Audition de M. Alain CADIOU, Directeur général de la
DGCCRF,
M. François MONGIN, Chef de service, et de M.
KEARNEY
(31 janvier 2001)
M.
Gérard Dériot, Président
- Merci Monsieur Cadiou
d'avoir accepté de répondre à notre invitation et de venir
témoigner devant la Commission d'enquête du Sénat sur
l'utilisation des farines animales.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Cadiou,
Mongin et Kearney.
M. le Président
- Monsieur le Directeur, je vous laisse la parole
pour que vous nous parliez de ce problème vu à partir du service
que vous dirigez.
M. Alain Cadiou
- Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
les Sénateurs, des crises ont entamé la confiance des citoyens
dans la sécurité alimentaire. Depuis plus de 10 ans, la Douane
est partie prenante aux côtés d'autres administrations de la
prévention contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB.
Nommé depuis le 6 décembre dernier à la tête de
l'administration des Douanes, j'ai donc eu à m'occuper, dès les
premières heures, de cette question. C'est pourquoi je suis
particulièrement heureux de l'occasion qui m'est donnée
aujourd'hui de vous exposer le rôle de la Douane dans la gestion de cette
crise.
Le rôle de l'administration que je dirige n'est pas de donner un avis
scientifique sur la dangerosité de tel ou tel produit mais de
contrôler, et le cas échéant de s'opposer, à
l'entrée en France de produits pour lesquels existent des indices d'une
telle dangerosité.
En ce qui concerne plus particulièrement les farines animales, je me
limiterai à trois séries d'observations.
Tout d'abord, la Douane est l'un des éléments du contrôle
de la chaîne alimentaire. J'aborderai ensuite le rôle
spécifique de la Douane qui s'oppose à l'entrée sur le
territoire, à la sortie et la circulation des farines interdites. Enfin,
je vous parlerai du rôle de la Douane qui doit également
établir des statistiques d'importations et d'exportations.
I - La Douane est l'un des éléments du contrôle de la
chaîne alimentaire
La chaîne alimentaire européenne apparaît comme une
résultante du mouvement d'industrialisation de l'agroalimentaire de
l'après-guerre et du modèle d'agriculture intensive.
Elle comporte deux types de conséquences au regard de l'application du
principe de précaution et de la coordination entre les services de
l'Etat.
La précaution est un principe qui guide l'action administrative en
matière de sécurité alimentaire.
Le principe de précaution signifie qu'aussi longtemps qu'un doute
subsiste quant à l'innocuité d'un produit, celui-ci ne doit pas
être commercialisé ou importé. La mise en oeuvre de ce
principe suppose en premier lieu une évaluation du risque, qui est
aujourd'hui essentiellement le rôle de l'Agence Française de
Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA).
Elle signifie, en second lieu, une gestion du risque qui est le rôle
principal des administrations chargées du contrôle.
Elle implique, en dernier lieu, une information des citoyens sur la nature des
risques.
L'exemple des farines carnées illustre cette application du principe de
précaution, puisque les mesures restrictives ont évolué
avec l'avancée des connaissances scientifiques. Des mesures ont en effet
été prises d'abord par les autorités françaises
puis par la Commission Européenne pour faire face au risque que l'ESB
semblait représenter pour la santé animale puis humaine. Je me
limiterai à rappeler quelques dates importantes pour la Douane :
- Depuis 1965, les farines animales pouvaient rentrer en France dans les
conditions de droit commun.
- En 1989, la France a interdit, en août, l'importation des farines de
viande du Royaume-Uni et, en décembre, des farines irlandaises.
- En 1993, l'interdiction d'importation des farines de République
d'Irlande, (Eire), a été levée.
- En 1994, la Commission a interdit les exportations de farines de ruminants
originaires du Royaume-Uni et fabriquées avant le 1er janvier 1995.
- Depuis mars 1996, un embargo national et communautaire est entré en
vigueur sur les produits bovins britanniques et les farines et d'os de
mammifères.
- En novembre 2000, la France interdit l'ensemble des farines animales dans
l'alimentation des animaux, à l'exception des farines de poissons pour
les seuls poissons. L'Union Européenne a pris, en décembre, une
mesure d'interdiction dont le périmètre est moins large. Ainsi,
les farines de poissons ne sont pas prohibées dans l'alimentation des
animaux terrestres.
A coté de ce principe de précaution, la Douane intervient en
coopération avec d'autres administrations pour le contrôle de la
chaîne alimentaire.
La Douane n'est pas le seul service en charge de la sécurité
alimentaire en France. D'autres intervenants ont eu, ou auront, l'occasion de
préciser le rôle en la matière de la Direction
Générale de l'Alimentation (DGAL) ou de la DGCCRF.
En effet, quand on parle de chaîne alimentaire cela signifie plusieurs
choses.
En premier lieu, le contrôle ne peut se focaliser sur le seul produit
mais doit également s'intéresser au processus de production et de
fabrication (abattoirs, ateliers de découpe, de transformation, etc.) ou
de commercialisation (restauration, grandes et moyennes surfaces, etc. ).
En second lieu, la traçabilité des produits revêt une
importance particulière. Cette notion signifie qu'en contrepartie d'un
processus de chaîne alimentaire, les produits doivent pouvoir être
précisément localisés et leur origine et leur destination
doivent être identifiées.
En troisième lieu, la coopération est primordiale entre les
différentes administrations chargées du contrôle de la
chaîne alimentaire.
La Douane, pour sa part, s'intéresse aux opérations d'importation
ou d'exportation de produits bruts ou finis, qui se situent le plus souvent en
amont ou en aval du processus de production ou de transformation sur le
territoire national. Elle s'appuie cependant sur les informations ou
l'expertise technique de la DGCCRF ou de la DGAL. Elle s'appuie
également sur une coopération internationale bien
développée.
La coopération au niveau national est un élément essentiel
du contrôle de la chaîne alimentaire.
Un véritable réseau de veille et d'alerte a su se mettre en place
au niveau central. Des groupes de pilotage se réunissent
régulièrement au sein du ministère de l'Economie, des
Finances et de l'Industrie, comme au niveau interministériel, afin
d'échanger les informations sur les contrôles et de prendre les
décisions qui s'imposent.
Un protocole d'accord « ESB » lie la Douane à la DGCCRF et
vise notamment à favoriser les échanges d'informations, sous
forme de fiches de liaison, sur les fraudes décelées lors des
contrôles. Il prévoit également des opérations
conjointes. Depuis la signature de ce protocole, le dispositif a permis
d'échanger 441 fiches de liaison et de mener 12 actions conjointes. Ce
protocole a été étendu et révisé en mars
dernier pour tenir compte de l'expérience des dernières crises
(dioxines belges et Coca-cola). Un protocole analogue a été
proposé par la Douane à la DGAL.
Cette coopération est relayée au niveau local. Ainsi, lorsque,
lors d'un contrôle immédiat, un doute apparaît sur la nature
des marchandises ou l'authenticité des documents
présentés, les services douaniers peuvent solliciter l'avis des
agents des Services Vétérinaires dépendant de la DGAL ou
de la DGCCRF.
Une coopération internationale est également mise en oeuvre,
notamment par le biais du réseau des attachés douaniers
français à l'étranger et de l'Assistance Administrative
Mutuelle Internationale (AAMI).
Cette coopération est essentielle pour s'assurer de l'origine
(Royaume-Uni, République d'Irlande, etc.), voire de la nature exacte
(farines de ruminants, de volailles, de plumes, etc.) des produits soumis
à restriction ou à interdiction.
De même, la France travaille avec l'Office Européen de Lutte
Anti-Fraude (OLAF) sur les fraudes. Une messagerie électronique
européenne permet aux Douanes des différents Etats membres
d'échanger leurs informations en matière de fraude. Concernant
les farines, aucune filière de fraude n'a été mise en
évidence dans aucun Etat membre.
II - Le rôle spécifique de la Douane consiste à s'opposer
à l'entrée sur le territoire, à leur sortie et à la
circulation des farines interdites.
