C. LA MAITRISE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Internet ainsi que les autres services et produits numériques exerceront demain une influence considérable sur l'économie et la société des pays développés.
Or, si l'Europe dispose d'un énorme potentiel en matière de contenu, elle accuse un net retard sur les Etats-Unis en parts de marché. Le nombre d'utilisateurs d'Internet est de 72 millions en Europe contre 136 millions aux Etats-Unis et au Canada. De plus, le nombre de sites web européens n'atteint pas le tiers de celui des sites américains. Enfin, les sites web les plus fréquemment visités par les Européens sont presque tous américains, les seules exceptions étant les sites de prestataires de services.
En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne a donc assigné un objectif stratégique ambitieux à l'Union européenne pour la décennie à venir : devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique.
D'une part, les nouvelles technologies représentent un défi économique . La valeur du secteur est estimée à 412 milliards d'euros, soit 5 % du PIB européen. Il représente environ quatre millions d'emplois, en particulier dans les petites entreprises émergentes. Il est en rapide expansion. Enfin, il permet d'accroître la compétitivité des entreprises dans tous les secteurs.
D'autre part, l' impact social est très important. En effet, les produits et services de contenu permettent d'améliorer les qualifications et la formation des personnes, donc leur employabilité.
Enfin, les nouvelles technologies représentent un défi culturel , en particulier linguistique. Actuellement environ 70 % du contenu sur Internet est en anglais. Or, les nouvelles technologies exercent un fort impact culturel. Un volume plus important de contenu numérique européen serait ainsi nécessaire pour contrebalancer la pénétration commerciale des produits et services d'origine américaine.
Face à ces enjeux, plusieurs entraves continuent de limiter les possibilités qui s'offrent aux producteurs de contenu en Europe. Le prix des services de télécommunications de base constitue en particulier un obstacle majeur à l'utilisation des services numériques. Malgré la libéralisation du secteur, il demeure nettement plus élevé qu'aux Etats-Unis. En outre, les problèmes liés à l'échange des droits de propriété intellectuelle en matière de contenu numérique ne sont toujours pas résolus.
Pour améliorer la compétitivité de l'industrie européenne du contenu, la Communauté avait mis en place deux programmes : INFO 2000 (industrie européenne de contenu multimédia) et MLIS (diversité linguistique dans la société de l'information).
LES ANCIENS PROGRAMMES INFO 2000 ET MLIS Prenant le relais des programmes IMPACT, le programme INFO 2000 (1996-1999), doté d'un budget global de 65 millions d'euros, visait globalement à stimuler le développement d'une industrie européenne de contenu multimédia et à encourager l'utilisation du contenu multimédia dans la société de l'information. Le patrimoine culturel faisait l'objet d'une ligne d'action spécifique, au même titre que l'information des entreprises. L'objectif était de stimuler l'exploitation économique du patrimoine culturel européen par la mise en oeuvre de nouveaux services d'information multimédia, ainsi que d'assurer un accès plus large à ces ressources culturelles. Lancé en 1997, pour une durée de trois ans (1997-1999), avec un budget global de 15 millions d'euros, le programme Société de l'information multilingue " Multilingual Information Society " (MLIS) a été le premier grand programme européen visant à mettre les nouvelles technologies au service de la diversité linguistique. Il s'agissait notamment de stimuler la prestation de services multilingues, de créer des conditions favorables à la création de ressources linguistiques électroniques et de réduire le coût de transfert de l'information d'une langue à une autre. |
Afin de renforcer son action dans ce domaine, elle a proposé un plan d'action intitulé " e Europe 2002 - Une société de l'information pour tous ", qui a été adopté lors du Conseil européen de Feira des 19 et 20 juin 2000. Il prévoit :
• le lancement d'un programme visant à stimuler le développement et l'utilisation de contenus numériques européens sur les réseaux mondiaux (le programme " e -contenu ") ;
• l'accès au patrimoine culturel numérisé à des fins éducatives, volet qui a été repris dans l'initiative " e learning-penser l'éducation de demain " de la Commission ;
• la création d'un mécanisme de coordination des programmes de numérisation des Etats membres.
