SYNTHÈSE DU CHAPITRE
Dès l'automne 2001, la Délégation du Sénat pour la Planification avait appelé l'attention sur la très grande probabilité de ne voir l'équilibre des finances publiques atteint qu'au-delà de 2005, soit plus tardivement que dans le programme pluriannuel des finances publiques alors connu, portant sur les années 2001-2004.
Elle s'appuyait sur les résultats d'une projection réalisée par elle à l'aide du modèle de simulation macroéconomique de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui avait, pourtant, été construite sur la base d'hypothèses a priori très favorables à un rétablissement des comptes publics.
Une actualisation de cette projection qui, pour des motifs calendaires, ne pouvait tenir compte de l'impact sur les comptes publics du ralentissement en cours, est présentée dans ce chapitre.
C'est la première projection à moyen terme rendue publique tenant compte de la révision à la baisse des perspectives de croissance pour 2002, qui a frappé d'obsolescence toutes les projections réalisées antérieurement. Cependant, construite avant que ne soit connu l'état des comptes nationaux pour 2001, ses résultats, bien que déjà très mitigés, doivent être corrigés afin de tenir compte des évolutions révélées depuis.
Les conditions d'élaboration de la présente étude n'ont, en revanche, pas permis de prendre en considération les résultats de l'audit des finances publiques commandé par le nouveau gouvernement. Il est cependant assez peu probable qu'ils s'écartent du diagnostic pour 2002, tel que révisé depuis la publication des comptes nationaux pour 2001, retenu dans le commentaire des résultats de la projection réalisée pour la présente note, soit d'un besoin de financement public de l'ordre de 2,5 points de PIB.
I - Malgré des hypothèses très favorables, les deux exercices de projection débouchent sur des résultats mitigés
A. Les deux projections présentées dans ce chapitre sont construites sur des hypothèses favorisant a priori la réduction du besoin de financement public et la baisse du poids de la dette publique dans le PIB
1. Les hypothèses posées en matière de croissance dépassent le rythme de la croissance potentielle de l'économie.
Dans la projection d'automne, cet « écart de croissance » positif est constamment présent. Dans son actualisation, il est tenu compte du ralentissement de la croissance en 2001 et 2002 qui engendre un « écart de croissance » négatif au cours des deux années en cause, mais la reprise économique intervient dès 2003 et après 2002, la croissance est toujours nettement supérieure au potentiel.
Une telle hypothèse, combinée avec une stabilité des taux d'intérêt, exerce des effets très favorables sur les comptes publics que décrit la présente étude. Elle crée un contexte facilitant la maîtrise des comptes publics (déficit et dettes) en réduisant le niveau des exigences à satisfaire à cette fin et en en favorisant le respect. En particulier, « l'écart de croissance » positif conduit à une amélioration de la composante conjoncturelle du solde public, tandis que la diminution du coût relatif de la dette atténue « l'effet boule de neige » de la dette et réduit le niveau de l'excédent primaire à dégager pour atteindre un besoin de financement stabilisant le poids de la dette publique dans le PIB.
2. Des hypothèses de finances publiques volontaristes.
Dans les deux exercices de projection, les hypothèses posées en matière de finances publiques sont telles que la composante structurelle du solde public s'améliore.
Si les deux projections tiennent compte des allégements de prélèvements obligatoires votés (ils s'élèvent, en cumulé, à 1,4 point de PIB), les hypothèses retenues en matière de dépenses se traduisent par un repli du poids des dépenses publiques dans le PIB qui excède (et surcompense) la baisse de la pression fiscale.
Cette dernière évolution, qui n'est possible que dans un contexte de gestion très volontariste des dépenses publiques, a pour effet d'engendrer une amélioration de la composante structurelle du besoin de financement public.
B. Des résultats pourtant très mitigés
1. Les résultats de la projection d'automne.
Exprimé en pourcentage du PIB, le besoin de financement des administrations publiques se réduisait en projection de 1,7 point de PIB , avec en l'an 2001, un besoin de financement de 1,4 % du PIB et, en l'an 2006, une capacité de financement des administrations publiques de 0,3 point de PIB.