La Douane est le pivot d'un dispositif de contrôle qu'elle anime avec des
méthodes et des moyens adaptés en coopération avec
d'autres administrations nationales, communautaires ou
étrangères.
Toutefois, une différence majeure existe entre les produits
communautaires et les produits tiers. En effet, le marché unique, depuis
1993, ne permet pas de contrôles systématiques aux
frontières intérieures.
Les moyens de contrôle ont beaucoup évolué avec
l'avènement du marché unique.
Jusqu'au 1er janvier 1993, les contrôles douaniers étaient
systématiques aux frontières nationales, y compris sur les
produits communautaires. Ils s'ajoutaient aux contrôles
vétérinaires préalables sur ces produits.
La mise en place du marché unique, en 1993, a entraîné la
suppression des formalités de dédouanement dans le cadre des
échanges intra-communautaires. Il en est résulté, d'une
part, la disparition des contrôles vétérinaires et
douaniers systématiques aux frontières, remplacés par des
contrôles ponctuels sur l'ensemble du territoire et, d'autre part, une
modification du régime de collecte des statistiques du commerce
extérieur.
Cette différence entre ce qui est communautaire et ce qui ne l'est pas a
des conséquences sur l'applicabilité du Code des Douanes
national.
Le Code des Douanes national s'applique directement en ce qui concerne les
produits en provenance de pays tiers.
Le Code des Douanes national offre des pouvoirs adaptés à la
nature des contrôles de flux transfrontaliers : droit de visite des
marchandises, droit d'injonction d'arrêt au conducteur et
d'immobilisation des moyens de transport, droit de communication des
certificats sanitaires et de tout document commercial, droit de saisie, etc. et
tout un arsenal de sanctions assez sévères.
Concernant les produits communautaires, le Code des Douanes ne s'appliquait
pratiquement plus depuis 1993 (article 2 bis du Code des Douanes),
jusqu'à la création récente de l'article 38-5 du Code des
Douanes intervenue par la loi 2001-06 du 4 janvier 2001.
Toutefois, malgré cette diminution de pouvoirs, il pouvait être
fait application de certaines dispositions de ce code dans des cas très
restreints.
Ainsi, le code rural habilite les agents des Douanes à effectuer
certains contrôles sur les animaux vivants et les produits carnés
accompagnés d'un document vétérinaire obligatoire ;
c'est le cas des viandes qui doivent être accompagnées d'une
attestation indiquant qu'elles ne contiennent pas de matériaux à
risques spécifiés.
Le code rural habilite les agents des Douanes à appliquer les pouvoirs
prévus par le Code des Douanes afin d'effectuer des contrôles
documentaires et une simple inspection visuelle des marchandises
mentionnées au code rural. Les agents peuvent, en outre, consigner les
marchandises par application de l'article 322 bis du Code des Douanes dans
l'attente d'une inspection vétérinaire.
Des contrôles de produits alimentaires sont également possibles
sur le marché national. En cas de danger grave et immédiat pour
la sécurité et la santé des consommateurs, il est fait
application par la Douane du Code de la Consommation. Il convient toutefois de
relever que ce dernier offre des moyens de contrôle plus restreints que
le Code des Douanes. Ainsi, les contrôles ne peuvent être
opérés que de jour.
Pour optimiser l'utilisation des pouvoirs douaniers dans les échanges
intra-communautaires, un article 38-5 nouveau du Code des Douanes a
été introduit sous forme d'un amendement gouvernemental, lors de
la première lecture par le Sénat, de la loi portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de
santé des animaux, publiée le 5 janvier 2001.
Ce nouvel article permet aux agents des Douanes de retrouver les moyens
d'action plus complets, sur le fondement du Code des Douanes national, à
l'égard de marchandises désignées par arrêté
qui font l'objet de mesures de restrictions communautaires ou nationales dans
les échanges intra-communautaires, conformément à ce qui
se passait avant 1993.
Le dispositif douanier de contrôle repose sur un triple niveau de
contrôle.
La Douane peut mobiliser 10 000 agents (sur les 19 000 douaniers) dont à
peu près 1 700 ou 1 800 pour les Directions concernées par les
frontières du Nord et de l'Est, où s'effectue la majeure partie
des introductions et des importations.
J'ai demandé des précisions au Directeur compétent, afin
de me rendre compte de l'ampleur de la tâche. En 2000, 1,3 million de
camions sont arrivés de Grande-Bretagne, soit à Calais par le
tunnel, soit à Boulogne ou à Calais par les ferries.
La sécurité alimentaire est tout d'abord prise en compte dans
l'activité quotidienne de 3 000 douaniers chargés du
dédouanement des produits de pays tiers. A l'occasion de ces
formalités, abolies en 1993 concernant les produits communautaires, les
douaniers s'assurent notamment de l'origine des marchandises
déclarées et du fait que les contrôles sanitaires ont
été opérés, y compris concernant les farines
animales qui peuvent être importées de pays tiers.
Pour les produits communautaires, les formalités préalables de
dédouanement ont été remplacées par le
dépôt d'une déclaration d'échange de biens (DEB), un
document à vocation statistique. Nous en distribuerons un exemplaire.
Cette dernière est un document que doivent remplir chaque mois les
entreprises, récapitulant l'ensemble des opérations de livraisons
et d'acquisitions communautaires auxquelles elles ont procédé.
Indépendamment de ces formalités documentaires, des
contrôles physiques sont organisés. Concernant les produits
communautaires, il ne s'agit pas de contrôler tous les véhicules,
ce qui irait à l'encontre du principe de libre circulation des
marchandises, mais de mettre en place un système de contrôle qui
respecte les principes d'efficacité, de dissuasion et de
proportionnalité.
De ce fait, les contrôles reposent sur une analyse du risque et sur un
ciblage. Le ciblage, pour les douaniers, consiste à focaliser les
contrôles sur les moyens de transport qui, en raison de leur origine, de
leur provenance, de leur itinéraire ou de leurs caractéristiques
propres (par exemple camion frigorifique), sont les plus susceptibles de
transporter des marchandises litigieuses.
Pour résumer, la Douane exerce un triple niveau de contrôle qui se
présente ainsi :
- Des contrôles immédiats sont opérés aux
frontières de la France avec des pays tiers. Ils permettent, notamment,
de procéder aux contrôles de dédouanement que je viens
d'évoquer. Il convient de rappeler que les laboratoires des Douanes
procèdent chaque année à environ 12 000 analyses de
produits agro-alimentaires.
En outre, bien que les règles du marché intérieur ne
prévoient pas de contrôles douaniers systématiques à
la frontière entre Etats membres, de tels contrôles sont cependant
mis en place en cas de crise, notamment quand un embargo est
décidé par les autorités politiques nationales.
- D'autres contrôles peuvent être effectués à la
circulation en tout point du territoire, notamment par les 6 500 agents les
plus concernés des services de surveillance.
Ce sont ainsi près d'un million de contrôles qui ont
été menés sur les moyens de transport depuis 1996 en vue
de contrôler le respect de l'embargo sur le boeuf britannique.
- Des contrôles a posteriori sont menés dans les entreprises en
vue de s'assurer que des produits interdits n'ont pas été
introduits d'autres Etats membres ou importés de pays tiers.
Il peut, par exemple, s'agir des contrôles des déclarations
d'échanges de biens ou d'enquêtes des services de la Direction
Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED).
En 1999, 52 428 contrôles de DEB ont été
réalisés par l'ensemble des services douaniers. 11 485 de ces
contrôles correspondent aux contrôles dits de 2ème niveau,
c'est-à-dire qu'ils ont été menés dans des
entreprises. Ces contrôles sont systématiques concernant
l'ensemble des produits bovins concernés par l'ESB.
Corrélativement, de lourdes sanctions peuvent être
infligées :
- quand une marchandise communautaire litigieuse est découverte par le
service des Douanes, elle est consignée, dans l'attente de l'avis des
Services vétérinaires ou des services locaux de la DGCCRF. Cette
consignation peut, après 10 jours, être prolongée,
suite à la saisie du Procureur de la République, pour une
durée totale de 21 jours. Dans le cadre de l'ESB, depuis mars 1996, 213
consignations douanières ont donné lieu à 125 refoulements
décidés par les Services Vétérinaires,
13 destructions et 12 consignations sous la responsabilité des
Services Vétérinaires. Sur l'ensemble de ces consignations, 64
dénonciations aux Procureurs de la République ont
été effectuées sur la base de l'article 40 du Code de
Procédure pénale.
