C. LES HUILES
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Données de base |
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Marché |
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Importance dans les déchets ménagers |
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Cadre juridique |
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Valorisation |
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886.000 tonnes de lubrifiants sont utilisées chaque année en France dans le transport et l'industrie, générant 295.000 tonnes d'huiles usagées |
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Hormis les cas d'autoconsommation, les huiles sont plutôt des déchets industriels banals |
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Directive 75/439/CEE du Conseil du 16 juin 1975 relative aux huiles usagées, transposée en droit français par le décret n° 79-981 du 21 novembre 1979 ( texte modifié à plusieurs reprises depuis) |
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240.000 tonnes sont récupérées. Les huiles ainsi collectées sont soit régénérées (nouvelles huiles), soit brûlées (incinération, cimenterie...) |
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1. Situation
a) Présentation générale
La
filière de récupération et de valorisation des huiles
usagées est l'une des plus anciennes. Elle est apparue au cours de la
Seconde Guerre mondiale, lorsqu'il s'agissait de contourner le manque de
matières premières. Ce lien avec une économie de
pénurie s'est confirmé trente ans plus tard, puisque la
filière s'est à nouveau organisée à la suite du
premier choc pétrolier.
Les premières grandes directives européennes sur les
déchets et les huiles -adoptées la même année en
1975- se situent dans ce contexte de crise et de menace pour
l'approvisionnement énergétique. C'est en 1979 que la directive
sera transposée en droit français et qu'une taxe parafiscale sera
créée pour financer
" la collecte, le traitement et
l'élimination des huiles, selon la technique la plus
adaptée "
.
C'est ce rappel historique qui explique notamment que la " filière
huile " soit plutôt bien organisée et assez bien
répartie sur l'ensemble du territoire. Ce point, comme on le verra, aura
de l'importance pour l'avenir.
b) Le gisement
Il existe deux types d'utilisation des lubrifiants : l'huile moteurs (voitures particulières, poids lourds, matériels agricoles, avions...), l'huile industrielle (SNCF, métallurgie...). Toutes utilisations confondues, sur un volume de lubrifiant donné, 56 % est autoconsommé et 44 % génère une huile usagée. Pour l'huile moteur, les proportions sont inversées : 47 % est autoconsommé et 53 % génère une huile usagée. La production d'huiles usagées était, en 1995, de 386.000 tonnes. Le circuit et les grandes masses sont donnés dans la présentation et le tableau suivants.
Gisement d'huiles usagées (en milliers de litres) |
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volume |
et % |
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récupérés |
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Huiles moteurs |
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Voitures particulières |
115 |
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Poids lourds, cars... |
87 |
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Matériel agricole |
23 |
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Motos |
2 |
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Aviation |
30 |
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Engrenages, divers |
14 |
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Sous-total huiles moteurs |
271 |
224 |
82 % |
Huiles industrielles noires |
24 |
11 |
46 % |
Huiles industrielles claires |
91 |
2,5 |
1,6 % |
Sous-total huiles industrielles |
115 |
13,5 |
10,8 |
Total huiles |
386 |
237,5 |
61 % |
Source : ADEME |
De
l'huile consommée à l'huile usagée
(en milliers de tonnes et en pourcentage du " pavé "
précédent)
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Huile
détruite*
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Moteurs
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Huiles
usagées
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Total
lubrifiants
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Total
huiles usagées 386.000 t
|
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Huiles
usagées noires
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Utilisations industrielles
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Huiles
usagées claires
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Auto-destruction
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*Une partie de l'huile mise dans le moteur ou dans le mécanisme est utilisée ou " consommée " par ces derniers, et disparaît . |
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Source : ADEME.
Gisement français d'huile
usagées
, données 1995,
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c) La collecte
La
filière
met en jeu trois partenaires successifs.
les
détenteurs
d'huiles usagées chargés de
recueillir les huiles et de les stocker (garages...).
les
ramasseurs
d'huiles usagées responsables de la collecte
des huiles usagées. Les entreprises de ramassage sont agrées par
les préfets de départements. Un département peut avoir
plusieurs entreprises agréées. Une entreprise peut être
agréée dans plusieurs départements. Il existait
soixante-dix entreprises agréées (au 30 juin 1997). La collecte
est obligatoire. Jusqu'en 1999, les ramasseurs devaient procéder
à l'enlèvement de tout lot d'huile supérieur à 200
litres. Ce seuil est passé à 600 litres en 1999.
les
éliminateurs
d'huiles usagées exploitent des
installations qui traitent les huiles. Les entreprises sont
agréées par le ministère de l'Environnement. Le traitement
prend deux formes distinctes (voir ce point en détail
ci-après) : la régénération des huiles
usagées qui consiste à fabriquer de nouvelles huiles à
partir des anciennes, et l'utilisation industrielle qui consiste à
utiliser l'huile comme combustible. Il existe quarante éliminateurs
(quinze par la régénération, vingt-cinq par la combustion).
