PREMIÈRE PARTIE
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MAÎTRISER, METTRE EN VALEUR ET PROTÉGER LES
ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE NATUREL
La montagne figure parmi les grandes richesses patrimoniales de la France. Elle est le symbole même d'une nature riche et préservée et la diversité de ses ressources naturelles, de la faune et de la flore constitue un atout inestimable. Les éléments physiques qui la caractérisent, comme l'altitude, la pente et le climat se déclinent de manière très diversifiée d'un massif à l'autre. D'où la variété des paysages, façonnés de longue date par l'activité humaine et la richesse du patrimoine naturel montagnard. Mais cette nature est également soumise à une forte pression humaine qui la rend écologiquement vulnérable. Il importe de protéger de façon dynamique les espaces et les milieux naturels, de chercher à valoriser les ressources naturelles, tout en prenant en compte les risques naturels qui sont plus fréquents en zone de montagne qu'ailleurs.
I. PROMOUVOIR UNE DÉMARCHE CONTRACTUELLE ET CONCERTÉE POUR PRÉSERVER LE PATRIMOINE NATUREL
Comme l'ont souligné de nombreux interlocuteurs, l'exceptionnelle biodiversité des zones de montagne fait l'objet d'une large protection, ce qui localement entraîne des superpositions de zonages et de réglementations parfois préjudiciables à la lisibilité des objectifs poursuivis.
Dans ces conditions, la tentation d'accroître encore la réglementation des activités ou de recourir à des outils de protection pour gérer les milieux peut constituer une atteinte à l'esprit de liberté et de responsabilité propre à la montagne.
Il faut, à l'inverse, encourager les démarches contractuelles de cogestion sur des objectifs précis.
A. UNE RICHESSE PATRIMONIALE LARGEMENT RECONNUE
1. Une protection étendue de l'espace montagnard
L'article 1 er de la loi « montagne » précise que la politique de la montagne assure : « la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites et des paysages, la réhabilitation du bâti existant et la promotion du patrimoine naturel ».
Les diverses législations de protection qui ont structuré le dispositif de protection des milieux naturels et des paysages ont été largement appliquées en zone de montagne. Il s'agit notamment de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 créant les parcs nationaux, de la loi n° 93-24 sur la protection et la mise en valeur des paysages, sur les parcs naturels régionaux, et de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature créant les réserves naturelles.
Ainsi on estime qu'en 1996, 89 % de la surface du territoire couverte par une protection forte (parcs nationaux, réserve intégrale et réserve naturelle) se situe en zone de montagne.
30 % de la superficie montagnarde est protégée contre 12 % en moyenne nationale et 20 % des communes de montagne sont concernées par un parc national ou régional, une réserve naturelle volontaire, un arrêté de protection de biotope ou une forêt de protection.
Il faut noter également que la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation des unités touristiques nouvelles (UTN) a entraîné, le plus souvent en compensation des autorisations accordées, l'intervention de 91 mesures de protection, dont 21 réserves naturelles, 53 classements de sites, 11 classements en forêt de protection et 7 arrêtés de biotope.
PATRIMOINE NATUREL DE LA MONTAGNE
(TABLEAU
COMPARATIF ENTRE MONTAGNE, PLAINE ET LITTORAL)
Ensemble du territoire |
Zone de montagne |
Zone de plaine |
Zone littorale |
||||
Superficie |
5 433 965 km 2 |
118 971 km 2 |
21,9 % |
417 983 km 2 |
76,8 % |
7 011 km 2 |
1,3 % |
Végétaux (1) |
434 espèces |
196 espèces |
45,2 % |
227 espèces |
52,3 % |
79 espèces |
18,2 % |
Mammifères (2) |
53 espèces |
46 espèces |
86,8 % |
43 espèces |
81,1 % |
- |
- |
(1) Espèces végétales protégées (arrêté du 20 janvier 1982 modifié) une espèce peut être présente dans plusieurs zones)
(2) Mammifères protégés
(arrêté du 17 avril 1981 modifié) (une
espèce peut être présente dans plusieurs zones).
Source
: L'évaluation de la politique de la montagne
1999.
