C. RÉFLEXIONS SUR LA DÉPENSE FISCALE À PARTIR DU XXIÈME RAPPORT DU CONSEIL DES IMPÔTS
Comme
l'on sait, « trop d'impôt tue l'impôt » ;
mais il faudrait aussi ne pas oublier que trop d'exceptions sapent la
règle, qui finit alors par perdre sa cohérence et sa
légitimité. C'est ce type de considérations qui a conduit
le Conseil des impôts à souhaiter une remise à plat des
dépenses fiscales dérogatoires «
d'un coût mal
maîtrisé et d'une utilité rarement
démontrée
».
Faut-il pour autant condamner la dépense fiscale ? Si l'on peut
adhérer à la démarche du Conseil des impôts
lorsqu'il encourage les pouvoirs publics à mieux connaître, mieux
encadrer et réexaminer les régimes dérogatoires existants
en vue d'améliorer l'équité et l'efficacité du
système fiscal, il ne faut pas pour autant les récuser par
principe.
Une politique raisonnable tenant compte du contexte international
d'allègement des prélèvements obligatoires mais aussi des
caractères propres du débat politique national doit au contraire
chercher à optimiser la dépense fiscale.
1. Que recouvre la notion de dépense fiscale ?
Quantitativement, la France ne présente pas les pertes
de
recettes fiscales les plus importantes ; ce qui la caractérise,
c'est seulement le nombre, la variabilité et la complexité des
régimes fiscaux dérogatoires.
L'examen auquel nous invite le Conseil des impôts, tel que le comprend
votre commission des finances, doit simplement déboucher sur un
système fiscal plus stable, plus simple et, surtout, plus transparent.
Le rapport du Conseil des impôts considère que l'estimation du
coût des dépenses fiscales est très imparfaite.
Seul un
quart des dépenses fiscales sont estimées de façon
précise, la moitié d'entre elles n'étant d'ailleurs
même pas chiffrées.
Il note d'ailleurs qu'en 2003 sur 418
mesures recensées, 56 % seulement faisaient l'objet d'un chiffrage.
Il y a là, d'une façon générale la manifestation de
l'incapacité des administrations de procéder à des
estimations faute pour elles de disposer de données suffisantes.
Il ne faut pas d'ailleurs accorder un crédit trop absolu aux
estimations : d'une part, l'indication « å » est
systématiquement apposée pour les dépenses fiscales dont
le coût est inférieur à 0,5 million d'euros ;
d'autre part, certaines estimations - qui peuvent d'ailleurs faire l'objet
de débats internes à l'administration - sont relativement
peu précises, surtout lorsqu'elles s'appuient sur une reconstitution de
base taxable.
Les totalisations en matière de dépenses fiscales au niveau de
l'ensemble du budget sont donc à considérer avec
précaution, même si l'on peut considérer que les marges
d'erreurs ne s'additionnent pas nécessairement.
Une raison supplémentaire de limiter la portée des données
globales est à trouver dans l'arbitraire du mode de calcul. La
dépense fiscale se définit par la part de recettes non
perçues ; elle correspond pour les contribuables à
l'allègement de leur charge fiscale par rapport à ce qui
résulterait de l'application de la norme. Toute la question est alors de
savoir comment définir cette norme.
Le Conseil des impôts distingue, à juste titre, dans les pertes de
recettes ce qui relève d'allègements structurels et ce qui
constitue un instrument de politique publique. Les allègements
structurels s'analysent, selon le Conseil, comme les mesures consubstantielles
à l'impôt mises en place lors de sa création. Plus
généralement, appartiendraient à cette catégorie
les mesures de répartition de la charge fiscale dans une logique de
progressivité ou d'équité voire celles tendant à
assurer la neutralité fiscale ou une simplification du recouvrement de
l'impôt.
En revanche, les vraies dépenses fiscales dérogatoires ont pour
caractéristique d'être propres à une catégorie de
bénéficiaires et de pouvoir être rattachées à
une politique publique non exclusivement fiscale : ce sont des aides
sectorielles ciblées.
Le Conseil des impôts propose de mieux faire la part entre ces deux types
de dépenses fiscales. Si l'on peut aisément adhérer
à l'objectif, sa mise en oeuvre paraît relativement difficile. La
lecture du rapport démontre que selon le point de vue et la place dans
le temps la même mesure peut passer d'une catégorie à
l'autre. Ainsi, la diminution du taux de TVA à 5,5 % pour les
travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et
d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de
deux ans relève aujourd'hui de la première catégorie.
Mais à terme, il n'y a aucune raison qu'ils ne fassent pas partie
intégrante des biens soumis au taux réduit, auquel cas c'est
à bon droit que l'on supprimera la dépense fiscale
correspondante.