LES DIFFICULTÉS FISCALES D'UNE
RÉFORME DE LA PÉRÉQUATION


M. Michel Klopfer, consultant en finances locales

La péréquation est un sujet d'étude permanent. L'apparition d'une fenêtre pour réformer la péréquation a été évoquée. Or, nous n'échapperons pas au débat et à la formulation d'une solution sur la DGF en 2004. La loi de finances pour 1999 avait prévu que la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle ferait l'objet d'une compensation qui monterait en puissance entre 1998 et 2003, avant d'être intégrée à la DGF. Une fois cette opération accomplie, que faisons-nous ? Il faut trouver des formes de calcul pour prendre en compte l'évolution de ce facteur, qui pose d'énormes difficultés. Ce phénomène concerne l'ensemble des politiques locales. Quand on traite un sujet d'une telle importance, il faut le faire pour tous les types de collectivités. Les régions possèdent désormais elles aussi une DGF.

Nous sommes en présence d'un cercle vicieux. La suppression de la « base salaire » a été intégrée dans le potentiel fiscal, avec des inconvénients rappelés par le sénateur Fréville pour la définition de ce potentiel. On arrive à un système incohérent où un élément de la DGF dépend du potentiel fiscal, lui-même déterminé en fonction de la DGF.

Le printemps 2004, au cours duquel la loi sur la DGF sera présentée, sera donc le moment idéal pour traiter le sujet de la péréquation en profondeur.

J'évoquerai deux points concernant les données à partir desquelles on peut travailler sur la péréquation.

On peut tenter de relativiser la péréquation par rapport à l'autonomie financière et fiscale. Certaines collectivités locales demandent plus de péréquation, mais toutes demandent plus d'autonomie. L'Etat pourrait être d'autant plus tenté d'accorder cette autonomie qu'il s'agit d'un moyen pour lui de verser moins d'argent. On a évoqué la solution qui, plutôt que de revenir sur la réforme des bases cadastrales des années 70, consiste à donner la possibilité aux communes de fixer elles-mêmes ces bases avec l'accord des services fiscaux. Dans le cadre d'une certaine transparence, on peut imaginer ce type d'autonomie. En revanche, on sort du cadre de la péréquation. À partir du moment où l'on donne des marges de manoeuvre fiscales aux collectivités, on va à l'encontre de la politique de péréquation.

Les droits de mutation qui servaient à couvrir les dépenses sociales des départements en 1984 représentaient environ l'équivalent du coût de la dépense sociale confiée aux départements. À cette époque, les départements n'avaient pas les moyens humains quantitatifs et qualitatifs d'évaluer ce qu'on leur mettait entre les mains. Lors du transfert des droits de mutation, les ressources des collectivités ont été fortement affectées. La crise immobilière du début des années 1990 a par exemple entraîné pour les Alpes-Maritimes une perte de fiscalité de 10 %.

Il convient de s'interroger sur l'arbitrage nécessaire entre autonomie et péréquation. Si on tentait de mener ces deux idées de front, comment pourrait on y parvenir ?

Il existe trois types de péréquation :

- une péréquation verticale, qui existe aujourd'hui, par l'intermédiaire de l'Etat ;

- une péréquation horizontale, dont on parle peu, car souvent mal vécue, qui n'a que quelques modestes modèles comme le fond de solidarité de la région Ile-de-France ;

- une péréquation transversale, qui viserait à reproduire ce qui existe dans les communautés à taxe professionnelle unique, pour lesquelles la dotation de solidarité communautaire est bien transversale, puisque c'est un système qui donne lieu à cooptation et négociation, mais nécessite une forte autonomie.

On ne pourra pas effectuer de péréquation horizontale ou transversale à partir de la TIPP départementale, qui n'aura aucune base locale. Certains départements, comme les départements frontaliers, pourront se réjouir d'y échapper. Pour le reste, il faudra compter avec une DGF qui progressera moins vite (sur les huit dernières années, elle a progressé trois fois moins vite que la TIPP). Voilà les contraintes qu'il faudra mesurer dans l'examen de la relation entre péréquation et autonomie. Je me garderai bien de donner un avis sur ces arbitrages.

Enfin, je souhaiterais aborder un dernier point. Comment combiner la péréquation avec l'inertie des dotations actuelles ? On peut faire table rase du système existant, telles que les normes de dotations qui remontent au recensement de 1975, par exemple. Mais qu'arrive-t-il quand on bouleverse les données de façon très importante ? Ceux qui y perdent vont demander des compensations et des garanties. Si on observe les travaux parlementaires, on constate que ceux qui demandent des garanties font adopter des amendements. Ce qui s'est passé lors de ces derniers mois à propos de l'augmentation des garanties données aux établissements de coopération intercommunale en matière de DGF en est la preuve.

Plus la péréquation sera définie et approfondie, plus il y aura de mécanismes de rappel qui généreront une résistance par le jeu des demandes de garanties et atténueront ses effets. Cet aspect-là devrait être pris en compte dès le début de l'examen de la loi. L'expérience montre que lors des précédents travaux de ce type, un certain nombre d'amendements votés lors des deux ou trois années suivantes nuisaient à l'effet initialement recherché. Il faudrait donc penser à intégrer les garanties à la loi, afin d'éviter toute mauvaise surprise.

M. Jean François-Poncet : Monsieur Klopfer, je vous remercie. En écoutant cette intervention, chacun aura bien mesuré que si le problème est devenu aujourd'hui incontournable, sa mise en oeuvre est très complexe. Il faut évidemment prendre en compte tous les paramètres de façon afin que ceux qui ne veulent pas de la péréquation ne trouvent pas dans telle ou telle imperfection du système un alibi pour l'écarter. Nous poursuivrons notre travail au Sénat en l'enrichissant des différentes remarques qui nous serons faites afin d'établir un système durable.

Je salue l'arrivée de Gérard Larcher, grand spécialiste de la question et élu de la région parisienne. Il a en effet le mérite de ne pas parler au nom de territoires qui attendent de la péréquation un complément de ressources vitales, ce qui ne fait qu'ajouter à la valeur de son propos.

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