2. Préciser encore le contenu du pacte : recourir à la « règle d'or » ou mieux prendre en compte la dette publique ?
Il n'en demeure pas moins que le pacte de stabilité pourrait être amélioré afin d'être rendu plus favorable à l'investissement public.
Ainsi que votre rapporteur général l'a indiqué lors de la discussion du premier projet de loi de finances rectificative pour 2002, plusieurs critères pourraient pondérer ceux actuellement utilisés afin de rendre le pacte de stabilité plus favorable à la croissance à long terme :
- prise en compte spécifique des dépenses d'investissement pour le calcul du solde public (éventuellement dans le cadre de la « règle d'or ») ;
- meilleure prise en compte du niveau de la dette publique 40 ( * ) (y compris les engagements hors bilan, en particulier ceux correspondant aux régimes de retraites), qui constitue la principale menace à long terme pour la stabilité monétaire. En outre, il pourrait être envisagé de lier le niveau de déficit excessif dans un pays donné à celui de son stock de dette. En effet, plus celui-ci est faible, moins le retour à l'équilibre des finances publiques à moyen terme est indispensable.
3. L'initiative de la future présidence italienne
L'Italie, qui prendra la présidence de la zone euro à compter du 1 er juillet 2003, a récemment présenté un dispositif spécifique 41 ( * ) destiné à relancer investissements en infrastructures dans la zone euro.
a) Une augmentation annuelle des investissement comprise entre 0,5 % et 1 % du PIB communautaire
L'augmentation annuelle proposée serait de l'ordre de 0,5 % à 1 % du PIB communautaire (soit de 45 à 90 milliards d'euros 42 ( * ) ), comme l'indique le graphique ci-après :
La relance de l'investissement proposée par
l'Italie
(réseaux transeuropéens)
(investissement annuel, en milliards d'euros)
Source : présidence italienne de l'Union européenne, A European Action for Growth, 9 juin 2003
b) Les projets concernés : les réseaux transeuropéens
Les infrastructures concernées seraient les réseaux transeuropéens (RTE), relatifs aux transports, à l'énergie et aux télécommunications (cf. encadré ci-après). L'Italie propose d'étendre le champ des RTE « à l'investissement immatériel, au capital humain, à la R & D, à la haute technologie ».
Les réseaux transeuropéens (RTE) 1. Cadre général L'article 154 du traité CE, inséré par le traité sur l'Union européenne, prévoit : « 1. La Communauté contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie. Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de la Communauté vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux. 2. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de la Communauté ». Ces projets sont définis dans le cadre de la procédure de codécision. Le conseil européen d'Essen (décembre 1994) a défini 14 projets prioritaires pour les transports et 10 pour l'énergie. 2. Les transports Les orientations communautaires pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) ont été arrêtées par la décision n° 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996. Ce document se présente comme « un cadre général de référence destiné à encourager les actions des Etats membres et, le cas échéant, de la Communauté visant à réaliser des projets d'intérêts commun ayant pour objet d'assurer la cohérence, l'interconnexion et l'interopérabilité de réseau transeuropéen de transport ainsi que l'accès à ce réseau ». Cette décision a un caractère clairement facultatif, puisque son article premier précise que « ces projets constituent un objectif commun dont la réalisation dépend de leur degré de maturité et de la disponibilité de ressources financières, sans préjuger de l'engagement financier d'un Etat membre ou de la Communauté ». A l'échéance de 2010, le coût total du RTE-T est estimé à 400 milliards d'euros. Au conseil européen d'Essen des 9 et 10 décembre 1994, avant même que l'ensemble du RTE-T ne soit arrêté, il a été décidé de concentrer les financements sur quatorze projets déclarés hautement prioritaires. La plupart appartiennent au réseau de transport ferroviaire à grande vitesse. Dans le cas de la France, les réseaux concernés sont : - la liaison PBKAL (Paris, Bruxelles, Cologne, Amsterdam, Londres) ; - la liaison Sud vers Madrid par la voie atlantique et par la voie méditerranéenne ; - la liaison Est Paris-Allemagne ; - la liaison Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste. Le coût des quatorze projets d'Essen est estimé à 103 milliards d'euros. Seulement trois d'entre eux ont été achevés. Il s'agit de l'aéroport de Milan-Malpensa, du pont entre Copenhague et les îles Malmoe et de la ligne ferroviaire Cork-Dublin. 3. L'énergie Dans le cas de l'énergie, plusieurs projets ont été décrétés prioritaires au conseil européen d'Essen en décembre 1994. Dans le cas de la France, il s'agit de l'interconnexion des réseaux électriques France-Espagne et France-Italie. 4. Les télécommunications Dans le cas des télécommunications, la décision du Parlement européen et du Conseil du 9 novembre 1995 (2717/95) établit une série d'orientations pour le développement du réseau numérique à intégration de services (RNIS) en tant que réseau transeuropéen. Par ailleurs, la décision du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 1997 établit un ensemble d'orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications. |
c) Un financement par la Banque européenne d'investissement
Sur le plan institutionnel, ces investissements seraient financés non par les Etats membres, mais par la Banque européenne d'investissement (BEI), qui a été le principal financeur des RTE au cours de la dernière décennie.
