Rapport d'information n° 216 (2003-2004) de MM.
Jean-Jacques HYEST
,
Christian COINTAT
et
Simon SUTOUR
, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 février 2004
Disponible au
format Acrobat
(520 Koctets)
N° 216
____________
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la
séance du 12 février 2004
Enregistré à la Présidence du Sénat
le 16 février 2004
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) à la suite
d'une
mission
effectuée en
Nouvelle-Calédonie
et à
Wallis-et-Futuna
du
9 au 20 septembre
2003
,
Par MM. Jean-Jacques HYEST, Christian COINTAT et Simon
SUTOUR,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de :
M.
René Garrec,
président
; M. Patrice
Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon,
José Balarello, Robert Bret, Georges Othily,
vice-présidents
; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent
Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry,
Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud,
Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel
Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon,
Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Charles Guené,
Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché,
Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Jean Louis Masson, Mme Josiane
Mathon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Josselin de Rohan, Bernard Saugey,
Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul
Virapoullé, François Zocchetto.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Une délégation de la commission des lois
présidée par M. Jean-Jacques Hyest et composée de MM.
Christian Cointat et Simon Sutour s'est rendue en Nouvelle-Calédonie et
à Wallis-et-Futuna du 9 au 20 septembre 2003.
Cette mission poursuivait un
double objectif
.
En Nouvelle-Calédonie, il s'agissait de dresser un
premier bilan d'application du statut de 1999
1
(
*
)
concrétisant les termes de l'accord de
Nouméa
2
(
*
)
.
A Wallis-et-Futuna, votre délégation souhaitait
mesurer les attentes des acteurs locaux au regard d'une organisation statutaire
restée quasi inchangée depuis 1961. La dernière mission de
votre commission dans ce territoire remontait en effet à 1992
3
(
*
)
.
Le déplacement de votre délégation
s'inscrivait dans un
cadre institutionnel profondément
modifié
par la loi constitutionnelle n° 2003-273 du
28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la
République.
Cette réforme a en effet introduit une nouvelle
classification juridique des collectivités situées outre-mer.
D'une part, l'article 73 de la Constitution fixe le statut des
départements et régions d'outre-mer (la Martinique, la
Guadeloupe, la Guyane et la Réunion). D'autre part, l'article 74
consacre une nouvelle catégorie juridique sous le vocable de
«
collectivités d'outre-mer
» qui
se substitue à celle de « territoires d'outre-mer ».
Sont rattachées à cette nouvelle catégorie : la
Polynésie française et les îles Wallis-et-Futuna en tant
qu'anciens territoires d'outre-mer, et les collectivités de Mayotte et
de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cette classification permet de réunir dans un
même cadre constitutionnel les collectivités régies par le
principe de spécialité législative
.
Contrairement au régime de l'identité législative, les
lois et règlements n'y sont pas applicables de plein droit et
requièrent une mention expresse d'extension. Les
« collectivités d'outre-mer » présentent deux
autres points communs : elles exercent des compétences propres en
application d'une loi statutaire qui leur permettent d'intervenir dans les
domaines qui, en métropole, relèvent de la loi ; en outre,
elles se trouvent dans une situation identique vis-à-vis de l'Union
européenne : sans faire partie intégrante de l'Union, elles
lui sont rattachées en tant que pays et territoires d'outre-mer (PTOM),
par un lien d'association.
Restent à l'écart de cette classification
dualiste la Nouvelle-Calédonie, régie de façon autonome
par le titre XIII de la Constitution et les Terres australes et antarctiques
françaises, dernier territoire d'outre-mer en vertu de sa loi statutaire
du 6 août 1955.
Le nouvel article 74 fixe un cadre constitutionnel souple
permettant d'élaborer des
statuts « à la
carte »
en fonction des spécificités et des
aspirations de chaque collectivité d'outre-mer. Il détermine les
dispositions générales, communes à l'ensemble de ces
collectivités et des dispositions particulières, propres aux
collectivités dotées de l'autonomie. Le Parlement a ainsi
récemment adopté un nouveau statut de la Polynésie
française renforçant son autonomie.
Le principe de
diversité
semble ainsi
appelé à inspirer des solutions institutionnelles outre-mer. A
cet égard, du reste, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna
ont valeur d'exemple : quoi de commun, en effet, entre la succession de
statuts qu'a connu la première (pas moins de sept statuts depuis 1963)
et le statu quo dont peuvent se prévaloir les secondes. Les aspirations
des collectivités ultramarines ne sauraient se régler sur un
modèle commun et trouver une seule et même réponse.
Votre délégation s'est ainsi efforcée de
mieux comprendre les facteurs de cette diversité, qui représente
l'une des sources de l'infinie richesse de l'outre-mer français.
Elle a bénéficié au cours de son
déplacement du concours très précieux du haut-commissaire
en Nouvelle-Calédonie, M. Daniel Constantin et de l'administrateur
supérieur à Wallis-et-Futuna, M. Christian Job, ainsi que de
leurs services respectifs. Par ailleurs la délégation a
rencontré le soutien constant de nos deux collègues,
MM. Simon Loueckhote pour la Nouvelle-Calédonie et Robert Laufoaulu
pour Wallis-et-Futuna. Qu'ils trouvent ici, ainsi que l'ensemble des
autorités locales
4
(
*
)
qui ont su chaque fois réserver à la délégation un
accueil chaleureux et attentif, l'expression de notre profonde gratitude.
PREMIÈRE PARTIE
LA
NOUVELLE CALÉDONIE :
UNE RÉFORME STATUTAIRE BIEN
ENGAGÉE
Tout le prix du consensus retrouvé autour des
institutions de la Nouvelle-Calédonie ne peut se mesurer sans un retour
sur l'histoire récente de cette collectivité marquée par
la violence et l'instabilité.
Territoire de peuplement pluriethnique, la
Nouvelle-Calédonie a accédé au statut du territoire
d'outre-mer en 1946. La scène politique dans les années
d'après-guerre est dominée par l'Union calédonienne (UC)
alliance pluriethnique et autonomiste, fondée en 1956 avec pour devise
«
deux couleurs, un seul peuple »
.
Au cours des années 1970, marquées par l'essor
de la production du nickel et l'installation de nouveaux arrivants
-néo-hébridais et Wallisiens pour la plupart-, ce consensus
politique commença de se fissurer. Les options se radicalisèrent
et face à la montée de la revendication indépendantiste,
le courant « loyaliste », tenant du maintien de la
Nouvelle-Calédonie dans la République, s'organisa avec la
création par M. Jacques Lafleur en 1978 du Rassemblement pour la
Calédonie dans la République (RPCR). En 1984, la mouvance
indépendantiste se fédérait autour du Front de
libération nationale Kanak et socialiste (FLNKS) en vue d'instaurer son
projet politique de souveraineté et d'indépendance.
Les tensions s'exacerbèrent dans les années
1980. Entre 1976 et 1988, pas moins de cinq statuts se
succédèrent. A la veille des élections territoriales du
24 avril 1988 -qui coïncidaient avec le premier tour des
élections présidentielles- une prise d'otages à
Ouvéa se solda par l'assassinat de quatre gendarmes et l'assaut
donné pour libérer les autres otages fit vingt-et-un morts, deux
militaires et dix-neuf kanaks. Ces évènements dramatiques,
menaçant de plonger la Nouvelle-Calédonie dans une
véritable guerre civile, convainquirent de l'urgence d'une solution
consensuelle : à l'initiative de M. Michel Rocard, alors
Premier ministre, des négociations aboutirent le 26 juin 1988
à une
déclaration commune
signée à
l'Hôtel Matignon par le RPCR et le FLNKS et, le 20 août 1988,
à l'
accord Oudinot
5
(
*
)
qui fixe le principe d'une
consultation sur l'autodétermination à
échéance de 10 ans
et prévoit un nouvel
équilibre institutionnel. Soumis à un référendum
national, le nouveau statut est approuvé par 80 % des suffrages
exprimés (malgré une forte abstention).
Au cours des dix années de la période
transitoire définie par la loi référendaire du
9 novembre 1988 en application des accords de Matignon, la paix civile a
été durablement restaurée, et l'organisation
institutionnelle stabilisée. Les partenaires ont dès lors
progressivement conçu la nécessité de préserver ces
acquis en évitant une consultation référendaire sur
l'autodétermination susceptible de raviver les antagonismes. Si le
recensement de 1996 avait dénombré 87.000 kanaks et 67.000
européens sur une population de près de 200.000 personnes,
la primauté de l'attachement à la métropole bien
au-delà des européens, chez les Wallisiens, les
Calédoniens d'origine asiatique et de nombreux kanaks, ne laissait
guère d'incertitude sur le maintien de la Nouvelle-calédonie au
sein de la République à l'issue du référendum
d'autodétermination.
Signé à Nouméa le 5 mai 1998, un
nouvel accord
jette les bases d'une solution
consensuelle : il détermine en effet pour une
période transitoire comprise entre 15 et 20 ans,
l'organisation politique de la collectivité, les modalités de son
émancipation et les voies du rééquilibrage
économique et social.
Largement approuvé par référendum le
8 novembre 1998 par la population de Nouvelle-Calédonie, sa mise en
oeuvre a requis une
révision constitutionnelle
(loi
constitutionnelle du 20 juillet 1998) et l'adoption, le 19 mars 1999,
d'une
loi organique
et d'une loi simple.
La Nouvelle-Calédonie devient une collectivité
«
sui generis
» dotée d'institutions
propres et de compétences transférées de manière
progressive mais irréversible.
Votre délégation a pu mesurer sur place le
réel consensus que suscitent le nouveau dispositif institutionnel et son
fonctionnement même si, naturellement, des points de désaccord, en
particulier, la composition du corps électoral, demeurent. Il semble
aujourd'hui que la pérennité de la stabilisation politique de la
collectivité passe par le rééquilibrage économique
entre les provinces.
I. LE CONSENSUS RETROUVÉ AUTOUR DES
INSTITUTIONS
Le tableau suivant présente l'économie
générale du dispositif institutionnel en
Nouvelle-Calédonie.
Les institutions de la
Nouvelle-Calédonie
Le congrès
- 54 membres issus des trois assemblées de
province, élus pour cinq ans, au suffrage universel direct
- Vote les
lois du pays
intervenant dans
une douzaine de matières (principes fondamentaux du droit du travail,
règles concernant le nickel...)
Le gouvernement
- Collège de cinq à onze membres,
élu à la proportionnelle par le congrès pour la
durée de la mandature
- Président du gouvernement élu par les
membres du gouvernement pour la durée du mandat
Le sénat coutumier
- 16 membres désignés selon les usages
de la coutume à raison de deux représentants par aire
coutumière
- Délibère sur les projets ou propositions
de loi du pays relatifs notamment aux domaines du statut civil coutumier, des
terres coutumières et des signes identitaires
L
e conseil économique et
social
- Composé de 39 membres (28
désignés par les provinces, 2 par le sénat coutumier en
son sein et 9 par le gouvernement)
- Consulté sur toute délibération du
congrès à caractère économique et social et peut
être saisi par les assemblées de province, le Sénat
coutumier ou le gouvernement sur les textes à caractère
économique, social ou culturel
33 communes
Les
trois provinces
(du Sud, du Nord,
des Îles)
- S'administrent par des assemblées élues
pour cinq ans au suffrage universel direct
- Exercent la compétence de droit commun
Huit conseils coutumiers
- Institués dans les huit aires coutumières
et composés selon les usages propres à la coutume
- Consultation à l'initiative du sénat
coutumier, du haut commissaire, du gouvernement, du président d'une
assemblée de province ou d'un maire
L'équilibre institutionnel et
politique
auquel est parvenue la Nouvelle-Calédonie
apparaît comme
le fruit des trois apports majeurs
des
Accords de Matignon et de Nouméa : le renforcement des
compétences propres de la collectivité, le partage des
responsabilités et la reconnaissance des spécificités de
l'identité kanak.
Des différends demeurent mais ne paraissent pas
insurmontables.
A. LE TRANSFERT PROGRESSIF ET
IRRÉVERSIBLE DES COMPÉTENCES
La loi organique du 19 mars 1999 n'a pas remis en cause
l'économie générale de la répartition des
compétences entre collectivités. Les provinces exercent la
compétence de droit commun : elles interviennent dans toutes les
matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à la
Nouvelle-Calédonie par la loi organique ou aux communes par la
législation applicable en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, tout
en maintenant le schéma d'un transfert progressif de compétences
de l'Etat vers la Nouvelle-Calédonie dès lors que le
congrès de la Nouvelle-Calédonie en aura pris la décision,
elle pose le
caractère irréversible
de ce
transfert qui ne pourrait être remis en cause que par le pouvoir
constituant.
La loi organique reconnaît à la
Nouvelle-Calédonie une
trentaine de compétences
dont certaines sont
nouvelles
soit qu'elles aient
été créées sans que l'Etat les exerçât
au préalable (signes identitaires et régime de l'emploi), soit
qu'elles concernent les spécificités du territoire (statut civil
coutumier, terres coutumières et palabres coutumiers ou encore limites
des aires coutumières ; réglementation relative aux
hydrocarbures, au nickel, au chrome et au cobalt). En outre, la
Nouvelle-Calédonie est désormais compétente, en
matière d'inspection du travail, de commerce extérieur, des
postes et télécommunications, de la desserte aérienne vers
une destination étrangère, de la réglementation des prix
et d'organisation des marchés ou encore de l'enseignement primaire
public.
Par ailleurs, la loi organique prévoit le
transfert progressif
à la Nouvelle-Calédonie de
diverses compétences actuellement détenues par l'Etat. A cet
égard, elle distingue, d'une part, les
compétences
exclusives de l'Etat
non transférables (garanties des
libertés publiques, justice, défense, monnaie...) ; d'autre
part, les
compétences partagées
(relations
extérieures, conditions d'entrée et de séjour des
étrangers, maintien de l'ordre et droit pénal...) qui peuvent
faire l'objet d'une information, d'une consultation voire d'une association du
gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; enfin des
compétences provisoires
exercées par l'Etat
jusqu'à leur transfert à la Nouvelle-Calédonie à
partir de 2004
6
(
*
). Les
compétences transférées et l'échéancier des
transferts devront faire l'objet d'une loi du pays adoptée à la
majorité des trois cinquièmes des membres du congrès de la
Nouvelle-Calédonie, au plus tard le dernier jour du sixième mois
suivant le début des deux prochains mandats successifs du congrès
(2004 ;2009).
Enfin, le congrès pourra,
à partir de
son mandat commençant en 2009
adopter une résolution
tendant à ce que soient transférées à la
Nouvelle-Calédonie, par une loi organique ultérieure, les
compétences détenues par l'Etat dans trois domaines :
administration des provinces, communes et leurs établissements publics,
enseignement supérieur et communication audiovisuelle.