Ce plan " e -contenu " mérite un examen approfondi car il contient une forte dimension culturelle et constitue, à ce titre, le complément du programme MEDIA Plus.
Il a été conçu après des études de marché et une consultation menée avec les entreprises du secteur. Il repose également sur l'expérience tirée des programmes communautaires IMPACT, INFO 2000 et Société de l'information multilingue (MLIS) qu'il a vocation à remplacer.
Trois axes ont été retenus :
- encourager l'exploitation de l'information du secteur public ;
- développer l'adaptation linguistique et culturelle ;
- dynamiser le marché.
• L'information du secteur public
Le Livre vert sur l'information du secteur public dans la société de l'information, publié en janvier 1999, avait provoqué un débat au niveau européen sur les questions de l'accès à l'information du secteur public et de son exploitation.
En effet, les sociétés européennes de contenu rencontrent des difficultés pour accéder, utiliser et exploiter l'information du secteur public, en particulier en raison des grandes divergences entre les pratiques nationales, à la différence des Etats-Unis où il existe un ensemble unifié de règles (le " Freedom of Information Act "). Or, une grande partie de l'information du secteur public présente un intérêt commercial.
Sont donc prévues :
- des expériences de partenariat public/privé qui visent à exploiter l'information du secteur public présentant un intérêt au niveau européen ;
- la constitution de bases de données numériques ;
- la constitution d'un groupe sur l'information du secteur public qui donnera des conseils sur les différentes initiatives dans ce domaine et servira de plate-forme en matière d'identification et de diffusion des meilleures pratiques.
• Développer l'adaptation linguistique et culturelle
L'objectif de cette ligne d'action qui se situe dans le prolongement du programme MLIS, est de permettre aux entreprises européennes de contenu, en particulier les PME, d'assurer leur réussite commerciale et d'élargir leurs marchés, grâce à l'adaptation linguistique. L'objectif plus général est de renforcer le multilinguisme.
Elle se décline ainsi :
- la promotion de stratégies et de partenariats dans le domaine des langues, par des projets transnationaux, intéressant, d'une part, le secteur privé et, d'autre part, le secteur public ;
- le soutien à l'infrastructure linguistique (c'est-à-dire lexiques, bases terminologiques, etc.), en particulier pour les langues les moins répandues de l'Union européenne.
• Dynamiser le marché
L'objectif de cette ligne d'action est double. Il s'agit, en premier lieu, de faciliter l'accès des jeunes entreprises d'Internet aux capitaux. En effet, le capital-risque disponible pour les entrepreneurs Internet aux Etats-Unis est environ trois à quatre fois plus important qu'en Europe. Néanmoins, il ne s'agit pas de financer directement ces entreprises, mais de les mettre en relation avec les investisseurs, par le biais de séminaires ou de conférences.
En outre, l'action prévoit des projets pilotes, dans le prolongement d'INFO 2000, en matière de droits d'auteur dans la société de l'information.
• La ligne d'action n° 4, dite Action de soutien , vise à effectuer le suivi des programmes, à l'aide de publications ou de forums.
La présidence française s'était fixée pour objectif, conformément au calendrier du plan d'action e -Europe, de faire adopter ce programme avant la fin de l'année 2000.
Or, l'adoption de ce programme a posé des difficultés, car certains Etats souhaitaient que la dimension culturelle soit plus affirmée, alors que d'autres y étaient opposés. Pour sa part, la commission de l'industrie du Parlement européen avait demandé une augmentation du budget pour atteindre 170 millions d'euros. Elle avait, en outre, modifié l'équilibre entre les différents volets afin de mettre davantage l'accent sur les aspects culturels.
Les ministres chargés des télécommunications ont finalement adopté, le 22 décembre 2000, la proposition de programme avec un budget plus modeste de 100 millions d'euros sur quatre ans (au lieu de 150 millions d'euros sur cinq ans, comme le proposait la Commission).