C. DES CONCESSIONNAIRES CRITIQUÉS

Sans entreprises, le travail pénitentiaire n'existerait pas. Cette évidence ne doit pas masquer des réalités parfois choquantes. Pour une entreprise qui, sans négliger sa rentabilité, respecte pourtant le contrat de concession qu'elle a signée et s'engage dans la formation de ses salariés-détenus, beaucoup profitent des faiblesses d'une administration pénitentiaire pour laquelle le travail carcéral est vital, et se livrent à des abus plus ou moins graves.

1. La forte rotation des concessionnaires

Le rapport de M. Jean-Pierre Hoss sur le travail pénitentiaire notait en juillet 1979 « qu'environ la moitié des 400 concessionnaires de main d'oeuvre pénale change chaque année ».

Ces entreprises sont aujourd'hui plus de 600. Si le taux de rotation s'est quelque peu ralenti depuis 1979, il reste très élevé. L'instabilité des entreprises présentes en prison nuit évidemment à une politique du travail pénitentiaire sérieuse. Cette instabilité est en effet le symptôme du manque de fiabilité d'une grande part des entreprises privées présentes en prison.

Dans deux domaines différents, la petite entreprise de luminaires, Meubles de France, à la maison centrale de Poissy, et le fleuron de l'industrie aéronautique Turbomeca, au centre de détention de Muret, offrent un travail formateur et de qualité. D'autres entreprises se comportent par contre comme des chasseurs de primes.

2. L'absence fréquente de respect du contrat de concession

L'entreprise signe à son arrivée en prison un contrat de concession de main d'oeuvre, dont un exemplaire figure en annexe du présent rapport, avec l'administration pénitentiaire. Certaines clauses de ce contrat sont rarement respectées. Ainsi, l'article 12 du contrat qui stipule que « sont à la charge du concessionnaire la fourniture d'énergie pour l'éclairage et le chauffage des locaux, ainsi que la fourniture du courant électrique et des fluides nécessaires au bon fonctionnement des machines utilisées pour son industrie » est rarement respecté : les entreprises ne payent ni eau, ni électricité. Pire encore, dans certains établissements, c'est la R.I.E.P. qui paye ces factures pour l'ensemble des concessionnaires. Il y a là une subvention cachée qui ne se justifie pas.

3. L'omniprésence du régime de la « fausse concession »

La fausse concession est la pratique qui consiste pour l'administration pénitentiaire à mettre en place dans l'atelier du concessionnaire un surveillant, en lieu et place du contremaître que l'entreprise est supposée mettre à disposition, afin d'encadrer la main d'oeuvre pénale et de gérer le flux de production.

S'il revient évidemment aux surveillants d'assurer la sécurité des ateliers, il n'est pas dans leur rôle d'exercer des fonctions de contremaître et de faire ainsi office d'encadrement non rémunéré.

Cette pratique assez répandue constitue un avantage en nature pour les entreprises qui est totalement contraire à l'esprit du contrat de concession.

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