CHAPITRE IV
Réunions de la Commission politique
à
Helsinki (Finlande - 11 et 12 avril 2005)
et Riga (Lettonie - 13 et 14
avril 2005)
La Commission politique s'est rendue à Helsinki et à Riga du 11 au 14 avril 2005. La Commission politique s'est d'abord réunie dans les locaux du parlement finlandais pour une première discussion des documents de travail en cours de préparation pour la session plénière de juin 2005. Trois documents ont été présentés : le premier, sur « La mise en oeuvre de la stratégie européenne de sécurité - Réponse au rapport annuel du Conseil » ; le deuxième, sur « Les développements dans le Grand Moyen-Orient » par Mme Josette Durrieu , Rapporteur, qui a répondu à de nombreuses questions ; le troisième, sur « La coopération en matière de sécurité entre l'UE et son proche voisinage à l'Est », par M. Jean-Pierre Masseret , qui a en particulier retracé les contacts pris dans différents États d'Europe orientale.
Le général de division Eikki Holma de l'état-major finlandais a ensuite présenté aux membres de l'Assemblée les activités internationales des forces armées finlandaises. Il a notamment évoqué la coopération nordique en matière militaire et la participation de la Finlande aux activités de gestion de crises dans le cadre d'interventions de l'UE (Objectif global d'Helsinki) et de l'OTAN (Partenariat pour la paix). La Finlande participe actuellement aux opérations de l'UE en Bosnie-Herzégovine (EUFOR/ALTHEA) et de l'OTAN au Kosovo (KFOR). Une des priorités de l'état-major finlandais est de former plus de troupes rapidement déployables. De plus, la Finlande va participer à deux groupements tactiques ( « Battle groups » ) de l'UE, l'un en coopération avec l'Allemagne et les Pays-Bas, l'autre en coopération avec la Suède, la Norvège et l'Estonie.
Au ministère des affaires étrangères, les membres de l'Assemblée ont été reçus par M. Markus Lyra, sous-Secrétaire d'État, et par Mme Kirsti Eskelinen, Directeur général. Les exposés et les débats ont surtout porté sur les objectifs de la Finlande en matière de sécurité et sur les relations politiques, économiques et stratégiques avec la Russie. La Finlande ne souhaite pas que l'UE devienne une « alliance militaire » et une demande d'adhésion à l'OTAN ne fait pas partie pour l'instant des priorités officielles.
Mais le pays participe pleinement à la Politique européenne de sécurité et de défense et s'engage dans ce cadre sur des objectifs opérationnels concrets à réaliser. Par ailleurs, la Finlande exercera la présidence de l'UE au cours du second semestre 2005. Elle compte remettre en avant la dimension nordique de l'UE et travailler activement à la mise en oeuvre des « feuilles de route » définies pour les quatre « espaces communs » dans le cadre de la coopération Russie/UE. Elle compte aussi faire avancer la réflexion sur l'avenir des relations Russie/UE dans la perspective de l'expiration de l'Accord de partenariat et de coopération Russie/UE prévue en 2007.
Les membres de la Commission politique ont aussi effectué une visite d'information à l'Institut finlandais des affaires internationales (UPI). Mme Hanna Ojanen, Responsable de recherches, a analysé la position de la Finlande vis-à-vis de la PESD, et M. Hiski Haukkala, Chargé de recherches, a défini la place et l'avenir de la dimension septentrionale dans la politique de l'UE. La Finlande participe activement au développement des activités civiles et militaires de gestion de crises au sein de l'UE. Elle soutient en particulier la création de l'Agence européenne de défense et des groupements tactiques ( « Battle groups » ). Seul le principe d'une « défense commune » lui pose problème, car le pays reste attaché au maintien de sa politique de « non-alignement » militaire. En ce qui concerne la dimension septentrionale de la politique de l'UE, une revitalisation de la coopération serait nécessaire suite à l'élargissement de l'UE et aux changements politiques survenus dans la plupart des pays voisins à l'Est de l'UE. La dimension nordique devrait s'étendre en direction du Sud. Par ailleurs, le partenariat stratégique avec la Russie est à améliorer pour le rendre plus concret et plus efficace.
Les membres de la Commission politique de l'UEO ont, enfin, rencontré des parlementaires finlandais membres de la Commission des affaires étrangères et d'autres commissions. Les membres français de la Commission politique de l'Assemblée de l'UEO ont été, à l'occasion de cette mission, reçus par S. Exc. Jean-Jacques Subrenat, Ambassadeur de France en Finlande .
Puis les membres de l'Assemblée se sont rendus en Lettonie (Riga) pour une série d'autres rencontres politiques. Ils ont d'abord rencontré au Saeima, le Parlement letton, des membres de la Commission de la défense et des affaires intérieures, la Commission des affaires étrangères, ainsi que la délégation lettone auprès de l'Assemblée de l'UEO. La séance était présidée par M. Janis Strazdins, Président de la délégation lettone auprès de l'Assemblée de l'UEO. Le Président de la Commission défense du Parlement letton, M. Juris Dalbins et le Vice-président de la Commission des affaires étrangères, M. Leopolds Ozolins, sont intervenus pour présenter les grandes orientations de la politique de sécurité de leur pays. Leurs interventions ont été suivies d'échanges de vues approfondis sur les relations russo-lettones et sur la question des droits et obligations des minorités en Lettonie, notamment de la minorité russe et le refus, par la Russie, malgré d'importantes concessions lettones, de signer le Traité de délimitation des frontières entre les deux pays, les différends historiques étant encore vifs. Si pour la Russie le 9 mai 2005 est uniquement le 60 ème anniversaire de la victoire sur le nazisme, c'est aussi et surtout pour les Etats baltes le début de leur annexion par l'URSS, synonyme d'occupation militaire et de répression politique, accompagnées de déportations massives et d'une durable régression économique.