Ainsi, s'il apparaît que la marchandise était prohibée,
elle peut être réexportée ou détruite, selon les cas
de la nature de la marchandise, sur décision des services sanitaires ou
de l'autorité judiciaire ;
- pour les marchandises de fraude originaires des pays tiers, des sanctions
douanières sur la base de l'article 414 du Code des Douanes
(jusqu'à trois ans de prison et amende jusqu'à deux fois l'objet
de la fraude) peuvent être infligées.
C'est donc tout ce qui concerne le rôle spécifique de la Douane au
niveau de l'opposition à l'entrée, à la circulation et
à la sortie de certaines marchandises.
III - Le rôle de la Douane pour l'établissement des statistiques
d'importation et d'exportation.
De ce point de vue, les chiffres, notamment ceux relatifs aux importations de
farines carnées, appellent plusieurs précisions.
Il convient en premier lieu d'apporter des précisions
méthodologiques.
Ces précisions contribueront à éclairer votre commission
sur les causes des différences entre les chiffres fournis par les divers
interlocuteurs de la mission d'information de l'Assemblée Nationale de
1996-1997.
Avant 1993, chaque importation de produits originaires des autres Etats membres
était traitée comme celle des pays tiers et donnait lieu au
dépôt d'une déclaration en douane soumise à des
contrôles douaniers systématiques, ainsi que je viens de le
rappeler. Les statistiques reposaient donc sur l'exploitation de la
totalité de ces déclarations.
Depuis le 1er janvier 1993, le système statistique entre Etats membres
de la communauté, reposant sur la déclaration d'échanges
de biens (DEB), déposé mensuellement, impose certaines limites
qui sont au nombre de 6.
Aucun seuil communautaire n'est fixé en valeur pour le
dépôt obligatoire des DEB et les obligations de déclaration
dans les différents Etats membres peuvent être fixées
à des niveaux différents. En France, les seuils permettent de
couvrir 99 % des échanges. Ainsi, quand les acquisitions
intra-communautaires sont inférieures, au cours d'une année,
à 650 000 F elles ne sont pas soumises à déclaration.
Entre 650 000 F et 1,5 MF, elle donne lieu au dépôt par le
redevable d'une déclaration statistique simplifiée qui ne fait
pas obligatoirement apparaître l'origine du produit et sa
quantité. Ces seuils sont notablement inférieurs à ceux
utilisés par la plupart des autres Etats membres.
La nomenclature combinée tarifaire européenne à 8 chiffres
(NC8), qui désigne le produit sur ces déclarations, reprend
seulement, dans de nombreux cas, les produits par grande famille. La notion de
farines animales, carnées, de viandes et d'os, correspond ainsi à
deux codes particuliers :
- Le code 02 10 90 90 comprend les « farines en poudres comestibles de
viandes ou d'abats ». Ces farines peuvent être indifféremment
issues des espèces bovines, porcines, ovines, etc. Elles ne sont pas
destinées à l'alimentation animale.
- Le code 23 01 10 00 comprend les « farines, poudres et
agglomérés sous formes de pellets de viandes ou d'abats ».
Cette position tarifaire relève du chapitre 23 de la nomenclature
européenne consacré aux résidus et déchets des
industries alimentaires et aliments préparés pour animaux. C'est
la position la plus spécifique pour les farines animales, sans qu'elle
permette d'identifier s'il s'agit de viande bovine, ovine, caprine ou de
volaille, y compris les plumes.
La France a demandé à diverses reprises une extension à 10
chiffres de la nomenclature tarifaire pour distinguer la nature des farines et
cela n'a jamais été accepté par la Commission
Européenne. De nouvelles démarches en ce sens seront
effectuées lors des prochaines réunions avec la Commission
Européenne et l'office statistique communautaire, Eurostat.
Le code géographique du Royaume-Uni (006) ne distingue pas la
Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord pour laquelle les mesures d'embargo sont
distinctes.
Les déclarations d'échanges de biens mensuelles, basées
sur les déclarations des opérateurs, sont, par définition,
plus susceptibles d'erreurs de leur part que les déclarations en douane
qui étaient autrefois établies systématiquement par des
professionnels du dédouanement. M. Galland, alors secrétaire
d'Etat au Commerce extérieur, y faisait d'ailleurs
référence dans sa note de juillet 1996. Dans le cadre de la crise
de l'ESB, les services douaniers ont donc procédé à
plusieurs campagnes de vérification des DEB.
Dans le prolongement des contrôles sur les acquisitions de farines
animales et de bovins vivants de janvier 1993 à mars 1996, qui avaient
permis de contrôler 98 % des tonnages introduits, des
contrôles DEB sont régulièrement effectués sur
l'ensemble des produits couverts par l'embargo.
Par ailleurs, certaines campagnes de vérification ont été
l'occasion d'actions communes avec la DGCCRF à travers lesquelles la
Douane a réalisé des études de flux en vue de permettre
à cette Direction de recenser les stocks de farines. Ces
opérations se sont achevées fin janvier 1999, sans qu'aucune
fraude n'ait été décelée.
Ces vérifications peuvent nécessiter des demandes d'Assistance
Administrative Mutuelle Internationale (AAMI) du ministère de
l'Agriculture et de la Pêche auprès des autorités
compétentes, par exemple celles du Royaume-Uni.
La règle retenue en matière de publication des statistiques peut
également expliquer les différentes statistiques.
Les statistiques françaises indiquent l'origine des produits, tandis que
les statistiques communautaires consolidées indiquent la provenance, ce
qui peut induire des différences, notamment en cas de commerce
triangulaire.
Par exemple, une viande danoise introduite en Allemagne pour être
transformée avant d'être introduite en France, est reprise en
origine danoise dans les statistiques françaises mais en origine
allemande dans les statistiques communautaires.
Les statistiques rendent compte avec peine des évolutions de la
réglementation relative à l'embargo sur les produits
britanniques.
Si l'introduction de farines de viande bovine était interdite depuis
1989, des autorisations vétérinaires ont pu être
accordées par les services du ministère de l'Agriculture et de la
Pêche, pour leur introduction en France à condition qu'elles ne
soient pas destinées à des usines fabriquant des aliments pour
ruminants. Jusqu'en 1993 et l'ouverture du marché unique, ces
autorisations devaient se trouver à l'appui de la déclaration en
douane.
En juillet 1994, la Commission a interdit les farines de ruminants originaires
du Royaume-Uni fabriquées avant cette date ainsi que celles produites
jusqu'à la fin de l'année, date à laquelle ont
été mises en oeuvre des normes de traitement.
L'importation de farines de volailles ou celles destinées à
l'alimentation des animaux domestiques est autorisée. Or, la
nomenclature statistique européenne ne distingue pas si les farines
animales sont destinées, comme je l'indiquais
précédemment, à l'alimentation des ruminants (interdites
d'importation depuis 1989) ou des non-ruminants, ni les différents types
de ces farines.
Les données statistiques appellent quelques commentaires
complémentaires.
La consommation de farines animales dans l'alimentation des animaux
s'élève, selon les experts, à environ 400 000 tonnes par
an. Les importations, entre 1990 et 1997, selon les années, ont
représenté entre 5 % (en 1992) et 19 % (en 1995).
Entre 1988 et 1997, la France a importé ou introduit 416 908 tonnes de
farines relevant du code 23 01 10 00 précité.
Les Etats membres de l'Union Européenne, y compris la Suède, la
Finlande et l'Autriche, qui ont adhéré à l'Union
Européenne en 1995, étaient les principaux fournisseurs de la
France.
Les introductions/importations de farines du code 23 01 10 00 se sont ainsi
élevées, entre 1988 et 1997, à 385 246 tonnes.
