B. UNE ARCHITECTURE INADAPTÉE

1. Les contraintes de l'histoire et de la sécurité

En 2000, la surface totale d'ateliers et de locaux dédiés au travail a été estimée à près de 230.000 m², soit 22 m² par détenu au travail en production. En examinant ces chiffres de façon brute, on pourrait en déduire que le parc pénitentiaire de zones d'activité est suffisant, correctement dimensionné pour permettre le déroulement d'activités dans des conditions d'espace satisfaisantes.

La situation est tout à fait autre. Pour une bonne partie d'entre eux, ces locaux sont sous utilisés (ou surdimensionnés au regard du niveau d'activité). C'est le cas des établissements de l'outre-mer, c'est également vrai dans certains établissements de longue peine comme la maison centrale de Saint-Maur, la maison centrale de Clairvaux ou le centre de détention de Caen, voire dans quelques maisons d'arrêt comme à Fleury-Mérogis ou à Bois d'Arcy.

On peut considérer qu'un poste de travail dispose, lorsque des locaux adaptés existent dans l'établissement, en moyenne d'environ 15 m² de surface utile pour l'activité, le stockage et les accès. A titre de comparaison, dans l'industrie, le ratio du nombre de m² par emploi peut dépasser 100 m², voire atteindre 350 m² pour des activités très industrielles (de métallerie-serrurerie par exemple). Il n'est actuellement pas rare, même dans des établissements récents du programme 13.000, que les entreprises intervenant sur les sites soient amenées à louer des locaux de stockage à proximité et à effectuer des navettes avec des petits véhicules pour livrer les ateliers.

L'insuffisance de locaux a été estimée en 2000 en métropole à près de 30.000 m² sur une base de 15 m² par emploi ; elle concerne principalement les petits établissements.

Une difficulté supplémentaire réside dans la médiocrité des accès pour les véhicules de livraison : en particulier, l'accès est souvent impossible aux semi-remorques, les sas de livraison sont trop bas, il n'existe qu'un seul accès véhicule pour tout l'établissement, ce qui allonge les temps d'attente pour l'entrée et la sortie des véhicules. Ceci sera à prendre en compte dans le cadre d'une politique d'équipement et d'amélioration du parc industriel pénitentiaire.

Enfin, les locaux existants sont souvent inadaptés à l'usage que l'on en attend (hauteur de plafond limitée, absence de chauffage, cloisonnements réalisés pour des raisons sécuritaires).

L'architecture des ateliers est ainsi affectée par l'héritage de l'histoire et par des considérations de sécurité. Les ateliers sont souvent vétustes car ils sont anciens. Ils sont inadaptés car construits à des périodes où le travail était moins prioritaire ou prenait des formes différentes. Certaines maisons d'arrêt, même récentes, comprennent peu ou pas d'ateliers : le travail n'a que rarement été une priorité pour les architectes des maisons d'arrêt. A l'inverse, dans certaines maisons centrales, ont été construits des ateliers gigantesques, d'un seul tenant, complètement sur dimensionnés par rapport aux activités productives modernes et peu propices au déploiement de plusieurs entreprises sur un même site.

La sécurité, qui est bien naturellement une priorité des établissements pénitentiaires ne favorise pas le travail des détenus. A Clairvaux par exemple, la prise en otage d'un camion de livraison a conduit à interdire l'accès à ceux-ci et à n'autoriser le passage qu'à de petits chariots élévateurs : efficace sur le plan de la sécurité, cette mesure est préjudiciable sur un plan économique 5 ( * ) .

* 5 De manière générale, sécurité et travail ont du mal à coexister, même si les détenus utilisent des outils contondants sans que cela pose de véritables problèmes. Les outils, pris dans une armoire grillagée, doivent être rangés au même endroit avant le départ des ateliers.

Les relations nées de l'état de détention, régi par le code de procédure pénale, priment sur toutes les autres relations, en l'occurrence la relation de travail. La gestion administrative et judiciaire de la détention interfère, la plupart du temps de façon soudaine et contraignante, sur les conditions d'exercice de l'activité de travail : pour des raisons de sécurité, fermeture d'un atelier ou accès limité des véhicules de livraison, absentéisme des détenus au travail pour des motifs autres que professionnels (déclassement pour indiscipline en détention)...

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