Ce passage en trois étapes (détenteur, ramasseur,
éliminateur) traduit aussi une transformation dans la nature même
du produit. Au premier stade, l'huile usagée est un déchet et
considéré comme tel. L'usager s'en débarrasse, le
détenteur est obligé de la reprendre, mais la remet au ramasseur
à prix zéro.
A ce stade, " l'huile déchet " change de nature. Elle devient
alors une matière première susceptible d'être
traitée pour refaire des huiles ou d'être brûlée, en
jouant sur son haut pouvoir calorifique. Par la collecte et la masse critique
atteinte, " l'huile déchet " se transforme en " huile
matière première ".
Les résultats
Concernant la collecte, il faut distinguer les huiles moteurs et les huiles
industrielles. Les taux de collecte des huiles moteurs sont importants, de
l'ordre de 82 % par rapport au gisement. L'efficacité de la
collecte n'a cessé de s'améliorer depuis dix ans, puisqu'on
comptait 100.000 tonnes collectées en 1986, 150.000 tonnes en 1990,
200.000 tonnes en 1994 et 237.000 tonnes en 1996.
Par comparaison, les taux de collecte des huiles industrielles paraissent
très faibles, puisqu'ils ne représentent que moins de 11 %
du gisement, et même 2 % pour les huiles claires
161(
*
)
. Ce chiffre est cependant trompeur
car ce type d'huile fait souvent l'objet de revente directe ou d'un traitement
sur place.
Les huiles usagées qui intéressent les collectivités
locales sont, pour l'essentiel, des huiles moteurs. Le circuit repose, pour
l'essentiel, sur les industriels qui ont organisé les structures de
collecte. Près de la moitié est collectée dans les
stations services. Les collectivités locales ne sont qu'un intervenant
mineur puisqu'elles n'assurent que 6 % de la collecte aujourd'hui. La
répartition des différents points de collecte est donnée
dans le tableau suivant.
La collecte des huiles usagées (1996) |
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Détenteurs |
Volume
|
Part dans le total |
Garages, stations service |
115 |
48,5 % |
Sociétés de transport |
26 |
11 % |
Industries |
35 |
14,8 % |
Monde agricole |
5 |
2,1 % |
Grosses collectivités (armée, PTT...) |
13 |
5,5 % |
Autres détenteurs |
29 |
12,2 % |
Conteneurs (déchetteries des municipalités) |
14 |
5,9 % |
Total |
237 |
100 % |
Source : ADEME, Bilan de la collecte des huiles usagées , 1996 |
Ces bons résultats d'ensemble ne doivent pas masquer certaines lacunes. La partie non collectée, même faible, suscite notamment quelques inquiétudes. Quand il n'entre pas dans la filière de collecte traditionnelle, l'usager se débarrasse de l'huile usagée soit en la jetant, soit en la brûlant. Or, compte tenu des caractéristiques des huiles, ces deux " solutions " sont dangereuses.
d) Le traitement des huiles usagées
Les
propriétés des huiles dépendent des méthodes de
fabrication et des additifs
162(
*
)
, notamment les métaux lourds
(plomb, phosphore, zinc, cadmium) et le chlore. Une huile contient entre 5 et
25 % d'additifs qui se concentrent dans les huiles usagées.
Citant une étude du Laboratoire national d'essais, l'ADEME estime que
" la combustion non contrôlée des huiles usagées
peut entraîner la mise en atmosphère de l'émission de plomb
organique en faible quantité, mais qui présente un
caractère toxique prononcé. "
L'épandage et la combustion sauvages multiplient les risques pour
l'environnement et la santé. Or, chacun sait que de telles pratiques,
sans être courantes, ne sont pas exceptionnelles. Le pouvoir calorifique
des huiles est ainsi utilisé localement dans les serres notamment, et la
simple caractéristique physique des huiles est mise à profit pour
absorber d'autres huiles beaucoup plus nocives. (Les huiles des anciens
transformateurs EDF comportant de l'acide, sont mélangées avec
les huiles noires issues des moteurs et brûlées.) Cette fraction
échappe aux circuits de collecte classiques. Le problème repose
alors sur les municipalités, tout aussi démunies devant une
difficulté plus culturelle que technique.
