DEUXIÈME PARTIE
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UNE METHODOLOGIE PEU SATISFAISANTE
I. CARACTÈRE NON OPÉRATIONNEL DU SCHÉMA
La méthodologie retenue ainsi que les axes de réflexion aboutissent, en dépit de l'intérêt des objectifs affichés à un document qui manque de cohérence et reste peu lisible.
A. UNE APPROCHE SÉLECTIVE DES ESPACES NATURELS ET RURAUX
Il convient de regretter l'approche systématiquement déséquilibrée qui a été faite des espaces naturels et ruraux. Le schéma privilégie la protection des espaces naturels au détriment de la mise en valeur et du développement de l'espace rural. Ceci s'explique, en partie, en raison de l'objectif initialement fixé au schéma, à savoir la définition de l'infrastructure écologique de quelques territoires spécifiques.
Cette « déformation » se retrouve ainsi dès le diagnostic établi sur les espaces naturels et ruraux. En effet, le schéma présente de façon détaillée le patrimoine naturel en faisant état de sa richesse biologique, des risques naturels recensés, de l'impact de l'activité humaine et des outils de gestion de connaissance et de planification disponibles. En revanche, l'état du patrimoine rural y est présenté de façon très sommaire, en traitant exclusivement de l'activité agricole ce qui est très réducteur.
S'agissant des orientations du schéma elles-mêmes, elles privilégient des politiques de protection et de restauration des milieux naturels au détriment d'une ambitieuse politique de renaissance rurale qui suppose une volonté politique forte et des moyens conséquents pour sa mise en oeuvre.
La perception de l'espace rural paraît trop « citadine » comme si celui-ci était essentiellement destiné à répondre aux besoins d'une population urbaine en attente de loisir et de qualité de vie, sans tenir compte de son rôle économique et de l'importance de ses fonctions productives.
Certes, il convient de saluer la reconnaissance, par le schéma, de la multifonctionnalité des espaces naturels et ruraux, qui en fait des espaces utiles fournissant des services à la société, alors qu'ils étaient jusqu'à présent parfois assimilés, à tort, à de simples « espaces interstitiels ».
Cependant, il faut se garder, à l'inverse, de réduire le rôle de ces espaces à la seule fourniture de services et d'aménités diverses aux citadins. L'identité propre de ces territoires doit être reconnue et leur autonomie encouragée.
B. UNE PORTÉE NORMATIVE PEU DÉFINIE
Le plan retenu par les auteurs du schéma dénote a priori un effort de conceptualisation et de rationalisation, puisqu'il établit une distinction entre :
- les services collectifs rendus par les espaces naturels et ruraux ;
- les trois problématiques majeures qui les caractérisent ;
- les dix enjeux stratégiques déterminant des orientations nationales pour les vingt prochaines années.
Cependant, la première typologie mêle les services rendus, tels que les aménités, la production agricole et forestière, et les problèmes propres aux espaces naturels et ruraux. On comprend mal pourquoi les risques naturels qui, à l'instar des incendies de forêts ou des inondations, s'expriment sans doute principalement dans ces territoires, figurent de manière surprenante parmi les services collectifs rendus par ces espaces.
Le choix d'aborder, dans la seconde partie du schéma, les stratégies d'action selon une triple approche -orientations générales de l'Etat, actions territoriales et grands enjeux territoriaux- est, quant à lui, contestable. Il donne lieu à de nombreuses répétitions qui nuisent à la clarté et à la lisibilité du document. La version définitive du schéma supprime d'ailleurs le chapitre sur les stratégies d'action territoriale, sans pour autant gagner en clarté.
Les passages mélangeant état des lieux et préconisations se multiplient de manière dommageable. Il en résulte une incertitude sur la portée prescriptive du schéma, qui est aggravée par le recours alternatif à des normes contraignantes et à des procédures de concertation, en vue de mettre en oeuvre les orientations proposées. Cette incertitude ne manque pas d'étonner, dans la mesure où le rétablissement du volontarisme de l'action publique est affiché comme une priorité dans la première partie du schéma.
Peut être faut-il relier cette hésitation aux conceptions divergentes de la DATAR et du ministère de l'environnement, relevées par certains, à l'égard de la portée des schémas de service collectifs, que la première considère comme des instruments de planification, alors que le second les voit plutôt comme des documents d'orientation.
La confusion fréquente entre les constats et les prescriptions conduit à s'interroger sur la portée de certaines cartes qui, censées fournir une représentation de la situation des territoires à l'égard de certains problèmes, pourraient, si l'on n'y prend garde, acquérir un caractère normatif, en devenant le support de nouveaux zonages. Il conviendrait donc de signaler de manière explicite la vocation de chaque carte.
Enfin, force est de constater le manque de caractère opérationnel de ce schéma, dont on voit mal comment il pourra servir d'instrument d'aide à la décision.
A titre d'exemple, s'agissant des aménités, votre rapporteur aurait souhaité que soit proposée la création d'un observatoire destiné à conseiller les collectivités territoriales sur l'opportunité de réaliser, au regard des évolutions climatiques, certains investissements, tels que des équipements de sports d'hiver en zone de moyenne montagne.
Les propositions du schéma ne constituent pas des stratégies particulières, mais se bornent à énoncer des mesures réglementaires ou des dispositifs existants, voire, dans certains cas, encore à venir. C'est ainsi que le schéma renvoie à des projets de loi qui, comme celui sur la forêt ou sur l'eau, ne sont pas encore adoptés, ou encore, à la mise en oeuvre des directives « Habitats Naturels » et « Oiseaux » qui viennent d'être transposées par l'ordonnance du 18 avril 2001.
De surcroît, il est regrettable qu'aucune interprétation régionale des enjeux du schéma n'ait été proposée.