VI. AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXAMEN DES LOIS DE FINANCES PAR LE PARLEMENT
Une modernisation de la procédure d'examen des projets de lois de finances par le Parlement est légitimement attendue. De petites réformes en aménagements ponctuels, on sent bien que le cadre actuel offre finalement peu de marges de manoeuvre et qu'il convient de rompre, pour paraphraser la formule célèbre, avec les pratiques liturgiques donnant lieu à un déferlement de litanies, suscitant davantage la léthargie que l'intérêt 34 ( * ) . Or l'examen par le Parlement des questions relatives aux finances publiques doit à l'évidence être beaucoup plus que cela. C'est au coeur des préoccupations d'une réforme de l'ordonnance organique qu'il doit être placé, au même titre que l'amélioration des modes de gestion publique.
En tant que telle, bien que comportant de nombreuses dispositions concernant la procédure d'examen par le Parlement des lois de finances, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 définit, sans rigueur excessive, l'exercice. Quand elle le fait, c'est souvent de manière indirecte, en raison surtout de la structure proprement dite des lois de finances.
L'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'est cependant pas le seul texte à considérer en ce domaine. La Constitution, par les règles générales qu'elle édicte sur les rapports entre le gouvernement et le Parlement, mais aussi spécifiquement sur les lois de finances et le contenu de l'initiative parlementaire, apporte ses propres contraintes. En écho, la pratique parlementaire et les règlements de chaque assemblée " mettent en musique ", chacun à leur manière, cet examen.
Ainsi, entre le texte constitutionnel, la coutume et les pratiques, les changements du texte de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui peuvent être proposés s'inscrivent dans un faisceau de contraintes. Un premier pas significatif doit être fait, mais sans nourrir l'illusion qu'il puisse suffire pour élargir radicalement le sens et la portée du débat budgétaire.
A. TIRER LES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE DE PROCÉDURE DES MODIFICATIONS APPORTÉES AU CONTENU DES LOIS DE FINANCES
L'examen et le vote des lois de finances doivent évoluer dans une double direction souhaitée par le consensus des praticiens et des observateurs : davantage de précision pour les recettes, davantage de globalisation pour les dépenses, mais surtout, pour ces dernières, davantage de mise en perspective . Il s'agit bien de chercher à redonner au Parlement une vision d'ensemble des prélèvements et de conduire les ministres, responsables des différentes politiques publiques, à se fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs clairement définis, réellement évaluables et aisément sanctionnables.
Dans l'état actuel des choses, les unités de vote des projets de loi de finances résultent largement de la coutume, puisque l'article 31 de l'ordonnance organique définit la structure des lois de finances de l'année ainsi que le contenu de chacune de ses deux parties, sans préciser exactement ce sur quoi votent les parlementaires. La pratique est, en théorie, encadrée par les dispositions du chapitre II du titre II, qui porte spécifiquement sur l'élaboration des lois de finances, et leur discussion au Parlement. Mais, dans les faits, d'autres votes que ceux expressément prévus interviennent, et le vote ne porte pas sur le titre puis sur le ministère, mais sur le ministère puis le titre.
1. Les votes sur les recettes
Votre commission estime qu'en la matière, il convient d'abord de tirer les conséquences de ses propositions concernant l'article 31. Dès lorsqu'un état annexé retrace le détail des ressources de l'Etat, un vote unique semble approprié pour adopter les recettes, les articles de la première partie apportant des aménagements fiscaux continuant évidemment à faire chacun l'objet d'un vote. A cet égard, il paraît essentiel de prévoir un vote séparé sur chacune des catégories de prélèvement sur recettes, au profit, respectivement, des collectivités territoriales, de l'Union européenne et des personnes morales bénéficiant de l'affectation d'une imposition de toutes natures autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.
* 34 Le président Edgard Faure avait résumé la discussion budgétaire au Parlement par ces trois mots : " litanie, liturgie, léthargie ".