B. L'IMPORTANCE DES RECETTES FISCALES DANS LES RECETTES TOTALES
1. Dans quelle mesure l'importance des recettes fiscales dans les recettes totales a-t-elle un impact sur la manière dont une collectivité est gérée ?
Les avantages et les inconvénients de chaque mode de financement, ainsi que les principaux exemples européens, sont indiqués par le tableau ci-après :
Comparaison des différents modes de financement des collectivités territoriales
Mode de financement |
Exemples européens |
Principaux avantages |
Inconvénients |
Dotations |
Prévisibilité |
Tendance à l'augmentation (M. BLÖCHLIGER) |
|
Partage d'un impôt d'Etat |
Allemagne, Royaume-Uni |
Simplicité de la répartition, faibles coûts de gestion, absence de cercle vicieux entre taux élevés et sous-développement économique (M. BLÖCHLIGER) |
Absence de véritable responsabilité fiscale locale (M. BUR), conduisant à une faible légitimité politique (M. GILBERT) Forte dépendance au cycle économique Faible incitation à la coopération intercommunale (M. GILBERT) |
Fiscalité propre |
France |
Responsabilisation des collectivités territoriales (M. LAURENT) Maîtrise de la dépense publique (MM. LAURENT et KLOPFER) Possibilité de prise de risque raisonnée, notamment dans le développement territorial ou économique (M. LAURENT) Ressource gérée avec plus d'efficacité (M. BLÖCHLIGER) Possibilité de faire face à un retournement de conjoncture (Mme SIROU) |
Risque de cercle vicieux entre taux élevés et sous-développement économique (M. BLÖCHLIGER) Nécessité d'une péréquation importante, jugée faible en France (Mme SIROU) |
L'article 72-2 de la Constitution prévoit que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. » Ainsi, comme le souligne M. BUR dans sa contribution écrite, « si le partage d'un impôt d'Etat peut constituer à court terme une solution aux transferts de compétence qui seront mis en place progressivement, le choix d'une telle solution peut s'avérer délicat au regard de la rédaction actuelle de l'article 72-2 de la Constitution qui fait référence au caractère déterminant des recettes fiscales [et des autres ressources propres] ». Cette remarque vaut également pour les dotations.
Les intervenants soulignent l'impact déterminant des recettes fiscales propres sur la gestion locale.
a) Une modération fiscale impliquant une modération des dépenses ?
Tout d'abord, les collectivités territoriales seraient incitées à maîtriser leur pression fiscale afin de ne pas susciter de délocalisations de leurs bases, et donc à maîtriser leurs dépenses.
M. GILBERT insiste sur le caractère désormais primordial de la fixation des taux dans l'élaboration d'un budget.
L'importance des recettes fiscales dans les recettes
totales :
Contribution écrite de M. GILBERT « L'importance des recettes fiscales dans les recettes totales a un impact déterminant sur la gestion locale. L'évolution récente des comportements financiers des collectivités territoriales en atteste. Depuis le début des années 80, les budgets locaux sont soumis beaucoup plus étroitement que par le passé à la contrainte fiscale. Les budgets locaux se construisent désormais à partir d'une hypothèse sur l'évolution des taux, qui tient compte notamment de la position relative de la collectivité par rapport à ses « concurrentes ». Cette hypothèse détermine l'équilibre du budget de fonctionnement, la capacité de financement des investissements, et donc finalement le volume de ces derniers. Ainsi la fiscalité conditionne-t-elle en définitive le choix entre le simple renouvellement des équipements et leur développement. L'accès à l'emprunt étant lui-même conditionné par la solvabilité financière future (donc par l'évolution prévisible de la fiscalité), il est donc clair que la capacité de mobilisation de la fiscalité, aujourd'hui et demain, est au centre de la construction de l'équilibre durable des finances locales. Elle en constitue la variable stratégique essentielle. Pas de développement durable dans l'offre de services collectifs (hormis des gains de productivité) sans recours accru à la fiscalité . Cette situation contraste avec celle qui a prévalu durant les années 60 et jusqu'au début des années 80. Les budgets locaux se construisaient alors à partir de l'investissement. Celui ci résultait de l'écart entre le stock de capital local souhaité (celui qui accompagnait la croissance du stock de logements) et les équipements en place. Les dépenses courantes étaient déterminées par récurrence. Le budget se bouclait sur la fiscalité sans qu'une contrainte fiscale réellement serrée ne vienne influencer en profondeur la stratégie financière et budgétaire des collectivités. Contrairement à une opinion répandue, le recours intensif à la fiscalité dans les budgets locaux ne conduit pas cependant une autonomie financière sans risques. Un risque politique d'abord, que je ne commenterai pas. Un risque économique ensuite de fuite de la matière imposable, si le différentiel de taux est par trop important. Et ce risque est d'autant plus grand que l'on encourage par ailleurs la flexibilité, la mobilité des hommes et des capitaux. Sauf à être assise sur des bases adéquates, une fiscalité locale qui garantit une réelle autonomie fiscale est donc aujourd'hui une fiscalité risquée. Empiriquement, l'abondance des ressources fiscales, et notamment de taxe professionnelle, constitue la source dominante de formation des inégalités de potentiel fiscal entre collectivités territoriales. Toutefois, la péréquation corrige une partie des inégalités, de l'ordre de 30 % pour les communes ». |
Selon M. BLÖCHLIGER, les ressources propres sont préférables aux dotations, pour deux raisons :
- les autorités locales des pays de l'OCDE gèreraient en général avec plus d'efficacité le produit de leurs ressources propres que celui des dotations ;
- les dotations susciteraient sur le long terme des dépenses supplémentaires, les autorités locales parvenant à faire pression sur le gouvernement pour qu'il les accroisse (comme on pourrait le constater, notamment, en France, en Suisse et au Mexique).
Dans sa contribution écrite, M. KLOPFER estime que « dans une situation extrême où la collectivité ne disposerait plus de fiscalité propre, elle serait exposée de plein fouet à une forte pression à la dépense publique émanant de différents groupes représentant les consommateurs de services et d'équipements et sur lesquels elle n'aurait plus de prise en tant que pourvoyeurs de ressources ».