CONCLUSION

Aujourd'hui, l'oeuvre de simplification accomplie est considérable. L'étendue des simplifications administratives résultant des progrès de l'administration électronique est désormais perceptible par la plupart des citoyens. Les projets, en bonne voie de réalisation, sont nombreux et ambitieux , et les libertés publiques placées sous la haute surveillance de la CNIL. N'était la diffusion encore insuffisante d'Internet, il y aurait presque lieu d'être satisfait.

Pour la viabilité de l'administration et le confort des usagers, cet effort de simplification devra, cependant, être soutenu dans la durée, car, ainsi que le note Pierre de La Coste dans le rapport « L'Hyper-République - Bâtir l'administration en réseau autour du citoyen » précité : « [en raison de la complexification du droit et des procédures], la complexité administrative n'est pas derrière nous, elle est devant nous ».

Déjà, les procédés de l'administration électronique permettent de masquer cette complexité croissante, et, simultanément, d'améliorer les rendements, si bien que l'administration parvient généralement, à « digérer 36 ( * ) » la complexification de certaines de ses tâches avec les mêmes moyens en personnel.

Par ailleurs, l'époque où les progrès de l'administration électronique, dans un contexte d'accroissement indéfini des effectifs de la fonction publique, étaient considérés comme une menace pour l'emploi des fonctionnaires, est derrière nous. En revanche, la logique de performance appliquée à l'Etat est devant nous, avec le déploiement de la réforme budgétaire programmé par la LOLF.

Or, l'évolution du niveau des prélèvements obligatoire et de l'endettement commande une politique ambitieuse de réduction des effectifs qu'autorisent les départs massifs à la retraite qui auront lieu les dix prochaines années.

Ainsi, l'urgence est aujourd'hui à la recherche et à l'affichage systématiques des gains de productivité résultant des avancées de l'administration électronique.

Au fond, la diminution de la dépense doit désormais constituer l'objectif constant d'une administration électronique au service du citoyen bien comprise.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 6 juillet 2004 sous la présidence de M. Aymeri de Montesquiou, vice-président, la commission a entendu une communication de M. Gérard Braun, rapporteur spécial, sur l'administration électronique au service du citoyen.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a préalablement rappelé que dans sa communication du 24 juillet 2002 portant sur la politique de simplifications administratives, il avait notamment insisté sur la nécessité de simplifier les procédures avant de les mettre « en ligne », et il a indiqué que les efforts entrepris dans ce sens avaient, sans doute, été insuffisants. Toutefois, partant du constat que la diffusion des procédés électroniques s'était récemment accélérée, il a estimé que la question de l'apport de l'administration électronique aux citoyens méritait d'être directement posée.

Après avoir défini le contenu de la notion d'administration électronique et énuméré les avantages qui pouvaient être attendus de son développement, il a souligné qu'en France, les orientations prises étaient caractéristiques d'un grand respect de l'usager, dont la simplification de la vie administrative était autant recherchée que la préservation des libertés.

Il est apparu à M. Gérard Braun, rapporteur spécial , que les programmes d'administration électronique avancés mis en place dans les pays développés promouvaient des techniques similaires. En premier lieu, il s'agissait des formalités administratives en ligne (couramment dénommées « téléservices » ou « téléprocédures »). Il a estimé qu'après la mise à disposition, via Internet, d'informations statiques, puis celle de formulaires « téléchargeables », les téléprocédures étaient devenues la « pierre angulaire » de l'e-administration, car elles permettaient d'échanger à distance des informations avec une administration afin d'accomplir une démarche, en se libérant des contraintes spatiales et temporelles, tout en gagnant en rapidité, voire en facilité. En deuxième lieu, il a rappelé que les programmes promouvaient ensuite la possibilité, pour chacun, d'accéder à ces téléprocédures, via un portail personnalisé sur Internet permettant, le cas échéant, le stockage de données personnelles. Enfin, M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a noté qu'en cohérence avec ces avancées, des dispositifs d'identification et d'authentification étaient développés, avec, notamment, la signature électronique ou les cartes d'identité électroniques. Par ailleurs, il a observé que la productivité de l'administration constituait un objectif plus récent -pour autant qu'il était manifeste- de l'administration électronique.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a ensuite annoncé qu'il traiterait de l'émergence de l'administration électronique en tant que politique publique, puis qu'il tâcherait de montrer que les conditions d'un développement d'une administration électronique performante étaient aujourd'hui réunies.