Les approvisionnements se sont diversifiés au cours de la
période : le Danemark, 12 500 tonnes en 1990, et la Belgique, 8 000
tonnes en 1990, étaient les principaux fournisseurs au début des
années 1990. Ils ont été supplantés par l'Italie
(16 500 tonnes en 1997) et la République d'Irlande (8 000 tonnes en
1997).
La République d'Irlande a largement bénéficié de la
levée de l'embargo qui pesait sur ses exportations de farines de
ruminants entre décembre 1989 et mars 1993 puisque ses exportations sont
passées de 5 000 tonnes en 1993 à 20 000 tonnes en 1994 puis 35
000 en 1995.
Par ailleurs, la part du Royaume-Uni dans la consommation nationale de farine
s'est effondrée à partir de 1989.
Concernant les abats, puisque la question a été
évoquée dans les documents qui m'ont été transmis,
la production française est de l'ordre de 400 000 tonnes par an. Les
abats bovins et porcins représentent chacun environ la moitié de
cette production.
La France importe environ 60 000 tonnes par an mais ce tonnage a diminué
dans les années récentes. Les fournisseurs sont essentiellement
les Etats membres : Pays-Bas (11 000 tonnes), Allemagne (8 000 tonnes),
Irlande, Espagne et Belgique. La part du Royaume-Uni s'est effondrée en
passant de 7 700 tonnes en 1995 à zéro aujourd'hui.
Voilà en quoi consiste le rôle de la Douane dans le dispositif de
sécurité alimentaire en France.
M. le Président
- Monsieur le Directeur je vous remercie. Je
pense qu'une telle présentation était utile pour que l'on sache
bien comment fonctionne les Douanes et quelles sont les limites dans les
possibilités de contrôle.
M. Jean Bizet, rapporteur
- J'ai essentiellement, dans un premier temps,
deux types de questions.
Je suis ennuyé de vous poser cette question car vous avez pris le temps
d'expliquer les mouvements, les modifications ou les explications, au travers
de la notion de seuil de la détermination des codes, comme quoi
l'explication des quantités et des statistiques n'a rien de
mystérieux.
Toutefois, à la lecture d'un quotidien daté du 16 janvier 2001,
il est possible de relever des discordances entre des statistiques
douanières françaises, concernant l'importation de farines
animales en provenance de Belgique, et les statistiques douanières
belges relatives à l'exportation de ces mêmes farines en direction
de la France.
Tout débute en 1993 : au-dessous d'un seuil de 650 000 F il n'y
avait pas de déclaration et entre 650 000 F et 1,5 MF il existait une
déclaration simplifiée. Il me semble que tout concourt à
compliquer la situation, ce qui est assez troublant.
J'aimerais donc que vous puissiez, malgré tout, nous expliquer une telle
discordance.
Le deuxième point concerne les abats car j'ai tendance à regarder
davantage en direction des abats que des farines animales. Or, vous dites qu'il
n'y a plus d'importations d'abats en provenance du Royaume-Uni.
S'agissant des statistiques par périodes décennales, entre 1978
et 1987, la France a importé du Royaume-Uni 3 185 tonnes, ce qui
était minime. Par contre, entre 1988 et 1996, nous sommes passés
à 47 890 tonnes : c'est donc multiplié par plus de 10 sur
une période de seulement 9 ans. J'aimerais que vous puissiez nous parler
de cela.
Par ailleurs, au sein de la notion d'abats, compte tenu du fait qu'il s'agit de
« matériaux à risques spécifiés »,
pourriez-vous établir un distinguo entre les abats «
autorisés » et ceux qui ne le sont pas. Cette question nous
préoccupe beaucoup puisque le Professeur Pascal a affirmé
qu'à partir d'août 1992 les abats n'étaient plus
utilisés dans la fabrication des petits pots pour bébés.
Le Directeur général de la DGCCRF nous a effectivement
confirmé les difficultés administratives qu'il a pu rencontrer
pour mettre en place cet embargo et cette harmonisation au niveau
européen.
Je vous prie de m'excuser de reposer cette question sur les farines, mais cette
notion de code et de seuil, qui est peut-être facile à comprendre
sur le papier, trouble malgré tout la perception que l'on peut avoir de
ces tonnages.
M. Alain Cadiou
- Au niveau de la méthode, depuis 1993 (je l'ai
dit plusieurs fois mais cela paraît essentiel), la déclaration
d'échanges de biens, qui est effectuée au-dessus de ce seuil
depuis le 1er janvier, concerne essentiellement des statistiques. Elle est
effectuée tous les mois par les entreprises, alors que la marchandise a
déjà circulé.
Aujourd'hui, nous n'avons pas d'autre instrument, mais il faut
reconnaître que cette déclaration n'était pas prévue
pour cela. C'est un vrai problème. S'agissant du seuil, on peut
regretter son niveau mais il est bien plus faible que dans les autres pays
européens ; ceci n'est pas une excuse, bien au contraire.
Il existe un problème de circulation des marchandises et on a tendance
à laisser circuler certains produits plus facilement entre la Belgique
et la France. Au niveau de ce qui s'est fait avec la Belgique je passe la
parole à M. Kearney.
M. Kearney
- Concernant les différences entre les statistiques
françaises et belges, il s'agit effectivement d'une question
évoquée souvent, ainsi que pour l'Irlande. Il existe deux sources
de divergences principales. La première est la différence de
seuil puisque la France a l'un des seuils de statistiques les plus bas de
l'Union Européenne : il s'établit à 650 000 F alors
qu'il était plus faible auparavant avec 250 000 F. Ce seuil de 250 000 F
était trois fois inférieur à celui de la Belgique qui est
de 680 000 F.
Les échanges transfrontaliers peuvent être importants avec la
Belgique et tous ces échanges, entre 250 000 F et 680 000 F,
étaient pris en compte dans les statistiques françaises mais pas
dans les statistiques belges.
Concernant la deuxième source de différences, comme le Directeur
général l'a indiqué, les informations françaises
tracent l'origine des produits alors que les statistiques belges (et
communautaires) tracent la provenance.
La Belgique est passée, au milieu des années 1900, de
statistiques traçant l'origine à des statistiques traçant
la provenance. En matière de farines qui tracent l'origine, les farines
que nous comptabilisons comme étant belges sont, a priori, des farines
belges, mais ce n'est pas forcément le cas dans les statistiques belges .
Ce sont deux explications des différences entre les statistiques
françaises et belges. Cela n'exclut pas les fraudes à l'origine
mais aucune n'a été découverte dans aucun Etat membre
concernant les farines.
M. le Rapporteur
- Nous prenons note de cette information. La
sémantique est un art merveilleux, et la nuance entre les mots «
origine » et « provenance » est terriblement
intéressante et habile. Sans dévoiler les diverses
recommandations du rapport, il faudra avoir une harmonisation en termes de
dénomination.
M. le Président
- La différence pourrait-elle être
de 30 000 tonnes ?
M. Kearney
- Sur plusieurs années, c'est possible.
M. le Président
- Cela correspond.
M. Kearney
- Il faudrait que la France reconstitue des statistiques sur
les farines sur l'ensemble des Etats membres pour avoir une vision
communautaire des statistiques tenues, en origine et en provenance, et obtenir
une confirmation.
Il est plus intéressant pour nous, en termes de lutte contre la fraude,
de connaître l'origine des farines, pour s'assurer qu'elles ne sont pas
britanniques, plutôt que de savoir d'où elles viennent.
Sur les abats, nous vous remettrons les statistiques sur la consommation. Six
codes statistiques concernent les abats et ils ont été
regroupés dans les statistiques préparées pour la
Commission. Nous pourrons donner des statistiques plus détaillées
en indiquant ce qui est abats de type matériaux à risques
spécifiés ce les autres abats bovins.
Certains Etats membres sont les principaux fournisseurs de la France et le
Royaume-Uni a eu une place importante, sans être dominante, parmi eux. Il
était généralement le cinquième fournisseur, et non
pas le premier comme c'était le cas pour les viandes fraîches,
mais cette barre s'est effondrée à partir de 1995.