Le transfert de nouvelles compétences s'accompagne du
transfert des services et des moyens correspondants
. La loi
organique du 9 mars 1999 prévoit le transfert des services ou
parties de services de l'Etat chargés de la mise en oeuvre d'une
compétence attribuée à la Nouvelle-Calédonie. Une
commission consultative d'évaluation des charges, présidée
par le président de la chambre territoriale des comptes de Nouméa
et composée à parité de représentants de l'Etat et
de représentants des collectivités locales -soit douze membres au
total- est chargée de donner un avis préalable sur la
compensation financière par l'Etat des transferts de
compétence.
Ont d'ores et déjà été
transférées à la Nouvelle-Calédonie les services du
commerce extérieur (convention du 16 décembre 2001), de
l'inspection du travail (convention du 17 janvier 2002), du vice-rectorat
(convention du 25 mars 2002). La conclusion de la convention pour le
transfert du service des mines devrait aboutir dans des délais rapides.
S'agissant des établissements publics, l'office des postes et
télécommunications a été transféré le
1
er
janvier 2003 et l'institut de formation des personnels
administratifs devrait l'être incessamment.
D'après les informations fournies à votre
délégation par le haut-commissaire, les retards pris par les
travaux de la commission d'évaluation des charges, puis le long
délai de signature par le ministère des finances des
arrêtés financiers ont retardé le versement des montants
dus au titre de la dotation globale de compensation. Au total, le besoin de
financement en année pleine pour l'année 2003 est de
3,461 millions d'euros (soit 507.000 euros au titre de 2002 et
2.954 millions d'euros au titre de 2003).
Les nouveaux moyens dégagés dans le projet de
budget 2004 devraient permettre de remédier à cette
anomalie.
M. Pierre Frogier, président du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie, a dressé devant votre
délégation, un bilan plutôt satisfaisant du transfert des
services de l'Etat. Il a relevé cependant certaines difficultés
pour pourvoir les postes territoriaux du fait de la réticence de l'Etat
à consentir au transfert des fonctionnaires d'encadrement.
B. LE PARTAGE DES POUVOIRS
La vie politique demeure marquée par la bipolarisation
entre le Rassemblement et son allié, le FCCCI, d'une part, et les
différentes composantes indépendantistes, d'autre part. Les
élections provinciales du 9 mai 1999 et les élections
municipales des 11 et 18 mars 2001 ont confirmé le rapport de force
entre les premiers, majoritaires, et les seconds.
Le partage du pouvoir est à l'évidence, comme
l'a rappelé avec force M. Jacques Lafleur, président de
l'assemblée de la province Sud, à votre délégation,
l'un des éléments clefs du consensus institutionnel. Il repose
principalement sur le découpage du territoire en trois provinces,
dotées de la compétence de droit commun et de réels
pouvoirs financiers : les élections ont conduit les
indépendantistes à assumer la gestion des provinces Nord et des
Iles tandis que la province Sud restait sous la responsabilité du
Rassemblement.
Au-delà de cette répartition politique,
l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, en particulier
à travers un gouvernement représentatif de l'ensemble des partis,
invite à un dialogue constant pour définir des orientations
communes.
Les principales forces de
Nouvelle-Calédonie
- Le
Rassemblement pour la Calédonie dans la
République
(
RPCR
), devenu en 2000 le
Rassemblement
, défend, depuis sa création le
25 juin 1978 par M. Jacques Lafleur, le principe du maintien de la
Nouvelle-Calédonie dans la République. Il constitue la force
majoritaire en Nouvelle-Calédonie (24 sièges sur 54 au
congrès et 38 % des voix aux élections provinciales de mars
2004).
-
Le
Front de libération
nationale kanak et socialiste
(
FLNKS
)
créé le 24 septembre 1984 est une fédération
de formations indépendantistes : l'
Union
calédonienne
-
UC
- (composante
majoritaire) ; le
Parti de libération kanak
-
Palika
- dont l'audience s'est beaucoup accrue au cours des
quatre dernières années et qui contrôle la Province
Nord ; l'
Union progressiste Mélanésienne
-
UPM
- ; le
Rassemblement
démocratique
océanien
-
RDO
- composé principalement de membres de la
communauté wallisienne et futunienne ralliés aux
indépendantistes.
- La
Fédération des Comités de
coordination des indépendantistes
-
FCCI
-
partisan d'un partenariat avec le rassemblement en poursuivant néanmoins
l'objectif de créer à terme les conditions de
l'indépendance dans un cadre démocratique.
- L'
Alliance
(ex. Une
Nouvelle-Calédonie pour tous -UNCT) opposée à
l'indépendance mais soucieuse de limiter
l' « hégémonie » du
Rassemblement.
- Les trois
provinces
ont été
créées par la loi référendaire du 9 novembre
1988 et confirmées par la loi organique du 19 mars 1999
7
(
*
).
Les provinces s'administrent librement par des
assemblées élues au suffrage universel direct (à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne sur des
listes bloquées) pour une durée de cinq ans.
Ces assemblées sont dominées par des
majorités différentes : le Rassemblement pour la province
Sud, la mouvance indépendantiste pour les provinces Nord et des
îles (FLNKS-palika pour la première ; FLNKS-UC pour la
seconde). Chacune des assemblées élit un président
(respectivement, MM. Jacques Lafleur, Paul Neaoutyine, Robert
Xowie), exécutif de la collectivité.
Les provinces disposent de la
compétence de
droit commun
: elles sont compétentes «
dans
toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou
à la Nouvelle-Calédonie par la loi organique ou aux communes par
la législation applicable en Nouvelle-Calédonie
»
(loi organique, art. 20). En pratique, les responsabilités des
provinces s'exercent plus particulièrement dans les domaines de
l'agriculture, du développement économique (notamment l'aide aux
entreprises) de la santé et de l'urbanisme. Les provinces
possèdent également un domaine public maritime (zone des
cinquante pas dit géométriques, rivages de la mer, sol et
sous-sol des eaux intérieures et des eaux territoriales). Par ailleurs,
si la réglementation des ressources minières incombent au
congrès, les décisions d'application de cette
réglementation sont prises par les assemblées de province. Ainsi,
au titre de leurs compétences propres, les autorités provinciales
disposent d'importants leviers pour valoriser les ressources en nickel de
l'île au profit du développement économique de leur
territoire.
La compétence de droit commun reconnue aux provinces
limite nécessairement les responsabilités dévolues aux
communes
. Celles-ci, collectivités territoriales de la
République, fonctionnent essentiellement, sous réserve de
certaines adaptations, selon les dispositions du code des communes
métropolitaines de 1977. La fiscalité locale classique -taxe
d'habitation, taxe professionnelle, taxes foncières- ne peut être
transposée à la Nouvelle-Calédonie en raison de la
concentration de la matière imposable dans l'agglomération de
Nouméa et du problème prévisible que soulèverait la
taxation des terres coutumières.
L'essentiel des ressources de fonctionnement des communes
provient dès lors des dotations de la Nouvelle-Calédonie ou de
l'Etat. Ainsi, 72 % des impôts, droits et taxes perçus au
profit du budget de la Nouvelle-Calédonie en 2002 ont une vocation
redistributive au profit des provinces et des communes (auxquelles sont
exclusivement réservés 16 % des recettes).
L'article 27 de la loi organique ouvre la perspective
à terme d'une organisation des communes propre à la
Nouvelle-Calédonie. En effet, il donne au congrès la
faculté, à compter de 2009, d'adopter une résolution afin
que lui soit transférée, par une loi organique ultérieure,
la compétence en matière d'administration, de contrôle de
légalité et de régime comptable et financier des provinces
et des communes.
- A l'échelle de la collectivité dans son
ensemble, le
congrès
, mis en place en mai 1999,
est l'émanation des provinces ; en effet, ses 54 membres sont
issus des trois assemblées de province (32 des 40 membres de
l'assemblée de la province du Sud ; 15 des 22 membres de
l'assemblée de la province du Nord ; 7 des 14 membres de
l'assemblée de la province des îles Loyauté). Cette
institution est actuellement dominée par une majorité
composée du Rassemblement (24 sièges) et de la FCCI
(4 sièges), l'opposition indépendantiste est
représentée par deux groupes distincts (l'Union
calédonienne du congrès et le groupe FLNKS).
Le
congrès
tient chaque année
deux réunions ordinaires dont la durée ne peut excéder
deux mois (la première s'ouvre en juin -session administrative - la
seconde en novembre - session budgétaire). Il peut également se
réunir en session extraordinaire. Il élit chaque année son
président -actuellement notre collègue, M. Simon Loueckhote
(RPCR)- son bureau ainsi qu'une
commission permanente
composée de sept à onze membres siégeant en-dehors
des sessions et chargée de régler les affaires pour lesquelles
elle a été habilitée. La loi organique -et ce fut sa
principale innovation- a permis au congrès d'adopter des
lois du
pays
. Ces lois du pays peuvent intervenir dans une douzaine de
matières (principes fondamentaux du droit du travail, règles
concernant le nickel...). Adoptées après avis du Conseil d'Etat,
elles peuvent donner lieu, dans un délai de quinze jours, notamment
à la demande du haut-commissaire, à une deuxième
délibération. Celle-ci conditionne une éventuelle saisine
du Conseil constitutionnel appelé à se prononcer dans les trois
mois. Au terme de cette procédure, les lois du pays sont
promulguées par le haut-commissaire ; elles acquièrent alors
valeur législative
et ne peuvent être
contestées devant les tribunaux administratifs.
A ce jour, 29 lois du pays ont été
adoptées (une seule, la loi du pays relative à l'institution d'un
taxe générale sur les services, a été, à
l'initiative du président de la province des îles Loyauté,
déférée au Conseil constitutionnel qui l'a
validée). Les lois du pays récemment adoptées illustrent
l'étendue des champs couverts par cette nouvelle catégorie d'acte
juridique : la loi du pays n° 2002-23 du
30 décembre 2002 relative à la taxe communale sur
l'électricité, la loi du pays n° 2003-1 du
29 janvier 2003 portant diverses dispositions d'ordre fiscal en
matière de fiscalité des entreprises ou encore la loi du
pays n° 2003-3 du 27 mars 2003 instituant une taxe de
soutien aux actions de lutte contre la pollution.
Par ailleurs, le congrès est consulté sur les
projets de loi modifiant le droit applicable en Nouvelle-Calédonie. Il
peut enfin créer des commissions d'enquête.
-
L'exécutif
, longtemps confié
au représentant de l'Etat -à l'exception des statuts Lemoine
(1984) et Pons (1988) qui n'entrèrent jamais vraiment en vigueur- est
désormais confié à un gouvernement de cinq à
onze membres élus à la
proportionnelle
par
le congrès pour la durée de la mandature. Le gouvernement
réunit ainsi des représentants de la majorité et de
l'opposition. Il constitue un organe collégial, chargé de
préparer et d'arrêter les projets de délibérations
et de lois de pays et de veiller à leur exécution après
leur adoption par l'assemblée délibérante. Le gouvernement
élit son président. Celui-ci exerce les prérogatives
classiques de l'exécutif d'une collectivité : il dirige
notamment l'administration ; il représente en outre la
collectivité dans l'exercice des compétences internationales qui
lui ont été dévolues (et notamment la signature des
accords avec les Etats, territoires ou organismes régionaux). Mais
l'originalité de cette fonction repose sur le rôle
d'animation et de négociation
8
(
*
)
qui incombe au président, non
seulement au sein d'un gouvernement composé pour partie de la
minorité politique mais aussi entre les provinces,
éléments essentiels de l'équilibre institutionnel de la
Nouvelle-Calédonie.
La composition d'un gouvernement formé à la
proportionnelle peut être source de difficultés
9
(
*
).
Le gouvernement actuel, le troisième depuis la mise en
place des nouvelles institutions, a été élu le
28 novembre 2002 à la suite de la démission d'office
consécutif à la démission de M. Gérard Cortot,
membre du groupe de l'Union calédonienne et de ses suivants de liste. En
effet, l'article 121 de la loi organique prévoit le remplacement
automatique d'un membre ayant cessé d'exercer ses fonctions par le
suivant de liste sur laquelle le candidat sortant a été
élu. Si la liste est épuisée, l'exécutif est alors
considéré comme démissionnaire car il n'est plus
représentatif de l'équilibre politique voulu par le
congrès.
Le gouvernement actuel comprend dix membres au lieu de onze
dans le gouvernement précédent (six issus du Rassemblement et un
FCCI pour la majorité ; pour l'opposition : trois membres
indépendantistes -un Palika, un FLNKS et un Union calédonienne).
Comme l'a indiqué M. Pierre Frogier à votre
délégation, ces fluctuations politiques ont mis en
évidence un risque d'instabilité qui pourrait être
corrigé par une modification de la loi organique afin que la
démission du gouvernement ne puisse résulter que d'une
décision de la majorité de ses membres, de la démission ou
du décès de son président, ou du vote d'une motion de
censure par le Congrès.
Une telle modification supposerait la révision de la
loi organique ; or, il ne semble pas opportun aujourd'hui de remettre en
cause le statu quo institutionnel.
Malgré ces difficultés, selon les
témoignages recueillis par votre délégation auprès
des principaux acteurs politiques du territoire, le Rassemblement et les
indépendantistes ont pris l'habitude de tenir des
réunions informelles
, en principe hebdomadaire,
(alternativement dans la province Nord et dans la province Sud), afin de
surmonter leurs différends. C'est là sans doute le signe le plus
encourageant de la conviction largement partagée par les mouvements
politiques que l'avenir de la collectivité ne peut être qu'un
avenir partagé dont les contours doivent être définis de
manière consensuelle.
C. LA RECONNAISSANCE DU RÔLE DE LA
COUTUME
La reconnaissance du rôle de la coutume apparaît
sans doute comme l'un des aspects les plus novateurs du statut de 1999. Elle
s'est traduite par l'instauration de
conseils coutumiers
dans
chacune des huit aires coutumières de Nouvelle-Calédonie
ainsi que par la mise en place du
sénat coutumier
.
Cette institution comprend seize membres désignés selon les
usages reconnus par la coutume, à raison de deux représentants
par aire coutumière. Son président est désigné
annuellement sur la base d'une présidence tournante entre les huit
aires. Le passage à l'élection des membres du sénat
coutumier pourra être décidé à compter de 2005 selon
des modalités que devra régler une loi du pays.
Le sénat coutumier délibère sur les
projets de propositions de lois du pays relatives notamment aux domaines du
statut civil coutumier, des terres coutumières et des signes
identitaires. Il ne dispose toutefois pas du pouvoir d'initiative.