Il a préalablement indiqué que, demeurée trop longtemps à la marge des préoccupations des pouvoirs publics, l'administration électronique émergeait progressivement en tant que politique publique, à la faveur de différentiations successives qui avaient d'abord consacré, en tant qu'objectifs publics, la réforme de l'Etat, puis le développement de la société de l'information. Succédant au « PAGSI » de 1998, le (premier) programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, le programme gouvernemental RE/SO 2007 (Pour une REpublique numérique dans la SOciété de l'information), avait été présenté le 12 novembre 2002 par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin. Il comprenait une action sur l'environnement technologique, une action sur la demande, pour mettre tous les Français qui le souhaitaient en capacité d'utiliser les services de base de l'Internet et de l'administration électronique à l'horizon 2007, et une intervention directe de l'Etat en tant qu'acteur de la société de l'information ayant vocation à l'exemplarité. Pour accompagner cette dernière avancée, il a souligné qu'une agence de l'administration électronique devait être mise en place. En effet, il a indiqué qu'avec, d'une part, l'ATICA (agence pour les technologies de l'information et de la communication), et, d'autre part, certaines attributions de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat et de la commission pour les simplifications administratives, la compétence interministérielle en matière d'administration électronique s'était trouvée encore relativement éclatée, et ses moyens insuffisants. C'est ainsi que l'ADAE (agence pour le développement de l'administration électronique) avait été créée en février 2003 pour rationaliser, promouvoir et intensifier le pilotage de l'administration électronique, et ses moyens s'étaient accrus en conséquence.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a ensuite rapporté que la « jeune ADAE », en concertation avec les ministères, avait préparé un vaste plan d'action de l'administration électronique pour la période 2004-2007, comprenant 140 mesures. Ainsi, le Premier ministre avait-il lancé, le 9 février 2004 à Lyon, le projet « ADELE », qui désignait le programme gouvernemental « ADministration ELEctronique 2004/2007 », et donnait un cadre pluriannuel et coordonné au développement de l'administration électronique en France, reprenant les 140 mesures du plan d'action de l'administration électronique pour les quatre années à venir, concernant près de 300 nouveaux services.

Parmi ces services, deux ont paru particulièrement significatifs à M. Gérard Braun, rapporteur spécial. En premier lieu, il a relevé que le « numéro 3939 Allo, service public », numéro de téléphone unique permettant à toute personne d'obtenir rapidement une réponse ou une orientation à toute demande de renseignement administratif, montrait que les progrès de l'administration électronique ne passaient pas forcément par la « connection » de l'administré, mais aussi par celle de ses interlocuteurs. En second lieu, il a présenté le service personnalisé « mon.service-public.fr », qui devait constituer le « Graal » de l'administration électronique, en permettant à l'usager de créer un « compte personnel » dans lequel le stockage des informations le concernant serait permis afin de les réutiliser directement dans le cadre d'autres téléprocédures, limitant ainsi les démarches et les demandes de pièces justificatives. Il a jugé que la constitution de cet espace administratif allait devoir concilier la possibilité de mettre à la disposition de l'ensemble des administrations des données et documents déjà fournis à l'une d'entre elles, et la prohibition d'un recours à une interconnexion des fichiers menée à l'insu du citoyen.

Puis M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a entrepris de montrer que les conditions du développement d'une administration électronique performante étaient aujourd'hui réunies.

D'abord, il a remarqué que le cadre juridique, qui devait permettre de concilier les progrès des « téléprocédures » et le respect de la protection des données personnelles, s'adaptait progressivement à la diffusion des nouvelles technologies en général, et de l'administration électronique en particulier.

Ensuite, il a indiqué que l'objectif gouvernemental d'avoir mis en ligne toutes les procédures administratives à l'horizon 2007 était en bonne voie d'être atteint, tout en soulignant que la persistance de la faiblesse du taux d'utilisation de l'administration électronique risquait d'être de nature à relativiser la portée de cette performance.

