Audition de M. Éric GRAVIER, Vice-président de Mac Donald's
France
(21 février 2001)
M.
Gérard Dériot, Président -
Monsieur Éric
Gravier, vous êtes vice-président de Mac Donald's France. Vous
êtes accompagnés de Mme Catherine Choquet, responsable
filière, et de Mme Edith Lagnien, directeur de la société
Mac Key. Merci d'avoir répondu à notre convocation.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Gravier
et à Mmes Choquet et Lagnien.
M. Éric Gravier
- Si vous le voulez bien, nous allons
présenter les deux entreprises représentées ici, Mac
Donald's France, et son fournisseur, Mac Key.
Mac Donald's, en chiffres, pour 2000, c'est 11,5 milliards de francs de chiffre
d'affaires, un million de clients par jour, 860 restaurants sur l'ensemble de
l'année, dont 70 nouveaux qui ont représenté un
investissement de 656 millions de francs, 35.000 personnes qui travaillent sous
l'enseigne, un réseau de 240 franchisés, qui sont des
responsables de PME indépendants dans le tissu économique local.
En ce qui concerne les achats de Mac Donald's en termes de produits
alimentaires, le chiffre d'affaires s'est élevé à 2,6
milliards de francs, dont 77 % sont des produits alimentaires
achetés à France, soit un peu plus de 2 milliards de francs. Le
monde des fournisseurs de Mac Donald's emploi lui-même, directement ou
indirectement, à peu près 3.000 personnes.
Nous sommes en développement continu, notamment avec le monde de nos
fournisseurs ; par exemple, l'an 2000 a vu la mise en place et l'ouverture
d'une nouvelle usine, à Fleurey-sur-Ouche, près de Dijon, et 2001
doit voir la mise en place de la nouvelle usine du groupe Mac Cain à
Matougues, pour les frites.
Plus en amont, nous avons travaillé en l'an 2000 avec un peu plus de
48.000 éleveurs de bovins, 90 éleveurs de poulets, 110
éleveurs de porcs, 100 céréaliers,
80 maraîchers et 375 producteurs de pommes de terre.
Je laisserai la parole à Edith Lagnien pour qu'elle présente
elle-même l'entreprise Mac Key.
Mme Edith Lagnien
- Nous sommes une PME de 160 personnes, située
à côté d'Orléans. Nous avons fabriqué en 2000
environ 30.000 tonnes de steaks hachés surgelés, soit environ un
steak haché surgelé sur quatre produits en France.
Nous fournissons Mac Donald's à 98 % et sommes vraiment le
spécialiste du steak haché, puisque notre usine, qui est
entièrement dédiée à cette transformation, n'a ni
abattoir lié, ni salle de désossage.
On travaille donc avec une trentaine de fournisseurs, qui sont des abattoirs
désosseurs, parmi lesquels on va retrouver des grands groupes et des
grosses unités, comme Bigard-Cuiseaux, SOCOPA-Coutances, SABIM à
Sablé-sur-Sarthe, SVA Trémorel, ou Bif Armor. On va
également retrouver des unités plus petites, comme Gourault,
à Blois, Monier, ou Le Bocage à Formerie.
Depuis un certain nombre d'années, nous avons développé
avec tous nos fournisseurs des plans d'assurance-qualité pour garantir
toute la sécurité alimentaire, en particulier par le
développement, dès 1992, d'un process de
traçabilité, comportant un process informatisé de
l'entrée des matières premières dans notre usine jusqu'au
produit fini.
A partir de 1993, jusqu'à un process concrétisé en 1995,
on a travaillé avec nos fournisseurs pour avoir une
traçabilité complète de l'arrivée de l'animal
à l'abattoir jusqu'au produit fini, en demandant à nos
fournisseurs d'enregistrer tous les numéros de lots et de tueries des
animaux pour avoir toutes les informations sur la traçabilité.
On a également beaucoup travaillé avec nos fournisseurs pour
développer les plans HACCP, qui sont des méthodes
d'assurance-qualité permettant de garantir toute la
sécurité alimentaire. Nous avons en particulier demandé
à nos fournisseurs, depuis 1993, de mettre ces plans HACCP en place,
alors qu'à l'époque, ce n'était pas encore entré
dans les moeurs et que ce n'est toujours par réglementairement
obligatoire aujourd'hui.