Par ailleurs, il est obligatoirement consulté sur les
projets de délibérations de la Nouvelle-Calédonie ou d'une
province «
intéressant l'identité
kanak
». Il peut, en outre, être consulté sur toute
autre question par les présidents du gouvernement, du congrès ou
d'une assemblée de province, ainsi que par le haut-commissaire. Enfin,
il peut, à son initiative, saisir le gouvernement, le congrès ou
une assemblée de province de toute proposition
«
intéressant l'identité
kanak
».
Le sénat coutumier ne semble pas encore parvenu
à affirmer toute sa place au sein des institutions de la
Nouvelle-Calédonie. Certes, le bilan de son action n'est pas
négligeable : ainsi, il a présenté en 2003 à
la commission des affaires coutumières du congrès et au
gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, une proposition de loi du pays
relative au procès-verbal de palabre coutumier ainsi qu'une proposition
de délibération portant création d'une académie de
langue kanak. Cependant, les membres du sénat coutumier ont
regretté devant votre délégation que le congrès
n'ait pas, à ce jour, donné le prolongement législatif
nécessaire à ces initiatives. Par ailleurs, le sénat
coutumier s'est attaché à définir les objectifs du
cadastre coutumier : élaboration d'un schéma directeur,
création d'une banque de données et définition d'un
partenariat institutionnel.
LE DROIT COUTUMIER
Le droit coutumier peut s'appliquer dans
quatre
domaines principaux
:
le statut civil coutumier
Le droit des personnes et le droit des biens de ces personnes
peut être régi par la coutume. «
L'enfant
légitime, naturel ou adopté dont le père et la mère
ont le statut civil coutumier a le statut civil coutumier
»
(art. 10 de la loi organique). En outre, le statut de 1999 permet
désormais à une personne soumise au droit commun de demander
à bénéficier du statut civil coutumier revenant ainsi sur
une position du Conseil d'Etat, exprimée dans un avis du 16 juin
1983, qui avait alors estimé que «
les personnes
bénéficiant du statut civil de droit commun ne peuvent y renoncer
pour être placées sous statut coutumier
». La
primauté du statut de droit commun est néanmoins
préservée et «
toute personne de statut civil
coutumier peut renoncer à ce statut au profit du statut civil de droit
commun
» (art. 13 de la loi organique).
les palabres coutumiers
Ils constituent les seuls documents écrits manifestant
la volonté des autorités coutumières. Leur valeur
juridique demeure incertaine. La loi organique du 19 mars 1999 a
transféré la compétence en matière de
réglementation des procès-verbaux de palabre des provinces
à la Nouvelle-Calédonie. Une loi du pays sur ces questions est
toujours attendue.
la médiation
pénale
L'accord de Nouméa prévoit la reconnaissance du
«
rôle des autorités coutumières dans la
prévention sociale et la médiation
pénale
». La médiation pénale
coutumière doit être mise en oeuvre à l'initiative et sous
le contrôle du procureur de la République. Cependant, les
conditions d'adaptation aux spécificités locales des dispositions
pertinentes du code de procédure pénale en vigueur sur le
territoire font encore l'objet de discussions.
le foncier
L'histoire de la Nouvelle-Calédonie est marquée
par une occupation foncière duale entre les réserves autochtones
où réside la population kanak et le domaine foncier
réparti entre les propriétés privées et celles des
collectivités.
La revendication foncière -qui s'est traduite par
l'occupation de propriétés- a accompagné l'affirmation du
mouvement indépendantiste. Un souci d'apaisement a conduit à un
rééquilibrage de la répartition du domaine foncier sous
l'égide d'un établissement public, l'agence de
développement rural et foncier (ADRAF) créé en
1989
10
(
*
) : le
foncier kanak occupe aujourd'hui 18 % de l'espace foncier de la Grande
Terre contre 10 % en 1978 - le foncier privé, 19 % en
2002 contre 25 % en 1978, les collectivités, essentiellement la
Nouvelle-Calédonie, demeurant le principal propriétaire avec
64 % des superficies de la Grande Terre en 2002.
Néanmoins, l'affirmation du rôle de la coutume ne
va pas sans difficulté. En premier lieu, la coutume
«
n'est pas encore élaborée, ni fixée ;
elle est complexe et incertaine, parfois jugée dénaturée,
d'autres fois désuète, excessive,
critiquée...
»
11
(
*
).
Ensuite, l'autorité du sénat coutumier est
elle-même affectée par les clivages qui traversent la
communauté kanake. Elle est également contestée par
certains des conseils des huit aires coutumières, soucieux de
préserver leurs prérogatives
Enfin, la jeunesse mélanésienne semble
manifester une
désaffection
croissante vis-à-vis
des autorités coutumières dont le poids est désormais
moins bien supporté. De même, les obligations coutumières
et, en particulier, le devoir d'entraide envers les tiers se relâchent.
Cette évolution explique en partie l'attrait exercé par la
province sud et Nouméa car l'influence de la coutume y apparaît
beaucoup plus faible.
Comme l'ont indiqué les chefs de juridiction au cours
d'une réunion de travail avec votre délégation, la
progression de la délinquance
au cours des dix
dernières années (+269 % entre 1993 et 2002) apparaît
révélatrice de la
perte des valeurs
coutumières
. L'année 2002 a confirmé cette
tendance avec une progression de 16,50 % des faits constatés
(8 119 contre 6 989 en 2001). Les cambriolages en particulier,
enregistrent une forte hausse (+38 %) tandis que les dégradations
ont plus que doublé (+110 %). Le taux de criminalité passe
ainsi de 87 à 97,5 pour mille habitants, dépassant largement le
taux national (69,32 pour mille habitants).
Les deux
principaux facteurs de
délinquance
demeurent, d'une part, la consommation excessive
d'alcool, sujet majeur de préoccupation notamment au regard de la
sécurité routière et, d'autre part, la progression des
faits de violence publique (dégradations, cambriolages, vols divers...).
La part des mineurs reste importante pour les cambriolages (42,5 %), les
vols à la roulotte (37 %) et les vols simples (27 %).
Au cours d'une visite du centre pénitentiaire de
Nouméa, votre délégation a également pu prendre la
mesure de la surpopulation chronique de cet établissement qui, d'une
capacité de 192 places, accueillait au
1
er
juillet 2003, 331 détenus (soit un taux
d'occupation supérieur à 172 %). Aussi, votre
délégation estime-t-elle nécessaire que soient mis en
oeuvre les
moyens d'une restructuration complète de
l'établissement
1
(
*
)
ou d'une reconstruction sur un autre site.
Faute d'une décision rapide, l'infrastructure actuelle continuera de se
dégrader avec les risques d'une tension accrue au sein du centre.
D. LA COMPOSITION DU CORPS
ÉLECTORAL ENCORE EN DÉBAT
Aux termes de la loi organique du 19 mars 1999, le corps
électoral appelé à se prononcer pour les élections
au congrès et aux assemblées de province est plus restreint que
le corps électoral des autres élections. Cette distinction se
fonde sur la reconnaissance, inédite dans la tradition juridique
française, d'une
citoyenneté de la
Nouvelle-Calédonie
. Les divergences entre le Rassemblement et
le FLNKS se cristallisent sur les critères d'appartenance au corps
électoral restreint.
Les Mélanésiens, il convient de le rappeler, ont
dû attendre la loi du 7 mai 1946 pour se voir reconnaître
la citoyenneté française et le droit de vote. L'affirmation d'un
mouvement indépendantiste a, par la suite, conduit à la
revendication d'une citoyenneté propre à la
Nouvelle-Calédonie dans la perspective d'un référendum
d'autodétermination auquel participeraient seuls les
bénéficiaires de cette citoyenneté. En 1988, le FLNKS
admit en signant les accords de Matignon avec l'Etat et le RPCR que les
«
populations intéressées
» à
l'avenir du territoire, seules habilitées à se prononcer sur les
scrutins jugés déterminants (élections au congrès
et aux assemblées de province, scrutin d'autodétermination),
comprennent non seulement la «
nation kanak
»,
mais aussi
tous ceux arrivés en Nouvelle-Calédonie avant
1988
. En 1998, dans le cadre de l'accord de Nouméa, le FLNKS a
accepté, à la demande du RPCR, de reculer la date limite
étendant aux
électeurs arrivés avant 1998
la possibilité de participer aux élections au congrès et
aux assemblées de province s'ils justifiaient de
dix
années de résidence à la date de
l'élection
. Cette évolution s'accompagna de la
reconnaissance par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 d'une
citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, traduction d'une
communauté de destin choisie qui s'organiserait en nationalité
s'il devait en être décidé ainsi.
La loi organique du 19 mars 1999 prévoit
ainsi la
coexistence de plusieurs listes
électorales
:
- la
liste électorale
générale
comprend les électeurs admis à
participer aux scrutins nationaux, municipaux et européens ;
- la
liste électorale spéciale
est quant à elle composée des seuls électeurs admis
à participer aux élections des membres du congrès et des
assemblées de province. Y sont inscrits les électeurs figurant
sur la liste électorale générale et remplissant en
particulier la condition de domicile continu depuis au moins dix ans en
Nouvelle-Calédonie
12
(
*
) ;
- un
tableau annexe
des autres
électeurs non admis à participer à ces élections
dans l'attente de satisfaire à la condition des dix années de
résidence ;
- la
liste complémentaire des électeurs
européens
admis à participer aux seules élections
européennes et municipales.
Le Conseil constitutionnel a cependant estimé, dans sa
décision n° 99-410 du 15 mars 1999, que les dix
années de domicile devraient s'apprécier «
à
la date de l'élection (...) quelle que soit la date de leur
établissement en Nouvelle-Calédonie, même
postérieure au 8 novembre 1998
».
Cette interprétation, évidemment
contestée par les indépendantistes, tend à accroître
chaque année le corps électoral du nombre des électeurs
inscrits sur le tableau annexe remplissant la condition de dix ans de domicile
en Nouvelle-Calédonie. En conséquence, le précédent
gouvernement avait introduit en 1999 un projet de loi constitutionnelle
tendant à «
figer
» le corps
électoral restreint «
en prenant en
référence [de la mise à jour de la liste électorale
spéciale] la liste des personnes inscrites au tableau annexe
dressée en vue de la consultation du 8 novembre 1998 tendant
à l'approbation de l'accord de Nouméa
»,
c'est-à-dire les personnes entrées en Nouvelle-Calédonie
entre 1988 et 1998. Cette disposition, adoptée par l'Assemblée
nationale et le Sénat, devait être soumise au vote du
Congrès le 24 janvier 2000 avec le projet de loi portant réforme
du Conseil supérieur de la magistrature.
Les difficultés soulevées par ce second texte
ont conduit au report
sine die
de la réunion du Congrès
qui aurait permis l'adoption définitive du projet de révision
constitutionnelle relatif à la Polynésie française et
à la Nouvelle-Calédonie.
Depuis lors, la
question du corps électoral
reste en suspens
. Lors de son déplacement en
Nouvelle-Calédonie, en juillet dernier, le Président de la
République a pris l'engagement de régler ce problème
«
en concertation étroite et avec un accord très
étroit avec l'ensemble des Calédoniens avant la fin de [son]
mandat
».
La question, il est vrai, ne se posera qu'après 2008
pour les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie après
1998 et répondant aux critères des dix années
d'ancienneté, soit, en pratique, pour le renouvellement du
congrès et des assemblées de province prévu en
2009.
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'Homme,
saisie le 19 avril 2001, par l'association de défense du droit
de vote, d'un recours contestant le corps électoral restreint retenu
pour les élections au congrès et aux assemblées de
province de mai 1999, pourrait rendre sa décision avant la fin de
l'année 2004. Cette décision éclairera
nécessairement la position que le Gouvernement français sera
appelé à prendre. Le Comité des droits de l'Homme
auprès de l'Organisation des Nations unies, saisi par les mêmes
demandeurs en juin 2000, s'est prononcé le
26 juillet 2002 en refusant de reconnaître un caractère
discriminatoire aux critères de définition du corps
électoral restreint.
Il semble aujourd'hui que l'initiative incombe aux
responsables politiques de Nouvelle-Calédonie. Or un accord ne
paraît pas hors de portée. Lors de la dernière
réunion du comité des signataires de l'accord de Nouméa,
à Koné, dans la province du Nord, en juin 2003, M. Jacques
Lafleur a ainsi déclaré « comprendre » la
position des indépendantistes.
Tout incline à penser qu'une formule consensuelle
pourrait être trouvée sur cette question.
Il convient enfin d'observer que le
corps
électoral appelé à se prononcer sur l'accession à
la « pleine souveraineté »
(consultation
prévue entre 2014 et 2018) dont la liste n'est pas encore dressée
présente une composition particulière : il comprendra toutes
les personnes admises à voter le 8 novembre 1998 (pour l'approbation de
l'accord de Nouméa -soit les électeurs justifiant alors d'une
durée de dix années de résidence) et leurs descendants,
les personnes justifiant d'une durée de vingt ans de domicile en
Nouvelle-Calédonie, celles dont les parents sont nés en
Nouvelle-Calédonie et qui justifient y avoir le centre de leurs
intérêts matériels et moraux, les personnes de statut civil
coutumier et celles qui, nées avant le 1
er
janvier 1989,
auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998. Ainsi,
donc pas moins de cinq corps électoraux et quatre listes
électorales coexistent en Nouvelle-Calédonie.
II. LE
RÉÉQUILIBRAGE ÉCONOMIQUE ENTRE LES PROVINCES, CONDITION DE
LA STABILISATION DURABLE DE LA COLLECTIVITÉ
Sans doute la voie de l'apaisement passe-t-elle aujourd'hui
par un développement équilibré du territoire. Le retard de
la province Nord -et aussi de la province des Iles- par rapport à la
province Sud peut constituer une source de tensions. C'est pourquoi le
développement du projet industriel lié à l'exploitation du
nickel dans le Nord -parallèlement à la réalisation des
autres projets dans la province Sud- représente un enjeu non seulement
économique mais aussi politique. En tout état de cause, les
politiques publiques volontaristes demeurent un facteur essentiel de
rééquilibrage.
A. UN DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE RÉEL MAIS FRAGILE
Si les économies ultramarines sont souvent
dépendantes des transferts de la métropole, la
Nouvelle-Calédonie dispose quant à elle, en particulier avec le
nickel, des bases d'un développement économique autonome.
Néanmoins, les déséquilibres apparaissent manifestes entre
une province Sud florissante et les provinces Nord et des Iles
enclavées.
Le développement économique de la
Nouvelle-Calédonie repose essentiellement sur le nickel. Celui-ci
représente en effet quelque 3.000 emplois et une dizaine de
sociétés. Il assure plus de 90 % de la valeur des
exportations.
La ressource en nickel est évaluée au quart
des réserves mondiales
.
Si l'industrie du nickel connaît traditionnellement des
cycles marqués, la diversification croissante des acheteurs de nickel en
Nouvelle-Calédonie a permis à l'activité
métallurgique de mieux amortir les fluctuations de l'économie
mondiale.