Des experts en politique étrangère ont ensuite été invités à présenter leurs analyses des principales questions de sécurité européenne touchant de près la Lettonie. M. Karlis Dauksts, Directeur de l'Institut de recherche sur la Russie, a évoqué les options qui s'offrent à ce pays en matière de coopération internationale et les perspectives d'intensification de la coopération économique entre les pays de l'UE et la Russie, notamment en matière énergétique. M. Atis Lejins, Directeur de l'Institut letton des affaires internationales, a souligné la nécessité pour l'UE de développer une politique de voisinage cohérente et substantielle à l'égard de ses voisins à l'Est. Les récents changements politiques en Ukraine sont très positifs et appellent un soutien immédiat et fort de la part de l'UE. Par ailleurs, selon lui, le risque de dépendance énergétique exagérée des pays de l'UE vis-à-vis de la Russie va s'accroître avec le nouveau projet de gazoduc reliant directement l'Allemagne à la Russie par la mer du Nord. On peut également s'inquiéter du renforcement des tendances autoritaires en Russie. Mme Zaneta Ozolina, Directrice de l'Institut de recherches sociales et politiques de l'Université lettone, a notamment abordé la question de Kaliningrad. L'entrée de la Pologne et de la Lituanie dans l'Union européenne en 2004 a fait de l'oblast une enclave russe à l'intérieur de l'UE. Le 11 novembre 2002, l'UE et la Russie sont parvenues à un accord sur un ensemble de mesures visant à faciliter le transit entre la région de Kaliningrad et le reste de la Russie. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Des tensions perdurent entre l'UE et la Russie en ce qui concerne Kaliningrad. Par rapport à la situation de ses voisins baltes et polonais, la situation économique et sociale ne cesse de se dégrader. Cet état de fait est propice au développement de la criminalité organisée et des activités de contrebande. Le niveau de vie à Kaliningrad se situerait au-dessous de la moyenne russe et 30 % des habitants de l'enclave vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, le taux d'infection par le virus du SIDA est l'un des plus élevés d'Europe. Il subsiste aussi de grands risques de pollution dans cette région encore fortement militarisée. Les présentations des experts ont été suivies d'un débat animé avec les membres de l'Assemblée.
Au ministère de la défense, M. Janis Karlsbergs, Secrétaire d'Etat délégué aux plans de défense, a présenté aux membres de l'Assemblée la « stratégie de transformation de la défense lettone 2002-2005 et au-delà ». En 2004, la Lettonie a consacré 1,34 % de son PIB à sa défense. L'objectif est d'atteindre 2 % en 2008. Le concept de défense 2003 est basé sur la professionnalisation des forces armées et sur la déployabilité accrue des capacités militaires. Actuellement, 6 % des forces armées lettones sont déployées dans le cadre d'opérations internationales. L'objectif est de passer à 10 %. Un total de 145 soldats est pour l'instant déployé, notamment dans le cadre d'ALTHEA (UE) en Bosnie-Herzégovine, de la KFOR (OTAN) au Kosovo, de l'ISAF (OTAN) en Afghanistan, mais aussi et surtout en Irak. En ce qui concerne les relations OTAN/UE, la Lettonie insiste pour éviter toute duplication et pour appliquer les accords Berlin plus. Il est également important pour la Lettonie que l'UE joue un rôle actif en matière de sécurité dans son proche voisinage, notamment en Ukraine et en Géorgie. En réponse aux questions posées par les membres de la commission, il est précisé que la Lettonie jouera un rôle dans la formation des groupements tactiques (« Battle groups ») pour l'UE sous forme de capacités spécifiques. L'utilité de la coopération balte en matière militaire est également soulignée. Au ministère des affaires étrangères, les membres de la Commission politique ont été reçus par le Directeur pour la politique de sécurité. Ce dernier a lui aussi mis l'accent sur la nécessité d'éviter toute duplication entre l'UE et l'OTAN. Il a également souligné l'importance de la coopération nordique. La Suède et la Finlande en particulier, ont beaucoup aidé à la construction de l'armée lettone, qui a dû partir de zéro dans les années 1990. Il a enfin rappelé le souhait des Etats baltes de voir l'UE développer une politique de voisinage forte à l'égard de l'Ukraine, du Belarus et de la Moldova. Dans la soirée, le Président de la Commission de défense, M. Juris Dalbins, a présidé un dîner en l'honneur des membres de l'Assemblée. Le lendemain, les membres ont eu l'occasion de visiter le Centre d'opérations de surveillance aérienne BALTNET. Depuis 2004, par le biais du réseau BALTNET, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie coordonnent de manière conjointe leur défense aérienne avec pour objectif d'intégrer le NATINEADS ( NATO Integrated Extended Air Defence System/Système de défense aérienne intégrée élargie ). Les Etats baltes disposent de matériel informatique Lockheed Martin et bénéficient du soutien d'une dizaine de pays de l'OTAN, dont les Etats-Unis, le Canada et plusieurs pays européens de l'Alliance, tout particulièrement la Norvège, le Danemark et l'Allemagne. Quatre avions de combat F-16 de pays alliés ainsi que des radars, installés dans divers points du territoire des Etats baltes, permettent cette surveillance. Malgré la modestie des moyens déployés, la Russie reste très critique vis-à-vis de ces arrangements opérationnels.
Ont participé à ces réunions M. Jean-Pierre Masseret , Président délégué de la Délégation française à l'Assemblée de l'UEO, Mme Josette Durrieu , MM. Jean-François Le Grand et Philippe Nachbar , Sénateurs, ainsi que M. Marc Reymann , Député.