2. Le rôle de l'AFD

L'analyse de l'activité de l'Agence française de développement, présente en Tunisie depuis 1993, amène à souligne les difficultés liées à la gestion concomitante d'activités pour compte propre -surtout lorsque l'enveloppe est aussi conséquente- et d'activités pour le compte de l'Etat, en qualité d'opérateur chargé du conseil et du suivi comptable et financier de divers concours d'origine publique.

Cette deuxième " casquette " constitue, dans le meilleur des cas, une charge de travail plutôt dénuée d'intérêt -sauf à titre informatif, mais on peut trouver un circuit plus simple- et conduit dans le pire -comme c'est ici le cas-, à des rapports de force regrettables pour la qualité de l'image et de l'action de la France à l'étranger 28 ( * ) .

a) Activités pour compte d'autrui

Pour le compte du Trésor

En Tunisie, l'Agence française du développement est chargée de mettre en oeuvre, sur le plan financier et comptable, d'une part, les protocoles intergouvernementaux d'aide-projet ou d'accompagnement des actions de partenariat intéressant les PME-PMI pour la part correspondant aux prêts du Trésor 29 ( * ) , d'autre part un protocole d'accord particulier (octobre 1997) portant sur le refinancement d'un programme triennal de construction de logements sociaux 30 ( * ) et, enfin, l'attribution des concours FASEP, à l'instruction desquels elle est associée.

Dans le cas du poste tunisien, cette compétence de l'Agence française de développement donne lieu à de fréquents conflits avec la Mission économique et financière.

Exemples...

1. Mise en oeuvre de protocoles

- DossierB....

L'Union bancaire pour le Commerce et l'Industrie adresse le 22 juillet 1999 à la Mission économique et financière une demande de prorogation de la date limite d'imputation d'un crédit de 7,9 milliards de francs sur la ligne PME-PMI du protocole du 29 octobre 1995, pour lequel la date limite a été fixée au 30 juin 1999.

l'accord est donné par la Mission économique et financière le 17 janvier 2000. L'Agence française de développement demande confirmation par lettre le 25 janvier. Pas de réponse avant le 10 février. Envoi le 23 mars d'une copie de l'accord des autorités françaises prorogeant la date limite de tirage au 30 juin, alors que celle-ci était déjà fixée au 30 septembre 2000.

rectification du tout, le 25 mai 2000, avec report de la date limite d'imputation au 30 septembre 2000 et de la date limite de tirage au 31 décembre 2000.

2. Mise en oeuvre des procédures FASEP

- Dossier P.... :

Demande de financement sur procédure FASEP (garantie-crédit) présentée par la Mission économique et financière visant à couvrir 20 % d'un investissement global estimé à 2,98 millions de francs.

Dossier présenté en sa totalité par la Mission économique et financière, qui estime que l'ensemble de ces matériels d'origine française a été acquis ou fabriqué par P......

Refus de l'Agence française de développement qui relève que les investissements présentés comportent du matériel d'origine hors France, du matériel d'occasion*, des matières premières et consommables.

Le dossier, revu par la Mission économique et financière, est ramené à 750.000 francs (soit une diminution de la subvention demandée de moins de 150.000 francs) et repassé en comité parisien.

- Dossier C....

Un don de 1,1 million de francs a été accordé à C.... pour l'acquisition de biens d'équipements d'origine française. La société modifie irrégulièrement la composition du dossier initial, pour des biens de même nature.

Accord verbal de la Mission économique et financière, blocage de l'Agence française de développement, au motif de la régularité de l'opération.

* Qui serait d'ailleurs la propriété de l'entreprise demanderesse, laquelle ferait donc subventionner par le contribuable l'achat de son propre matériel pour son propre compte.

Il n'appartient pas à un parlementaire, fut-il dans le cadre d'une " mission de contrôle sur pièces et sur place ", de trancher au fond un différend opposant, dans un poste à l'étranger, l'Agence française de développement et la Mission économique et financière.

Il reste que votre rapporteur spécial a ressenti un certain malaise face aux accusations que se portent mutuellement les uns et les autres et a eu le sentiment que la gestion des crédits publics n'était pas toujours exempte, dans le meilleur des cas, d'une certaine approximation, dans le pire, d'une forme de complaisance.

En fait, on relèvera surtout les risques inhérents à l'élaboration d'une procédure sophistiquée qui comporte deux catégories distinctes -le volet garanties et le volet études- plus une catégorie spécifique propre à la seule Tunisie, et qui implique en outre, à des degrés divers et mal définis, que le dossier, présenté à la Mission économique française, puis instruit en concertation avec l'Agence française de développement, puis soumis à la décision d'un comité parisien, soit ensuite géré par l'Agence française de développement.

Pour le compte du ministère des Affaires étrangères

L'Agence française de développement intervient également, pour le compte du ministère des Affaires étrangères cette fois, dans la gestion de fonds d'études.

Une première catégorie concerne les fonds d'études Maghreb , pour lesquels, sur un montant total de crédits délégués de 20 millions de francs, 16 millions de francs ont été engagés à ce jour.

Cinq études sont actuellement en cours ou programmées : projet de développement rural intégré -avec le CIRAD- ; projets urbains ; programme d'investissements dans le secteur eau, -programme PISEAU mis en oeuvre par la Banque mondiale, la KfW, l'Agence française de développement et la Banque arabe de développement- ; étude sur le domaine du froid ; appui à l'organisation et à la gestion de l'Office national d'assainissement.