Le tourisme et la pêche constituent les deux autres
principaux ressorts de la croissance de la collectivité.
Avec plus de 100.000 touristes par an (pour une
population de 215.000 habitants), dont le tiers d'origine japonaise,
l'
activité touristique
représente 6 % de
l'emploi salarié et l'un des instruments du rééquilibrage
économique entre les provinces. Cependant, ce secteur reste très
dépendant d'une conjoncture internationale incertaine ainsi que des
conditions de la desserte aérienne.
Enfin, le
secteur de la pêche
ouvre des
perspectives intéressantes ; en effet, la zone économique
exclusive de 1,45 million de km
2
représente la
moitié de la Méditerranée. Cependant, la flottille
actuelle, bien qu'en augmentation constante, n'est pas à la mesure de la
richesse des ressources halieutiques. Il convient de mentionner en outre
l'essor, avec le soutien de l'IFREMER, de l'aquaculture -principalement
axée sur la production de crevettes- à l'origine de la
création de 700 emplois en dix ans dans les fermes
aquacoles.
Le développement de la Nouvelle-Calédonie
demeure très
déséquilibré
. La
province Sud, et plus particulièrement le grand Nouméa, concentre
plus de
70 % des établissements industriels et
commerciaux
. Elle comptait (au 1
er
janvier 2002)
douze zones industrielles et artisanales (soit plus de 1.000 lots
voués à des activités économiques dont 95 %
situés dans le grand Nouméa) contre trois en province Nord
(Koné, Pouembout et Koumac) et une dans la province des Iles.
Le grand Nouméa compte 120.000 personnes pour une
population totale de 220.000 habitants.
Le maire de Nouméa, M. Jean Lèques, a
particulièrement insisté devant votre délégation
sur les risques et difficultés sociales liés à une
concentration excessive de la population à Nouméa. Le contrat
d'agglomération regroupant les communes de Nouméa, Mont-Dore,
Dumbéa et Païta, l'Etat et la province Sud (120 millions d'euros
sur la période 2000-2004) a permis de mettre en oeuvre une politique
d'aide aux populations les plus défavorisées.
Le taux d'activité s'élevait en province Sud
à près de 62 % contre 48 % et 42 %, respectivement
en provinces Nord et des Iles. Le taux de chômage est en moyenne deux
à trois fois plus élevé dans ces deux provinces qu'en
province Sud.
B. LA RÉALISATION DES GRANDS
PROJETS MINIERS, FACTEUR CLEF DU RÉÉQUILIBRAGE
ÉCONOMIQUE
L'extraction du nickel est exploitée aujourd'hui par
une dizaine de sociétés dominées par la
société Le Nickel (SLN) et la Société
minière du Sud Pacifique (SMNP).
Plus ancien opérateur minier de la
Nouvelle-Calédonie, la SLN exploite deux grands centres miniers sur la
côte Est (Thio et Kouaoua - province Sud) ainsi que deux autres sites sur
la côte Ouest (Népoui et Tiébaghi - province Nord).
La SMSP a été rachetée par l'Etat
à M. Jacques Lafleur, puis cédée à
hauteur de 87 % à la société d'économie mixte
de la province Nord, la SOFINOR, dans le cadre du rééquilibrage
économique prévu par les accords de Matignon. Ses exploitations
minières se concentrent en province Nord (région de Poum, Poya,
Ouaco, Kouaoua et Nakéty).
La Nouvelle-Calédonie ne compte qu'une seule usine
métallurgique sur le territoire, appartenant à la SLN et
située pointe Doniambo à Nouméa. Elle emploie environ
1.300 personnes et a produit près de 60.000 tonnes de nickel
en 2002.
Le rôle du nickel dans l'économie
calédonienne pourrait connaître un développement accru avec
d'une part l'extension de l'usine de Doniambo et, d'autre part, la
réalisation de deux nouveaux projets.
L'
extension de l'usine de Doniambo
représenterait un montant de 190 millions d'euros et permettrait de
porter la production de 60.000 tonnes à 75.000 tonnes de
métal contenu. Pour atteindre cet objectif, la SLN devra remplacer l'un
de ses trois fours électriques afin d'augmenter la capacité
actuelle de fusion d'environ 25 %
13
(
*
). Par ailleurs, la production de minerai de l'usine de
Tiébaghi (province Nord) passerait de 250.000 tonnes en 2000
à plus de 1 million de tonnes en 2006 ; le minerai subira sur
place un enrichissement dans une nouvelle usine de traitement avant
d'être transporté jusqu'au bord de mer et convoyé sur des
minéraliers grâce à un wharf de 1.300 mètres de
long au-dessus du lagon.
Ces travaux se traduiront par la création de quelque
200 emplois nouveaux permanents en province Nord.
Dans la
province Sud
, le
groupe
australien Inco
-premier producteur occidental de nickel- en
partenariat avec la société japonaise Sumitomo au travers de la
société Goro-Nickel a engagé un vaste
projet
d'usine hydrométallurgique
(qui comporte également un
port, une usine de préparation du minerai, une base de vie pour les
employés, un barrage et des aires de captage). Face à
l'augmentation du coût prévisionnel du projet, Inco a
décidé à la fin de l'année 2002, de suspendre les
travaux et de procéder à son réexamen complet afin d'en
réduire le coût initialement évalué à
1,5 milliard de dollars. L'activité de l'usine pourrait permettre
la création de près de
2.500 emplois directs et
indirects
.
Dans la
province Nord
, le
projet
d'usine métallurgique
s'inscrit dans un contexte politique
marqué par la volonté des représentants du FLNKS de
maîtriser l'exploitation des ressources minières.
Il convient de rappeler en effet que le FLNKS avait fait en
1994 de la question de l'accès au nickel, un préalable à
la reprise des négociations avec le Gouvernement français sur le
futur statut institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Les blocages n'ont pu être levés qu'au terme de
l'échange des massifs miniers de Poum appartenant à la SMSP et de
Koniambo relevant de la SLN, dans le cadre de l'accord de Bercy signé en
février 1998 entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie, Eramet
14
(
*
), la SLN et la SMSP. L'Etat
prenant en charge la soulte de l'échange pour un montant de
152 millions d'euros (1 milliard de francs).
Néanmoins l'échange ne sera définitif que
si, d'ici le 1
er
février 2006, la décision est
prise de réaliser un projet métallurgique à hauteur de
6 milliards de francs (valeur 1998) et qu'à cette date,
100 millions de dollars ont été engagés pour la
réalisation de ce projet aux stades préliminaires.
Pour la réalisation de ce projet, la SMSP et le groupe
canadien Falconbridge se sont associés, le premier apportant la mine, le
second la technologie. Leur participation respective représente 51 et
49 % du projet. Les rapports financiers entre les deux partenaires
pourront cependant évoluer ultérieurement dans le cadre de
l'exploitation de l'usine.
Le projet porte sur la construction d'une usine
pyrométallurgique d'une capacité minimale de 60.000 tonnes
de métal contenu par an ainsi que sur une centrale électrique, un
port en eaux profondes et un barrage hydroélectrique -soit au total un
montant de 1,57 milliard de dollars à l'issue de l'étude de
pré-faisabilité. La décision finale sera prise au cours de
l'année 2004 au terme de l'étude de faisabilité bancaire
engagée en septembre 2003.
La mise en place du projet mobilisera 2.500 emplois et la
phase d'exploitation, 870 emplois directs, 150 emplois en
sous-traitance et 1.200 emplois indirects.
Au cours des échanges entre votre
délégation et les principaux responsables du projet, les
représentants de Falconbridge ont rappelé leur objectif de
privilégier l'emploi local et de limiter à moins de cent le
nombre d'expatriés.
Il n'en reste pas moins que le projet par son ampleur requerra
un effort particulier dans le domaine de la formation. L'enjeu de la
formation
est jugé essentiel par M. Paul Neaoutyine,
président de l'assemblée de la province Nord. Or les
filières d'enseignement technique apparaissent encore insuffisantes. Le
vice-recteur, M. Michel Barat, a insisté au cours de ses échanges
avec la délégation sur la nécessité de
développer les BTS afin de répondre aux besoins nés des
projets métallurgiques. Actuellement, plusieurs jeunes
mélanésiens ont été formés ou sont en cours
de formation au Canada. Les incertitudes sur les projets en cours pèsent
aussi nécessairement sur les perspectives d'emploi.
L'effort devra porter également sur les
investissements collectifs supplémentaires
(logements
et infrastructures). Le projet pourrait en effet entraîner un
quasi-doublement de la population locale aujourd'hui de l'ordre de
8.000 personnes (dans la région de Koné-Pouembout-Voh). Les
conditions d'intégration de ces nouveaux venus constituent l'un des
principaux défis liés à la réalisation de ce
projet. Un comité Koniambo a d'ailleurs été mis en place
en mai 2000. Il réunit les représentants de l'Etat, du
gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de la province Nord, du syndicat
intercommunal Koné-Pouembout-Voh, du sénat coutumier, de la
SMSP-Falconbridge et de la Sofinor (société d'économie
mixte de la province Nord). Les quatre groupes de réflexion
constitués au sein du comité -« formation »,
« travailleurs immigrés »,
« logement » et « maîtrise du foncier et de
l'urbanisme »- reflètent les principaux sujets de
préoccupation liés à la réalisation du
projet.
Au total, les trois projets génèreront
près de
3.500 emplois directs
et porteront de 4
à 10 % la part de la population active concernée par ce secteur.
En outre, la balance commerciale du territoire deviendrait structurellement
excédentaire.
Si ces projets ouvrent des perspectives prometteuses pour la
Nouvelle-Calédonie dans son ensemble, une mise en oeuvre
décalée conduisant à la réalisation de l'usine de
Goro avant celle de Koniambo pourrait creuser encore l'écart entre la
province Sud et la province Nord. Comme l'avait souligné le
Président de la République lors de son séjour en
Nouvelle-Calédonie, le projet du Nord apparaît
«
essentiel et incontournable pour réussir le
rééquilibrage
». Or, la situation
financière de la SMSP (perte de 860 millions CFP sur l'exercice
2001-2002) laisse peser des incertitudes sur la nature du montage financier qui
devrait permettre à cette société de détenir
51 % de la future entreprise.
Compte tenu des enjeux politiques et économiques
soulevés par la réalisation de Koniambo, une initiative de l'Etat
sous la forme d'une aide financière supplémentaire ne saurait
être écartée.
C. L'AIDE DE L'ETAT, INSTRUMENT
DÉCISIF D'UN DÉVELOPPEMENT HARMONIEUX
L'Etat apparaît d'abord comme le garant de la
stabilité monétaire
. Les traités de
Maastricht et d'Amsterdam ont déterminé un lien fixe entre l'euro
et le franc CFP (« communauté française du Pacifique)
hérité de la parité fixe entre le Franc CFP et le Franc
français en 1949. Cette monnaie, émise par l'Institut
d'émission d'outre-mer (IEOM) a également cours en
Polynésie française et dans les îles
Wallis-et-Futuna.
Les représentants de la chambre de commerce
rencontrés par votre délégation ont souhaité que la
Nouvelle-Calédonie adopte l'euro afin de faciliter ses transactions avec
les pays de l'Union européenne et de doter la collectivité d'un
symbole monétaire fort, susceptible de susciter la confiance des
investisseurs.
L'aide de l'Etat se traduit également par un
dispositif d'incitation fiscale
à investissement
outre-mer dans le cadre de la « loi Girardin »
promulguée en juillet 2003 pour une période de 15 ans.
Ainsi, depuis le début de l'année 2003, la compagnie Aircalin
(anciennement Air-Calédonie) a pu acquérir grâce à
ce dispositif deux airbus A330 qui permettront de compenser le retrait de Air
France de la liaison entre le Japon et la Nouvelle-Calédonie
15
(
*
).
Pour le reste, le système fiscal calédonien
relève de la compétence locale. Il repose en particulier sur la
taxe générale à l'importation, dont l'application et le
rendement fiscal ont été jugés adaptés à une
économie fortement importatrice de biens et de services. Par ailleurs,
par une loi du pays du 27 juin 2001, la Nouvelle-Calédonie a
accordé des avantages fiscaux aux investissements miniers
projetés.
Le soutien de l'Etat passe principalement par des
contrats de développement
conclus avec la
Nouvelle-Calédonie, les trois provinces, l'agglomération de
Nouméa et diverses autres communes. Dans ce cadre, sur la période
2000-2004, la participation de l'Etat représente un montant de
354,9 millions d'euros soit 53 % de l'enveloppe globale de ces
contrats.
Répartition des crédits
contractualisés
au titre de la période 2000-2004 (en M
€)
Contrats
|
Total
|
Collecti-vités
|
Autres
|
Etat
Montant
|
Répartition crédits entre contrats
prov.
|
Répartition
crédits
entre
provinces
|
Iles Loyauté
|
74,839
|
21,787
|
0
|
53,052
|
23
|
19 %
|
|
|
|
|
|
71 %
|
|
Nord
|
149,177
|
36,670
|
0
|
112,507
|
48
|
40 %
|
Sud
|
134,792
|
67,396
|
0
|
67,396
|
29 %
|
24
|
Total contrats provinces
|
358,808
|
125,853
|
0
|
232,955
|
100 %
|
41 %
|
Agglomération
|
119,310
|
50,286
|
21,300
|
47,724
|
|
17
|
Nouvelle-Calédonie
|
118,870
|
59,288
|
20,112
|
39,470
|
|
|
Inter-collectivités
|
38,995
|
21,230
|
1,986
|
15,779
|
|
|
TOTAL
|
635,983
|
256,657
|
43,398
|
335,928
|
|
|
TOTAL en %
|
100 %
|
40,36 %
|
6,82 %
|
52,82 %
|
|
|
La mise en oeuvre des contrats de développement
poursuit un objectif de rééquilibrage entre les provinces
puisqu'ils se
répartissent entre 70 % pour les provinces Nord et
des îles
d'une part et
30 % pour la province
Sud
d'autre part.
Le contrat Etat/province Nord tend à privilégier
la diversification des réseaux de communication et l'amélioration
de l'habitat, l'intensification des programmes de formation, les politiques
publiques en faveur des populations, le renforcement du développement
économique et les actions économiques, sanitaires et sociales au
profit des jeunes et des femmes âgées. Le contrat Etat/province du
Sud traduit la priorité en faveur de l'habitat social, du
développement des infrastructures et de l'insertion des jeunes.
De même, le contrat Etat/ îles Loyauté est
orienté vers la satisfaction du besoin de la province en matière
d'habitat et d'infrastructures.
