E. UNE ORGANISATION JURIDIQUE QUI FAIT PESER DES INCERTITUDES SUR LES PRODUITS FINANCIERS
Sans anticiper les développements consacrés à la gestion du fonds de réserve 117 ( * ) , deux éléments doivent être constatés ici, car ils sont de nature à peser fortement sur les montants finalement susceptibles d'être accumulés au sein du fonds de réserve.
1. La rentabilité des actifs du fonds : une variable déterminante
Dans le plan de financement du Premier ministre publié le 21 mars 2000, le fonds de réserve devra avoir accumulé 330 milliards de francs de produits financiers sur la période 2000-2020 pour que les «mille milliards de francs» soient atteints.
Ce montant représente un tiers des actifs du fonds.
Ressources du fonds de réserve en 2020
Source commission des Affaires sociales
Le Premier ministre cale cette prévision sur une rentabilité des actifs de 4 % par an.
Ainsi que le constate la Direction de la Prévision le 2 février 2001, les produits financiers susceptibles d'être accumulés par le Fonds sont très sensibles à la variable financière car « un point de rendement inférieur (3 %) » à l'hypothèse initiale « priverait le fonds de 100 milliards de francs ».
2. Une configuration juridique probablement incapable d'assurer ce rendement de 4 % sur le long terme
Ainsi que le souligne la note précitée, « l'organisation institutionnelle provisoire du fonds de réserve des retraites ne permet pas un placement optimal des réserves » , ce qui constitue « une incertitude importante » sur le rendement du placement et donc « sur les sommes qui pourront être in fine accumulées au sein du fonds » .
Cet avertissement est le dernier en date 118 ( * ) d'une longue série entamée voilà trois ans.
Dès le 8 octobre 1998, une note de la Direction de la Prévision constatait « le FSV n'apparaît absolument pas outillé pour gérer, de manière professionnelle, le placement d'un fonds de plusieurs milliards de francs sur les marchés financiers ».
Des critiques avaient déjà été portées par votre rapporteur sur le manque de visibilité qui caractérisait la gestion du fonds à long terme 119 ( * ) .
« Votre rapporteur rappelle que le fonds de réserve actuel ne constitue qu'une section du FSV.
« Certes, le décret 99-898 du 22 octobre 1999 a précisé les statuts de chacune des sectionset a séparé leurs documents comptables et leurs trésoreries.
« Il n'empêche que le fonds de réserve des retraites, qui sera appelé à gérer plus de 55 milliards avant la fin de l'année 2001, ne dispose pas de la personnalité juridique et demeure géré par l'équipe restreinte du FSV qui compte moins de 10 personnes.
« A l'occasion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le Gouvernement a présenté un pré-projet de loi de financement qui procédait à la création d'un établissement public.
« De fait, Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, avait déclaré dès le 12 novembre 1998 « pourquoi avoir inscrit le fonds de réserve au FSV ? Tout simplement parce que c'est pour nous une position transitoire ».
« Le projet final ne souffle plus mot de cette question. M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, note pourtant dans son rapport 120 ( * ) que « la réussite de la mission du fonds de réserve sera difficile tant que certaines conditions ne seront pas remplies : le fonds de réserve doit disposer d'une véritable structure distincte (...), les dirigeants du fonds doivent être clairement identifiés ».
A l'occasion du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Sénat avait adopté un amendement ayant pour objet la création d'un établissement public.
Or, le Gouvernement avait demandé le retrait de cet amendement, Mme Dominique Gillot déclarant : « Le Gouvernement s'engage donc à conduire ces travaux dans les meilleurs délais et à introduire les dispositions législatives nécessaires dans le projet de loi de modernisation sociale qui sera présenté au Parlement au mois de janvier prochain. Cela vous laisse deux mois pour vous associer à cette réflexion » . 121 ( * )
Le Sénat n'avait pas considéré cet engagement du Gouvernement comme crédible. De fait, le projet de loi de modernisation sociale déposé le 24 mai 2000 a été adopté par l'Assemblée nationale le 11 janvier 2001 sans que le Gouvernement ne prenne l'initiative d'un amendement relatif au fonds de réserve. Or, l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, tel que soumis à l'avis du Conseil d'administration des caisses de sécurité sociale comportait, en septembre 2000, un dispositif complet qui a été retiré en définitive du projet de loi déposé.
A nouveau, le Gouvernement, par la voix du ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a déclaré, le 26 mars 2001 122 ( * ) : « Le Gouvernement confirme qu'il entend constituer le fonds de réserve en organisme autonome où les partenaires sociaux auront toute leur place. A cet effet, un projet de texte législatif sera très prochainement présenté au Parlement ».
Le nombre de projets de loi annoncés comme imminent à de multiples reprises mais jamais déposés 123 ( * ) autorise toutefois une forme de scepticisme quant à la perspective de mise en place rapide d'un statut juridiquement transparent et financièrement efficace pour le fonds de réserve.
Il semble, en définitive, qu'un projet comportant diverses mesures sociales et incluant le fonds de réserve sera déposé avant fin avril.
* 117 Cf. ci-dessous IV.
* 118 Février 2001.
* 119 M. Alain Vasselle, rapport sur le projet de financement de la sécurité sociale pour 2001, n° 67 (2000-2001), Tome II, Assurance vieillesse.
* 120 Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2001 (n° 2624 - tome I), p. 155 et suivantes.
* 121 JO Débats Sénat, séance du 16 novembre 2000 p. 6140
* 122 Communiqué de presse du 26 mars 2001, « Fonds de réserve des retraites ».
* 123 Cf. notamment le projet de loi relatif au droit des malades et à la modernisation du système de santé annoncé depuis septembre 1999 ou le projet de loi révisant les lois dites « bioéthiques » attendu depuis juillet 1999.