2. Une tendance que les évolutions communautaires contribuent à amplifier
Votre rapporteur général relève également que la fin du principe de concentration des ordres sur les marchés réglementés, introduit par la directive du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers (« directive MIF », nouvelle appellation de la seconde directive sur les services d'investissement), pourrait avoir pour conséquence de segmenter les canaux d'accès aux marchés en fonction des caractéristiques des investisseurs. Compte tenu de la taille modeste de leurs ordres, on peut craindre que les particuliers ne puissent guère avoir accès qu'aux marchés réglementés, et dès lors ne profitent pas pleinement de l'essor des autres plates-formes de négociation (en particulier mises en oeuvre par les groupes financiers « globaux »), censées favoriser la concurrence et la diminution des coûts de transaction.
3. Une exigence en définitive politique
Cette relative marginalisation, par les infrastructures de marché, de la détention directe par les investisseurs individuels, constituerait alors une nouvelle incitation à l'industrialisation de l'investissement en actions, et à l'extension de la gestion collective. Or on peut s'interroger sur la cohérence de la politique du gouvernement à cet égard : bien que les orientations initiales de la directive MIF précitée, largement influencées par les avantages compétitifs des places anglo-saxonnes, aient été combattues par la France et certains de ses partenaires continentaux, il ressort de l'évolution récente une impression de passivité et de vacuité stratégique quant à la place réelle des investisseurs individuels dans le soutien à l'économie. La suppression de l'avoir fiscal et la perte progressive de cohérence de la fiscalité de l'épargne sont, à cet égard, des manifestations regrettables de l'absence d'objectifs clairs.
Ce manque de cohérence peut être aggravé par le risque plus préoccupant du double discours , qui consisterait à tenter de rassurer les actionnaires par des mots, tout en se résignant de façon moins apparente à des évolutions structurelles majeures et dont les enjeux parfois techniques échappent au commun des épargnants.
L'AMF, qui par la voix de son président, M. Michel Prada, considère que « les actionnaires individuels ont toute leur place en bourse et il faut qu'ils soient le plus nombreux possible » 59 ( * ) , devra à l'avenir se montrer particulièrement vigilante sur le maintien d'un lien financier et d'une convergence d'intérêts entre les fonds propres des entreprise et l'épargne de tous les Français. Cette exigence est aussi l'esprit d'une de ses principales missions : veiller aux intérêts des épargnants.
En tout état de cause, votre commission ne se résignera pas aux effets pervers de la suppression de l'avoir fiscal, et s'efforcera de les corriger en prenant de nouvelles initiatives lors de l'examen de la prochaine loi de finances. Votre rapporteur général rappelle en outre qu'a l'occasion de l'examen du récent projet de loi de soutien à la consommation et à l'investissement et à son initiative, le Sénat puis la commission mixte paritaire ont adopté un dispositif tendant à sécuriser le régime fiscal des particuliers qui interviennent fréquemment sur leur portefeuille de valeurs mobilières 60 ( * ) .
* 59 41 e Forum d'Iéna du Conseil économique et social, précité, du 30 juin 2004.
* 60 Amendement n° 68 :
« Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au deuxième alinéa (1°) du 2 de l'article 92 du code général des impôts, les mots : « à titre habituel par les particuliers » sont remplacés par les mots : « dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations ».
Il s'agit d'éviter que ces particuliers ne soient soumis à l'imposition progressive, au titre des bénéfices non commerciaux (outre l'imposition de droit commun sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières), sur les plus-values qu'ils réalisent sur leurs opérations de bourse, en distinguant clairement leur activité de celle des investisseurs professionnels. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts ainsi modifié, ne seraient soumis au titre des BNC que les produits des opérations de bourse effectuées par les particuliers « dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations ». Cette formulation pérennise une solution issue de la jurisprudence du Conseil d'Etat et remplace celle des opérations effectuées « à titre habituel », qui était imprécise, source de contentieux et dissuadait les particuliers de gérer activement leur patrimoine.