M. le Rapporteur
- A partir de novembre 1989, l'Angleterre a interdit
l'utilisation des abats, et de 1988 jusqu'à 1996, soit en moins de 10
ans, nous avons importé du Royaume-Uni 47 890 tonnes alors que dans la
décennie précédente nous n'avions importé que 3 185
tonnes. C'est très choquant. Pourriez-vous nous fournir des
détails suivant les différents classements d'abats ?
M. Kearney
- Cette évolution a été constatée
avec beaucoup d'autres Etats membres. C'est l'effet de la construction du
marché unique, l'européanisation des échanges, qui a pris
de l'ampleur au cours des années 1980 dans des proportions fortes avec
d'autres Etats membres. Concernant le Royaume-Uni, il est vrai que cette
situation est perturbante, a posteriori, compte tenu des développements
de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
S'agissant de la décomposition de ces 47 890 tonnes en fonction des
différents types d'abats, je ne dispose pas de ces renseignements
aujourd'hui mais il me sera possible de vous les remettre dans les prochaines
semaines.
Nous rencontrerons une difficulté quelque peu analogue à celle
des farines mais toutefois moindre. En effet, certains abats sont
identifiés, notamment la langue et le foie, en termes de statistiques
individualisées ; en revanche, pour d'autres abats
spécifiés la difficulté est six fois moindre que pour les
farines puisque nous passons d'une position spécifique à six
positions. Nous pourrons vous les donner. Je sélectionne, au fur et
à mesure des questions posées, certains éléments
à vous remettre, notamment les statistiques sur l'importation des abats
entre 1988 et 1999.
M. Michel Souplet
- Monsieur le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de Monsieur le
Directeur général. Je voudrais m'inquiéter de deux aspects
évoqués.
Il est évident que la politique commune se met en place et que
l'harmonisation des législations nationales est loin de suivre le rythme
dû aux divers élargissements. En 1993, la suppression des douanes
était normale puisqu'elle était inscrite dans les textes. La
France a conservé une protection douanière extra-communautaire de
Dunkerque à la frontière italienne mais, dans le même
temps, les autres pays n'ont pas fait les mêmes efforts.
Entre les services des Douanes françaises et les services de vos
homologues, des 12 ou 15 pays qui sont maintenant dans la Communauté,
les rapports sont-ils bons et la fiabilité de leur politique est-elle
suffisante ou devrait-elle se rapprocher de la nôtre ?
Par ailleurs, vous indiquez que vous ne pouvez pas effectuer de contrôle
de nuit avec le Code de la Consommation. Quand des camions rentrent sur le
territoire durant la nuit, êtes-vous obligés d'attendre 6 heures
du matin pour les contrôler ou pouvez-vous les arrêter ? Il
est inquiétant de penser que l'on ne peut pas agir pendant 12 heures.
Si vous ne pouvez pas les arrêter, alors que vous avez un doute sur leur
origine, pouvez-vous les suivre jusqu'à l'endroit où ils vont
décharger, afin d'effectuer les contrôles au lever du jour ?
M. Alain Cadiou
- La France a gardé un dispositif qui, à
bien des égards, est plus important que celui d'autres pays. Toutefois,
la coopération fonctionne bien surtout sur des schémas de ce type.
Le douanier est une personne qui veut agir et est dans l'action. Pour lui, il
est plus simple de faire un contrôle systématique à la
frontière (comme il le faisait avant de manière quasi exhaustive)
ou de disposer de l'article que vient de voter le Parlement (l'article 38-5)
permettant de faire des contrôles systématiques ou d'avoir des
listes de marchandises prohibées.
Cela n'a pas été le cas et vous l'avez reconnu Monsieur le
sénateur : en 1993, c'était l'ouverture du grand
marché et la règle était de laisser circuler.
Concernant les contrôles de nuit, je laisserai la parole à M.
Kearney. Les douaniers, quand ils ont les moyens d'agir avec le Code des
Douanes national, et non pas le Code de la Consommation, travaillent de nuit.
Sur 19 000 douaniers, 9 000 douaniers dits de surveillance (les douaniers en
tenue) ont une obligation de service 24/24 heures. Tout dépend de ce
qu'on leur demande de faire et des moyens dont ils disposent.
M. François Mongin
- Je crois, Monsieur le Sénateur, qu'il
est important d'intégrer la modification du mode d'action des Douanes
européennes depuis 1993. Même si la France a conservé un
dispositif douanier important, le mode d'intervention des Douanes
françaises a changé. Nous avons aujourd'hui forcément
moins de monde sur les frontières intra-communautaires -c'est la logique
du marché unique- qu'avant 1993.
De ce fait, la logique des contrôles mis en oeuvre a changé.
Là où les contrôles étaient systématiques,
sur les produits de type bovins, en liaison étroite avec les Services
Vétérinaires, nous faisons maintenant des contrôles
inopinés à l'intérieur du territoire (c'est une pratique
nouvelle) sur la base de ciblages, repérages ou d'identification de
véhicules suspects. Les modes de contrôle ont forcément
changé, et ce qui était systématique ne l'est plus par
obligation communautaire.
Pour répondre à votre deuxième question, sur la base du
Code de la Consommation les agents des Douanes ne sont pas habilités
à intervenir pendant la nuit. En revanche, quand ils interviennent sur
la base du Code Rural, et plus particulièrement de l'article L. 236,
pour les contrôles de produits animaux, ils sont habilités
à intervenir la nuit et, en cas de doute, à procéder
à une consignation jusqu'au verdict des autorités
vétérinaires ou de la DGCCRF.
Je voudrais vous rassurer sur ce point. La Douane ne s'arrête pas de
vérifier les camions de viande bovine pendant la nuit. Bien au contraire
une grande partie de ses contrôles, en particulier sur la
frontière nord-est de la France, qui est l'un des axes majeurs de
circulation, s'opère dans cette période.
M. Jean-François Humbert
- J'avoue que depuis de très
nombreuses années j'ai beaucoup de difficultés à maintenir
un effort de concentration et d'attention suffisant pour ne pas revenir sur un
certain nombre d'éléments qui ont sans doute déjà
été dits.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises le fait que depuis
1993, date de la mise en oeuvre du marché unique, il existe des
difficultés supplémentaires pour que les agents des Douanes
puissent effectuer correctement leur travail.
Par ailleurs, à la question de notre Rapporteur concernant les
différences entre les statistiques belges et françaises, vous
dites que l'on parle d'origine et de provenance et qu'il vous est possible de
nous fournir des éléments statistiques.
Ma question peut sembler naïve : sur quelles bases êtes-vous en
mesure de préparer et remettre, dans un délai de quelques jours
ou quelques semaines, ces fameuses statistiques ? Je souhaite savoir sur
quoi vous travaillez pour les établir entre Etats membres de l'Union
Européenne.
M. François Mongin
- Les statistiques que nous établissons
sont consolidées à partir de ces fameuses déclarations
d'échanges de biens mises en place en 1993. Elles sont exhaustivement
dépouillées par nos centres de traitement informatique. Nos
publications statistiques mensuelles du commerce extérieur de la France
sont établies à partir de ces déclarations, telles
qu'elles sont remplies par les entreprises qui y sont assujetties de
manière simplifiée entre 650 000 F et 1,5 MF d'introduction
annuelle.
L'absence de fourniture de cette déclaration est sanctionnée par
une amende, certes faible, prévue par le Code des Douanes.
M. Jean-François Humbert
- Ces DEB existent-elles sous une forme
quelconque en Allemagne, en Belgique, en Angleterre ou au Danemark ?
M. François Mongin
- Les pays européens, sur la base de la
réglementation dite « intra stat » de 1992, sont dotés
d'un système leur permettant de poursuivre la mesure de leur flux de
commerce intra-communautaire. La difficulté fondamentale est que ces
systèmes ne sont pas harmonisés.
Les seuils qui ont été évoqués préalablement
sont une cause majeure de discordance des statistiques. Dans la
préparation de l'audition par votre Commission, nous évoquions,
de manière anecdotique, que la France apparaît dans nos
statistiques comme un très gros exportateur de bateaux vers la Belgique
alors que les statistiques belges ne mentionnent aucune importation de bateaux.