Il s'agit de tout un travail au niveau des fournisseurs en matière de
bonnes pratiques, mais également de choix des matières
premières.
Nous ne fabriquons pour Mac Donald's France que du steak haché. La
définition réglementaire du steak haché est
extrêmement claire : ce n'est que du muscle, qui peut
réglementairement contenir 1 % de sel. Chez nous, volontairement,
cela n'a jamais été que du steak haché 100 % pur
muscle, sans adjonction de sel, depuis 1987 que l'usine existe.
Cela signifie que la viande n'est pas séparée
mécaniquement, qu'elle ne contient ni abats, ni chutes de
découpe. Nous nous interdisons également d'y incorporer un
certain nombre de muscles, pour des raisons organoleptiques, ceux-ci risquant
de donner à la viande un goût un peu fort, qui n'est pas ce que
nous recherchons pour notre steak haché.
Un certain nombre de carcasses sont également interdites d'emploi, comme
les veaux, puisqu'on fait un steak haché avec des animaux plus
âgés. On ne veut pas non plus de taureaux puisque, de la
même façon, d'un point de vue gustatif, cette viande ne
correspondrait pas à nos standards.
Ce travail en amont est donc extrêmement important quant au choix des
morceaux et des fournisseurs. Le process est relativement simple et correspond
un petit peu à ce qui peut se faire chez le boucher : un hachage
des viandes dans un hachoir sans fin, avec un mélange, un formage et une
surgélation, puis un stockage avec, à tous les points de l'usine,
et en particulier au niveau de la réception, tout un système
d'assurance-qualité et de contrôle-qualité destiné
à vérifier que les matières premières que l'on
reçoit sont bien conformes à nos cahiers des charges. Ces
contrôles existent également à tous les stades de la
production.
Enfin, les matières premières sont principalement des avants,
c'est-à-dire des parties à bouillir, comme les morceaux type
"pot-au-feu", l'achat complet des avants participant à
l'équilibre de la carcasse.
M. le Président -
La parole est au rapporteur.
M. Jean Bizet, Rapporteur -
Vous avez parlé de la
traçabilité. En êtes-vous satisfaits ? Ferez-vous
encore des progrès ?
Avez-vous l'intention d'informer le consommateur sur l'origine de vos viandes
et sur la façon dont les animaux ont été nourris ?
Quelles sont vos prévisions ou vos prospectives en la
matière ?
M. Éric Gravier
- Aujourd'hui, tous les outils ont
été mis en place pour remonter jusqu'à l'origine des
animaux concernés. Sur le plan de la sécurité, nous nous
sentons donc bien armés.
En revanche, il est clair que, s'agissant de muscles entiers
sélectionnés au niveau des abattoirs, il y a encore de quoi
réaliser des marges de progression, puisqu'il existe une sorte de
barrière, non volontaire probablement, entre le monde de
l'élevage et les industries de distribution ou de troisième
transformation. La présence à mes côtés de Catherine
Choquet, responsable risques et filière chez nous depuis l'an dernier,
démontre, en ce qui nous concerne, une stratégie destinée
à mieux connaître ce qui se passe dans le monde de l'agriculture
aujourd'hui, au niveau de l'élevage.
Non que nous ayons des doutes mais, aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de mettre en
place des cahiers des charges, nous commençons par les mettre en place
au niveau des viandes sélectionnées par les abattoirs.
Nous serions intéressés de voir se développer de bonnes
pratiques, voire même la qualification des élevages, que nous
serions prêts à privilégier et à favoriser. Certes,
cela nécessite du travail et une mise en oeuvre technique, mais c'est
l'orientation que nous avons choisie de prendre.
M. le Rapporteur -
Si je comprends bien, au delà de l'outil de
première transformation qui est l'abattoir, vous imagineriez, dans un
avenir proche, de contractualiser ou de passer un partenariat avec les
agriculteurs appartenant à un réseau respectant un certain cahier
des charges.