Une seconde catégorie concerne des études spécifiques à la Tunisie. Certains crédits sont totalement délégués à l'Agence française de développement : à ce titre, 9,5 millions de francs sur 12 millions de francs ont été engagés et deux opérations sont en cours, l'une sur la formation professionnelle, l'autre sur l'appui aux opérateurs du milieu rural. D'autres sont délégués pour paiement seul ; à ce titre, 1,9 millions de francs sur 3,7 millions de francs ont été engagés, finançant notamment une étude relative à la réparation de sept moteurs diesel de locomotives, financée sur protocole du Trésor...

Outre le coût apparemment prohibitif de cette étude, sur laquelle aucun renseignement n'a pu être communiqué, la rationalité qui conduit le ministère des Affaires étrangères à déléguer à l'Agence française de développement seulement pour paiement des crédits destinés à financer une étude relative à un projet devant être financé sur protocole du Trésor n'apparaît pas évidente. Elle conduit en tout cas concrètement à l'absence d'information et de responsabilité sur le dossier, et à une vraie incompréhension pour l'observateur extérieur.

b) Activités pour compte propre

S'agissant des opérations pour compte propre, l'Agence française de développement intervient sous forme de prêts concessionnels à conditions ordinaires (PCO).

Fin 1999, les financements accordés à ce titre pour l'ensemble des exercices annuels couverts depuis 1992 représentaient un engagement cumulé de 2,3 milliards de francs. Après une forte montée en puissance en 1997 (536 millions de francs, auxquels s'ajoutaient 214 millions de francs mis en oeuvre par PROPARCO), le niveau s'est stabilisé à 452 millions de francs en 1999, ce qui place la Tunisie au premier rang de l'ensemble des bénéficiaires des concours de l'Agence française de développement pour cet exercice .

PROPARCO, spécialisée dans le financement sur prêts au secteur privé productif, intervient sous forme de participations en fonds propres dans le capital d'entreprises tunisiennes ou de prêts à long et moyen terme accordés aux entreprises ou au secteur bancaire. Toutes formes confondues, l'ensemble des engagements souscrits par PROPARCO dépasse 500 millions de francs.

Globalement, les concours de l'Agence française de développement apparaissent particulièrement bien ciblés et se concentrent essentiellement dans les secteurs de l'aménagement du territoire et du développement intégré, avec une attention particulière à la question des ressources en eau.

L'Agence française de développement apporte également une contribution à l'Etat tunisien pour soutenir son effort de mise à niveau de l'économie tunisienne dans la perspective de son intégration européenne. Ces actions visent à conforter les entreprises et le secteur productif industriel, et à renforcer la productivité agricole.

Engagements en cours sur prêts à conditions ordinaires
-Analyse au 20 juillet 2000-

Le total des engagements sur la Tunisie de 1993 à 2000 s'élève à 2.449,9 MF ; sur ce total, 721,5 MF seulement, soit 29 % ont été décaissés .

22 projets restent en exécution, dont sept ont été octroyés il y a plus de cinq ans :

. 1 projet de 1993 . 4 projets de 1997

. 2 projets de 1994 . 3 projets de 1998

. 4 projets de 1995 . 3 projets de 1999

. 3 projets de 1996 . 2 projets de 2000

L'analyse des statistiques fournies fait apparaître un délai moyen de 1,5 mois entre l'octroi et la notification, de 5 mois entre la notification et la signature de la convention, de 3 mois entre la signature de la convention et l'approbation par le Parlement, de 4 mois entre l'approbation par le Parlement et la levée des conditions suspensives, de 4 mois entre la levée des conditions et le premier décaissement, soit un délai moyen entre la date d'octroi du prêt et le premier décaissement de 14 mois .

Il semble que le poste gagnerait à s'efforcer de réduire les délais entre la notification et la signature, et entre la levée des conditions suspensives et le premier décaissement (soit un retard cumulé de neuf mois environ).

A ce jour, seuls ont été décaissés à 100 % le projet " développement urbain " de 100 MF, octroyés en 1994, et le projet " restructuration financière des entreprises " de 150 MF, octroyés en 1997.

Certains projets, octroyés depuis plus de trois ans , présentent un taux de décaissement suffisamment faible pour susciter l'attention, voire la critique :

. 24 % pour le projet " ressources en eau " de 50 MF octroyés en 1993 ;

. 25 % pour le projet "  développement urbain " de 80 MF octroyés en 1996 ;

. 10 % pour le projet " développement agricole intégré du Kef "de 126 MF octroyés en 1997

Il paraît enfin, nécessaire de s'interroger sur le maintien des projets n'ayant fait l'objet d'aucun décaissement , notamment ceux antérieurs à 1998 :

. 0 % pour le prêt " fonds d'études " de 25 MF octroyés en 1995 ;

. 0 % pour le projet " zone industrielle " de 110MF octroyés en 1997 ;

. 0 % pour le projet " assainissement des berges du lac " de 93 MF octroyés en 1998 ;

. 0 % pour le projet " formation professionnelle (II) " de 157 MF octroyés en 1999 ;

. 0 % pour le projet " développement urbain (III) " de 190 MF octroyés en 1999*.

* Surtout compte tenu du faible décaissement de la phase II.

* 28 D'après les renseignements fournis, cette procédure aurait pour principal but d'échapper à la règle de l'annualité budgétaire.

* 29 Soit une enveloppe cumulée de financement de 1.700 millions de francs depuis 1989.

* 30 100 millions de francs.

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