CONCLUSION

Il est apparu particulièrement nécessaire à votre commission des affaires étrangères et de la défense d'établir un état des lieux de la prolifération nucléaire après deux années particulièrement nourries en éléments nouveaux. Les auditions auxquelles elle a procédé, dont le compte-rendu est annexé au présent rapport, fournissent un panorama des évolutions récentes et des éléments de réflexion sur les différents enjeux, qu'il s'agisse des deux principaux dossiers actuels, l'Iran et la Corée du Nord, ou de leurs implications sur l'environnement régional et sur le devenir des régimes internationaux de non-prolifération.

Il est bien entendu très difficile, à ce stade, de tirer des conclusions définitives sur un sujet si complexe, mais il est certain que nous nous trouvons dans une phase critique, puisque l'issue des deux négociations parallèles engagées avec la Corée du Nord et l'Iran sera déterminante pour l'avenir du système international de non-prolifération.

Sans être exagérément pessimiste, il est loin d'être acquis que l'exemple de la Libye fera école. Le régime nord-coréen possède déjà, selon toute vraisemblance, une capacité nucléaire. Quant à l'Iran, ses ambitions stratégiques sont très largement partagées au sein de la société et de la classe politique, conservateurs et réformateurs confondus. En outre, dans les deux cas, la question nucléaire est conditionnée par des aspects beaucoup plus larges liés à la sécurité régionale.

Au delà de ces deux crises, il est donc nécessaire de redoubler d'effort pour renforcer la cohésion internationale autour de l'objectif de non-prolifération nucléaire et pour améliorer les instruments juridiques existants et les mécanismes de coopération, afin qu'ils assurent plus efficacement leur rôle de prévention et de dissuasion en la matière et qu'ils permettent de mieux déceler et sanctionner les violations.

S'agissant de la politique française en faveur de la non-prolifération, elle a pris au cours de ces derniers mois un tour extrêmement actif, que ce soit dans la crise iranienne ou à travers des initiatives et des propositions au sein de l'Union européenne, à l'AIEA ou à l'ONU. Elle s'est également attachée à trouver des points d'accord concrets avec nos partenaires, et en premier lieu les Etats-Unis, malgré le différend sur la question des armes irakiennes.

Pour continuer à jouer ce rôle, il faudra cependant opérer un renforcement quantitatif de notre capacité d'expertise et sans doute mieux la valoriser en regroupant des compétences aujourd'hui éclatées entre plusieurs ministères ou structures administratives.

Il faut aussi rappeler que tout en faisant de la lutte contre la prolifération une priorité de sa politique étrangère, la France a pris au cours de la précédente décennie des décisions majeures dans le sens du désarmement nucléaire : suppression de notre composante nucléaire terrestre, avec le démantèlement des missiles stratégiques du plateau d'Albion et des missiles à courte portée Hadès, réduction du format des forces stratégiques aériennes et sous-marines, arrêt définitif et irréversible des essais nucléaires, avec le démantèlement des installations du Pacifique, arrêt de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires et démantèlement de l'usine d'enrichissement de Pierrelatte et de l'usine de retraitement de Marcoule.

Enfin, au moment où l'on s'interroge sur le rôle de la dissuasion nucléaire aujourd'hui et sur son poids dans notre effort de défense, bien qu'il ait fortement diminué depuis 15 ans, il est nécessaire d'éviter les conclusions hâtives. L'actualité de la prolifération montre que nous ne pouvons faire abstraction du nucléaire militaire dans notre environnement de sécurité, même si ce n'est pas, à l'évidence, la menace la plus directe. L'option de la stricte suffisance définie en 1996 paraît donc, de ce point de vue, toujours pertinente.

Page mise à jour le

Partager cette page