Au 30 juin 2003, le taux d'engagement des
crédits contractualisés par l'Etat dans le cadre des contrats
2000-2004 apparaît encore faible - de l'ordre de 32 % des
crédits contractualisés, soit 107 millions d'euros. Cette
situation s'explique par la signature tardive des contrats de
développement -fin 2000- combinée aux retards de mise en oeuvre
des crédits des contrats 1993-1999 (engagés seulement à
hauteur de 63 % au 31 décembre 2000).
En outre, d'après les informations communiquées
par le Gouvernement, il semble que les investissements prévus par les
collectivités n'aient pas toujours fait l'objet d'une programmation
précise et, partant, que leur réalisation soulève
certaines difficultés. C'est pourquoi l'Etat a engagé une
réflexion avec les trois provinces afin de permettre des
redéploiements de crédits dans le cadre du contrat
2000-2004
16
(
*
).
*
* *
La Nouvelle-Calédonie semble avoir retrouvé la
stabilité institutionnelle ; le consensus actuel trouve son origine
dans le
partage du pouvoir
organisé au sein des
institutions de la collectivité et en particulier entre les
provinces.
La volonté des parties en présence de
résoudre leurs différends par le dialogue constitue l'un des
signes les plus encourageants du nouvel état d'esprit à l'oeuvre
dans le territoire.
Les responsables mélanésiens -élus des
provinces Nord et des îles Loyauté ou maires- ont souvent
évoqué devant votre délégation les questions
liées au développement économique de leur
territoire.
La revendication politique n'apparaît plus au coeur de
leurs préoccupations. Néanmoins, sans un véritable
rééquilibrage économique entre les provinces, les
responsabilités désormais dévolues aux
représentants du mouvement indépendantiste pourraient
entraîner de réelles frustrations liées à
l'inégalité des moyens de développement et à
l'excessive dépendance vis-à-vis des transferts publics. Dans ces
conditions, la mise en oeuvre du projet de Koniambo changerait la donne car
elle confèrerait à la province Nord les moyens de son propre
développement.
Deux autres facteurs contribuent à l'apaisement des
pouvoirs. D'une part, les acteurs politiques s'accordent pour reconnaître
à l'Etat républicain le rôle de garant et d'arbitre de
l'application des règles statutaires ainsi que d'une gestion
équilibrée des ressources du territoire. D'autre part, la crise
politique et économique de l'arc mélanésien formé
par les îles indépendantes voisines souligne par contraste les
vertus du « modèle » calédonien fondé
sur le dialogue politique et une réelle prospérité
économique. Le mérite en revient d'abord aux responsables locaux
qui, avec le soutien des autorités de la République, ont su
transcender leurs clivages pour trouver les voies d'un avenir
partagé.
DEUXIÈME
PARTIE
WALLIS-ET-FUTUNA :
L'ÉVOLUTION DANS LA
CONTINUITÉ ?
A une distance de 19 500 kilomètres de la
métropole, les îles Wallis-et-Futuna, isolées dans
l'océan pacifique, sont pratiquement aux antipodes. Elles ont pour plus
proches voisins les archipels des Samoa occidentales à l'est et des
îles Fidji au sud-ouest, respectivement distants de 345 et
450 kilomètres. La Nouvelle-Calédonie se trouve à
2 200 kilomètres au sud-ouest et la Polynésie
française à 3 000 kilomètres à
l'est.
Wallis (Uvéa) s'étend sur
96 km
2
, protégée par une barrière de
corail (récif-barrière) constituant un lagon d'environ
5 kilomètres dans sa plus grande largeur. Le récif
lui-même ainsi que le lagon comptent une vingtaine d'îlots
coralliens ou volcaniques inhabités. Le relief est faible et le point
culminant ne dépasse pas 181 mètres ; l'origine
volcanique se décèle néanmoins par la présence de
plusieurs lacs de cratères dont le lac de Lalolalo de
400 mètres de diamètre.
Distantes de 240 kilomètres de Wallis, Futuna
(64 km
2
) et sa voisine immédiate, Alofi,
inhabitée, nées d'une activité volcanique plus
récente, possèdent un relief plus accidenté : le
mont Puke s'élève à 524 mètres
d'altitude. Futuna doit à son relief de disposer de ruisseaux dont
Wallis est privée. En revanche, elle est dépourvue de lagon, un
récif frangeant longeant ses côtes.
Le climat chaud et humide, dit
« sub-équatorial », est intermédiaire entre
le climat européen humide et le climat équatorial (30°C pour
la moyenne du mois le plus chaud, 25°C pour la moyenne du mois le plus
froid). Si les saisons sont peu marquées, la période comprise
entre novembre et avril, plus chaude et humide, est également propice
aux cyclones.
Au recensement de 1996, la population totale des deux
îles comptait
14 166 habitants
dont
près de 68 % (soit 9 528) établis à Wallis. La
communauté wallisienne expatriée est plus
nombreuse
: elle est estimée à
16 000 personnes en Nouvelle-Calédonie
. Plus
de la moitié de la population est âgée de moins de vingt
ans et 97 % est d'origine polynésienne. Le dernier recensement a eu
lieu en juillet et août 2003 et les résultats provisoires
montrent une progression de 5,7 % de la population par rapport à
1996 (soit 14 967 habitants) répartie de manière
sensiblement égale entre Wallis et Futuna (respectivement
+ 5,9 % et + 5,1 %).
L'histoire a laissé une forte empreinte dans la vie
présente des deux îles à travers deux institutions
influentes : les
monarchies coutumières
et
l'
église
.
Wallis, occupée pour la première fois au
XIIème siècle par des Polynésiens venus de Tonga est
devenue un royaume indépendant au terme d'âpres luttes que
rapporte la tradition locale. Les contacts avec les Européens,
après la « découverte » de Futuna et d'Alofi
par Lemaire et Schouten en 1616 et de Wallis par Samuel Wallis en 1767 ne se
sont vraiment développés qu'au XIXème siècle
lorsque Wallis devient un port de relâche pour les baleiniers et les
trafiquants. Dans le contexte d'une concurrence aiguisée entre les
missions religieuses dans le Pacifique Sud, les pères maristes
débarquèrent dans l'archipel en 1837 et y implantèrent les
premières missions catholiques. A la faveur de cette présence, un
« droit de regard » fut reconnu à la France sur ces
îles. Après une première demande de protectorat
restée infructueuse en 1842, une nouvelle demande, inspirée par
la mission à la reine Amelia de Wallis et au roi de Futuna aboutit en
1886. Le protectorat fut officialisé par l'installation d'un
résident de France d'abord dépourvu de tout personnel
administratif. La création, en 1942, d'une base arrière
américaine dans la perspective d'une percée japonaise dans le
Pacifique central entraîna subitement Wallis-et-Futuna dans l'ère
des biens matériels et de l'économie monétaire
-période aussi faste qu'éphémère car la base fut
fermée à la fin de l'année 1943.
Les archipels entrent alors dans le cycle d'une crise
économique doublée de tensions politiques dont témoigne la
succession rapide au trône de rois contestés. Cette
instabilité se conclut à Wallis par la désignation en 1959
du souverain actuel, qui porte le titre de
Lavelua
.
Parallèlement, l'avènement de la Vème République
s'accompagna de l'organisation d'un référendum approuvant le
passage du protectorat au statut du territoire d'outre-mer
17
(
*
). Les îles
Wallis-et-Futuna furent alors érigées en territoires d'outre-mer
par la loi statutaire n° 61-814 du 29 juillet 1961.
Même si Wallis-et-Futuna relève désormais
de la catégorie des collectivités d'outre-mer créée
par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, ce statut
prévaut encore aujourd'hui. Il repose sur un équilibre sans autre
exemple dans les collectivités françaises entre la
légalité républicaine de droit commun et la reconnaissance
du pouvoir coutumier. La prise en compte des traditions de l'île a sans
doute été le meilleur gage de la pérennité du
statut jusqu'à ce jour. Elle explique également la prudence avec
laquelle toute modification du statut peut être envisagée
même si certaines évolutions sont parfois
souhaitées.
I. LE STATUT DE WALLIS-ET-FUTUNA : UN
ÉQUILIBRE ORIGINAL
A. LE STATU QUO INSTITUTIONNEL
Le statut du 29 juillet 1961 n'a fait l'objet que de
modifications limitées depuis son adoption
18
(
*
). Doté initialement d'un
statut comparable à bien des égards à celui des autres
territoires d'outre-mer, Wallis-et-Futuna n'a pas connu l'évolution
institutionnelle de ses voisins du Pacifique. Aujourd'hui, son organisation se
distingue par trois traits spécifiques : l'exécutif de la
collectivité est assuré par le représentant de
l'Etat ; l'autorité coutumière est associée à
la gestion des affaires territoriales ; l'assemblée territoriale,
organe délibérant de la collectivité, dispose
d'attributions encore limitées.
-
L'administrateur supérieur
est
représentant de l'Etat et chef du territoire.
La République avait d'abord été
représentée par le haut-commissaire de la République
française dans l'océan Pacifique, c'est-à-dire le chef du
territoire de la Nouvelle-Calédonie, puis par
« l'administrateur supérieur du territoire ». Cet
emploi pourvu par décret en conseil des ministres est occupé par
un préfet depuis 1987
19
(
*
).
En qualité de
représentant de
l'Etat
, il exerce les compétences réservées
à la République en vertu de l'article 7 de la loi organique
du 29 juillet 1961 : la défense du territoire, l'ordre et
la sécurité publics, le respect des lois, des règlements
et des décisions de justice, les relations et communications
extérieures, l'enseignement, la tenue de l'état civil, le
fonctionnement du Trésor et de la douane, le contrôle
administratif et financier ainsi que l'administration de la justice. Par
ailleurs, il est représenté à Futuna (qui comprend les
circonscriptions d'Alo et de Sigave) par un délégué
désigné par arrêté.
Parallèlement, l'administrateur supérieur est
chef du territoire
. A ce titre, il représente le
territoire en justice et dans tous les actes de la vie civile ; il est le
chef des services publics territoriaux et l'ordonnateur du budget
territorial.
- L'administrateur supérieur est par ailleurs
« assisté » par le
conseil territorial
destiné à associer l'autorité coutumière
à la gestion du territoire. Présidé par l'administrateur
supérieur, le conseil territorial est en effet composé des trois
chefs traditionnels de l'île, vice-présidents de droit (ou de
leurs suppléants nommés par l'administrateur supérieur sur
proposition des titulaires) ainsi que de trois membres nommés par
l'administrateur supérieur après accord de l'assemblée
territoriale mais hors de celle-ci. Le conseil territorial n'exerce qu'une
fonction consultative sur la gestion des affaires locales.
- L'assemblée territoriale
comprend
vingt membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct
à la représentation proportionnelle suivant la règle de la
plus forte moyenne. Le scrutin se déroule dans le cadre de
cinq circonscriptions. Les dernières élections, auxquelles
pas moins de 32 listes concouraient, se sont tenues le
10 mars 2002 et n'ont pas réellement modifié la
répartition des forces politiques : 13 sièges pour
l'UMP et les divers droite, 7 sièges pour le groupe d'union
(socialiste) pour Wallis-et-Futuna. La présidence de l'assemblée
est revenue à M. Patalione Kanimoa (DVD) réélu en
janvier 2003.
Les attributions de l'assemblée sont limitativement
énumérées et concernent principalement les matières
suivantes : le statut général des agents territoriaux, le
statut civil coutumier, le domaine du territoire, le régime local des
droits et biens fonciers, le commerce extérieur et l'artisanat,
l'agriculture, la forêt, les eaux non maritimes et l'environnement,
l'élevage, la pêche, les transports intérieurs,
l'hygiène et la santé publique, la protection de l'enfance et des
aliénés, le tourisme, la chasse, l'urbanisme et l'habitat, l'aide
sociale, la protection des monuments et des sites.
En outre, l'assemblée peut émettre des voeux
dans les matières relevant de la compétence de l'Etat et
délibérer en matière financière sur tout projet
établi en conseil territorial.
L'assemblée désigne en son sein une
commission permanente
comprenant quatre membres -dont deux
représentent la circonscription de Wallis-et-Futuna et les deux autres,
respectivement, les circonscriptions de Alo et de Sigave. Elle règle les
affaires qui lui sont renvoyées par l'assemblée territoriale et
peut, en cas d'urgence et d'impossibilité de réunir
l'assemblée dans les délais nécessaires,
délibérer et émettre des avis dans les matières
relevant de la compétence de l'assemblée.
Les prérogatives de l'assemblée demeurent
limitées. En premier lieu, ses délibérations ne deviennent
définitives qu'après approbation par l'administrateur
supérieur (en matière douanière et pour certaines
décisions concernant le programme du fonds d'investissement pour le
développement économique et social du territoire, l'approbation
tacite suffit).
Ensuite, l'assemblée ne peut pas accompagner les
délibérations de sanctions fiscales ou pénales mais
seulement émettre des avis en ce sens. Il incombe à
l'administrateur supérieur de définir les peines sanctionnant les
infractions aux délibérations (dans la limite des
maxima
fixés pour les peines de simple police).
B. LA PRISE EN COMPTE DES
SPÉCIFICITÉS DU TERRITOIRE
L'organisation de Wallis-et-Futuna se distingue
particulièrement par la place qu'elle ménage à la coutume.
Du reste, l'influence de celle-ci dépasse les cadres institutionnels
pour imprégner des pans entiers de la vie sociale et économique
du territoire.
Le statut de 1963 consacre le rôle éminent de la
coutume : l'article 3 pose en effet pour principe que
«
la République garantit aux populations du
territoire des îles Wallis-et-Futuna (...) le respect de leurs croyances
et de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes
généraux du droit et aux dispositions de la présente
loi
».
En premier lieu, les
trois circonscriptions
territoriales recouvrent les limites des trois royaumes
:
Uvéa (Wallis), Sigave et Alo (à Futuna). Dotées de la
personnalité morale, ces circonscriptions disposent d'un budget autonome
depuis 1980. Elles sont administrées par un conseil de circonscription
composé des autorités coutumières et
présidées par chacun des trois rois.
Le royaume d'Uvéa est placé sous
l'autorité d'un souverain,
Lavelua
,
coopté au sein des grandes familles princières selon un principe
d'alternance. L'actuel titulaire désigné en 1959, a su restaurer
toute l'autorité d'une fonction alors déconsidérée
par une série de crises intervenues au cours de la première
moitié du XXème siècle. Il joue un rôle
d'arbitre et gouverne, aidé par un premier ministre et des ministres. Il
nomme en outre les chefs -
faipule
- des trois
districts de l'île qui ont eux-mêmes autorité sur les chefs
des villages -
pule kolo
- au nombre de vingt. Ces
chefs sont plébiscités ou démis parmi les
alikis
(familles nobles d'origine tongienne) lors
d'assemblées des villageois dites
«
fono
» -réunies dans une
case commune appelée «
fale
fono
».