M. Éric Gravier
- En tout cas, dans un premier temps, un des
moyens que l'on pourrait imaginer de mettre en place relativement rapidement,
c'est l'éventualité d'une prime aux morceaux de viande issus
d'élevage recourant aux bonnes pratiques et qui, volontairement,
acceptent de se faire auditer par des organismes tiers. On pourrait imaginer,
sous cet angle, apporter un signe au monde de l'élevage.
Quant à la question de savoir si l'on irait jusqu'à
contractualiser, peut-être en partie. C'est un travail de recherche et de
réflexions que l'on est en train de mener avec le monde de
l'élevage, tout en restant conscients du fait que nous
représentons un débouché important au marché,
puisqu'on prend une partie des pièces avants et que l'on n'a pas
l'intention, par des décisions trop drastiques et trop lourdes, de
mettre en difficulté le marché de la filière bovine en
France aujourd'hui.
M. le Rapporteur -
Vous avez donné votre définition du
hamburger -100 % pur muscle. Lors des auditions précédentes,
nous avons eu quelques informations selon lesquelles, en France, certains
fabricants y incorporaient également des morceaux d'abats -coeur, etc.
Nous avons été notamment troublés d'apprendre qu'en
Angleterre, on incorporait de la cervelle dans les hamburgers.
Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? L'inquiétude est
profonde sur le hamburger "made in England".
M. Éric Gravier
- Je commencerai, dans la gamme existant depuis
de longues années en France, par essayer de clarifier la
définition du hamburger et du steak haché.
Le code des usages de l'interprofession, depuis très longtemps, a
autorisé que l'on nomme "hamburger" toute préparation
hachée qui ne soit pas 100 % pur boeuf et qui n'est pas du steak
haché.
Cette définition s'est retrouvée dans les rayons des magasins
sous forme de viande hachée surgelée en boîte. Ce que nous
appelons, nous, "hamburger", c'est le nom d'un sandwich. A ce titre, dans notre
sandwich qu'on appelle "hamburger", nous n'avons jamais mis autre chose que du
steak haché 100 % pur boeuf, et j'ai apporté avec moi un
cahier des charges qu'a cosigné notre fournisseur Mac Key, d'ailleurs en
anglais -car c'était avant même la mise en place physique de Mac
Donald's en France- qui date de 1973.
Nous l'avons cosigné en 1986. Il détermine et définit
précisément les pièces que nous autorisons.
Déjà à l'époque, il mentionnait l'interdiction des
viandes séparées mécaniquement, des abats et des chutes de
coupe.
M. le Rapporteur -
Et ceci depuis combien d'années ?
M. Éric Gravier
- Depuis que Mac Donald's France existe.
M. Edith Lagnien
- Et, pour ma part, depuis que Mac Key France existe
-1996.
M. Éric Gravier
- Le plus ancien document que j'ai pu
récupérer date de 1973. C'est un document rédigé en
anglais, car il concerne toute l'Europe. On en a fait une traduction partielle
pour les points-clés. Bien entendu, il est à votre disposition.
Mme Edith Lagnien
- Pour rebondir sur cette définition du mot
"hamburger" et sur la confusion entre le hamburger contenant de la viande
hachée et le sandwich à base de viande hachée, le nouveau
code des usages "viandes hachées", qui a été
rédigé il y a peu et à la rédaction duquel j'ai
participé -il est en cours de parution- interdira l'utilisation du terme
"hamburger" pour les préparations de viande hachée,
précisément pour éviter toute confusion.
M. le Rapporteur -
A propos d'usages de fabrication, pouvez-vous
confirmer l'incorporation de cervelle ou d'abats dans le steak haché
anglais ?
M. Éric Gravier
- Pour ce qui concerne Mac Donald's, le cahier
des charges que j'ai cité, qui date de 1973, est un cahier des charges
européen, pour l'ensemble de tous les fournisseurs de steaks
hachés. Mac Donald's, en Angleterre, et son fournisseur, travaillaient
déjà sur le même cahier des charges en 1973.
M. le Rapporteur -
Vous avez dit que pratiquement 77 % de vos
approvisionnements étaient d'origine française. Avez-vous
acheté des viandes et des carcasses à l'étranger,
notamment dans certains pays qui n'avaient pas la même
réglementation au regard de l'ESB que la France ?
