E. LES NOUVEAUX CRÉNEAUX
1. Les véhicules hors d'usage
a) Présentation
Les
" véhicules en fin de vie " ou " véhicules hors
d'usage " (VHU) représentent une source importante de
déchets. En Europe, entre 8 et 9 millions de VHU sont mis en rebut
(soit entre 8 et 9 millions de tonnes par an). En France, le nombre annuel de
VHU est de 1,8 à 1,9 million (soit 1,8 à 1,9 million de tonnes).
La
quasi
totalité de ces VHU est récupérée
par les filières industrielles (garages, concessionnaires...), mais
7 % constituent des épaves à l'abandon dans l'environnement.
Les VHU sont constitués de deux fractions :
des
métaux ferreux
et
non ferreux
. Malgré une
diminution de la part des métaux ferreux (acier et fonte) dans
l'automobile (au détriment de l'aluminium et du plastique), la part de
ces matériaux dans l'automobile reste largement majoritaire. Les
métaux (ferreux et non ferreux) représentent encore 70 à
75 % du poids total. Les métaux ferreux constituent à eux
seuls 63 à 67 % du poids total d'une automobile. L'automobile
représente entre 17 (moyenne Union européenne) et 30 %
(France) du marché de l'acier.
les
résidus de broyage
formés d'un mélange de
verre, plastique, caoutchouc, lubrifiants... Ils contiennent des fluides
dangereux pour l'environnement (huile moteur, liquide de freins, antigel, CFC
-chlorofluocarbones- ou PCB -biphenyl polychloré-), voire même
quelques substances explosives liées au dispositif d'éjection des
airbags
. 40 % sont récupérés et
utilisés (produits électriques), 60 % sont des
déchets qui vont jusqu'à présent en décharge.
" Déconstruction " d'un véhicule hors d'usage (en poids)
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10 % métaux ferreux |
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70 / 75 % métaux |
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10 % métaux non ferreux |
100 |
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60 % de déchets |
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25 / 30 % % résidus de broyage |
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40 % divers (produits électriques) |
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Aujourd'hui, la valorisation ne concerne que les métaux. Les VHU sont démontés, la ferraille est collectée (l'automobile représente entre 23 % (moyenne Union européenne) et 33 % (France) de l'offre totale des ferrailles. La ferraille est réutilisée dans le circuit de la sidérurgie, comme n'importe quelle autre ferraille. Comme l'indique M. Bernard Gros, responsable du projet recyclage à Usinor-Sacilor, " la sidérurgie peut consommer les ferrailles broyées sans limitation de volume en les incorporant dans le processus de production de l'acier pour le secteur automobile lui-même " . Ainsi, on estime que près de la moitié du contenu en acier ou fonte d'une automobile est issue de ferrailles récupérées 169( * ) et que, par conséquent, le tiers du poids total d'une automobile vient de l'acier récupéré.
b) Perspectives
Les difficultés de la filière
Tout d'abord, la
rentabilité de la filière ferraille est mal
assurée
. Par le passé, l'existence de marchés
d'occasion faisait du traitement des VHU une activité rentable, mais les
conditions se sont modifiées en raison de l'utilisation croissante
d'éléments métalliques.
La filière recyclage des métaux automobiles et, d'une
façon générale, la filière ferrailles est surtout
subordonnée au prix de l'acier (qui est très bas en raison des
surcapacités), mais aussi au tarif de mise en décharge dans le
pays considéré ou ailleurs. Ces dernières années,
jusqu'à 70 % des VHU en Allemagne ont été
exportés aux Pays-Bas, en Pologne et en France ! Ces importations
ont un effet déstabilisant pour les filières nationales mises en
place par les constructeurs et récupérateurs.
Ensuite,
sur le plan technique, il ne faut guère attendre de
bouleversements
. La filière est mature, organisée. Les marges
de progression sont réduites. Citons néanmoins quelques
améliorations marginales, d'ordre technique (valorisation des
co-produits tels que zinc et plomb qui se volatilisent mais peuvent être
récupérés une fois piégés dans les filtres),
économique (réorganisation de la profession de démolisseur
pour les mettre en conformité avec les normes de dépollution),
voire juridique (éventuel renforcement des sanctions en cas d'abandon de
véhicules).
La future directive européenne sur les VHU
Dans la plupart des pays d'Europe, les constructeurs se sont engagés
à améliorer la gestion des VHU du point de vue de
l'environnement. Les engagements visent à limiter la fraction des VHU
mis en décharges et/ou à fixer des objectifs de valorisation.
