CONCLUSION
En conclusion, votre rapporteur spécial souligne que le financement des grandes infrastructures de transports peut et doit trouver sa solution.
Il convient en tout premier lieu de dégager les moyens nécessaires sur le fonctionnement des services de transports pour investir dans l'avenir. Les dépenses de fonctionnement représentent aujourd'hui les trois-quarts des contributions de l'Etat en faveur des transports, et permettraient de dégager de vraies « marges de manoeuvre ».
Il convient en second lieu d'affecter les ressources issues des utilisateurs des services de transports , en particulier du mode routier, au financement des nouvelles infrastructures.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial propose de créer un Fonds national de développement intermodal , pour l'ensemble des projets nationaux, en supprimant les deux fonds créés par la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport. Ce fonds sera alimenté par la taxe d'aménagement du territoire (TAT) et par une partie des dividendes des sociétés publiques d'autoroutes. Une redevance domaniale sur les poids lourds, à l'image de ce qui se réalise en Allemagne pourrait également contribuer au fonds, mais ses modalités restent à préciser.
Votre rapporteur spécial n'est pas favorable au discours qui consisterait à faire croire que toute politique nouvelle nécessite de nouvelles taxes : il a démontré, par l'exemple des dividendes à percevoir sur les sociétés d'autoroutes dans les vingt prochaines années, que les ressources existaient et étaient bien réelles. Encore faut-il savoir si l'on veut les utiliser pour développer les investissements ou pour régler les dépenses courantes.
Enfin, s'agissant des sociétés concessionnaires d'autoroutes , votre rapporteur spécial souhaite mettre en garde contre toute tentative de céder rapidement les participations de l'Etat dans ces entreprises. Les ressources financières à attendre des sociétés d'autoroutes sont très élevées, de 12 milliards d'euros à 19 milliards d'euros de dividendes d'ici à la fin des concessions (entre 2028 et 2032) ce qui représente un abondement sûr et très significatif du budget de l'Etat auquel il convient de ne pas renoncer.
LISTE DES PROPOSITIONS
1. Des comptes de transports clairs
Renforcement du rôle de la commission des comptes des transports de la Nation (article 12 de la loi de finances rectificative de 2002).
Mise en oeuvre des missions et programmes de la loi organique du 1 er août 2001.
2. Clarifier le partage entre l'usager et le contribuable
Renforcer la part de l'usager, notamment par une tarification adaptée sur la route (création d'une redevance poids lourds, mais aussi réflexion sur la mise à péage d'autoroutes aujourd'hui gratuites) ou pour les lignes à grande vitesse.
Ne faire intervenir le contribuable qu'au titre de la solidarité : financement des modes alternatifs (mode fluvial), des grandes liaisons d'aménagement du territoire. Les liaisons d'intérêt régional devront être prises en charge par les collectivités locales.
Le financement public national ne doit pas avoir comme a priori une augmentation des prélèvements obligatoires mais un redéploiement des moyens et une affectation des taxes et ressources existantes (cf. création d'un fonds de péréquation).
3. Réduire les coûts de fonctionnement du secteur des transports (75 % des crédits de l'Etat)
Aucune réflexion sur le développement des infrastructures ne peut faire l'économie d 'une réflexion sur le fonctionnement de notre système de transports , qu'il s'agisse des sociétés d'autoroutes ou de l'opérateur ferroviaire, la SNCF. Pour rendre le service au meilleur coût, il convient de réformer en profondeur l'organisation de l'opérateur ferroviaire.
4. Etablir une loi de programmation des infrastructures de transports (schéma, plan de financement, calendrier, volet crédits d'entretien)
Votre rapporteur spécial souhaite que la loi de programme qui serait présentée au Parlement ne s'arrête pas aux seules grandes infrastructures nationales. Il importe en effet qu'elle distingue trois volets :
- les liaisons de caractère national à financer en priorité par l'usager (mise en concession avec une tarification adaptée) ou par le contribuable lorsqu'elles présentent un intérêt spécifique en matière d'aménagement du territoire ou de contribution au rééquilibrage modal. Le fonds de péréquation que votre rapporteur spécial propose de créer serait l'outil essentiel de financement de ces infrastructures ;
- les liaisons de caractère régional ou interrégional à financer en partie par les collectivités locales, avec une contribution de l'Etat à déterminer. Pour financer ces liaisons, il faut permettre aux collectivités locales d'instaurer des péages pour les réaliser (une modification du code de la voirie routière étant nécessaire sur ce point) ;
- les liaisons d'intérêt européen telles les grandes liaisons de fret ferroviaire, pour lesquelles le fonds de péréquation devra également intervenir mais à la condition d'engager une vraie négociation avec l'Union européenne pour qu'elle contribue à leur financement au-delà des 10 % actuels. En effet, il ne semble pas concevable à votre rapporteur spécial que des projets aussi lourds financièrement que la liaison Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord ne bénéficient pas d'un soutien fort de l'Union européenne.
5. Créer un Fonds de financement des transports intermodal avec des ressources affectées (taxe d'aménagement du territoire, dividendes des SEMCA, éventuellement redevance poids lourds dont il faut préciser les modalités)
La suppression du FITTVN a été une erreur qu'il est nécessaire de réparer. Il convient donc de créer un Fonds national associant l'Etat et les régions et disposant de ressources pérennes (ex : taxe d'aménagement du territoire, dividendes des sociétés d'autoroutes). Ce fonds sera chargé de mettre en oeuvre la loi de programmation.
Pour que ce fonds perçoive les dividendes des sociétés d'autoroutes il conviendra de clarifier l'affectation de la « rente autoroutière » résultant de l'allongement des concessions et de la diminution du programme d'investissements. La fin du régime de l'adossement (péréquation au sein du mode autoroutier) devait avoir pour contrepartie l'affectation des dividendes des sociétés d'autoroutes au développement de nouvelles infrastructures. Une privatisation des SEMCA mettrait définitivement un terme à toute forme de péréquation dans le mode autoroutier.
6. Intervenir auprès de l'Union européenne pour qu'elle relève sa part de financement (10 % à 20 % ou 30 %) pour les grands projets transfrontaliers
L'Union européenne est le seul échelon pertinent pour certaines grandes liaisons d'infrastructures, et notamment en matière de fret. L'Union européenne s'est engagée dans la voie de la libéralisation, qui permet de moderniser le fonctionnement des transports. Elle doit compléter son approche par une plus grande implication sur quelques grands projets européens ciblés, avec un taux de subvention plus important.
7. Prendre en compte la décentralisation : mise à péage par les collectivités locales de nouvelles liaisons, transfert de ressources correspondant aux transferts de charges
Les collectivités locales contribuent de manière significative au financement des infrastructures de transports.
Le transfert annoncé d'une partie du réseau routier national aux départements va conduire à leur faire financer l'entretien d'un réseau très important et nécessitera des transferts de ressources adaptés.
Votre rapporteur spécial souhaite également que les collectivités locales soient autorisées à instaurer des péages d'infrastructures sur les liaisons qu'elles réalisent et non pas seulement sur les ouvrages d'art.
8. Clarifier les modalités de remboursement de la dette ferroviaire
La dette ferroviaire atteint 40 milliards d'euros, dont 25 milliards d'euros pour RFF. Chaque année, l'Etat verse une dotation en capital mais celle-ci n'est pas garantie (une partie seulement a été versée en 2002). Il conviendrait d'affecter à la dette de RFF une ressource pérenne et stable, à l'image de ce qui a été réalisé, par exemple, pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).