Mme Edith Lagnien
- Il nous est arrivé effectivement d'acheter
des viandes à l'étranger à un très faible
pourcentage puisque, depuis quelques années, on achète plus de
95 % de nos viandes en France, mais toujours avec les mêmes cahiers
des charges, et les mêmes systèmes d'audit et de contrôle
à réception.
M. Éric Gravier
- En fait, Mac Key a eu besoin de
s'approvisionner à l'étranger en raison du manque de
disponibilité sur le marché français.
Notre steak haché, dans notre cahier des charges, doit contenir
20 % de matière grasse ; cela sous-entend des pièces
prisent sur les avants, mais aussi sur les flancs. Or, quelquefois, il
s'avère que l'on ne trouve pas toute la capacité sur le
marché français.
Je rappelle qu'il s'agissait toujours de muscles entiers et uniquement pur
boeuf, avec le même cahier des charges que celui de Mac Donald's pour les
pays dans lesquels Mac Key s'est approvisionné.
M. le Rapporteur -
Quels étaient ces pays ?
Mme Edith Lagnien
- On s'est approvisionné en Irlande, en
Allemagne, un tout petit peu en Italie, en Angleterre -mais on a cessé
d'acheter en Angleterre depuis 1993- et aux Pays-Bas.
M. le Rapporteur -
Pourrait-on avoir des documents pour visualiser les
tonnages que vous avez pu importer au fil des ans ?
Mme Edith Lagnien
- Bien sûr !
M. le Rapporteur -
On a pu noter une baisse de 10 % de votre chiffe
d'affaires au cours de l'année 2000. Y a-t-il une relation directe avec
cette crise de l'ESB et imaginez-vous, si tel était le cas, retrouver
votre niveau de chiffre d'affaires une fois la crise passée ?
Quelle est votre analyse en la matière ?
M. Éric Gravier
- Pour 2000, si l'on tient compte du chiffre
d'affaires sous enseigne, qui inclut les 70 restaurants nouveaux que nous avons
ouverts, le chiffre d'affaires a augmenté de près de 9 %.
Il est donc en progression, et non en chute. Il n'en est pas moins vrai qu'au
moment de la dernière crise de l'automne, nous avons ressenti un effet,
mais beaucoup plus dans le cabre d'un transfert du boeuf vers d'autres types de
viandes -poulet, poisson- de l'ordre de près de 15 %.
En réalité, la fréquentation de nos restaurants n'a pas
beaucoup évolué. Elle aurait pu être en progression. Elle
ne l'a pas été, mais on ne peut dire aujourd'hui qu'on a
été impacté à la baisse par cet effet de la crise.
Nous avons construit la réputation de Mac Donald's sur un concept
"hamburger". Près de 60 % de nos sandwiches sont faits avec du
boeuf. C'est donc notre fonds de commerce. Il n'est pas question de lui tourner
le dos. Nous avons confiance à la fois en notre cahier des charges et
dans la capacité des gens qui le font vivre, mais aussi, bien entendu,
dans la filière bovine française !
M. le Rapporteur -
Quels sont vos projets en termes de
communication ?
M. Éric Gravier
- Ces projets sont inscrits depuis 1999. Sur le
plan de l'approvisionnement, notre objectif est d'aller le plus vers le monde
de l'agriculture et de l'élevage.
Néanmoins, sur le plan de la communication, nous avons construit une
sorte de fil rouge depuis cette année puisque, à partir du mois
d'août, nous avons commencé à communiquer à la
télévision sur la qualité de nos produits. Demain, on
parlera peut-être du social.
En réalité, nous sommes une entreprise-symbole. C'est souvent le
propre des entreprises leaders sur leur marché. On l'assumera comme tel.
On revendique notre "américanité", puisque c'est le concept que
nous proposons mais, à force de ne pas nous exprimer, on laisse penser
que nous cachons quelque chose.
Nous avons donc décidé de cesser de paraître cacher quoi
que ce soit. Nous parlons, à la télévision, depuis le mois
d'août, de la qualité du steak haché. En novembre, nous
avions une deuxième campagne de télévision, dans laquelle
nous avons même utilisé des informations que nous n'aurions jamais
utilisées auparavant, puisqu'on commençait à parler du
muscle.