Les huiles usagées sont traitées par trois filières
La
régénération
(ou re-raffinage) qui
consiste,
via
un traitement industriel lourd, à
refabriquer
une huile de base
, semblable aux huiles de base neuves (avant additifs...).
Les installations de régénération d'huiles usagées
sont de véritables petites raffineries en miniature comportant une
succession de plusieurs cylindres de plusieurs mètres de haut dans
lesquels les huiles ruissellent sous vide (déshydratation par
distillation atmosphérique puis distillation sous vide). La finition des
huiles est assurée par un procédé d'hydrogénation
ou par un procédé de filtres composés de terres
" activées ", destinés à absorber les
dernières particules métalliques et hydrocarbures
indésirables.
Les autres traitements destinés à une
réutilisation sous forme d'huile
sont pour la plupart
basés sur des principes de distillation et/ou filtration, avec
élimination de l'eau, des particules métalliques et des
hydrocarbures lourds. On distingue les procédés simples de
re-raffinage (
reprocessing
) qui consiste à faire un début
de re-raffinage afin d'obtenir du fuel utilisable en combustible dans certains
secteurs (station d'enrobage de bitumes, combustible pour diesels de moteurs
marine), et les procédés de filtration fine,
réservés aux huiles industrielles claires (procédés
dits de
" laundering "
et de
" reclamation "
,
donnant une huile utilisable en démoulage (coffrages de béton
armé) ou pour les chaînes de tronçonneuses...
L'utilisation des huiles comme
combustible
, que ce soit en
cimenterie ou dans des centres d'incinération de déchets
industriels spéciaux. Même si la présence de produits
légers (essence) et d'eau en émulsion rendent leurs conditions
d'incinération délicates, le pouvoir calorifique des huiles
usagées est estimé à 98 % de celui du fuel lourd.
La première voie est, normalement, privilégiée, ainsi que
l'indique clairement l'article 7 du décret initial du 21 novembre
1979 :
" Les seuls modes d'élimination autorisés
pour les huiles usagées sont le recyclage ou la
régénération dans des conditions économiques
acceptables ou
à défaut
, l'utilisation industrielle comme
combustible "
.
En réalité, cette hiérarchie n'a pas été
respectée. Les résultats en Europe sont très
diversifiés, mais dans l'ensemble, décevants. Il n'y a qu'en
Italie que la régénération a trouvé sa place
grâce à la combinaison d'investissements importants et d'une
fiscalité incitative, puisque le prélèvement sur les
huiles régénérées est moitié moindre de
celui sur les huiles neuves.
Traitement des huiles usagées. Comparaison internationale |
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|
Europe |
France |
Allemagne |
Belgique |
Danemark |
Italie |
Espagne |
Russie |
Régénération |
32 |
42 |
41 |
0 |
0 |
80 |
13 |
0 |
Combustion |
32 |
52 |
35 |
33 |
25 |
7 |
50 |
23 |
Autres réutilisations |
36 |
6 |
24 |
67 |
75 |
13 |
32 |
77 |
Source : Concawe |
En France, les pratiques comme l'évolution récente des conditions économiques ont renversé l'ordre des priorités. La régénération, qui s'appliquait à 70 % des volumes traités en 1990, ne s'applique plus qu'à 31 % des volumes traités en 1996.
Évolution en France de la répartition des traitements des huiles usagées* |
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1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Volume traité |
158 |
167 |
151 |
193 |
197 |
214 |
226 |
229 |
Valorisation énergétique |
30 % |
34 % |
42 % |
55 % |
60 % |
57 % |
60 % |
69 % |
Régénération |
70 % |
66 % |
58 % |
45 % |
40 % |
43 % |
40 % |
31 % |
* Huiles noires usagées, à l'exclusion des huiles claires. |
||||||||
Source : ADEME |
Ces
résultats s'expliquent par des raisons liées à
l'environnement et par des raisons économiques. Les filières se
sont montées en Europe dans une période où les
préoccupations d'environnement n'étaient pas ce qu'elles sont
aujourd'hui. Les techniques utilisées par la
régénération des huiles usagées étaient
relativement sommaires et polluantes (dégagement de soufre, terre
contaminée après filtrage des huiles...). En France, les
installations ont donc été progressivement fermées, soit
spontanément, soit de façon autoritaire. La France comptait
quatre usines à la fin des années 1980. Il n'en existe plus
qu'une aujourd'hui.