Futuna, quant à elle, se partage entre le royaume d'Alo
-le plus grand car il comprend également l'île d'Alofi- et celui
de Sigave. Les rois, le
Tuigaifo
à Alo et
Keletaona
à Sigave connaissent des
règnes brefs. Leurs faits et gestes sont soumis à la surveillance
des membres de leur conseil, issus des familles princières. La tradition
-qui semble souffrir quelques entorses- veut qu'ils ne s'expriment pas
directement dans les assemblées mais seulement par le truchement d'un
porte-parole.
La République accorde aux rois une dotation annuelle
destinée à couvrir leurs frais ainsi qu'une indemnité aux
ministres et chefs coutumiers.
En second lieu, la reconnaissance de la coutume se traduit, on
l'a vu, par l'association des chefs coutumiers à l'administration des
îles au sein du
conseil territorial
.
Enfin, le statut institue une
juridiction de droit
local
compétente au premier degré pour les contestations
entre citoyens régis par le statut de droit local
20
(
*
)portant, d'une part, sur
l'application de ce statut et, d'autre part, sur les biens détenus
suivant la coutume. Le président du tribunal d'instance, M. Francis
Alary et le procureur de la république, Mme Atonia Tamole en ont
expliqué les arcanes à votre délégation. Le pouvoir
judiciaire est alors exercé à
trois
échelons
: le conseil de village qui regroupe tous les
chefs de famille («
fono Fenua
»), le conseil de
district qui réunit les chefs de village («
fono
Pulehag
») et le conseil du roi composé à
Uvéa du roi, des six ministres et des trois
faipules
(«
fono laki
»). Les jugements ainsi rendus
peuvent être contestés devant une chambre d'annulation près
la cour d'appel de Nouméa pour incompétence, excès de
pouvoir et violation de la loi.
Toutefois, sur demande conjointe des parties, ces instances
peuvent être portées devant la juridiction de droit commun, auquel
cas il est fait application des usages et coutumes les régissant.
Si en matière civile et commerciale, la juridiction de
droit commun exerce sa compétence sous réserve des
compétences dévolues à la juridiction de droit local, elle
est en revanche seule compétente en matière pénale. Elle
est exercée depuis 1983
21
(
*
) par le tribunal de première instance dont le
siège a été fixé à Mata-Utu, chef-lieu de la
circonscription d'Uvéa (Wallis)
22
(
*
)
.
Au-delà même de ces aspects institutionnels, la
coutume organise la vie sociale et économique. Elle est très
vivante d'abord à travers des rituels et des traditions comme la
cérémonie du
Kava
(arbuste local de la
famille des poivriers dont la racine sert à la préparation d'une
boisson rituelle) à laquelle votre délégation a d'ailleurs
participé à plusieurs reprises.
Le kava
Le rituel de cette cérémonie comporte plusieurs
phases.
Les racines de kava broyées sont d'abord diluées
à l'eau puis malaxées de façon solennelle (anciennement,
on apportait un énorme plant de kava que l'on débitait devant
l'assistance. Les morceaux de kava étaient ensuite nettoyés,
écrasés ou mâchés par des jeunes filles, ce qui
était un honneur pour elles, puis pressurés). Le kava est ensuite
servi dans une coupe en noix de coco puis distribué sur l'ordre du
maître de cérémonie.
Suivant un ordre protocolaire très rigoureux, le
maître de cérémonie interpelle chaque personne assise dans
un cercle, laquelle doit immédiatement signaler sa présence en
frappant des mains (trois fois au moins), avant de prendre et de boire sa coupe
de kava qui lui a été apportée par un officiant. Puis on
prend soin de verser par terre le fond de liquide qui reste avant de redonner
la coupe à l'officiant. La coupe de kava marque le rang et le statut
social de l'individu dans la société.
La force de la coutume se manifeste surtout dans le
statut inaliénable et incessible des terres
. Trois
types de « propriété » peuvent être
distingués :
- la propriété publique appartient au roi mais
les droits coutumiers de cueillette et de ramassage du bois peuvent s'y
exercer ;
- la propriété des villages est en principe
répartie entre les familles et peut faire l'objet de plantations
collectives ;
- la propriété familiale, à
l'échelle de la famille élargie, compte
généralement un terrain de résidence, une terre pour les
plantations et une cocoteraie.
Le terme de propriété apparaît du reste
inadapté car en fait la terre n'appartient à personne et
reconnaît de nombreux ayants droit. Si chaque individu possède des
droits d'usage prioritaire sur les terres de son père, de sa mère
ou même de ses aïeux, il revient aux rois d'autoriser l'usage
administratif des terres -royale, villageoise ou familiale. Dans ces
conditions, les emprises foncières nécessaires à
l'extension ou à la mise en place des services publics ou des emprises
collectives peuvent soulever d'inextricables difficultés.
L'attribution des terres aux pouvoirs publics ou aux
investisseurs peut être révoquée par les autorités
coutumières.
Le tableau des particularités du territoire serait
incomplet s'il n'était fait mention de l'
influence de
l'église catholique
. En effet, comme l'a expliqué
à votre délégation Mgr Lolesio Fuahea, évêque
de Wallis-et-Futuna, l'enseignement primaire a été
concédé à la mission catholique par l'Etat par la
convention du 24 septembre 1969, complétée par un
avenant du 14 octobre 1974.
Aux termes de cette convention, l'Etat assure la prise en
charge des dépenses afférentes à l'ensemble des
établissements primaires : financement de la
rémunération des enseignants et des dépenses de
fonctionnement de l'internat et de l'externat.
C. LES DIFFICULTÉS DES
CIRCONSCRIPTIONS
Les interlocuteurs de votre délégation, en
particulier au cours du conseil de circonscription d'Uvéa à
laquelle elle a participé, ont attiré son attention sur les
difficultés propres aux trois circonscriptions du territoire. Le statut
de 1961 ne reconnaît pas l'existence de communes sur le territoire de
Wallis-et-Futuna. Les circonscriptions en tiennent lieu. En application de
l'article 18 de la loi statutaire, chacune des circonscriptions
détient la personnalité morale et dispose d'un budget
autonome.
La gestion administrative et budgétaire des
circonscriptions dépend d'une part du chef de circonscription
(l'administrateur supérieur à Wallis, son
délégué à Futuna pour les circonscriptions d'Alo et
de Sigave), ordonnateur du budget et, d'autre part, du conseil de
circonscription composé de la grande chefferie (ministres) et
présidé par le roi. Le conseil prend des
délibérations qui sont rendues exécutoires par le
préfet.
Les circonscriptions ne disposent, à la
différence des communes, d'
aucune ressource fiscale
propre
; elles sont totalement dépendantes des dotations
qui leur sont attribuées, principalement la dotation
générale de fonctionnement (DGF). La DGF, calculée au
prorata de la population et versée par l'Etat par douzièmes,
représente un montant de l'ordre de 200 millions de
Francs CFP.
Par ailleurs, les circonscriptions ont dû assumer de
nouvelles charges : les aides maternelles (financées jusqu'en 1987
par le budget du territoire), le service d'enlèvement des ordures
ménagères, le centre de secours. Ces trois services
représentent 40 % de la masse salariale de la circonscription. Les
dépenses de personnel ont ainsi été portées entre
1997 et 2003 de 45,5 % à 74 % des recettes de fonctionnement
(encore celles-ci comportent-elles en 2003 une subvention exceptionnelle de
l'Etat de 24 millions de Francs CFP non reconductible). En outre, la
circonscription doit couvrir les dépenses spécifiques à la
chefferie (notamment le financement des fêtes et
cérémonies...).
Sous l'effet conjugué de la progression constante des
charges et de la quasi-stabilité de la DGF (+ 1,14 % en 2003),
les circonscriptions ne paraissent plus en mesure de jouer leur rôle
social et économique. La circonscription d'Uvéa en particulier a
fait l'objet d'un redressement financier au terme d'une gestion
désastreuse en 2000 et 2001.
Sans doute selon les résultats du dernier recensement,
la circonscription d'Uvéa dépassera-t-elle le
« seuil » des 10 000 habitants et devrait
bénéficier d'une progression sensible de la DGF.
Néanmoins, les
modalités de calcul de la DGF ne
paraissent pas adaptées aux spécificités de
Wallis-et-Futuna
. Elles devraient prendre en compte l'augmentation des
dépenses de fonctionnement et les transferts de charges de
l'assemblée vers la circonscription sans contrepartie financière
(absence de reversement de la taxe sur l'électricité, taxe de
propreté insuffisante, etc.). La ministre de l'outre-mer,
Mme Brigitte Girardin, a indiqué lors de son audition devant votre
commission des Lois le 18 novembre 2003, que les
particularités de Wallis-et-Futuna devaient être prises en compte.
Plusieurs formules pourraient être mises en oeuvre : la mise en
place de ressources nouvelles tenant compte des charges particulières
des circonscriptions (notamment le fonctionnement de l'autorité
coutumière, l'action sociale, l'assistance technique aux
villages ...), une modification des modalités de calcul de la DGF
et la création d'un fonds de péréquation au profit de
chacune des circonscriptions.
II. UNE
DÉPENDANCE ENCORE EXCESSIVE
Le territoire apparaît encore tributaire des transferts
publics. Les efforts ont néanmoins porté dans la période
récente sur la mise en place d'une stratégie de
développement durable destinée à jeter les bases d'une
économie moins vulnérable.
A. UNE ÉCONOMIE DUALE
L'économie présente un caractère
très contrasté. Elle combine en effet la
sphère
des productions traditionnelles
, encore largement organisée par
les systèmes d'échanges réglés par la coutume, et
la
société de consommation
nourrie par les flux
financiers provenant de l'Etat, ainsi qu'à un moindre titre des
Wallisiens et Futuniens résidant à l'extérieur.
La production locale repose essentiellement sur la pêche
et l'agriculture. La population locale pratique surtout la
pêche
lagonaire
; encore celle-ci n'est-elle réellement possible
qu'à Wallis dotée d'un lagon de l'ordre de 60 km². A
Futuna, faute de lagon, la pêche s'organise sur le platier entourant
l'île. La pêche au grand large, malgré le potentiel
considérable ouvert par une zone économique exclusive de quelque
266.000 km², ne semble pas encore entrée dans les usages
locaux.
Cette activité conserve ainsi un
caractère artisanal
essentiellement dévolu
à l'autoconsommation -seule la collecte d'un coquillage, le troca,
source unique d'exportation du territoire, a présenté un
caractère systématique au prix, du reste, d'un épuisement
des ressources (après une production de 70 tonnes en 1981,
l'activité dut ensuite être suspendue afin de permettre la
reconstitution des stocks).
L'
activité agricole
se résume
quant à elle à la culture de plantes alimentaires
océaniennes - taro, ignames, manioc, arbres à pain, bananes-
destinées à la satisfaction des besoins locaux. Par ailleurs,
l'élevage concerne presque exclusivement les porcs (dont le troupeau est
estimé à 30.000 pour les deux îles) consommés
à l'occasion des cérémonies coutumières.
L'agriculture se heurte aux limites inhérentes aux
îles de faible superficie -en outre, à Wallis, près de 30 %
des sols ont un caractère argileux et peu fertile. Surtout les
méthodes culturales traditionnelles fondées sur les
défrichements avec brûlis sur des pentes fortes ont
contribué à l'aggravation de l'érosion.
Par ailleurs, certains experts ont également mis en
avant le poids des comportements traditionnels : «
la grande
majorité de la population travaille et commercialise jusqu'à
l'obtention du pécule nécessaire pour acheter le scooter ou le
réfrigérateur. Une fois le besoin satisfait, l'approvisionnement
s'arrête, au grand dam des commerçants et des clients. Aucune
disette, aucune taxe, aucun besoin supplémentaire ne force
l'épargne, les besoins monétaires courants se limitent aux
factures d'eau et d'électricité. On peut dire qu'une fois le
falé construit -aujourd'hui une villa confortable et moderne- l'individu
a atteint son objectif et les plus grandes dépenses se réduisent
aux cérémonies
»
23
(
*
).
De manière générale, l'agriculture et la
pêche ne procurent aucun emploi salarié. Les revenus
monétaires sont l'apanage de l'économie administrée ou des
migrants mais ils bénéficient à la population dans son
ensemble en raison du mode traditionnel de fonctionnement coutumier
fondé sur le partage.
Malgré les incertitudes des statistiques,
70 % de la population en âge de travailler n'aurait pas
accès à l'économie monétaire
. La partie
restante est à 70 % employée dans
l'
administration
. En effet, le secteur public emploie
l'essentiel de la main d'oeuvre avec près de 1.060 agents locaux en
2003 tandis que le secteur privé (et semi public) compte quelque
750 personnes. Enfin, en 2002, 560 personnes ont été
employées dans les chantiers de développement pour une
durée de trois mois représentant l'équivalent de
135 emplois à plein temps. Au cours des trente dernières
années, l'emploi public aura ainsi connu une progression notable :
il ne représentait en effet en 1976 que 400 emplois (administration
- santé - enseignement) sur 4.000 actifs recensés.
Néanmoins, d'après l'administrateur
supérieur, tandis que quelque 300 jeunes sortent chaque
année du système scolaire, dix à quinze emplois seulement,
dans le meilleur des cas, leur seraient ouverts.
Le poids du secteur public a un effet sur la masse salariale.
Celle-ci avait progressé de 9 % en 2001 (les données plus
récentes manquent en raison de retards de déclarations des
cotisations sociales). En fait, sous la pression syndicale, les salaires se
sont accrus régulièrement - en 1994, des grèves ont permis
le décrochage de la grille des agents de la fonction publique de
l'indice du SMIG et un train de revalorisations successives des
salaires.
Le montant moyen des rémunérations limite
nécessairement les perspectives de développement des exportations
dans un environnement régional où les niveaux de vie apparaissent
beaucoup plus faibles.
Le plus lourd handicap pour le développement du
territoire est sans doute son éloignement et son isolement. Dans ces
conditions, la question des communications revêt une importance cruciale.
Elle a été très souvent évoquée lors de la
visite de votre délégation qui a d'ailleurs coïncidé
pour partie avec le déplacement du secrétaire d'Etat aux
transports et à la mer, M. Dominique Bussereau.
La première liaison aérienne
régulière entre Wallis et la Nouvelle-Calédonie a
été inaugurée en 1970. La mise en oeuvre de la nouvelle
voie de communication a permis de développer encore les flux
migratoires, déjà existants, des Wallisiens et des Futuniens vers
la Nouvelle-Calédonie afin de répondre aux besoins
suscités par la croissance de la production de nickel. Un petit
aéroport a également été construit à Futuna
même si la liaison demeure encore aujourd'hui tributaire des aléas
météorologiques.