En 2004, échéance pour laquelle le précédent programme de stabilité - le programme à l'horizon 2004 - prévoyait un excédent de 0,2 point de PIB, il subsistait un besoin de financement de 0,6 point de PIB.
ÉVOLUTION DE LA CAPACITÉ DE
FINANCEMENT
( en points de PIB ) |
||||||||
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
||
Capacité de financement |
- 1,4 |
- 1,4 |
- 1,6 |
- 1,2 |
- 0,6 |
- 0,1 |
0,3 |
|
Dette |
57,6 |
57,2 |
56,9 |
55,6 |
53,8 |
51,6 |
49,2 |
|
|
La réduction du déficit public, quoique plus lente que prévu, exerçait cependant des effets favorables sur la dette publique calculée ici au sens de Maastricht, qui rétrogradait de 8 points de PIB entre 2001 et 2006.
2. Les résultats de l'actualisation de la projection.
(en points de PIB) |
|||||||||
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
Dépenses publiques |
52,7 |
52,4 |
51,7 |
51,1 |
50,7 |
50,5 |
50,3 |
50,2 |
49,9 |
Prélèvements obligatoires |
44,7 |
44,3 |
44,3 |
44,4 |
44,3 |
44,2 |
44,2 |
44,1 |
43,9 |
Solde public |
- 2 |
- 2 |
- 1,3 |
- 0,7 |
- 0,3 |
- 0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,2 |
Dette publique |
57,8 |
57,6 |
56,3 |
54,6 |
52,7 |
50,7 |
48,7 |
46,5 |
44,1 |
Le net ralentissement économique observé en 2001 et celui anticipé pour 2002 pris en compte conduisent à repousser l'annulation du besoin de financement public à 2008. Encore faut-il souligner que la prise en compte des comptes nationaux pour 2001, désormais connus, qui enregistrent une situation de départ, en 2001, moins favorable que dans la projection à hauteur de 0,5 point de PIB, conduit à repousser au-delà de 2010, qui est l'horizon de la projection, l'équilibre des comptes publics.
Ces délais n'empêchent pas le poids de la dette publique de rétrograder dès 2003 - elle passe de 57,3 à 44,1 points de PIB entre 2001 et 2010 -. Mais, malgré une réduction importante de son poids dans le PIB, ce repli n'offre que peu de marges de manoeuvre nouvelles pour piloter les finances publiques, puisque les économies réalisées sur les charges d'intérêt sont limitées à 0,7 point de PIB.
II - Les résultats de quelques variantes
Les résultats d'une projection des finances publiques sont tributaires des hypothèses économiques sur lesquelles elle est construite ainsi que des hypothèses posées en matière de finances publiques.
On peut, à l'aide de variantes, apprécier l'influence de ces hypothèses et mesurer ainsi les aléas auxquels tout exercice de projection est soumis.
Deux catégories de variantes ont ainsi été réalisées à partir des projections présentées dans le chapitre, la première simulant un accroissement plus réaliste de certains postes de dépenses publiques, la seconde prenant en compte un environnement économique moins favorable à la maîtrise des finances publiques.
C'est sans surprise que, dans ces variantes, les résultats en matière de finances publiques apparaissent dégradés par rapport au compte central. Les conclusions qu'on peut en tirer, nécessairement plus complexes, méritent l'attention. Au-delà de leur caractère prédictif, ces variantes ont, en effet, pour mérite de préciser les enjeux, et les conditions, d'une meilleure maîtrise des dépenses publiques ainsi que l'orientation à donner à la politique budgétaire.
A. Un accroissement plus réaliste de certains postes de dépenses publiques
Dans les programmes de stabilité notifiés dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance par les Etats européens, une croissance systématiquement supérieure à la croissance potentielle des économies européennes et des normes de progression des dépenses publiques très serrées par rapport aux réalisations historiques suffisent à extérioriser des résultats toujours conformes aux exigences du pacte.
Deux variantes, comportant une progression plus réaliste des dépenses de santé et de fonction publique que celle implicite dans le programme de la France à l'horizon 2004, ont été élaborées dans le cadre de la projection d'automne.
