B. PRÉSENTATION DE SON RAPPORT PAR M. JEAN-PIERRE MASSERET : LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET SON PROCHE VOISINAGE À L'EST (DOC. 1895 ET AMENDEMENTS) (Mardi 14 juin 2005)
M. Jean-Pierre Masseret a présenté le Rapport élaboré au nom de la commission politique en ces termes :
« M. le Président, mes chers collègues, en mon nom personnel et au nom de mon collègue Ates, je vous présente ce rapport qui a trait à la question de la sécurité aux frontières de l'Union de l'Europe occidentale.
« Depuis 2004, l'Union européenne a de nouvelles frontières avec le Belarus, l'Ukraine et la Russie. En 2007, ce sera avec la Moldova. Cela explique que notre rapport porte essentiellement sur la situation en Ukraine, en Moldova et au Belarus et consacre de longs développements à la Russie, acteur clef de la région.
« La question de la sécurité, dans ce rapport, est prise au sens large : sécurité interne et sécurité externe.
« S'agissant de la sécurité interne, au sein de notre espace européen, les principaux risques sont étroitement liés aux troubles générés par les difficiles transitions politiques, économiques et sociales. En quelque sorte, le danger vient moins du cliquetis des armes que des difficultés sociales et politiques. Nous réaffirmons donc que la démocratie, le respect de ses principes et leur stricte application sont source de paix et de sécurité. D'où notre volonté permanente de promouvoir, de défendre et d'assurer les standards démocratiques. Nous constatons que l'effondrement de l'ordre ancien, lié aux difficultés de faire naître et vivre un appareil d'Etat organisé, déterminé, respectable et respecté, ouvre un large espace au trafic mafieux et à la corruption. Le terrorisme international apprécie ces situations, dont il profite.
« Le rapport fait donc une juste part à ces questions en rappelant que les pays voisins de l'Union européenne expriment le souhait, sinon l'exigence, d'une meilleure coopération appuyée par des moyens financiers et logistiques permettant de contrer tous les risques mafieux et les mouvements illégaux de population.
« Les questions de sécurité externe, quant à elles, occupent naturellement la plus grande partie du rapport. Nos interlocuteurs divers et nombreux ont reconnu qu'il n'existait pas actuellement de menaces militaires, mais tous, dans le même temps, s'interrogent sur les évolutions possibles en Russie et leurs conséquences sur son environnement proche.
« Dans le domaine de la sécurité externe, des contentieux réels ou potentiels subsistent dans la région. Plusieurs conflits frontaliers restent à résoudre, en particulier des problèmes de délimitation de frontières maritimes entre l'Ukraine et la Russie, mais aussi entre la Roumanie et l'Ukraine. De même, la mise en application de l'accord sur le partage de la flotte de la mer Noire suscite encore des tensions entre la Russie et l'Ukraine. On constate aussi l'attente d'une présence accrue de l'Union européenne en tant que médiateur pour résoudre un certain nombre de conflits, notamment celui de la Transnistrie.
« En matière de sécurité, deux questions essentielles sont posées à l'Union européenne : existe-t-il une volonté politique commune de la part des pays de l'Union européenne de s'impliquer dans les conflits existants ? Que veut et que peut réellement offrir l'Union, à terme, à l'Ukraine à la Moldova et au Belarus ?
« En Ukraine, nous avons noté que l'élection du nouveau Président de la République s'est accompagnée d'un net changement de style de gouvernement, d'une volonté nouvelle de respecter les libertés civiles, les droits de l'homme. Les résultats des prochaines élections législatives en mars 2006 seront décisifs pour l'avenir de ce pays. Le 21 février 2005, le Plan d'action Union européenne-Ukraine a été signé et des mesures additionnelles ont été adoptées en vue de le renforcer. La mise en oeuvre efficace et rapide de ce plan d'action débouchera sûrement sur une association grandissante de l'Ukraine à l'Union européenne.
« En outre, on a constaté que l'Ukraine possédait des atouts pour participer au développement de la PESD. Elle dispose notamment d'une base technologique et industrielle de haut niveau. Il n'y a donc rien d'étonnant au récent accord conclu entre l'Union européenne et l'Ukraine en matière de navigation par satellite.
« En République de Moldova, le problème de la région séparatiste de Transnistrie est un facteur important d'insécurité régionale.
« L'Union européenne semble prête à s'investir activement dans la mise en oeuvre d'un accord de règlement du conflit en Transnistrie. Une action de soutien de l'Union à la surveillance de la frontière moldavo-ukrainienne est d'ores et déjà sollicitée conjointement par les présidents moldave et ukrainien. Reste à savoir ce qui pourrait pousser la Russie à retirer ses troupes de la région.