L'ouverture de la liaison aérienne a naturellement
marqué une ère nouvelle dans l'histoire d'un territoire desservi
jusqu'alors -et de manière irrégulière- par de petits
cargos. Cette liaison demeure toutefois l'objet de critiques récurrentes
portant sur son coût, son caractère exclusif vers Nouméa
(la desserte de Wallis est en effet le monopole de Air Calin -ex Air
Calédonie- avec un vol bi-hebdomadaire), son inadaptation, enfin, aux
liaisons avec Futuna.
Longue de 1.100 mètres, la piste de Futuna, en
herbe et sans sous bassement, ne reçoit, de jour seulement, que de
petits appareils de type Twin Otter. Cette situation empêche en
particulier les évacuations sanitaires de nuit. En outre, la liaison est
assurée par un avion unique, déjà ancien,
propriété du territoire -dont la maintenance est assurée
par Air Calin- et qui ne peut emporter qu'une quinzaine de passagers et une
faible charge de fret. Votre délégation estime que sans
une piste mieux adaptée
à ses
besoins
, l'île de Futuna surmontera très difficilement
l'isolement qui bride aujourd'hui son développement.
Quant aux liaisons maritimes, elles sont assurées
à titre principal par une compagnie
24
(
*
) qui n'embarque pas de passagers. La desserte de
Futuna présente des difficultés particulières en raison du
faible volume du fret et du retour à vide de cargaison.
B. LES DIFFICULTÉS
BUDGÉGAIRES DU TERRITOIRE
Le budget primitif du territoire (2,6 milliards de
F CFP) n'a pu être exécuté dans des conditions
satisfaisantes dès le premier semestre 2003 en raison de la
nécessité de revoir à la hausse les dépenses
prévues pour l'exercice. En effet, le territoire se trouve dans
l'obligation de reprendre un volume important de
dettes
impayées
sur les années antérieures
(634 millions de F CFP). Lors du vote du budget
supplémentaire présenté par l'administrateur
supérieur en juillet 2003, l'assemblée territoriale a
adopté ce budget en déséquilibre et n'est pas revenue sur
son vote malgré la demande de nouvelle délibération.
Conformément aux dispositions de l'article 26 de la loi statutaire
du 29 juillet 1961, le budget voté en
déséquilibre a été transmis aux ministres de
l'outre-mer et du budget qui doivent le régler par arrêté
conjoint.
Une mission de l'inspection générale a
été conduite en juillet 2003 en vue du versement d'une
subvention d'équilibre exceptionnelle.
D'après les informations communiquées par
l'administrateur supérieur, trois sources de dérive peuvent
être mises en évidence : gestion peu rigoureuse des aides
sociales, de l'enseignement et du transport ; recrutement de personnels
sans objectifs de service et hausses salariales conséquentes par
reclassement ; nombre excessif de prescripteurs de dépenses,
absence de responsabilisation des délégataires de signature sur
le contrôle et le suivi des dépenses et des factures et absence
d'engagement des dépenses.
Le diagnostic a été jugé
sévère par les responsables politiques locaux qui rappellent la
responsabilité des autorités de l'Etat, en qualité
d'exécutif de la collectivité, dans les déboires
passés.
C. LES PERSPECTIVES DE
DÉVELOPPEMENT
Les perspectives de développement de Wallis et de
Futuna reposent aujourd'hui sur les orientations de stratégie durable
définies avec le concours de l'Etat ainsi que sur la définition
de relations plus harmonieuses avec la Nouvelle-Calédonie, partenaire
obligé de Wallis et Futuna dans le Pacifique.
La recherche d'un développement
durable
Wallis et Futuna bénéficient de concours publics
significatifs.
L'effort de solidarité nationale s'est traduit par la
signature, le 4 mai 2000, d'un
contrat de
développement
entre l'Etat et le territoire de Wallis-et-Futuna
pour la
période 2000-2004
, d'un montant de
39,45 millions d'euros dont 37,17 à la charge de l'Etat. Le contrat
comporte quatre priorités : infrastructures et équipements
publics (extension des réseaux d'eau potable, travaux maritimes,
modernisation des hôpitaux...) ; cohésion sociale et cadre de
vie (renforcement des dispositifs d'aide aux personnes âgées,
à l'enfance et aux handicapés, étude et surveillance de la
qualité du lagon...) ; formation (réhabilitation des
établissements scolaires, reconduction des chantiers de
développement) ; développement de l'offre de
débouchés professionnels (relance de la culture du kava à
Uvéa et actions de reboisement).
Au 31 décembre 2002, le contrat avait
été engagé à hauteur de 59 % soit
22 millions d'euros.
Le programme indicatif de l'aide communautaire, conclu
quelques mois plus tôt -en novembre 1999-, dans le cadre du
8
ème
fonds européen de développement,
correspond à ces priorités. Doté d'une enveloppe de
6,4 millions d'euros, il se répartit pour moitié entre
l'amélioration des infrastructures maritimes (agrandissement du quai de
Mata-Utu, étude et construction d'un port de pêche) et la
sauvegarde de l'environnement.
Néanmoins, la situation de stagnation économique
du territoire à la fin de l'année 2002 a conduit le
Gouvernement à engager une concertation avec les autorités
locales afin de poser les bases d'un développement endogène
fondé, d'une part, sur la contribution des acteurs économiques
locaux à la couverture de leurs besoins et, d'autre part, sur la
recherche d'activités tournées vers l'exportation. Sur ce
chapitre, les réflexions communes ont mis en exergue les produits de la
mer (pêche, coquillages...) mais aussi des atouts moins classiques -tels
que l'artisanat voire les capacités sportives- possible
« produit » d'exportation compte tenu des excellentes
performances de la population dans ce domaine.
A l'issue de ce travail de réflexion commune, a
été élaborée une
stratégie de
développement durable
sur quinze ans concernant cinq domaines
(modernisation des infrastructures, continuité territoriale, soutien au
secteur économique, protection de l'environnement et affirmation de
l'identité culturelle).
Cette stratégie a pour support financier une
convention de développement
conclue le
21 décembre 2002, dotée de 25 millions d'euros
pour cinq ans (2003-2007), destinée à compléter le contrat
de développement. Les projets retenus seront déterminés
dans le cadre d'un plan d'emploi des crédits arrêté chaque
année par l'administrateur supérieur, en liaison avec la
représentation du territoire.
Les relations avec la Nouvelle-Calédonie : un
enjeu essentiel pour le développement de Wallis-et-Futuna
Par ailleurs, le développement économique des
îles Wallis-et-Futuna dépend aussi des relations nouées
avec la Nouvelle-Calédonie. En effet, celle-ci constitue le principal
bassin d'emploi des deux îles : elle abrite une communauté
wallisienne et futunienne de quelque 16.000 personnes alors même que la
population des îles Wallis-et-Futuna ne dépasse pas
15.000 habitants.
L'article 225 de la loi organique du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie avait prévu que les
relations de la Nouvelle-Calédonie avec les îles Wallis-et-Futuna
seraient précisées par un
accord particulier
conclu au plus tard le 31 mars 2000.
Les négociations se sont heurtées à
d'importantes difficultés et la date butoir fixée par la loi
organique n'a pu être respectée.
Lors de la réunion du comité des signataires du
2 mai 2000, les partenaires ont validé le principe de la conclusion
d'un accord cadre ultérieurement complété par des
conventions d'application. Un projet, élaboré à
l'initiative conjointe du Rassemblement et du FLNKS, a été
transmis aux autorités des îles Wallis-et-Futuna en novembre 2000
mais ce n'est qu'au mois de juin 2001 qu'un accord est intervenu, la
Nouvelle-Calédonie s'engageant, s'agissant de l'emploi,
«
à examiner dans les limites fixées par la loi
organique, la situation particulière du territoire des îles
Wallis-et-Futuna
».
Les deux délégations ont décidé de
proposer aux assemblées délibérantes d'approuver cet
accord-cadre. L'assemblée territoriale l'a adopté au cours de sa
réunion du 20 juin 2001. Par délibération du
28 juin 2001, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a
habilité le président du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie à signer cet accord. La signature du texte
avait été envisagée à l'occasion de la
réunion du comité des signataires de l'Accord de Nouméa
tenue à Paris le 22 janvier 2002 mais les
délégations ont décidé de différer cette
signature jusqu'à l'apaisement des tensions entre communautés
kanak et wallisienne à Saint-Louis, dans la commune du Mont-Dore.
L'accord intervenu en novembre 2002 dans le conflit du
Mont-Dore a ouvert la voie à la signature de l'accord le 1
er
décembre dernier. Reproduit en annexe du présent rapport, il
prévoit notamment le principe d'une concertation entre les deux
collectivités sur toutes les décisions prises par la
Nouvelle-Calédonie qui pourraient avoir des conséquences sur les
Wallisiens et les Futuniens installés sur son territoire.
*
* *
Dans leur grande majorité, les autorités de
Wallis-et-Futuna ne souhaitent pas une remise en cause du statut actuel. Elles
sont particulièrement attachées au rôle des chefferies,
garantes de la cohésion de la société insulaire.
Néanmoins, plusieurs des interlocuteurs de votre
délégation ont prôné certaines évolutions et
notamment le renforcement des compétences territoriales. En outre,
l'exercice par l'Etat de l'exécutif de la collectivité
apparaît parfois comme une source de frustrations et de malentendus. Le
transfert de l'exécutif à l'autorité élue
s'accompagnerait d'une responsabilisation accrue des acteurs locaux dans la
gestion des affaires territoriales. Si cette question n'apparaît pas
encore à l'ordre du jour, elle pourrait se poser à moyen
terme.
Parallèlement, un effort de modernisation des textes
applicables à Wallis-et-Futuna doit être envisagé : il
en est ainsi du code du travail élaboré en 1952 et toujours en
vigueur ...
Plus que les questions statutaires, deux priorités ont
été soulignées par les responsables rencontrés par
la délégation. En premier lieu, les conditions de versement des
concours de l'Etat et notamment de la dotation générale de
fonctionnement doivent être mieux adaptées aux besoins de la
collectivité.
Ensuite, la continuité territoriale apparaît
aujourd'hui comme un sujet majeur de préoccupation car elle conditionne
le développement économique d'une collectivité dont le
principal handicap reste l'isolement.
Les Wallisiens et les Futuniens ont cherché à
concilier leur attachement très profond à la République
avec le respect d'une identité originale. A cet égard, leur
aspiration s'accorde pleinement avec l'esprit de la réforme
constitutionnelle du 28 mars 2003, inspiré par le souci de
mieux adapter les institutions des collectivités ultramarines à
leurs spécificités. La mission de votre commission des Lois avait
aussi pour objet de rappeler à nos compatriotes de Wallis-et-Futuna que
la représentation nationale, attentive à leurs
préoccupations, est la garante de cet équilibre, à bien
des égards exemplaire, entre un lien fort avec la métropole et
l'enracinement dans une culture locale riche et diverse.
ANNEXES
_____
ANNEXE 1
PROGRAMME DE LA MISSION
EN
NOUVELLE-CALÉDONIE D'UNE DÉLÉGATION
DE LA COMMISSION
DES LOIS DU SÉNAT
9 - 20 septembre 2003
_______
Mardi 9 septembre 2003
NOUVELLE-CALEDONIE
07h20 Arrivée à Nouméa en provenance de
Paris.
Accueil par M. Simon LOUECKHOTE, sénateur,
président du congrès de la Nouvelle-Calédonie.
09h30 Entretien avec M. Daniel CONSTANTIN,
haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
10h30 Entretien avec M. Jacques LAFLEUR,
député, président de l'assemblée de la Province
Sud.
12h30
Déjeuner offert par M. Simon
LOUECKHOTE, sénateur, président du congrès de la
Nouvelle-Calédonie.
16h00
Entretien avec M. Jean LEQUES, maire de
Nouméa.
17h00 Entretien avec une délégation du Front de
Libération Kanak et Socialiste (FLNKS).
Mercredi 10 septembre 2003
NOUVELLE-CALEDONIE
09h00 Entretien avec M. Michel BARAT,
vice-recteur.
10h00 Réunion de travail avec la Chambre de commerce et
d'industrie.
11h00 Entretien avec les membres du sénat
coutumier.
15h00 Départ pour WALLIS.
18h55 Arrivée de la délégation à
l'aéroport de Wallis-Hihifo - Accueil par M. Christian JOB,
préfet, administrateur supérieur et M. Robert LAUFOAULU,
sénateur de Wallis-et-Futuna.
Jeudi 11 septembre 2003
WALLIS
08h00 Rencontre protocolaire avec LAVELUA, roi d'Uvéa,
en présence de M. Robert LAUFOAULU, sénateur.
09h00 Réunion de travail avec M. Christian JOB,
préfet, administrateur supérieur des îles Wallis et
Futuna.
12h30 Déjeuner à la résidence de
l'administrateur supérieur.
15h30 Découverte de l'île de Wallis avec
M. Christian JOB, et le chef des travaux publics.
17h30 Réunion de travail avec MM. Christian JOB,
Victor BRIAL, député, Robert LAUFOAULU, sénateur,
Patalione KANIMOA, président de l'assemblée territoriale.
18h30 Rencontre avec les syndicats.
20h Dîner offert par M. Robert LAUFOAULU,
sénateur.
Vendredi 12 septembre 2003
WALLIS
8h00 Rencontre protocolaire avec Mgr FUAHEA,
évêque de Wallis et Futuna.
09h00 Rencontre avec la chefferie d'Uvéa à
Wallis.
Participation au conseil de circonscription,
présidé par M. Christian JOB.
12h30 Déjeuner à la résidence de M.
Christian JOB.
15h00 Réunion de travail et d'échanges avec les
conseillers territoriaux, à l'assemblée territoriale.
19h00 Intervention de M. Jean-Jacques HYEST avec des
journalistes sur RFO.
19h30 Dîner offert par M. Patalione KANIMOA,
président de l'assemblée territoriale.
Samedi 13 septembre 2003
FUTUNA
07h00 Départ pour Futuna.
08h00 Arrivée à l'aéroport de
Futuna-Vélé.
Accueil de la délégation par M. Guillaume
AUDEBAUD, délégué du préfet à Futuna.
08h15 Rencontre protocolaire avec TUIAGAIFO, roi d'Alo, et sa
chefferie.
10h00 Rencontre protocolaire avec KELETAONA, roi de Sigave, et
sa chefferie.
12h30 Déjeuner à la
Délégation.
14h30 Tour de l'île avec SAATULA, responsable des
affaires culturelles à Futuna.
17h00 Réunion de travail avec la circonscription
d'Alo.
Lundi 15 septembre 2003
FUTUNA puis
WALLIS
10 h 30 Réunion de travail avec la circonscription de
Sigave.
12h30 Déjeuner à la résidence du
délégué.
15h30 Départ pour Wallis.