Les réglementation ou engagements contractuels entre profession et
pouvoirs publics diffèrent sur les taux et les échéances,
mais concourent aux mêmes objectifs. En France, l'engagement des
constructeurs est que les nouveaux modèles pourraient être
recyclés de telle sorte que les déchets ultimes n'excèdent
pas 10 %.
Devant ce foisonnement, la Commission a été tentée de
proposer d'uniformiser les objectifs. L'objectif fixé par la proposition
de directive
170(
*
)
est de
parvenir à un taux de réutilisation/valorisation de 85 % du
poids du véhicule d'ici 2005 et 25 % d'ici 2015 et un taux de
réutilisation/recyclage de 80 % d'ici 2005 et 95 % d'ici 2015.
Etant donné qu'actuellement 75 % des VHU sont recyclés (la
fraction métallique est recyclée à 95 %, voire
100 %), l'objectif visé par la directive ne concerne en
réalité que la seule fraction des résidus automobiles et
vise à un gain de 10 % supplémentaire d'ici 2005, 20 %
d'ici 2015.
Selon la Commission, le démontage et recyclage de 10 millions de
véhicules hors d'usage représente un gisement de 10 à
15.000 emplois.
Cet objectif paraît tout à fait accessible. Le marché du
recyclage matière notamment peut être accru en recyclant le verre,
les pneus
171(
*
)
. En revanche,
les professionnels sont moins optimistes que la Commission concernant les
plastiques.
Encadré n° 37
Le
plastique dans l'automobile
___
Le
poids du plastique dans une automobile n'a cessé de croître :
8 kg en 1960, 115 kg en 1990, 200 kg aujourd'hui, et probablement 400 kg
en 2005/2010. 20 % du poids moyen d'une automobile L'échec commercial de
la Smart ne doit pas faire oublier les performances techniques puisqu'il s'agit
du premier véhicule réalisé essentiellement en plastique
sur une armature métallique (C'est ce qui explique les deux couleurs de
la voiture. L'armature en métal et les autres pièces en plastique
sont d'une couleur distincte), y compris le capot qui posait encore
jusqu'à présent quelques difficultés (chauffage...).
Cette substitution acier/plastique ne s'est pas traduite par un
allégement du poids total, car dans le même temps, les fonctions
se sont multipliées (poids croissant de l'électronique...). En
dépit de cette augmentation en volume, les matières plastiques
représentent seulement 10 % du poids total d'une voiture. Mais on estime
que 100 kg de plastiques remplacent en moyenne 200 à 300 kg de
matériaux traditionnels, ce qui permet d `économiser 750
litres de carburant sur la durée de vie d'une automobile.
Plastic Omnium est l'une des sociétés françaises qui a
investi sur ce créneau. La société travaille
désormais en partenariat étroit avec les constructeurs,
dès la conception de la voiture. Elle réalise des pièces
entières, et la valeur ajoutée s'est considérablement
accrue. Ainsi, la société ne fabrique plus de
" pare-chocs ", mais un "
module avant
" avec
réflecteurs, projecteurs intégrés..., ni de " tableau
de bord ", mais des "
modules cockpit
", ni de
" réservoirs ", mais des "
systèmes à
carburant
" incorporant des fonctions complètes (jauge,
électronique...). La valeur ajoutée a été
multipliée par dix (exemple : tableau de bord à 300 F,
module cockpit à 4.000 F).
Le plastique recyclé est encore très peu utilisé.
L'esthétique est très importante dans une voiture, et les
ingénieurs ne veulent prendre aucun risque. Le risque
toléré sur les pare-chocs est de 1 défaut sur 50.000
pièces. D'une façon générale, quand il y a des
plastiques recyclés, il n'y a pas de communication spéciale sur
le sujet. On évite plutôt d'en parler.
Le recyclage du plastique utilisé dans les automobiles n'est pas encore
au point. C'est un gros problème. Les voitures avec matériaux en
plastique ne sont pas encore arrivées en fin de vie, et le
problème ne s'est pas encore posé, mais il se posera. La peinture
sur les plastiques et la composition même des plastiques utilisés
sont des obstacles au recyclage.
Les travaux et recherches sur les plastiques mélangés devraient
permettre des trouver des solutions à ces problèmes.