Ce mouvement en faveur de la régénération s'est produit
alors que le marché se transformait radicalement. La
régénération des huiles, justifiée dans un contexte
de pénurie, ne l'est plus dans un contexte d'excédent. Pour des
raisons tenant tant à la qualité des huiles (la durée
d'utilisation d'une huile a été multipliée par 5 en vingt
ans), qu'aux investissements réalisés dans le monde, il y a
aujourd'hui une importante surcapacité, notamment en Europe. Le
marché mondial est estimé à 40 millions de tonnes. La
surcapacité est de l'ordre de 10 %, soit 4 millions de tonnes, dont
2 millions de tonnes en Europe... Ainsi, en Europe, la production potentielle
est de 6 millions de tonnes, la production réelle est de 4 millions
de tonnes, soit une surcapacité de 2 millions, un tiers de la
capacité totale. Pendant une période, cette surcapacité a
été atténuée par des exportations aux
États-Unis et en Asie du sud-est, mais le paysage mondial a
changé. Des installations modernes ont été construites
(dont une unité de 600.000 tonnes aux États-Unis), et la crise
asiatique, certes conjoncturelle, a entraîné une chute de l'a
consommation locale. Le contexte est par conséquent très
défavorable à la régénération.
e) Le soutien économique de la filière
La taxation
Dès l'origine, les pouvoirs publics ont soutenu la filière en
créant une taxe parafiscale destinée à indemniser les
opérateurs intervenant sur le ramassage et l'élimination des
huiles usagées
163(
*
)
. Le
produit de la taxe était
" affecté à des aides
à la collecte, au traitement et à l'élimination des huiles
usées, selon la technique la plus adaptée "
. Un
décret instituant la taxe, définissant l'assiette (qui
était alors la tonne d'huile de base) et un taux plafond ; un
arrêté fixant le montant définitif.
Le taux a augmenté par paliers : de 40 F la tonne en 1979, à
70 F en 1987, et 150 F en 1994. La taxe a été
perçue à ce taux jusqu'en septembre 1998, jusqu'à son
annulation par le Conseil d'État
164(
*
)
.
Depuis le 1
er
janvier 1999, cette taxe parafiscale spécifique
est remplacée par la taxe générale sur les
activités polluantes, assise sur le produit fini, et non plus sur
l'huile de base, comme dans la taxe parafiscale. Le taux est aujourd'hui de 200
F la tonne, ce qui revient à peu près au taux antérieur,
compte tenu du changement d'assiette.
En 1996, le produit de la taxe perçue au taux de 150 F la tonne,
était de 118 millions de francs pour 784.000 tonnes d'huiles de
base
165(
*
)
.
Malgré des critiques, qui ont d'ailleurs conduit à ce que le
Conseil d'État annule le décret instituant la taxe fin 1998, le
prélèvement n'est pas un problème majeur. D'une part, il
reste relativement modeste, et surtout
quasi
indolore au niveau du
consommateur (18 centimes par litre dont le prix varie entre 25 et 50 F).
D'autre part, l'augmentation du taux n'a pas empêché une forte
hausse de la collecte d'huiles usagées (cf. tableau).
L'affectation de la taxe, en revanche, a suscité quelques
interrogations.
2. Perspectives
a) Les critiques du système d'affectation de la taxe
Le
produit de cette taxe était affecté à l'ADEME et
réparti entre les différents opérateurs par un
comité de gestion
166(
*
)
,
avec un barème distinct par opérateur. Un système
comparable sera appliqué avec la nouvelle TGAP. Ce système -que
la nouvelle TGAP ne remet pas fondamentalement en cause- a été
souvent critiqué. Les arguments ne manquent pas de pertinence.
La première dérive, évidente, est liée aux
pesanteurs administratives
d'un système administré (fixation
des taux par arrêté ministériel impliquant au moins trois
ministres ou secrétaires d'État différents : celui
chargé du budget, celui chargé de l'Industrie, celui
chargé de l'Environnement).