Sur le plan commercial, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus vendeur,
mais il s'avère que l'attente des consommateurs est toujours plus
importante.
Nous avons donc pris la décision de monter notre citoyenneté et
d'agir dans la transparence. Nous sommes présents au salon de
l'agriculture cette année, non dans le but de vendre des sandwiches ou
des hamburgers, mais pour parler de la filière, pour montrer que nous
sommes là aussi.
Nous avons l'intention, dès le mois de mars, de faire une
opération "rencontre", au cours de laquelle nous ouvrirons les portes de
nos restaurants au grand public, ainsi qu'aux médias.
Nous ouvrirons aussi cette année les portes de nos fournisseurs
principaux de steaks hachés, de frites et de pains.
Nous pensons que nous rentrons dans une époque où nous devons
assumer notre responsabilité, le dire et le clamer. Bien sûr, si
l'on fait des erreurs, il faudra le dire de la même manière. La
réalité, c'est que l'on veut ouvrir nos portes et agir dans la
transparence.
M. le Président -
Un cas de vache folle a été
détecté en Italie, chez l'un des fournisseurs de Mac Donald's.
Quelles sont les mesures prises à la suite de cette
découverte ?
M. Éric Gravier
- Je rappelle que notre cahier des charges, en
Italie, est le même qu'ailleurs en Europe. Il s'agit bien de muscles
entiers pur boeuf et cela a toujours été le cas. Le fournisseur
de Mac Donald's en Italie est un très gros intervenant de la
filière bovine, puisque je crois qu'il abat près de la
moitié de tout ce qui est abattu en Italie.
De fait, à partir du moment où les tests ont été
mis en place, il n'était pas surprenant de trouver le premier cas chez
ce fournisseur-là. Évidemment, s'agissant du fournisseur de Mac
Donald's, il était intéressant de pouvoir le dire. C'est le
côté très voyant de notre entreprise et de sa
notoriété.
De fait, cette bête a été identifiée et mise de
côté. Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a une démarche
qui va vers toujours plus de contrôles et de vérifications, et le
fournisseur a eu dix jours pour mettre en place des contrôles
opérés par des organismes indépendants tiers, pour
répondre à toutes les normes, et même plus que la
réglementation.
M. le Président -
D'après les chiffres que vous nous
donnez, vous êtes l'un des gros consommateurs de la production
française. Comment se fait-il qu'il y ait un tel décalage entre
une partie des producteurs et ceux que vous représentez ?
M. Éric Gravier
- On a deux exemples à citer. Le premier
est issu du monde de l'agriculture. Nous avons un fournisseur qui
contractualise avec ses autres fournisseurs de pommes de terre, soit 375
producteurs de pommes de terre en France. Ceux-là savent pertinemment
que les pommes de terre qu'ils cultivent sont destinées à faire
des frites pour Mac Donald's.
S'agissant du boeuf, qui est le cas opposé, Mac Key, notre fournisseur,
est positionné sur le marché. En fait, il achète une
partie des avants. Cela tourne autour de 50 Kg par animal.
On parle d'industrie intensive. En réalité, le monde de
l'élevage français, ce sont des exploitations moyennes de 50
animaux. Chacune vend, en moyenne, une dizaine de bêtes par an. Il s'agit
donc d'une industrie de cueillette, et non d'une industrie intensive, comme on
veut bien le laisser penser.
Évidemment, lorsqu'un de ces animaux va à l'abattoir,
l'éleveur lui-même ne sait pas forcément où partira
la partie avant de l'animal. Bien souvent, il peut connaître la
destination par le nom de l'abattoir mais, en ce qui concerne les morceaux
avants, ce n'est pas évident.
C'est pour cela que l'on est présent au salon de l'agriculture, parce
qu'on parle de 40.000 éleveurs pour l'année 2000. Ce n'est pas
rien ! Cela représente l'équivalent de 500.000 animaux, et ce
monde-là ne le sait pas.
Nous pensons qu'il y a un lien nécessaire à créer entre le
distributeur final que nous sommes, au contact du client, et l'éleveur
qui, lui-même, a certainement, dans beaucoup de cas, remplit son contrat
jusqu'à maintenant.
Aujourd'hui, il se doit aussi de travailler différemment, en
transparence, en documentation et en bonnes pratiques.