Celle-ci se caractérisait, dans le compte central, par une augmentation de 1,8 % en volume pour les dépenses de santé et par un impact très limité de la réduction du temps de travail (RT) sur la masse salariale publique (0,1 point de PIB). En simulant un accroissement des dépenses de santé de 4 % l'an, plus proche des réalités historiques et un impact de la RTT dans les fonctions publiques, plus en accord avec les enchaînements prévisibles, de 0,5 point de PIB par an, on pouvait observer une progression nettement plus rapide de l'ensemble des dépenses publiques. De 1,5 % dans le compte central construit à partir de la norme du programme de stabilité à l'horizon 2004, elle passait à 2,4 %. Ce résultat se répercutait sur la trajectoire du retour à l'équilibre des comptes publics qui était beaucoup moins rapide, et l'équilibre n'était pas atteint dans le cadre temporel de la projection à horizon 2006.
Au-delà de ces résultats, la variante montre également l'importance pour l'avenir d'une politique de la dépense publique basée sur la recherche d'une maîtrise de ses ressorts structurels.
B. Un contexte économique moins favorable
Tant l'hypothèse d'un maintien du coût de la dette à son niveau actuel que celle d'une croissance durablement supérieure à la croissance potentielle sont entourées d'aléas dont l'ampleur est mesurée à partir de deux variantes.
1. Une augmentation du coût de la dette de 1 point.
Elle se traduit par une intensification de l'« effet boule de neige » de la dette qui, à solde primaire donné, entraîne un déficit public total plus élevé -sous l'effet de l'accélération des charges de la dette- et, par conséquent, une réduction plus lente du poids de la dette publique dans le PIB. Dans le compte central, celui-ci rétrograde de 13,2 points de PIB contre 8,1 points avec un coût de la dette supérieur de 1 point.
2. Une croissance égale à la croissance potentielle.
Dans la projection à horizon 2010, un écart de croissance positif conduit à une augmentation du PIB en volume supérieure de 3,8 points (environ 0,4 point par an) à ce qu'elle serait avec une croissance effective égale à la croissance potentielle.
En supposant constante l'élasticité fiscale 34 ( * ) , le premier résultat de cette variante est une réduction plus modérée du poids des dépenses publiques dans le PIB. Elle a son pendant dans une amélioration plus mesurée du besoin de financement public. Finalement, le poids de la dette publique dans le PIB ne se réduit que de 3,6 points de PIB, soit deux fois moins que dans le compte central.
Pour mesurer l'effet de la croissance sur la trajectoire de la dette publique, il suffit d'indiquer que cette contre-performance est atteinte avec une croissance inférieure de seulement 15 % à celle du compte central.
*
* *
Les résultats de ces deux variantes pouvant être cumulés, la combinaison des politiques économiques en Europe apparaît cruciale.
Une politique monétaire restrictive destinée à limiter un regain d'inflation gênerait l'assainissement des finances publiques, ce qui donne tout son prix à des politiques structurelles destinées à endiguer tout réveil des prix.
L'impact d'un ralentissement de la croissance serait encore plus grand.
Cette relation entre croissance et dette publique conduit à souligner les enjeux d'une politique budgétaire prudente, mais aussi d'une politique budgétaire respectueuse de la croissance.
La prudence invite à gérer les finances publiques en considération de perspectives de croissance plus réalistes que celles fréquemment affichées dans des programmes de stabilité supposés incarner la discipline budgétaire en Europe. Elle appelle également une politique d'assainissement structurel et qui soit réellement contra-cyclique. Le souci de respecter la croissance conduit aussi à privilégier cette dernière approche au terme de laquelle il serait très contreproductif de hâter le retour à l'équilibre public dans un contexte de croissance notablement inférieure à la croissance potentielle. On rappelle à ce propos que, dans une telle situation, les risques d'inflation étant faibles, une réduction du besoin de financement public n'est pas seulement pro-cyclique mais encore, selon toutes apparences, sans pertinence au regard du souci de limiter l'inflation.
* 34 Ce qui revient à éliminer l'hypothèse d'une élasticité fiscale non linéaire variant avec le rythme de croissance.