2. Les propositions américaines pour une « transformation » de l'OTAN
Les principaux axes de cette transformation de l'OTAN, qui devraient figurer, aux côtés de l'élargissement, à l'ordre du jour du sommet de Prague en novembre prochain, sont les suivants.
Le premier axe concerne la lutte contre le terrorisme et la défense contre les menaces nucléaires, biologiques et chimiques . Les Etats-Unis souhaitent que l'OTAN intègre parmi ses missions la lutte contre le terrorisme, dans ses aspects défensifs et offensifs.
En matière de protection nucléaire, bactériologique et chimique, le Pentagone a élaboré toute une série de propositions qui seront discutées au sommet de Prague et qui concernent notamment la constitution d'un laboratoire déployable biologique et chimique, le renforcement du centre sur les armes de destruction massive de l'OTAN, la mise en place d'un système de surveillance sanitaire, la mobilisation au profit de l'Alliance d'équipements et de matériels médicaux de défense biologique et chimique, et enfin la constitution d'une équipe d'alerte capable de réagir à une attaque nucléaire, biologique ou chimique. Ces propositions conduisent l'OTAN vers un rôle qui ne serait plus exclusivement militaire, mais engloberait, face au risque terroriste, des actions civiles, tels que des plans d'urgence et la protection de la population.
Le deuxième axe concerne l'adaptation des capacités des pays membres de l'Alliance aux nouvelles menaces . Les Etats-Unis ont pris acte du relatif échec de l'initiative sur les capacités de défense (DCI) lancée en 1999 au sommet de Washington. En effet, les progrès enregistrés demeurent modestes au regard des objectifs ambitieux affichés dans pas moins d'une cinquantaine de domaines. Le souhait américain est désormais de se concentrer sur une version réduite de la DCI portant sur quelques capacités clés. Seraient notamment concernés le transport stratégique, qu'il s'agisse des capacités d'emport aérien, de ravitaillement en vol ou de soutien logistique, le développement des systèmes d'information, de ciblage et de communication déployables protégés et interopérables, ou encore les systèmes de guidage laser pour les armes de précision ou les drones de surveillance.
Enfin, les Etats-Unis accentuent leur pression pour une profonde réforme des commandements de l'OTAN et de la structure des forces.
Ce projet découle en grande partie des réformes engagées au plan national américain, et notamment des modifications du Joint Forces Command établi à Norfolk, qui exerce également l'un des deux grands commandements de l'Alliance, à savoir SACLANT. La transformation du Joint Forces Command se traduit par le transfert de ses compétences relatives à la protection du territoire américain au nouveau grand commandement unifié responsable de la défense du territoire national et de ses approches ( Northern command ) et par son cantonnement dans des tâches fonctionnelles (entraînement et préparation des forces). Dans cette perspective, il serait totalement dissocié de l'Alliance atlantique, SACLANT étant purement et simplement supprimé à moyen terme. Tout en se déclarant ouvert à une formule transitoire, le Pentagone pousse donc à ne conserver qu'un seul grand commandement stratégique de l'Alliance , en l'occurrence SACEUR situé en Europe. Cette réforme se traduirait concrètement par un découplage total entre la défense des Etats-Unis proprement dite, qui ferait exclusivement intervenir des commandements nationaux américains, et la défense collective de l'Alliance. Elle s'accompagnerait d'un allègement de l'ensemble des structures de commandement de l'Alliance , et de la création au sein de cette dernière d'un centre de coordination des opérations spéciales, en vue notamment d'harmoniser les doctrines d'emploi, l'entraînement et les capacités des forces spéciales.
Si cette réforme de l'organisation du commandement ne concerne pas la France, qui ne participe pas à la structure militaire intégrée de l'Alliance, elle suscite des réserves voire des inquiétudes chez certains autres alliés qui sont pour leur part représentés dans ces états-majors considérés comme trop nombreux par les Etats-Unis, et qui voient dans les nouvelles orientations une forme d'affaiblissement du lien transatlantique et de la vocation de défense collective.
Globalement, la démarche américaine vis-à-vis de l'Alliance témoigne d'une préoccupation plus forte en terme de modularité, de flexibilité et d'interopérabilité. Elle procède d'un souci d'efficacité qui démontre qu'aux yeux de Washington, l'OTAN conserve une utilité. Elle accrédite cependant l'idée que l'objectif est moins de renforcer l'Alliance dans son ensemble, que de la transformer en réservoir de capacités additionnelles -ou, selon l'expression souvent employée, de « boîte à outils » - dans lequel les Etats-Unis pourraient puiser selon leurs besoins, pour des opérations qu'ils dirigeraient, à la tête de coalitions de circonstance.