M. le Président -
Vous avez un programme de
développement : se situe-t-il toujours dans la même
démarche.
Qu'est-ce que cela va entraîner en volume ou en nombre d'éleveurs,
parmi ceux qui vont être concernés ? Avez-vous une estimation
ramenée au tonnage ?
M. Éric Gravier
- C'est assez difficile. Le chiffre que nous
citons tient au fait que l'élevage est une industrie de cueillette. Nous
travaillons avec beaucoup d'éleveurs, et pas toujours les mêmes.
Il n'est pas anormal qu'un éleveur n'envoie qu'une, deux ou trois
bêtes à l'abattoir.
De fait, je pense qu'aujourd'hui, compte tenu de la raréfaction de la
matière, les bêtes qui servent à faire du steak
haché sont probablement issues d'un plus grand nombre d'élevages.
Je ne serais pas surpris que, ramené à une moyenne annuelle, on
travaille avec 100.000 éleveurs.
La progression de notre chiffre d'affaires, qui a atteint près de
9 % pour l'année 2000, tient bien sûr compte du fait que nous
ouvrons plus de restaurants.
En moyenne, cela tourne entre 60 et 80 restaurants de plus chaque année,
bien qu'ils n'aient pas tous la même configuration que par le
passé. Ce sont des restaurants souvent plus petits, dans des zones
où nous n'étions pas, comme les gares, les aéroports.
Bien entendu, cela se traduit en termes de volumes d'achats de produits, en
quantités, par des tonnages qui sont, selon le cas, selon le type de
promotion que l'on va faire, en progression de 5 à 10 % chaque
année.
Nous constituons un tel débouché potentiel pour la filière
bovine et nous avons tellement construit sur le boeuf que l'on fera en sorte de
ne pas tourner le dos au boeuf.
A ce titre, dès le mois de mars, nous allons lancer un sandwich qui sera
fait avec le steak haché le plus gros que nous n'ayons jamais fait dans
notre histoire, qui va faire 150 g. Vous voyez que, dans ce domaine, on pense
que, plutôt que courber l'échine, il faut lever la tête et
montrer qu'on est là !
M. le Président -
Quelles ont été les
réactions des clients qui ont continué à venir chez vous,
même au plus fort de la crise, en novembre et décembre ? Les
gens posaient-ils des questions ou non ?
M. Éric Gravier
- Évidemment, je peux vous parler des gens
qui pratiquent nos restaurants. Ceux-là ont déjà
poussé la porte : cela veut dire qu'ils viennent en confiance. Ils
sont près d'un million chaque jour, mais il est vrai que les
consommateurs les plus inquiets sont plutôt les mères de famille,
puisqu'on est le restaurant de la famille et orienté aussi sur les
enfants.
Les inquiétudes des mères de famille portaient sur le fait de
savoir si elles pouvaient continuer à donner du boeuf à leurs
enfants. Nous avons opté pour donner un choix supplémentaire dans
le cadre de nos "happy meals", en proposant un croque-monsieur que l'on appelle
"Croque-Mac Do" pour les enfants. On a donc proposé une alternative
supplémentaire, sans le faire à grand renfort de publicité.
Par ailleurs, du fait que nous prenons la parole depuis cette année sur
la sécurité alimentaire, on nous demande si nous avons toujours
pratiqué ainsi. Nos clients nous posent ces questions et -je le vois
pour pratiquer le salon de l'agriculture tous les jours- les éleveurs
aussi.
Cette inquiétude est plus orientée sur le passé que sur ce
qu'on explique aujourd'hui. Il semble que les clients continuent à avoir
confiance en notre enseigne, mais se posent beaucoup de questions sur ce qu'on
a fait avant.
M. le Président -
Quand vous leur expliquez ce que vous faites
depuis 1973, comment réagissent les éleveurs et les
clients ? Sont-ils étonnés ? Vous croient-ils à
peine ?
M. Éric Gravier
- On étonne beaucoup. Je crois qu'il faut
faire la distinction. On est une entreprise très visible. De fait, on
sert de faire-valoir. On est le symbole de beaucoup de choses. Quand on fait
une manifestation devant chez nous, on est au moins sûr que la
chaîne régionale de télévision se déplacera.