« En ce qui concerne le Belarus, certains pays voisins s'inquiètent de la consolidation de l'Union entre la Russie et ce pays en matière de défense. Par ailleurs, la répression politique organisée par le régime du Président Loukachenko persiste. Les institutions européennes souhaitent évidemment favoriser une démocratisation du Belarus. Mais comment y parvenir ? Le régime du Belarus est, pour l'instant, soumis à une politique d'isolement dont les effets tardent manifestement à se concrétiser.
« Pour sa part, la Russie semble vouloir exercer son influence dans son « proche étranger » d'une manière nouvelle : davantage par le biais des échanges économiques que par tout autre biais. Cependant, ce grand pays partenaire de l'Union européenne continue à se sentir isolé. La Russie perçoit la perspective de la fermeture de ses bases militaires en Ukraine et en Géorgie et le retrait de sa présence en Moldova comme un affaiblissement de ses capacités de défense. De plus, l'adhésion des trois Etats baltes à l'OTAN et à l'Union européenne a été mal vécue par la Russie.
« En matière de politique de sécurité, la Russie et l'Union européenne ont quelques intérêts stratégiques communs, mais aussi de nombreux intérêts stratégiques divergents. La Russie estime que le processus décisionnel de l'Union est trop hermétique aux partenaires extérieurs, notamment pour ce qui est de la politique européenne de sécurité et de défense. En revanche, elle estime être parvenue à un partenariat plus équilibré vis-à-vis de l'OTAN.
« En ce qui concerne l'OSCE, la Russie a récemment adopté une position très critique par rapport à l'Organisation.
« Pour conclure, le risque de conflits armés aux frontières orientales de l'Union européenne est faible, bien que des incidents soient possibles, notamment en Transnistrie. Je répète avec mon collègue Ates que les principaux risques pour la sécurité résident bien plus dans les déstabilisations internes liées aux processus de transitions politique et économique des pays orientaux voisins de l'Union.
« Pour toutes les raisons que je viens de vous exposer, mon collègue Ates et moi-même proposons que l'Assemblée demande modestement aux pays de l'UEO d'inviter l'Union européenne à ouvrir plus largement les activités de la PESC à l'Ukraine et à renforcer le dialogue avec ce pays.
« Nous recommandons aussi d'offrir à la Moldova des perspectives d'intégration dans le processus de stabilisation et d'association pour l'Europe du Sud-Est. Nous proposons encore que les différentes parties aux négociations sur le conflit en Transnistrie coopèrent plus et mieux aux côtés de l'UEO.
« Nous recommandons d'intensifier la coopération entre les pays de l'Union et ses voisins dans la lutte contre la criminalité organisée sous toutes ses formes.
« En dernier lieu, nous estimons nécessaire d'engager sans tarder un dialogue avec la Russie sur les conditions et principes de la démocratie, élément clé de la sécurité. »
Un débat s'est instauré et M. Jean-Pierre Masseret a repris la parole pour répondre aux différents intervenants.
Il a ainsi évoqué à nouveau l'importance à la fois quantitative et qualitative du complexe militaire industriel de l'Ukraine et rappelé les relations de contrôle de la navigation satellitaire entre l'Union européenne et l'Ukraine.
Il a confirmé que des incertitudes demeuraient quant à l'évolution de la situation de certains « voisins proches » de l'Union européenne et la nécessité, par conséquent, de poursuivre le meilleur dialogue possible avec la Russie comme une des clés de la sécurité, de la paix et de la stabilité dans l'espace européen.
Au Président Luis Maria de Puig, qui a mis l'accent sur la question de la paix et de la sécurité, M. Jean-Pierre Masseret a répondu qu'il partageait cette préoccupation centrale. Il a souligné que « Tout contrat d'association, de construction politique n'a de chance de réussir que s'il s'appuie, à un moment donné, sur une capacité militaire sans laquelle il n'existe pas de crédibilité politique. Nous sommes bien d'accord tous deux pour affirmer que cette capacité militaire n'est pas là pour conquérir, imposer, mais bien pour faire respecter les principes démocratiques et assurer la paix, la sécurité et le progrès sans lesquels, effectivement, il n'y a pas de perspective concrète à offrir à nos concitoyens. C'est bien le coeur de nos préoccupations ».
L'Assemblée est ensuite appelée à délibérer de plusieurs amendements, M. Jean-Pierre Masseret présentant, au nom de la commission politique, des textes renforçant l'appel au Conseil des Ministres de l'UEO de soutenir l'évolution démocratique amorcée en Ukraine et, également, et une démocratisation jusqu'ici contrariée en Biélorussie.
À la fin du débat, la Recommandation, ainsi amendée, a été adoptée sous le n° 760 .