, l'arrêt de la cour d'appel confirmait globalement le jugement rendu en première instance, il en allait différemment en matière civile, car le litige peut avoir sensiblement évolué entre temps.

* 24 « LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance », n° 220 (2004-2005).

* 25 Depuis lors, le programme « justice administrative » a été « sorti » de la mission « justice » pour figurer dans la mission « conseil et contrôle de l'Etat » (Voir partie II ci-dessus).

* 26 Présenté, en application de l'article 48 de la LOLF, dans la perspective du débat d'orientation budgétaire (DOB) organisé au Sénat le 6 juillet 2005.

* 27 Cet indicateur remplace celui qui figurait dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2005, concernant le « délai moyen de délivrance des bulletins B2 et B3 ».

* 28 Ils concernent principalement :

- sur le titre III, certaines dépenses de fonctionnement des établissements publics, de manière à permettre le paiement des salaires dès le mois de janvier, ou des dépenses de fonctionnement des administrations telles que les marchés de gardiennage ou d'entretien ;

- sur le titre IV, certaines subventions de fonctionnement à des organismes ou des dispositifs aidés, ainsi que des dépenses dont l'exécution s'opère traditionnellement sur l'année scolaire, et non l'année civile.

* 29 Ce chiffre de 2 % correspond à la position du Sénat, alors que l'Assemblée nationale était favorable à 3 % et le gouvernement à 10 %.

* 30 Ces dispositions sont relatives aux comptes de commerce, pour lesquels seul le découvert fixé pour chaque compte de commerce a un caractère limitatif.

* 31 Ces dispositions sont relatives aux fonds de concours.

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