En réalité, les bateaux sont achetés par des particuliers
qui ne sont soumis à aucune obligation de déclaration
d'échanges de biens. Dans nos statistiques nous trouvons des
quantités importantes de bateaux qui nous permettent de
considérer que des entreprises de ce secteur ont un commerce florissant
avec la Belgique. Or, en Belgique les bateaux disparaissent des statistiques.
Ce problème de seuil se rencontre avec la Belgique et l'Angleterre (dont
le seuil est 4 fois plus élevé que le nôtre). Par ailleurs,
les PAYS-BAS en sont réduits à estimer près de 20 %
de leurs échanges intra-communautaires car leurs déclarations
d'échanges de biens ne leur permettent pas de les retracer.
Sans vouloir s'abriter derrière des arguties techniques, il est vrai que
cette distorsion dans la réglementation des seuils et des
modalités d'élaboration des DEB est une gêne à la
cohérence de l'ensemble.
M. Jean-François Humbert
- Lors d'auditions
précédentes j'ai eu l'impression qu'il a pu exister (après
l'interdiction) des transits de farines animales par l'Irlande, le Danemark, et
la Belgique.
Le fait de travailler les uns avec les autres, avec vos homologues des autres
Etats membres de l'Union Européenne, peut-il être d'une quelconque
utilité pour tenter de reconstituer ce chemin ?
M. Kearney
- Sur ce sujet, il n'est pas possible de déduire une
fraude en examinant les divergences de statistiques. S'agissant du passage par
l'Irlande, ce pays est intéressé à ne pas laisser passer
de farines britanniques sur son territoire ; en raison d'un tel embargo
sur les farines britanniques, le risque théorique est faible.
Nous n'avons pas pu constater, ni en France ni dans l'ensemble des Etats
membres, alors que nous sommes en liaison avec l'Office européen de
lutte anti-fraude (OLAF), de fraude sur les farines britanniques.
Le Directeur général parlait d'analyse de risques. Le gain
espéré par la fraude sur les farines, alors que les variations de
prix sont très faibles et pas toujours en faveur des farines
britanniques, n'est pas à la mesure du risque encouru. Ce sont des
éléments de bon sens douanier.
M. Jean-François Humbert
- Il existait une interdiction totale en
Angleterre et leur problème était peut-être d'assurer
l'écoulement de la production de ces farines.
M. Kearney
- Il était plus facile pour des Britanniques de
percevoir les indemnités du Gouvernement ou d'exporter vers des pays
tiers.
Concernant les farines britanniques, nous n'avons pas pu constater de fraude,
ou de circuit de fraude, apportant une explication de ces divergences de
statistiques, d'année en année, sur les importations par les pays
cités.
M. Jean-François Humbert
- Pouvez-vous nous parler du protocole
d'accord qui a été signé avec la DGCCRF ? En termes
de contenu et d'action commune, j'aimerais savoir s'il existe des rapports ou
des synthèses de réunions qui auraient pu avoir lieu, ainsi que
des préconisations ou des recommandations qui auraient pu
résulter de votre travail avec cette autre Direction qui, je crois,
dépend du même ministère que la Direction des Douanes.
M. Kearney
- Sur la coopération avec la DGCCRF, nous avons deux
protocoles. L'un, opérationnel, concerne spécifiquement l'ESB et
prévoit des mesures d'échanges d'informations et d'actions
communes sur les importateurs de farines.
Par ailleurs, nous avons élargi ce protocole ESB lors de la crise des
dioxines belges et de Coca-Cola en intervenant durant l'été 1999.
Sur la base de cet élargissement, nous avons conclu un protocole
élargi à l'ensemble des crises sanitaires, qu'elles soient
alimentaires ou non, pour pouvoir échanger et être informés
systématiquement sur tous les risques sanitaires qui pèsent en
Europe. Cela se pratique notamment par la diffusion de messages d'information
européens sur les risques sanitaires : dès que des «
crevettes parfumées au choléra » rentrent en Espagne nous
sommes informés afin de pouvoir prendre des mesures de contrôle
aux frontières.
Nous avons désigné des correspondants uniques dans chacune des
deux Directions pour pouvoir faciliter la coopération. Nous faisons des
échanges d'instructions et nous pouvons recourir, en cas de besoin, au
laboratoire de la DGCCRF, ce qui est utile pour l'analyse des farines. Par
ailleurs, nous disposons d'un programme de formation commune qui se
déroule en une session de deux jours pour former les gestionnaires des
crises sanitaires. Une telle session se déroule d'ailleurs demain
à Dijon avec un suivi au cours de l'année par une série de
formations.
Si vous le souhaitez, nous pourrons communiquer à la Commission les deux
protocoles d'accord entre les Douanes et la DGCCRF.
M. le Président
- Ce sera mis au dossier.
M. Jean-François Humbert
- Nous avons entendu parler d'un
deuxième protocole qui serait regroupé en un seul.
Je note que vous n'avez pas indiqué ce que vous faisiez ensemble. Il est
question de farines animales dans notre pays et en Europe. Existe-t-il des
actions communes de recherche, ici ou là, une fois les frontières
franchies ? Je crois que le rôle de chacun consiste à essayer
de trouver, s'il y a eu fraude, où sont passées les dites farines
et par qui elles ont été utilisées.
M. François Mongin
- La collaboration ne se résume pas
à des échanges tels que des débats ou un protocole
écrit. Nos services d'enquête, la Direction Nationale du
Renseignement et des Enquêtes Douanières et l'homologue de la
DGCCRF, sont en relation quotidienne sur les sujets communs de fraude.
Il nous arrive très fréquemment d'échanger des
renseignements. Par exemple, quand la Douane a lancé des campagnes de
vérification des déclarations d'échanges de biens (qui
sont le seul moyen, dans la nomenclature statistique évoquée, de
déterminer l'origine des farines), dès que nous avions des
soupçons d'irrégularités sur la destination des produits
en cause, nous saisissions nos collègues de la DGCCRF.
A ce titre, nous avons échangé avec eux des fiches de liaison et,
concrètement, diligenté quelques enquêtes communes. Je
pense que M. Kearney peut vous donner quelques chiffres.
M. Kearney
- Parmi les actions communes, l'une d'elles a
été décidée en mai 1998 pour les farines afin de
réaliser un recensement et des contrôles des stocks en cours.
Cette opération de contrôle de grande envergure a duré
environ 6 mois (entre mai 1998 et janvier 1999) et a permis d'échanger
50 fiches d'information et de mettre en oeuvre 5 contrôles conjoints
entre les Douanes et la DGCCRF.
Sur ces bases, 95 contrôles ont été effectués par la
DGCCRF à partir des données transmises par la Douane.
Sur la deuxième moitié de 1998, une opération similaire a
commencé. Elle a donné lieu à des contrôles sur les
viandes bovines en 1999 et 2000.
Depuis la signature du protocole, en mars 2000, nous avons
échangé 441 fiches de liaison (des fiches d'informations sur
des risques de fraudes ou des données statistiques concernant les
entreprises) essentiellement dans le sens Douanes vers DGCCRF puisque nous
disposons des statistiques du commerce extérieur. Cela a permis de mener
12 actions communes depuis mars 2000 dans le cadre de l'ESB.
M. Jean-François Humbert
- Ces fiches constituent-elles un
document confidentiel ?
M. le Président
- Pas pour la Commission. A ce titre, je suppose
que vous disposez de certains documents et je vous demanderai très
officiellement de nous remettre la totalité de ce qui peut nous
permettre de tout connaître.
M. Jean-François Humbert
- Y a-t-il eu, à votre
connaissance, sur le territoire français, des lacto-remplaceurs ou des
laits de remplacement d'origine communautaire ou d'origine plus ou moins
déterminée, à savoir venant de pays tiers ?
M. Kearney
- Monsieur le sénateur, il me serait bien difficile de
vous répondre. Nous pourrons statistiquement savoir si des
entrées de ce type ont eu lieu.
Mon premier sentiment est qu'il s'agit plus d'importations intra-communautaires
que de produits en provenance de pays tiers. L'analogie avec les farines
indique qu'il s'agit à 90 % de produits communautaires. Toutefois,
pour répondre précisément à votre question, nous
ferons une vérification sur ce point.