On observera alors que le taux de collecte de l'huile usagée est
pratiquement équivalent au Royaume-Uni, qu'il n'y a pas de taxe
spécifique dans ce pays. On notera également qu'en 1992 la
proposition de libéraliser le système en confiant la
responsabilité de la collecte et le financement aux industriels
fabricants, notamment aux pétroliers, s'est heurté à une
opposition ferme et massive.
La deuxième dérive est liée au
manque d'adaptation aux
réalités du terrain
. Le barème est aujourd'hui
fixé par activité, par type d'utilisations ([x] francs la
tonne livrée aux régénérateurs; [y] francs la
tonne livrée aux cimenteries...), sans prendre en compte la
diversité des situations locales. Situations en effet très
différentes lorsque les ramasseurs doivent collecter auprès des
détenteurs dispersés et livrer à des éliminateurs
éloignés, ou lorsqu'ils sont à proximité. La
géographie industrielle montre des inégalités fortes entre
départements. Un barème unique se traduit donc par une
inégalité de fait. Dans le premier cas (éloignement,
dispersion de la collecte), la subvention équilibre le coût, voire
reste insuffisante, dans le second, la subvention se transforme en une rente de
situation
. Il conviendrait d'adapter le barème en fonction de la
distance, comme c'est le cas pour le verre par exemple dans le système
d'Éco-Emballages.
Une telle situation conduit à un système bloqué où
la subvention publique est détournée de son objet initial.
La troisième dérive est liée à l'importance prise
par les unités d'incinération dans le traitement des huiles
usagées. L'huile a un très haut pouvoir calorifique,
particulièrement recherché par les cimenteries, grosses
consommatrices d'énergie. Celles-ci, aidées de surcroît par
des implantations bien réparties dans l'Hexagone, sont devenues les
partenaires privilégiés des ramasseurs d'huiles, puisqu'elles
assurent aujourd'hui plus des deux tiers de l'élimination des huiles
usagées.
Les deux parties sont cependant inégales et les cimenteries
achètent l'huile quasiment au prix du coke de pétrole,
c'est-à-dire à un prix voisin de zéro. L'huile
matière première est achetée au prix de l'huile
déchet.
L'opération est évidemment intéressante pour les
cimenteries, pour lesquelles le prix de l'énergie est la donnée
clef de la rentabilité. Elle l'est également dans une moindre
mesure pour les ramasseurs qui ont un débouché simple et garanti,
financé en partie par la taxe. On peut toutefois s'interroger sur
l'opportunité d'un système de taxation destiné normalement
à soutenir la collecte et la valorisation des huiles usagées et
qui, en définitive, sert en pratique à réduire le prix de
revient des cimenteries.
Le système paraît par conséquent vicié avec une
régénération dans l'impasse et une aide à la
combustion discutable. Tout l'effort pour opérer ce passage de l'huile
déchet à l'huile matière première se solde en
définitive par ce qu'on peut appeler un échec.
b) La place croissante des collectivités locales dans la collecte
Comme on
l'a vu, cette place est aujourd'hui réduite. Les municipalités
n'assurent que 6 % environ de la collecte totale par le biais de
conteneurs spécifiques, généralement installés dans
les déchetteries. On comptait 3381 points de collecte fin 1996
permettant de collecter environ 14.000 tonnes. Toutefois, cette part
aujourd'hui limitée est amenée à augmenter dans les
prochaines années sous deux effets.
Tout d'abord, les obligations de collecte imposées aux ramasseurs ont
été modifiées. Jusqu'en 1998, les ramasseurs
agréés devaient procéder à un enlèvement de
tout lot d'huiles usagées supérieur à 200 litres. A partir
de cette année, le seuil est passé à 600 litres. Cette
mesure, favorable à la filière, puisqu'elle réduit les
coûts de collecte (en évitant de déplacer un camion
spécial pour seulement 200 litres), va en revanche freiner la
progression des taux de collecte, et peut-être même les
réduire. Le problème se pose pour les détenteurs qui ont
un stock d'huiles inférieur à 600 litres, et qui peuvent
être tentés par des solutions de facilité (épandage
sauvage, brûlerie). Pour éviter ces dégradations, les
collectivités locales peuvent être conduites à installer de
nouveaux conteneurs de proximité.