Entre cette partie de la population, qui entretient des informations qui ne
sont pas toujours fondées, et la partie grand public, il y a un
écart très important.
Pour preuve, le million de clients qui continuent à venir chez nous
vient en confiance. Les gens qui se posaient des questions nous croient donc
volontiers, puisqu'on ne prend pas aujourd'hui, en France, le risque de faire
de l'information et de la communication télévisée sans
pouvoir prouver ce que l'on dit !
Aujourd'hui, on est dans un monde de suspicion. On doute de tout, et c'est vrai
qu'a priori, quand on prend la parole, on se doit d'être capable de le
prouver.
Il y a donc une sorte d'étonnement devant nos réponses, d'autant
qu'elles sont très argumentées et qu'elles ne cachent rien.
Finalement, on rassure.
L'éleveur, on l'étonne, et certains, aujourd'hui, après
quelques jours au salon, viennent nous voir spontanément, en nous
demandant s'il y a moyen de travailler directement ensemble. La vraie question
consiste à demander si, en travaillant différemment, il y a moyen
de revaloriser la démarche, et si cela peut de devenir une valeur
ajoutée.
Beaucoup de questions se posent, et je crois qu'aujourd'hui le grand public et
le monde de l'agriculture nous croient volontiers. Reste à convaincre
les gens qui font l'opinion. C'est autre chose. Je crois qu'on restera un
symbole : il faut l'assumer aussi !
M. le Président -
Je reviens au problème de l'ajout de
cervelle. Vous dites que, même en Angleterre, du fait du cahier des
charges, on n'en a jamais rajouté. Or, on a entendu, dans d'autres
auditions, exactement l'inverse !
Vous confirmez que le cahier des charges a été le même
partout à Europe et, donc, respecté ?
M. Éric Gravier
- Je ne sais si on vous a cité Mac
Donald's, mais on a fait attention à bien faire la distinction entre
"hamburger" et steak haché.
Ce que je peux dire, c'est que le cahier des charges que j'ai, qui est en
anglais, qui est disponible et dont vous aurez copie, a moins de fraudes et
d'actions non volontaires de la part de Mac Donald's que des autres. Il est
bien évident que ce cahier des charges est un cahier des charges que
nous avons cosigné et fait signer à tous nos fournisseurs en
Europe. Si ce n'est pas ce qui s'est produit, c'est qu'il y a donc eu
fraude !
J'en doute très sincèrement, compte tenu du fait que la plupart
de nos fournisseurs, en Europe, sont des fournisseurs qui ne font que du steak
haché, majoritairement ou à plus de 90 % pour Mac Donald's,
avec des moyens de contrôle, de fait, assez rigoureux et efficaces.
Chez Mac Key, par exemple, les lots arrivent par quantité de 800 Kg. 800
Kg, ce n'est pas si difficile que cela à contrôler, et lorsque
chaque pièce de muscle est mise sur les convoyeurs, elle y est mise
morceau par morceau.
A partir de là, s'il y avait eu des cervelles d'incorporées de
manière frauduleuse, cela se serait vu. Je ne peux en dire plus, mais
j'ai des documents à l'appui.
J'ai moi-même entendu parler de cervelles utilisées dans des
hamburgers et il est vrai que, lorsqu'on pense "hamburger", on pense
immédiatement Mac Donald's !
M. le Président -
Je pense que vous avez répondu à
toutes nos questions.
Dites-moi, vos magasins, vous les livrez en kit -puisqu'il paraît qu'ils
se démontent ?
M. Éric Gravier
- Ils se démontent, ils se cassent assez
facilement, mais on ne les livre pas en kit. On les soigne. On soigne surtout
leur décor intérieur -et même extérieur.
Les Gobelins, à Paris, notamment, font partie des prochains restaurants
que nous ouvrirons qui cherchent à s'intégrer à
l'architecture extérieure et tentent de créer des décors
de convivialité très nouveaux et très
révolutionnaires dans le monde de Mac Donald's International !
M. le Président -
Merci d'avoir répondu à toutes
nos questions et bon courage !
M. Éric Gravier
- Merci.
Mme Edith Lagnien
- Merci.