Outre l'utilisation des systèmes de financement mixte (sur le modèle du public-private partnership britannique) 43 ( * ) , garantis par la BEI, le gouvernement italien préconise un large recours aux mécanismes de titrisation et à l'émission d'obligations, éventuellement garanties par les Etats membres.
d) Une mise en oeuvre à partir de 2004
Le gouvernement italien propose que le conseil « Ecofin » de juillet 2003 charge la Commission européenne et la BEI de présenter une proposition concernant les priorités en matière de RTE et les nouveaux instruments dont pourrait disposer la BEI. La proposition de la Commission européenne pourrait ensuite être adoptée lors du conseil européen de Bruxelles de décembre 2003.
e) Une proposition intéressante
Dans la mesure où le financement de ce projet ne serait pas assuré par les Etats membres, il serait compatible avec les obligations du pacte de stabilité et de croissance, ainsi que l'a indiqué la Commission européenne le 12 juin 2003.
A court terme , une augmentation des dépenses d'investissement de 0,5 à 1 point de PIB en 2004 permettrait de soutenir l'activité dans la zone euro. Si l'on retient l'hypothèse d'un multiplicateur keynésien de l'ordre de 1,5 pour la zone euro, l'impact sur la croissance pourrait être significatif (de l'ordre de 1 point de croissance).
A plus long terme , la proposition italienne pourrait permettre d'augmenter la croissance potentielle de l'économie européenne.
Comme le rapporteur spécial du budget des transports l'a souligné dans son récent rapport d'information sur le financement des infrastructures de transports à l'horizon 2020 44 ( * ) , en matière de transports la Commission européenne a jusqu'à présent donné la priorité à la libéralisation : libération précoce pour le transport fluvial, organisée pour le transport routier et difficile pour le transport ferroviaire.
Il est temps que l'Union européenne s'engage davantage dans le financement des grands réseaux européens, en particulier en ce qui concerne les transports.
Quant au gouvernement français, à l'issue du récent débat sur les infrastructures de transport, il lui appartient de mettre à jour la liste des opérations dont le caractère trans-européen apparaît incontestable, et de plaider pour leur prise en compte par l'Union. Ce serait une réelle chance d'accélérer la réalisation de liaisons telles que l'axe ferroviaire Lyon-Turin ou le canal à grand gabarit Seine-Nord. Ainsi, le respect des contraintes européennes en matière de réduction des déficits publics serait rendu compatible avec la poursuite d'une politique d'aménagement du territoire qui demeure une ardente obligation pour notre pays.
* 40 On a vu que si le pacte de stabilité fixait des règles en matière de dette publique, celles-ci n'étaient pas assorties d'éventuelles sanctions, et avaient par conséquent une importance pratique modeste.
* 41 « Une initiative européenne pour la croissance » (A European Action for Growth), 9 juin 2003.
* 42 Dans un entretien publié dans le Financial Times du 10 juin 2003, le ministre italien des finances, M. Giulio Tremonti, a évoqué un montant compris entre 50 et 70 milliards d'euros.
* 43 Dans sa communication au Conseil et au Parlement européen précitée du 21 mai 2003, la Commission européenne met en garde contre le recours à des mécanismes de partenariat public-privé dont le seul objectif serait de contourner les contraintes budgétaires en débudgétisant des dépenses d'investissement. Elle estime que, dans ce cas, de tels mécanismes pourraient avoir pour effet de permettre un renchérissement des coûts qui ne serait pas compatibles avec l'objectif de « soutenabilité » des finances publiques. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité d'élaborer des comptes publics transparents.
* 44 Rapport d'information n° 303 (2002-2003), commission des finances.