Par ailleurs, M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a rappelé que le succès de l'administration électronique était conditionné par la confiance des usagers. Cette dernière, déjà assurée par la loi « informatique et libertés », sortait renforcée des avis particulièrement prudents de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) rendus sur les différents projets d'administration électronique, qui étaient largement suivis. Ainsi, concernant le portail unique « mon.service-public.fr », il a relevé que l'utilisation d'un « identifiant » unique serait écartée, conformément à la position de la CNIL.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite souligné qu'il importait que les usagers aient une incitation financière à l'usage des « téléprocédures ». A cet égard, la mise en place, à l'initiative de la commission, d'une réduction d'impôt sur le revenu de dix euros, était excellente, et il fallait, selon lui, s'en inspirer pour d'autres impôts et pour la sphère sociale, particulièrement en direction des PME.

Enfin, M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a attiré l'attention de la commission sur les enjeux de productivité que l'on pouvait attendre de l'administration électronique : son développement devait consister en un « jeu à somme positive », où les « gains de productivité » avaient vocation à être partagés harmonieusement entre les administrés et l'administration, pour le plus grand avantage du contribuable. Heureusement, il s'est félicité que la mutualisation et l'« interopérabilité » (terme désignant la propension, pour un système d'information, à être compatible avec un autre) des systèmes d'information soient, désormais, systématiquement recherchées, et préconisé que l'importance des gains de productivité à attendre des progrès de l'administration électronique, attestée par tous les exemples nationaux et étrangers, puisse notamment permettre, in fine, une réduction substantielle du nombre d'emplois publics.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a conclu en soulignant qu'en raison de la complexification du droit et des procédures, la complexité administrative n'était probablement pas « derrière nous », mais « devant nous », et que la recherche et l'affichage systématiques des gains de productivité résultant des avancées de l'administration électronique n'en étaient que plus urgents. En effet, ces derniers devaient participer largement à la politique ambitieuse de réduction des effectifs qu'autorisaient les départs massifs à la retraite qui allaient avoir lieu au cours des dix prochaines années, et que commandait l'évolution du niveau des prélèvements obligatoires et de l'endettement.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a indiqué qu'il en était alors parvenu au stade où l'important travail de contrôle sur les moyens informatiques de l'administration entrepris par le président de la commission devait apporter, sur le sujet complexe des gains de productivité liés à l'administration électronique, des éclairages déterminants.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jacques Baudot a félicité le rapporteur spécial pour la clarté de sa présentation.

M. Aymeri de Montesquiou, président , par delà les progrès de l'administration électronique, s'est interrogé sur la pertinence de la communication gouvernementale et sur le succès de la « télédéclaration » d'impôt sur le revenu.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a confirmé que le taux de pénétration d'Internet en France était encore faible comparativement aux autres pays développés. Il a ensuite indiqué que les progrès de l'utilisation des « télédéclarations » d'impôt sur le revenu étaient néanmoins notables. En effet, le nombre de « télédéclarations » était passé de 600.000  en 2003 à plus de 1.250.000 en 2004 ; en outre, la prime de 10 euros qui devrait être soustraite de l'impôt des futurs « télédéclarants » conduirait certainement à amplifier ce mouvement.

M. Philippe Adnot s'est inquiété du coût d'une telle mesure et, d'une façon générale, il s'est interrogé sur l'ampleur de la diminution d'effectifs qui pourrait gager le coût des progrès de l'administration électronique.

En réponse, M. Gérard Braun, rapporteur spécial , a indiqué que la dépense fiscale correspondant à la remise attribuée aux télédéclarants devait être très largement compensée par les gains de productivité subséquents. Par ailleurs, la problématique des gains de productivité devait faire l'objet de développements particuliers dans le cadre du contrôle sur les moyens informatiques de l'administration entrepris par M. Jean Arthuis, président de la commission.

A titre de « pierre d'attente », M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a toutefois indiqué que les gains de productivité retenus par le projet « ADELE », compris entre 7 % et 10 %, étaient largement inférieurs à ceux observés à l'étranger, compris, le plus souvent, entre 25 % et 30 %. La commission a alors, à l'unanimité, donné acte de sa communication à M. Gérard Braun, rapporteur spécial , et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information .

* 36 Ainsi en est-il allé, à Bercy, de la gestion de la prime pour l'emploi.

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