Source : Entretien avec M. Dominique Pelabon, directeur général de Plastic Omnium
Les pneus
Encadré n° 38
La
valorisation des pneus
___
30 millions de vieux pneumatiques, soit 400.000 tonnes sont rejetés
chaque année en France. Moins du tiers est aujourd'hui recyclé et
valorisé.
La voie la plus ancienne est celle du rechapage, qui consiste à
resculpter le pneu usagé pour lui donner des performances comparables au
neuf. Cette pratique, quoique courante dans d'autres pays -il existe même
un marché international des pneus rechapés-, est très peu
développée en France, sauf pour les pneus de camions. En ce qui
concerne les pneus de voiture, on considère qu'un pneu sur trois peut
être rechapé dans des conditions techniques satisfaisantes, mais
seulement un pneu sur dix l'est. Le rechapage représente 20 % du
tonnage, en incluant les pneus de camions (huit sur dix sont rechapés).
Les autres voies de valorisation concernent la valorisation
énergétique en cimenterie (8 % du tonnage, soit 32.000
tonnes) et la fabrication de " poudrette ", c'est-à-dire de
poudre de caoutchouc réalisée par broyage (environ 3 % du
tonnage). Les deux tiers vont donc en décharge, externe ou interne,
contrôlée... ou sauvage...
Selon les professionnels, il n'existe pas de filière organisée
de valorisation, pour des raisons de coût, ou plutôt de
financement. La valorisation représente au minimum un coût de 400
à 500 F la tonne, soit 4 F par pneu. C'est peu, mais personne
ne veut les payer. La concurrence éventuelle avec les pneus neufs n'est
pas un argument satisfaisant, puisqu'au maximum un tiers des pneus pourrait
être rechapable, et qu'il existerait toujours deux tiers de pneus
à utiliser.
Quelques voies s'ouvrent aujourd'hui, encore timides ou
expérimentales : murs anti-chutes, revêtements de sols
sportifs. Les pneus peuvent notamment servir en parement de remblais. Les pneus
sont découpés, empilés, ligaturés, remplis de
remblais, ce qui assure une bonne stabilité du terrain
(procédé
Pneusol
).
C'est évidemment toujours plus cher qu'abandonner les pneus en
décharge sauvage...
Selon une étude citée dans la proposition de directive
européenne sur les VHU, deux tonnes de pneus triés entraîne
la création d'un emploi. Rappelons ce chiffre : la valorisation
revient à 4 F par pneu, soit 12 F par voiture.
Il serait vivement souhaitable qu'un système se mette en place sur le
modèle des huiles. Une contribution modeste permettrait d'alimenter un
fonds chargé de financer la filière de recyclage et
d'éviter ainsi aux collectivités locales de se retrouver avec un
stock de pneus dont elles ne savent que faire...
2. Les produits électriques et électroniques
C'est un
marché nouveau. Il y a seulement quatre ans, il n'y avait rien sur le
sujet. Les postes TV, camescopes, ordinateurs étaient
éliminés en décharge, pour la plupart d'entre eux,.
Avec la prise de conscience des nécessités du recyclage et du
danger des matériaux fortement chargés en métaux lourds
(écrans chargés en plomb...), le contexte s'est radicalement
transformé. La seule indication des volumes concernés
amène à réfléchir au devenir de ces produits.
Chaque année en France, 3 millions de postes TV sont mis sur le
marché (100.000 tonnes) et environ 1,5 million d'ordinateurs.
Le retraitement des postes pose deux problèmes :
la collecte tout d'abord.
Car si le gisement théorique est
important, le gisement collectable l'est beaucoup moins. Beaucoup de gens
gardent leur vieux poste en réserve, dans une autre pièce ou en
résidence secondaire. Le même phénomène se produira
pour les ordinateurs. Ainsi la durée de vie théorique (douze ans
pour un poste TV, cinq ans pour un micro) est souvent élargie. Or, la
technique et les coûts du retraitement des postes sont tels qu'il faut
passer au stade industriel, basé sur une collecte suffisante.
le traitement technique d'autre part.
Les postes sont
constitués d'une enveloppe plastique qui ne pose pas de
problèmes, et surtout d'un bloc technique, hautement toxique. Ce bloc
est constitué d'un cône (partie arrière qui reçoit
toute l'électronique, canons à faisceaux...) et d'une dalle
(constituée par l'écran luminescent chargé de plomb
soudé au reste du cône
172(
*
)
). Le cône doit être
dirigé en classe I, la dalle en classe II. Compte tenu du
différentiel de prix, l'intérêt est, au minimum, de
séparer les deux parties du bloc. La séparation peut avoir lieu
par sciage en faisant fondre la soudure entre les deux parties ou par choc
thermique
173(
*
)
.