M. Paul Blanc
- Vous avez parlé de cette coopération entre
les différents services de Bercy, notamment les Douanes et la DGCCRF. Il
semble que le Rapport Villain indique qu'elle a été tardive
puisqu'elle daterait seulement de 1996 et qu'il y aurait peu de rapports avec
les Services Vétérinaires.
Permettez-moi de vous tester : êtes-vous informé de ce qui
s'est passé dans les Hautes-Alpes où les Services
Vétérinaires ont saisi le Parquet de GAP à la suite de la
découverte d'importantes quantités d'aliments pour bovins
contenant des farines animales importées d'Italie ?
M. Kearney
- Concernant la coopération avec la DGCCRF, le Rapport
Villain a été communiqué à votre Commission afin
que vous puissiez en juger par vous-mêmes. Certains points positifs y
sont mentionnés, notamment le fait que l'interdiction d'importation des
farines avait été respectée et que la Douane s'est
mobilisée dès 1989 sur l'interdiction des farines.
Ce rapport relève que la collaboration avec la DGCCRF n'a
commencé qu'en 1996, mais cela semble naturel puisque la crise de l'ESB
date de cette année-là.
Des protocoles ont permis d'améliorer le fonctionnement mais la
collaboration naturelle de la Douane se faisait plutôt avec les Services
Vétérinaires qui effectuaient (et effectuent toujours) des
contrôles systématiques et préalables sur les produits
importés, ce qui était le cas entre 1989 et 1993.
Sur la période de 1993 à 1996, nous étions dans une
situation où il n'y avait pas d'embargo sur les produits bovins
britanniques. Il existait une prohibition sur les farines mais cela ne
nécessitait pas une coopération particulière avec la
DGCCRF puisqu'il s'agissait de missions classiques de contrôle de
prohibition.
Des mesures ont été prises à la suite de la publication du
rapport et elles ont donné lieu aux mesures de coopération
décrites qui n'ont pas permis de déceler de fraude
particulière. Nous avons constaté des
irrégularités, comme des erreurs de remplissage de
déclarations d'échanges de biens, mais pas de mouvements
particuliers de fraude.
Nous collaborons avec des résultats qui ne sont pas déterminants
pour montrer une fraude.
Concernant les Hautes-Alpes, une coopération entre la Direction
Générale de l'Alimentation et la DGCCRF a permis d'identifier un
certain nombre de fraudes sur des farines animales et des aliments pour
animaux. L'enquête est en cours et nous n'avons pas
d'élément particulier sur la suite puisque, s'agissant des stocks
détenus sur le territoire français, cette affaire est
gérée conjointement par la DGCCRF et la DGAL, sans l'intervention
de la Douane à ce niveau.
M. Paul Blanc
- Vous avez parlé de l'élaboration des DEB
et des erreurs qui pouvaient se produire. Il me semble qu'une erreur
matérielle est passible d'une amende.
M. Alain Cadiou
- Oui.
M. Paul Blanc
- Pouvez-vous préciser le montant de cette amende
et le nombre d'infractions relevées entre 1993 et 2000 ?
M. François Mongin
- Concernant les amendes, l'article L. 467
s'applique ; il prévoit que le défaut de production, dans
les délais, de la déclaration d'échanges de biens donne
lieu à l'application d'une amende de 5 000 F. A défaut de
production de la déclaration dans les 30 jours suivant la mise en
demeure, l'amende est portée à 10 000 F.
M. Paul Blanc
- Quel est le nombre d'infractions relevées ?
M. François Mongin
- Je ne peux pas vous répondre
immédiatement mais je rechercherai ce renseignement.
M. Paul Blanc
- Surveillez-vous les courtiers qui importaient des
farines animales ?
On nous a indiqué que les farines animales arrivaient par bateaux et
étaient destinées à des fabricants d'aliments mais
également à des courtiers. Il est relativement facile de
contrôler les fabricants d'aliments mais est-ce le cas pour les
courtiers ?
M. Kearney
- Oui, puisque par définition nous contrôlons
l'ensemble des opérateurs du commerce extérieur qui remplissent
les DEB, ainsi que ceux qui n'en remplissent pas afin de nous assurer qu'ils
n'en remplissent pas à raison.
En revanche, s'agissant des courtiers, en matière de statistiques il
peut s'agir de courtiers français qui importent des produits. Cela a
constitué un problème de divergences de statistiques entre les
DEB remplies par les opérateurs sur la base des factures et les
importations réelles en fonction de l'origine. Il s'agissait notamment
des farines irlandaises vendues par des courtiers britanniques : elles
apparaissaient comme britanniques dans certaines statistiques et dans les DEB
remplies par les importateurs français, mais il s'agissait en fait de
farines irlandaises. Des courtiers britanniques qui ne pouvaient plus vendre
les farines de leur pays ont décidé de vendre des farines
irlandaises ; de ce fait, ils continuaient à approvisionner leurs
clients français avec des farines d'autres pays. C'est un
deuxième aspect de la question concernant les courtiers.
M. Paul Blanc
- Au-delà de tous les chiffres qui nous ont
été remis, selon vous y a-t-il eu des fraudes ?
M. Kearney
- Sur les farines nous n'avons pas pu déceler de
fraudes, ou du moins pas de fraudes de nature importante, au-delà de
quelques erreurs de déclaration. Toutefois, cela ne signifie pas
qu'elles n'existaient pas. A notre sens, il n'y en avait pas car il n'existait
pas de logique économique et nous n'avons pas pu déceler de
telles fraudes.
Quand le Directeur général a mentionné le nombre de
camions contrôlés, il faut rapprocher deux chiffres : 1,3
million de camions en provenance du Royaume-Uni par an et un million de
contrôles réalisés 1996 sur les camions britanniques. Cela
signifie qu'un camion britannique sur cinq est contrôlé par la
Douane sur le territoire national.
M. Paul Blanc
- J'en déduis qu'il n'est plus rentable d'acheter
des farines animales britanniques. C'est ce que l'on peut constater en
Principauté d'Andorre avec les cigarettes.
Dans l'élaboration des DEB, avez-vous connaissance de vente à la
France, notamment dans les régions frontalières du
département des Pyrénées-Orientales, d'aliment pour
bétail en provenance d'Espagne ? Si vous ne pouvez pas
répondre aujourd'hui à cette question, je souhaiterais que vous
le fassiez dans les 15 prochains jours.
M. Kearney
- J'ai noté la question.
M. Jean-François Humbert
- Vous avez indiqué à
plusieurs reprises l'absence d'intérêt économique à
l'importation des farines britanniques. Concernant les cigarettes
(évoquées par M. Blanc) ou d'autres produits interdits en France,
vos agents sur le terrain les trouvent à la suite de renseignements qui
leurs sont donnés.
La valeur marchande des farines était-elle si peu importante qu'aucune
information n'a été transmise, par exemple par un concurrent
malheureux de tel ou tel fabricant français ou étranger ?
M. Kearney
- Sur ces aspects, il faut rappeler que le prix d'un kilo de
farines animales se situe à 1 F ou 1,40 F selon le type. Le
différentiel entre Etats membres est assez réduit. Par ailleurs,
il ne s'agit pas de produits fortement taxés comme l'alcool ou les
cigarettes pour lesquels il existe, dans les autres Etats membres, des circuits
de fraude bien organisés, ce qui est l'occasion de saisir des conteneurs
entiers ou des camions de cigarettes de contrebande.
Si on postulait sur un système de fraude intervenant sur une grande
échelle, il serait plus intéressant pour une organisation
mafieuse de s'intéresser aux cigarettes plutôt qu'aux farines. Il
s'agit de volumes qui n'ont aucun point commun.
Sur des informations qui auraient pu être données à la
Douane, je ne peux pas certifier qu'aucune information n'a été
procurée sur les 10 dernières années. Toutefois, à
ma connaissance aucun renseignement de ce type n'a permis de découvrir
un circuit de fraude particulier.