17h00 Rencontre avec M. Francis ALARY, président
du tribunal d'instance de Matautu et Mme Atonia TAMOLE, procureur de la
République.
18h00 Rencontre avec M. Silino PILIOKO, président
de la chambre interprofessionnelle.
Dîner avec M. Dominique BUSSEREAU, secrétaire
d'Etat aux transports et à la mer, offert par M. Patalione KANIMOA,
président de l'assemblée territoriale.
Mardi 16 septembre 2003
NOUVELLE-CALÉDONIE - GRANDE TERRE
06h30 Départ pour Nouméa.
10h05 Arrivée à l'aéroport de Tontouta en
provenance de Wallis.
12h30 Déjeuner de travail offert par M. Bernard
PAUL, président du conseil économique et social de la
Nouvelle-Calédonie.
14h30 Entretien avec M. Pierre FROGIER, président
du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
16h00 Visite du centre culturel Jean-Marie Tjibaou.
20h00 Dîner offert par le gouvernement.
Mercredi 17 septembre 2003
DÉPLACEMENT
SUR KONE
07h45 Décollage pour Koné.
08h30 Arrivée à Koné - Accueil par la
subdivision administrative Nord.
08h45 Entretien avec M. Paul NEAOUTYINE, président
de l'assemblée de la province Nord.
10h30 Présentation du Projet Koniambo par M. Bruce
DUMVILLE (FALCONBRIDGE).
12h Déjeuner offert par le président de la
province.
14h Entretien avec les différents groupes politiques de
l'assemblée de la Province Nord.
15h Entretien avec M. Joseph GOROMIDO, Maire de KONE.
16h15 Décollage pour Nouméa.
17h Arrivée à Nouméa.
Jeudi 18 septembre 2003
DÉPLACEMENT
SUR LIFOU et OUVEA
08h15 Décollage pour l'île de Lifou.
09h00 Arrivée à Lifou.
Accueil par M. Jacques GUILLEMIN, commissaire
délégué.
09h15 Grande Chefferie de Nathalo.
Accueil coutumier.
09h45 Départ pour Wé, chef-lieu de la commune de
Lifou.
10h10 Entretien avec M. Néko HNEPEUNE, maire de la
commune Lifou.
10h50 Accueil à la province des Îles.
Entretien avec M. Jean-François LALIÉ,
vice-président de l'assemblée de la province des Îles
Loyauté.
Réunion de travail.
12h10 Décollage pour l'île d'Ouvéa.
12h40 Arrivée à Ouvéa.
Accueil par M. Boniface OUNOU, maire
d'Ouvéa.
12 h 50 Grande Chefferie de Fayaoué.
Accueil coutumier.
13h00 Déjeuner.
14h00 Entretien avec M. Boniface OUNOU, maire d'Ouvéa
et les membres du conseil municipal.
15h00 Visite de la savonnerie.
15h30 Visite de la vanilleraie.
16h20 Décollage pour Nouméa.
17h05 Arrivée à Nouméa.
Vendredi 19 septembre 2003
NOUVELLE-CALÉDONIE,
GRANDE-TERRE puis ILE DES PINS
08h00 Rencontre avec Mme Dominique LOPEZ, directrice du centre
pénitentiaire et visite du centre.
09h30 Rencontre avec les chefs de juridiction : cour
d'appel (M. Gérard FEY, Premier président, et
M. Gérard NEDELLEC, procureur général), tribunal de
première instance (M. Jean PRADAL, président, M. Robert
BLASER, procureur de la République) et tribunal administratif
(M. Robert LAMARQUE).
12h30 Déjeuner à la résidence de
M. Daniel CONSTANTIN, haut-commissaire de la République.
15h00 Décollage pour l'île des Pins
15h30 Arrivée à l'île des Pins.
Samedi 20 septembre 2003
RETOUR À
PARIS
10h15 Décollage de l'île des Pins pour
l'aéroport de Tontouta.
11h00 Arrivée à l'aéroport de
Tontouta.
12h05 Départ pour Paris.
ANNEXE 2
ACCORD PARTICULIER
NOUVELLE-CALÉDONIE / WALLIS-ET-FUTUNA
_______
L'accord de Nouméa reconnaît à la
Nouvelle-Calédonie une personnalité propre au sein de la
République française et définit les modalités de
son émancipation.
En conséquence, une nouvelle définition des
relations entre le Territoire des îles Wallis et Futuna, toujours
régi par les dispositions de la loi du 29 juillet 1961 et la
Nouvelle-Calédonie est rendue nécessaire.
A cette fin, l'accord de Nouméa prévoit
que :
"les relations de la Nouvelle-Calédonie avec le
Territoire des îles Wallis et Futuna seront précisées par
un accord particulier. L'organisation des services de l'Etat sera distincte
pour la Nouvelle-Calédonie et ce territoire".
De même, la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999
dispose, dans son article 225, que :
"Les relations de la Nouvelle-Calédonie avec le
Territoire des îles Wallis et Futuna seront précisées par
un accord particulier conclu au plus tard le 31 mars 2000.
Le Gouvernement de la République participera aux
négociations et à la signature de cet accord".
Le présent accord particulier prend en compte :
• Les relations qui se sont établies au cours de
l'histoire entre la Nouvelle-Calédonie et le Territoire des îles
Wallis et Futuna et qui vise à garantir pour l'avenir le renforcement de
ces relations.
• La définition de la citoyenneté
calédonienne.
• La déclaration commune signée le 4 avril
2000 entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie et le Territoire des îles
Wallis et Futuna.
Les soussignés adoptent les dispositions dont la teneur
suit :
Article 1
Le présent accord constitue un accord cadre entre la
Nouvelle-Calédonie, le Territoire des Iles Wallis et Futuna et
l'Etat.
Des conventions d'applications ultérieures entre la
Nouvelle-Calédonie, le Territoire des Iles Wallis et Futuna et l'Etat
permettront de tenir compte, par secteur, des modifications apportées
dans l'organisation des services de l'Etat par la mise en oeuvre de l'accord de
Nouméa du 5 mai 1998 et de la loi n° 99-209 organique du 19 mars
1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Elles préciseront les engagements et les obligations de
chaque partie.
Article 2
En application du point 3.2.1. du document d'orientation
de l'accord de Nouméa, l'Etat s'engage à mettre en place, sauf
exceptions justifiées par l'intérêt du service, une
organisation distincte de ses services en Nouvelle-Calédonie et sur le
Territoire des Iles Wallis et Futuna.
Des conventions entre les services de l'Etat en
Nouvelle-Calédonie et dans le Territoire des Iles Wallis et Futuna
prévoient, le cas échéant, les modalités
d'assistance.
Article 3
L'Etat s'engage à prendre les mesures
nécessaires au développement économique, social et
culturel du Territoire des Iles Wallis et Futuna pour atténuer les
conséquences préjudiciables des mesures que la
Nouvelle-Calédonie pourrait prendre en application des
possibilités offertes par la loi organique.
Afin d'accompagner ce développement dans le cadre des
orientations qui seront retenues conjointement par l'Etat et le Territoire,
l'Etat mettra en place pour une période de 10 ans un dispositif de
soutien financier, après une concertation qui devra intervenir
dès la signature du présent accord et au plus tard dans le
délai d'un an.
Article 4
La Nouvelle-Calédonie s'engage, dans les domaines
relevant de sa compétence, à évoquer en tant que de besoin
avec le Territoire des Iles Wallis et Futuna les sujets pouvant avoir des
incidences sur les ressortissants de cette collectivité.
S'agissant notamment de l'emploi, la Nouvelle-Calédonie
s'engage à examiner dans les limites fixées par la loi organique
la situation particulière des ressortissants du Territoire des Iles
Wallis et Futuna.
Article 5
Le Territoire des Iles Wallis et Futuna s'engage à
créer les conditions favorables, et à trouver avec l'aide de
l'Etat et de la Nouvelle-Calédonie selon des modalités à
arrêter les moyens nécessaires, à un développement
économique harmonieux permettant une formation diplômante, un
accès à l'emploi, une couverture sociale et une protection en
matière de santé de nature à maintenir les populations de
Wallis et Futuna sur le territoire.
Article 6
Une commission de suivi de l'accord particulier
composée de représentants de l'Etat, de la
Nouvelle-Calédonie et du Territoire des Iles Wallis et Futuna sera mise
en place dès la signature de l'accord et sera chargée de la
préparation des dossiers pour sa mise en oeuvre.
Elle sera présidée par un représentant de
l'Etat. Les frais de fonctionnement et de déplacement, s'il y a lieu,
seront pris en charge par l'Etat.
Cette commission est appelée à se réunir
en tant que de besoin à la demande de l'une des parties.
Fait à Paris, le 1
er
décembre
2003
Brigitte GIRARDIN
, Ministre de
l'Outre-Mer
Pierre FROGIER,
Président
du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie
Christian JOB
, Préfet, administrateur
supérieur des Iles Wallis et Futuna
En présence de :
• pour
la Nouvelle -
Calédonie
Simon LOUECKHOTE,
Sénateur
•
pour
Wallis et
Futuna
Patalione KANIMOA
, Président de
l'Assemblée territoriale
Victor BRIAL
, Député
Robert LAUFOAULU
, Sénateur
Petelo Sanele TAUVALE
, Mahe,
représentant Lavelua, Royaume d'Uvea
Atonio
KATEA,
Tuiasoa, représentant Tuiagaifo,
Royaume d'Alo
Polikalepo
KOLIVAI
, Manafa, représentant le Royaume de
Sigave
Une délégation de la commission des Lois du
Sénat s'est rendue en Nouvelle-Calédonie et à
Wallis-et-Futuna du 9 au 20 septembre 2003.
Ces deux collectivités ont connu une évolution
contradictoire : pas moins de sept statuts se sont succédé
depuis 1963 en Nouvelle-Calédonie au cours d'une histoire marquée
par de graves tensions tandis que le statut élaboré en 1961
continue de régir la vie institutionnelle de Wallis-et-Futuna.
A l'heure où la réforme constitutionnelle du 28
mars 2003 ouvre la voie pour les collectivités d'outre-mer à
l'élaboration de statuts «
à la
carte
», adaptés aux spécificités locales,
il a paru intéressant de souligner, à travers les exemples de la
Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna, les facteurs conférant
aux dispositions statutaires leur enracinement durable dans la vie locale et
leur influence stabilisatrice.
Une telle démarche, à laquelle le présent
rapport veut contribuer, engage l'avenir de l'outre-mer français.
*
1
Loi
organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la
Nouvelle-Calédonie.
*
2
Une
délégation de votre commission des Lois présidée
par M. Jacques Larché et composée de MM. Jean-Marie Girault, Guy
Allouche, Jean-Jacques Hyest, Lucien Lanier, Robert Pagès,
s'était rendue en Nouvelle-Calédonie en juin 1998 dans la
perspective de préparer l'examen devant le Sénat du projet de
réforme constitutionnelle relatif à cette
collectivité.
*
3
Rapport
d'information du Sénat n° 299, fait par MM. Jean-Marie
Girault, Bernard Laurent, Michel Dreyfus-Schmidt et Camille Cabane, seconde
session ordinaire de 1992-1993.
*
4
Voir en
annexe le programme de la mission.
*
5
La
déclaration signée à Matignon et l'accord Oudinot forment
les accords dits « de Matignon ».
*
6
Police et
sécurité en matière de circulation aérienne
intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales,
enseignement du second degré public et privé -à
l'exception de la réalisation et de l'entretien des collèges-
enseignement primaire privé, droit civil et droit commercial et, enfin,
sécurité civile.
*
7
Dans sa
décision n° 99-410 du 15 mars 1999, le Conseil
constitutionnel a relevé que si les provinces ne figuraient pas à
l'article 2 de la loi organique -lequel énumère les
institutions de la Nouvelle-Calédonie- contrairement à l'accord
de Nouméa, l'existence du titre IV de la loi organique tout entier
consacré aux provinces conférait « implicitement mais
nécessairement aux assemblées de provinces les
caractéristiques d'une institution de la
Nouvelle-Calédonie ».
*
8
Les
institutions de la Nouvelle-Calédonie, ouvrage collectif sous la
direction de Jean-Yves Faberon et François Garde, Editions île de
Lumière, mai 2002.
*
9
Source de
difficulté mais non de paralysie car en tout état de cause, comme
le prévoit l'article 128 de la loi organique, « ses
décisions sont prises à la majorité de ses
membres ».
*
10
Article 94
de la loi n° 89-1028 du 9 novembre 1989.
*
11
Les
institutions de la Nouvelle-Calédonie, sous la direction de J.Y. Faberon
et F. Garde, ouvrage cité, p. 84.
*
1
- Seul le
quartier réservé aux femmes a fait l'objet d'une
rénovation récente
*
12
Articles
188 et 189 de la loi organique n° 209-99 du 19 mars 1999.
*
13
Parallèlement à ces travaux, la SLN réduira la pollution
atmosphérique générée par l'usine en
améliorant la récupération des poussières.
*
14
Eramet est
un groupe associant l'Etat à des actionnaires privés et
étrangers.
*
15
En outre,
la compagnie calédonienne complètera sa flotte avec l'acquisition
d'un airbus A 320 moyen courrier, objet d'un agrément au titre de la
défiscalisation outre-mer.
*
16
Ainsi,
outre une dotation exceptionnelle déjà accordée par le
ministère de l'outre-mer, une partie des crédits
contractualisés au titre du programme habitat, avec la province Nord,
seront mobilisés dans le cadre d'un plan d'élimination de la
trémolite des habitations (variété d'amiante
utilisée à partir des années 1950 dans le badigeon des
murs des habitations de la Grande Terre).
*
17
Lors du
référendum du 22 décembre 1959, 94,12 % des votants
votèrent pour le statut de territoire d'outre-mer.
*
18
Les
principales modifications se sont traduites par le retour à l'Etat de la
compétence en matière d'hygiène et de santé
publique (loi de finances n° 71-1061 du
29 décembre 1971) et par la possibilité pour
l'administrateur supérieur, ordonnateur du budget du territoire de
déléguer son pouvoir (loi organique du
20 février 1995).
*
19
Décret n° 87-859 du 26 octobre 1987.
*
20
La
majorité des insulaires se prévalent du statut local.
*
21
Décret n° 83-1184 du 26 décembre 1983.
*
22
Par
ailleurs, un tribunal administratif a été établi à
Mata-Utu Le décret n° 2004-2 du 2 janvier 2004 en
fixe le fonctionnement.
*
23
Les
potentialités économiques et les conditions d'un
développement autocentré du territoire de Wallis-et-Futuna,
rapport de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer, mai 2001.
*
24
Pacific
Direct Line (PDL) dont les deux navires accomplissent le circuit : Sydney
- Auckland - Nouméa - Suva (Fidji), Wallis et Futuna.