Ce sont les Américains, et surtout les Allemands, qui ont investi ce
créneau. Malgré des coûts de traitement
élevés (1.000 DM/tonne), 300 industriels allemands
travaillent sur le recyclage de postes de TV, dont 40 uniquement sur les
tubes. En France, aucun
174(
*
)
.
Perspectives de traitement des produits bruns en Europe |
||||
|
TV |
Tonnes écrans |
PC moniteur |
Tonnes écrans |
1998 - 1999 |
100.000 |
1.500 |
50.000 |
300 |
1999 - 2000 |
400.000 |
6.000 |
200.000 |
1.200 |
2000 - 2001 |
1.000.000 |
15.000 |
500.000 |
3.000 |
Source : colloque Ademe/Intertronic juin 1998 |
Les produits blancs ne posent pas les mêmes
problèmes
L'essentiel est constitué de métaux, et la
récupération industrielle est déjà
organisée. Reste le problème des produits déposés
en déchetteries (machines à laver le linge ou la vaisselle,
réfrigérateurs...). L'expérience a montré que
90 % des pannes peuvent être résolues avec une seule
intervention de moins d'une heure. A Rambouillet, un tel système a
été mis en place. Les produits réparés sont ensuite
revendus et exportés.
3. Les textiles
Les
déchets textiles sont constitués par les chutes et autres
déchets industriels banals, les déchets d'emballages,
professionnels (housses, cartons...). et ménagers, et les déchets
des textiles en fin de vie. Là encore, les changements du contexte
réglementaire et législatif modifient profondément les
données du traitement des déchets textiles. La profession est
concernée par trois textes : le décret du 1
er
avril 1992 sur les déchets d'emballages dont les détenteurs sont
les ménages, le décret du 13 juillet 1994 sur les déchets
d'emballages professionnels, et la loi du 13 juillet 1992 qui limite la mise en
décharge aux seuls déchets ultimes. Les fabricants doivent
à ce titre pourvoir à la valorisation des déchets
d'emballages en adhérant à une société
agréée.
La profession de l'industrie de l'habillement
175(
*
)
génère 27.000 tonnes de
déchets industriels banals par an. En moyenne, la fabrication de
1000 pièces de vêtement génère 230 kg de
déchets (tissus, papiers, emballages, ce qui représente
160 francs pour leur élimination (bacs, compacteur, benne, mise en
décharge.). La hausse prévisible du coût de la mise en
décharge va modifier cette situation Selon le centre d'étude
technique des industries de l'habillement, le coût de la mise en
décharge pourrait doubler d'ici 2002 pour atteindre 1.200 francs,
entraînant une utilisation plus systématique de la filière
énergétique, jusque là pratiquement exclue et elle aussi
plus coûteuse.
La réaction de la profession est cependant de considérer le
" coût déchet " comme une des composantes du coût
de production et chercher par conséquent à le
réduire : réduction à la source, tri aussi tôt
que possible pour guider les déchets valorisables dans la filière
adaptée, réemploi des déchets d'emballages (utilisation du
même carton pour l'envoi et le retour par exemple). Dans ce domaine comme
dans beaucoup d'autres, l'interdiction de la mise en décharge a
amené une prise de conscience et un basculement des attitudes.
Les textiles en fin de vie posent d'autres problèmes liés cette
fois à la collecte et aux débouchés. Le gisement est de
3,5 kg par habitant et par an, soit un gisement potentiel de 210.000 tonnes de
vêtements usagés. Moins de 50.000 sont collectés
aujourd'hui (la collecte serait six fois plus importante en Allemagne). Les
vêtements, triés, partent soit vers le circuit commercial de la
fripe traditionnelle, soit vers le circuit caritatif, soit vers le recyclage en
défibrage (fils effilochés pour rembourrage ou chiffons).
Quelques uns déjà, appellent une vision à plus ambitieuse
et de long terme.
" Aujourd'hui, on consomme 60 millions de tonnes de
fibres pour habiller 3 milliards d'habitants. Dans cinquante ans,
13 milliards d'habitants consommeront 200 millions de tonnes de
fibres Comment va-t-on habiller l'humanité ? Il faudra bien un
jour, réintégrer les fibres dans la filière de
production "
. Dans ce domaine comme ailleurs, la gestion des
déchets a encore de l'avenir.