Le second élément est lié à l'autoconsommation. On
estime qu'environ un tiers des automobilistes effectuent eux-mêmes la
vidange de leur véhicule. Les quantités d'huiles usagées
correspondantes étant de l'ordre de 20.000 tonnes par an. Une fraction
(un tiers, la moitié ?) n'est collectée par personne et se
trouve parfois rejetée dans les caniveaux...
Le poids croissant pris par la grande distribution qui vend l'huile mais ne la
collecte pas
167(
*
)
, ne peut
qu'accentuer cette dérive. Si les municipalités veulent y faire
face, elles devront multiplier les points d'apport. Certaines ont
déjà installé des "
récup-huiles
"
comme elles ont installé des bornes de collecte de verre. Les
résultats sont particulièrement positifs.
c) L'élargissement des possibilités de valorisation
Il
existe un projet de réforme de la directive européenne sur les
huiles usagées. Selon les informations communiquées par l'UFIP,
ce projet, partant de résultats décevants (en matière de
traitement) réaffirmerait la priorité absolue (90 % ?)
à la régénération. Les conditions modernes de
traitement (notamment par un procédé de traitement à
l'hydrogène, en remplacement des procédés de traitement
par filtres de terre, aujourd'hui dépassés) permettent en effet
d'obtenir une régénération de qualité et sans
impact environnemental. Cette régénération pouvant prendre
la voie soit d'une huile nouvelle, comme aujourd'hui, soit sous la forme d'une
obligation faite aux producteurs d'huiles d'incorporer un certain pourcentage
d'huiles régénérées.
Selon l'UFIP, le coût d'une nouvelle usine de
régénération de 100.000 tonnes de capacité serait
compris entre 200 et 250 millions de francs, le coût de reformulation
d'une gamme de lubrifiants (trois huiles moteur de base) incorporant 15 %
des huiles régénérées serait entre 2,2 et 2,5
millions de francs, l'impact de l'éventuelle directive serait alors de
2000 francs (300 euros) la tonne, ce qui conduirait à doubler le
prix de l'huile de base et une augmentation du prix unitaire au consommateur
compris entre 10 et 30 %, particulièrement inappropriée
s'agissant des huiles pour les poids lourds, les lubrifiants agricoles...
Parmi ces chiffres -non vérifiés- il en est un qui doit retenir
l'attention. L'hypothèse est faite sur la base d'une usine de 100.000
tonnes, seuil considéré comme rentable pour l'investissement
réalisé. Compte tenu du gisement français, cela signifie
que 80 à 90 % des besoins de notre pays seraient alors couverts par
deux usines.
Selon un adage bien connu,
" le mieux est l'ennemi du bien "
.
Ainsi, en l'espèce, la recherche de modes de valorisation efficaces
impose une concentration qui va à l'encontre de l'objectif
recherché. La taille, les transports induits des nouvelles
installations, ne paraissent pas constituer de bonnes solutions, au moins en
France.
Comme cela a été dit à plusieurs reprises, le choix de la
valorisation doit tenir compte de la répartition des hommes et des
sites, de l'aménagement du territoire et de la géographie
industrielle.
La régénération, telle qu'elle est pratiquée
aujourd'hui, paraît sinon condamnée, du moins compromise. A court
terme, pour des raisons économiques (surproduction), à long terme
pour des raisons écologiques (les procédés actuels par
traitement hydraulique et filtrage laissent des métaux lourds et
génèrent des déchets toxiques).
Mais d'autres voies existent, comme le montrent les exemples étrangers.
La géographie industrielle est là : 70 entreprises de
ramassage, 40 éliminateurs, mais aussi 13 raffineries
réparties pratiquement sur tout l'hexagone constituent la base à
partir de laquelle il faut travailler. Les solutions envisagées
aujourd'hui, inspirées de pratiques étrangères, sont
dans :
le recyclage en raffinerie qui permet, après distillation,
d'enlever le chlore et de refabriquer un produit pétrolier de base, le
" craqueur ",
l'utilisation d'huiles en combustible spécifique (huiles de
moteurs marins),
l'utilisation à la fois en combustible et en matière
première (huiles en enrobages routiers bitumineux) ou en
co-génération.
L'ouverture des possibilités devrait également entraîner
une refonte des barèmes d'aide et une révision des modes
d'attribution de l'aide publique. Le comité de gestion est excessivement
centré sur l'administration de l'économie, des finances et de
l'industrie, et ne comporte aucun élu.