EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 29 juin 2004.
A la suite de l'exposé du rapporteur, Mme Maryse Bergé-Lavigne a insisté sur le caractère ambigu de la politique des Etats-Unis en matière de lutte contre la prolifération, en soulignant que le recours à la guerre préventive en Irak avait suscité un sentiment de menace au sein du monde arabo-musulman et ne pouvait qu'encourager les tentations à l'égard du nucléaire militaire. Elle s'est déclarée pessimiste sur l'avenir de la non-prolifération.
M. Jean-Yves Autexier a estimé que la fermeté nécessaire à l'égard de l'Iran ne devait pas exclure une prise en compte du contexte de sécurité dans la région. Il a souligné qu'à la suite des interventions en Afghanistan et en Irak, l'Iran ressentait, plus encore qu'auparavant, un complexe d'encerclement qui l'amenait à vouloir renforcer sa sécurité. Considérant que la politique de non-prolifération traversait une crise profonde, il a opposé l'attitude américaine, qui renforce la détermination des Etats proliférants, à une politique fondée sur le dialogue et la compréhension des préoccupations des partenaires, que la France devrait notamment adopter vis-à-vis de l'Iran, en alliant fermeté et dialogue.
M. Jean-Guy Branger s'est déclaré convaincu que l'Iran disposait de programmes suffisamment avancés pour rendre irréversible l'acquisition de l'arme nucléaire. Il a relevé que le sentiment d'encerclement contribuait à la détermination de l'Iran et que l'intervention trop tardive de la communauté internationale témoignait d'un manque de vigilance.
M. Christian de la Malène a constaté que l'égoïsme et l'hypocrisie constituaient les deux caractéristiques de la conduite des Etats en matière de non-prolifération, chacun se déterminant à la lumière de ses possibilités, de ses inquiétudes et de ses intérêts, ce qui rendait particulièrement difficile l'émergence d'une réelle entente internationale. Il s'est par ailleurs demandé si l'arme nucléaire, désormais répandue entre un plus grand nombre d'Etats, ne s'était pas banalisée. Elle reste toujours aussi dangereuse, mais semble moins redoutée, voire dépassée par des armes nouvelles qui pourraient constituer une menace plus forte, comme les armes biologiques. Cette banalisation ne contribue pas à favoriser la renonciation au nucléaire militaire.
M. Jean-Pierre Plancade a souligné la fragilité des régimes de non-prolifération, dont l'efficacité repose, en dernier ressort, sur la bonne volonté des hommes qui exercent des responsabilités en ce domaine. Il a également relevé la difficulté d'établir des principes incontestés, l'attachement de certains pays à la dissuasion nucléaire pouvant par exemple sembler contradictoire avec la prohibition de l'arme nucléaire pour une majorité de pays. Il a estimé que le caractère gravement préoccupant des crises de prolifération actuelles tenait à ce qu'elles surviennent dans des régimes dictatoriaux ou autoritaires, dépourvus de tout contrôle populaire et de pratique démocratique.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a observé que le seul exemple d'emploi d'une arme nucléaire était le fait d'une démocratie : les Etats-Unis.
Mme Hélène Luc a considéré qu'une large part des questions actuellement soulevées par la prolifération résultait d'un héritage de la guerre froide, mais que le danger est aujourd'hui beaucoup plus grand que par le passé, les règles du jeu qui prévalaient dans un monde bipolaire ayant disparu. Jugeant que les doctrines de dissuasion avaient finalement abouti à banaliser l'arme nucléaire, rendant le risque de son emploi plus élevé, elle a plaidé en faveur d'une interdiction totale des armes nucléaires.
À la suite de ces interventions, M. Xavier de Villepin a apporté les précisions suivantes :
- on constate que la politique des Etats-Unis a favorisé une montée de l'antiaméricanisme dans le monde, rendant de ce fait plus difficile la lutte contre la prolifération ; l'opinion mondiale est également consciente des contradictions de la politique américaine qui s'est appuyée, au temps de la guerre froide, sur ceux qu'elle désigne aujourd'hui comme les plus dangereux en matière de terrorisme et d'armes de destruction massive ;
- les ambitions iraniennes dans le domaine nucléaire sont anciennes, puisqu'elles remontent au régime du Shah ; aujourd'hui même, elles sont soutenues par une large fraction de l'opinion et de la classe dirigeante, y compris dans les rangs des réformateurs ;
- les crises de prolifération nucléaire peuvent difficilement être résolues sans prendre en compte toutes les dimensions du contexte de sécurité régional ; mais s'agissant du Moyen-Orient, la situation est particulièrement complexe, car si l'on peut admettre que l'Iran se sente encerclé, cela est encore plus vrai pour Israël ;
- au-delà des arrière-pensées des Etats ou de leurs contradictions, c'est l'apparition de réseaux privés qui constitue aujourd'hui l'élément le plus dangereux, car ceux-ci alimentent la prolifération nucléaire sans faire intervenir de préoccupations de sécurité, mais en recherchant avant tout des avantages financiers.
La commission a ensuite décidé de publier la communication de M. Xavier de Villepin sous la forme d'un rapport d'information.