2. La multiplicité des outils de protection recensés en montagne
a) Les parcs nationaux
Sur les sept parcs nationaux existants, cinq intéressent le patrimoine montagnard et ont été mis en place entre 1963 et 1989. Quatre sont situés en haute montagne (Vanoise, Ecrins, Mercantour, Pyrénées) alors que le Parc des Cévennes est situé en moyenne montagne et abrite une activité économique traditionnelle.
L'ensemble des zones centrales -qui bénéficient de la protection la plus forte- représente moins de 1 % du territoire national et moins de 4 % du territoire montagnard. Pour les zones périphériques, les pourcentages sont respectivement de moins de 2 % et moins de 8 %. La population concernée par les parcs nationaux s'élève à 200.000 habitants, soit 0,4 % de la population totale.
b) Les réserves naturelles
Sur les 150 réserves naturelles installées sur le territoire, qui concernent 536.210 hectares, 40 se situent en zone de montagne (80.713 hectares protégés).
Cet outil tend à la préservation de la reconstitution de populations d'espèces animales ou végétales ou d'habitats en voie de disparition, de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables. Le choix des nouvelles réserves repose sur les inventaires scientifiques réalisés. Les réserves sont l'un des instruments permettant à la France de satisfaire à ses obligations communautaires ou résultant d'une convention internationale.
Le régime des réserves naturelles vient d'être modifié dans le sens d'une plus grande décentralisation par les dispositions de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 sur le statut de la Corse et la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Le nouveau dispositif s'articule désormais autour de trois régimes distincts :
- les réserves naturelles nationales, dont le classement relève de la compétence de l'Etat, la gestion étant confiée par voie de convention, à un organisme gestionnaire. Un comité consultatif présidé par le préfet, composé de représentants des propriétaires, des collectivités territoriales, des administrations concernées ainsi que des associations de protection de la nature donne son avis sur la gestion et le fonctionnement de la réserve. Le financement de la gestion des réserves est essentiellement assuré par l'Etat, les collectivités territoriales participant dans certains cas, notamment aux dépenses d'investissement ;
- les réserves naturelles régionales ; depuis la loi du 27 février 2002 précitée, les régions peuvent classer en réserve naturelle régionale, à la demande des propriétaires ou à leur initiative, des espaces présentant un intérêt pour la protection des milieux ;
- les réserves naturelles corses relèvent désormais de la compétence de la collectivité territoriale de Corse.
c) Les parcs naturels régionaux
Créés en 1967 à l'initiative de la DATAR, les parcs naturels régionaux, au nombre de 40, concernent près de 12 % du territoire national et comptent environ 3,5 millions d'habitants. Parmi eux, 19 sont concernés par des massifs et sont situés principalement en moyenne montagne, à l'exception du parc du Queyras.
Sur les parcs en projets, deux sont situés en territoire de montagne : les Pyrénées catalanes et le Territoire des Mille-vaches en Limousin.
d) Les arrêtés de protection de biotopes
L'arrêté de protection de biotope, mis en place par la circulaire du 27 juillet 1990 relative à la protection des biotopes nécessaires aux espèces vivant dans les milieux aquatiques tend à assurer la préservation d'habitats nécessaires à la survie d'espèces protégées.
L'arrêté de protection de biotope est pris par le préfet du département après avis de la commission départementale des sites et il n'est pas soumis à enquête publique. De manière informelle, l'avis des conseils municipaux est demandé, mais le préfet peut passer outre à un refus. L'arrêté fixe les mesures permettant la conservation des biotopes et à ce titre peut interdire ou réglementer certaines activités. A priori, il concerne des espaces relativement restreints.
L'arrêté de protection de biotope ne doit pas être confondu avec une réserve naturelle, et les contraintes qui résultent de sa mise en oeuvre ne doivent pas être trop lourdes.
Interrogée sur cet outil de protection, lors de son audition par la mission commune d'information, Mme Claudine Rysberg, chargée de mission à la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale du ministère de l'Ecologie et du développement durable, a considéré que l'arrêté de biotope est un outil « qui doit être manié avec précaution et utilisé à bon escient -sur un territoire relativement restreint- pour protéger une espèce qu'elle soit animale ou végétale. Dans la mesure où il peut déboucher sur d'autres types de protection, il constitue un outil d'attente. Cela fait précisément sa singularité en même temps que sa faiblesse, dans la mesure où il paraît possible d'envisager d'emblée d'autres types de protection plus pérennes et en quelque sorte mieux gérés ».