M. François Mongin
- Pour répondre
précisément à la question, nous n'avons pas mis en
évidence de circuit de fraude sur les farines animales. En revanche,
nous avons connaissance de quelques affaires de fraude sur des circulations
illicites de viande bovine. Ceci a fait l'objet de travaux de notre Direction
nationale de recherches et d'enquêtes.
Il nous est possible, même si ce n'est pas l'objet de votre Commission,
de vous communiquer quelques informations sur le sujet.
M. le Rapporteur
- La Commission d'enquête a pour but d'essayer de
clarifier les conditions d'utilisation des farines animales et leurs
conséquences sur la santé humaine. Or, qui dit farines dit abats
et également carcasses. Il serait donc souhaitable que vous puissiez
nous fournir les informations que vous détenez sur ces mouvements
frauduleux car il me semble que cela concerne également cette Commission
d'enquête.
Sur ce point précis, je suis troublé par la décision du 27
juillet 1994, au niveau français, de durcir les conditions d'importation
de viandes britanniques et d'exiger des viandes désossées
provenant précisément d'élevages exempts d'ESB depuis au
moins 6 ans.
Or, une année plus tard, une directive européenne adressée
au Gouvernement anglais faisait obligation de parfaire ce système
d'identification pérenne des animaux. On peut donc considérer que
cette demande, invitant les Britanniques à parfaire leur système
d'identification pérenne, signifie que ce moyen était loin
d'être parfait.
Au niveau des Douanes, sur quelles bases avez-vous travaillé pour
vérifier les mouvements d'importation de carcasses et étiez-vous
satisfaits de leur traçabilité ?
M. Kearney
- La traçabilité des carcasses est encore fort
délicate aujourd'hui. J'aurais tendance à vous répondre
qu'elle l'était davantage en 1994 et que la réglementation
française et communautaire, qui a beaucoup évolué sur ces
points, n'a pas été d'une aide particulière.
Concernant la manière dont les contrôles étaient
effectués à l'époque, je vous demande de m'accorder un
délai de réponse afin de pouvoir vérifier. J'ai le
sentiment que c'était assez complexe.
M. le Rapporteur
- Pourrions-nous être destinataires de ces
tonnages dans ces périodes critiques et des éventuelles notes de
service vous permettant de vous appuyer sur une traçabilité
prouvant que ces carcasses désossées provenaient, à partir
du 27 juillet 1994, de cheptels anglais exempts d'ESB ?
Une autre question est en articulation directe avec celle de notre
collègue M. Humbert. Pourriez-vous nous fournir, sur une
période de 10 ans, l'évolution des prix des farines animales sur
le territoire européen ? Cela ne doit pas être
compliqué car ce genre d'information doit être compulsé.
Cela nous permettrait éventuellement de voir certains dumping.
Il semblerait que la DGDDI n'ait pas de contact particulier avec la Brigade
nationale d'enquêtes vétérinaires.
M. Kearney
- Il s'agit de contacts au niveau des services
d'enquêtes entre la Direction Nationale du Renseignement et des
Enquêtes Douanières et la Brigade nationale d'enquêtes
vétérinaires. Il existe des transmissions de statistiques sur les
volumes de produits bovins, la liste des importateurs et des contacts de nature
un peu informelle.
M. le Rapporteur
- Ces contacts ou cette manière de travailler
ensemble vous semblent-ils suffisants ?
Imaginez-vous qu'il soit pertinent d'avoir une coopération et une
cohérence plus forte entre ces deux services ?
M. François Mongin
- Je voudrais répondre de façon
générale. Sur le plan opérationnel, nous estimons
satisfaisant l'état de la coopération résultant des
protocoles passés avec nos collègues de la DGCCRF. Nous avons
proposé, à plusieurs reprises, à nos homologues de la
DGAL, de conclure un protocole de coopération avec nous car nous pensons
que c'est le bon axe pour améliorer la qualité conjointe de nos
contrôles.
Cela dépasse le sujet de la Brigade nationale des enquêtes
vétérinaires. D'une manière plus générale,
nous souhaiterions rentrer dans un schéma opérationnel,
comparable à celui de la DGCCRF, avec la Direction
Générale de l'Alimentation.
Concernant la traçabilité, nous verrons ce qu'il nous est
possible de vous fournir sur les importations de carcasses de bovins exempts
d'ESB. Toutefois, j'ai plutôt tendance à penser que ce sujet
concerne davantage nos collègues du ministère de l'Agriculture.
Comme le disait le Directeur des Douanes, nous sommes une administration de
contrôle ; nous ouvrons des camions pour examiner leur contenu et il
est fondamentalement difficile d'apprécier si une carcasse de bovin est
exempte d'ESB quand elle passe la frontière.
Aussi, quand nous avons un doute, nous faisons appel aux Services
Vétérinaires car nous ne pouvons pas porter une telle
appréciation. Nous ne sommes pas en capacité technique ou
juridique de le faire. J'insiste beaucoup sur ce point.
M. le Rapporteur
- Concernant ces mouvements frauduleux, pouvez-vous
nous donner plus de précisions car c'est un élément
capital ?
M. Kearney
- Vous souhaitez connaître les importations de
carcasses bovines du Royaume-Uni ?
M. le Rapporteur
- Essentiellement ou « sans provocation », de
certaines « plaques tournantes » telles que la Belgique ou
l'Irlande.
M. Kearney
- Sur cet aspect, il faut rappeler que le Code Rural a
été modifié en 1994 pour permettre à la Douane de
faire des contrôles visuels sur les produits carnés et les animaux
vivants.
L'autre aspect, qui correspond à une revendication ancienne de la
Douane, consiste à pouvoir disposer d'un document d'accompagnement dans
les échanges intra-communautaires permettant de s'assurer d'un
certificat sanitaire ou d'une facture. Je ne sais pas si à
l'époque c'était le cas pour la circulation de ces carcasses
En l'absence de certificats sanitaires, les contrôles douaniers sont plus
difficiles dans les échanges intra-communautaires. Il convient aussi de
considérer cet aspect.
M. le Rapporteur
- Pour parfaire ma question, à qui et à
quoi étaient destinées ces carcasses : s'agissait-il de
fabrication de farines animales ou d'alimentation humaine directement ?
S'il s'agissait de fabrication de farines animales, avaient-elles fait l'objet
d'un traitement spécifique pour enlever les matériaux à
risques spécifiés au regard de la législation
française de l'époque ?
M. Kearney
- Sur la destination des carcasses, le ministère de
l'Agriculture ou la DGCCRF pourraient mieux vous répondre que moi.
D'après les discussions que nous avions eues sur ce sujet avec la
DGCCRF, les carcasses de viande étaient plus destinées à
l'alimentation humaine qu'à la fabrication de farines animales, sans que
l'on puisse donner sur la destination exacte des informations sur le nombre de
carcasses ou le tonnage de carcasses introduites importées du
Royaume-Uni. Nous n'avons pas traité le dossier.
M. le Rapporteur
- Vous avez constaté et ensuite vous avez
confié ce dossier à la DGCCRF et au ministère de
l'Agriculture ?
M. Kearney
- Le dossier n'est pas confié ; il s'agit d'une
répartition des compétences prévue par les textes. Nous
pratiquons des contrôles à la circulation sur des camions et
dès que les animaux rentrent dans un processus de fabrication ou de
commercialisation il s'agit, selon les cas, de la DGCCRF ou de la DGAL, car
c'est destiné à l'alimentation humaine ou animale.
M. le Rapporteur
- De quelle époque datent ces mouvements ?
M. Kearney
- Les mouvements de carcasses ont continué jusqu'en
mars 1996, avec une augmentation ou une diminution selon les années.
C'étaient des animaux abattus et exportés en France.
Nous pourrons vous donner des chiffres sur les introductions de ces carcasses
de viande en provenance du Royaume-Uni et d'autres états limitrophes.
M. le Président
- Je vous remercie de bien vouloir nous fournir
les documents qui vous ont été demandés car ils sont
très importants pour nous. Je vous remercie pour votre participation et
je pense que nous vous recontacterons pour vous demander certaines
précisions sur des informations que nous découvrons.
Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, merci de nous accompagner
dans cette démarche qui est parfois bien longue.