D. LES MÉTAUX NON FERREUX116( * )
1. Situation
Le
recyclage des métaux non ferreux (MNF) est une activité
industrielle traditionnelle. Tout ce qui est techniquement et
économiquement valorisable est valorisé, pour la simple raison
qu'il n'y a pratiquement aucune différence entre le métal
primaire (raffiné), fabriqué à partir de minerai, et le
métal secondaire (affiné), fabriqué à partir des
produits collectés. Les principaux MNF sont avant tout l'aluminium, puis
le cuivre, le zinc, le plomb, le nickel, auxquels on peut ajouter, pour
mémoire, quelques métaux rares (or, argent, manganèse...).
Les besoins annuels en France sont de l'ordre de 2,4 millions de tonnes.
Comme pour l'acier, le gisement récupérable a trois
origines : les chutes de production, les chutes de l'industrie de
transformation, les produits en fin de vie collectés tels quels ou
après un premier traitement (récupération en sortie
d'incinération ou après broyage...).
Les gisements actuels sont partagés pour moitié entre les
gisements purement professionnels (chutes de fonderie et d'industrie) et les
produits en fin de vie. Les MNF se trouvent essentiellement dans les
automobiles, mais aussi dans les câbles électriques (cuivre), le
bâtiment (aluminium, zinc), les batteries (plomb et nickel),
l'équipement électroménager (aluminium, zinc), les
emballages (aluminium), les pièces de monnaie (nickel).
La plupart des produits en fin de vie peuvent être
récupérés cinq, dix ou quarante ans après leur mise
sur le marché.
Dans la plupart des cas, la filière suit un processus
éprouvé : collecte, récupération, compactage,
apport à l'industrie, tri, broyage, fusion, affinage...
Dans la plupart des cas, également, la filière est
entièrement maîtrisée par les circuits professionnels. Six
cents entreprises se sont spécialisées dans la
récupération des déchets métalliques. Non seulement
les gisements de MNF dans les déchets ménagers sont faibles,
mais, jusqu'à ces dernières années, leur traitement
n'était pas organisé pour fournir un apport en MNF, même
d'appoint.
Ces six cent entreprises fournissent les cinquante affineurs (deux mille
personnes) qui utilisent exclusivement les produits de
récupération, et une trentaine de transformateurs qui utilisent
les matières premières secondaires en complément de leur
approvisionnement en métal neuf.
Cette organisation professionnelle a permis d'obtenir un taux de recyclage
(pourcentage de métal recyclé / gisement total)
élevé sur certains produits : 95 à 100 % des
lignes électriques, 95 % du zinc de toiture, 85 à 90 %
des batteries automobiles.
On observera, d'une part que la collecte d'aluminium (auquel le chapitre
suivant est consacré) commande les autres -en cherchant et en isolant
l'aluminium, on peut aussi collecter les autres métaux-, d'autre part,
les filières et les produits ne sont pas indépendants. Les
alliages métalliques sont courants (acier + nickel,
plomb + zinc, acier + zinc, cuivre + zinc,
aluminium + cuivre...), et même de plus en plus
fréquents. La recherche de performances techniques conduit à
l'utilisation de matériaux composites qui rendent le recyclage plus
onéreux, voire impossible.
Au total, la récupération assure 37 % des besoins nationaux
en MNF. La seule récupération des produits en fin de vie assure
20 % des besoins.
2. Perspectives
a) Une tendance au développement du recyclage
Plusieurs facteurs poussent à donner au recyclage des
MNF une
importance croissante, non seulement en France, mais dans le monde.
D'une part, à l'exception du nickel de Nouvelle-Calédonie, la
production de minerais a disparu en France. La France importe le minerai
correspondant aux métaux recherchés. Les produits
récupérés -les déchets- sont donc la seule
" mine de surface " disponible : une mine renouvelable,
contrairement aux mines naturelles. Les réserves mondiales
prévues pour le cuivre, le plomb et le zinc sont inférieures
à trente ans de production, les réserves de nickel sont de
soixante ans. Seules les réserves de bauxite, à l'origine de
l'aluminium, sont importantes (deux siècles). Dans tous les cas, la
réutilisation des produits de récupération permet
d'économiser des matières premières.
D'autre part, la fabrication de produits secondaires coûte beaucoup moins
cher que la fabrication de produits primaires, à partir de minerai. Les
investissements nécessaires sont beaucoup moins importants
(l'investissement est souvent trois à quatre fois moins
élevé que pour le raffinage) et le fonctionnement est, lui aussi,
moins coûteux.
L'économie d'énergie par rapport à la production de
métal primaire est de 20 à 50 % pour le plomb, 60 à
80 % pour le cuivre, 90 % pour le zinc, 90 à 98 % pour
l'aluminium.
En Europe, les économies sur la fabrication sont toutefois
compensées par des coûts de collecte et des contraintes
environnementales (filtres de dépollution). Ces limites n'existent pas
dans les pays émergents et en voie de développement qui utilisent
de plus en plus ce mode de fabrication, et importent, par conséquent,
des produits de récupération.
Ainsi, les matériaux en fin de vie deviendront-ils la principale source
de métal secondaire. Leur collecte locale sera d'autant plus
nécessaire que les autres sources (métal
primaire / importations) vont diminuer et se renchérir, sous
le double effet de la raréfaction de la ressource et des concurrences
sur le marché international des produits de récupération.
Encadré n° 30
Le
recyclage des pièces de monnaie
___
Les
pièces de monnaie ont un " cours légal " qui n'a plus
rien à voir avec la valeur du métal. C'est ce qu'on appelle la
fiduciarisation des monnaies.
Périodiquement, certaines pièces, comme certains billets, n'ont
plus de " cours légal ", elles sont
" démonétisées " et n'ont donc plus de valeur
d'échange. Elles sont retirées de la circulation et
échangées contre de nouvelles pièces (exemple :
retrait en 1988 des pièces en cuivre de 10 F gravées par
Mathieu au profit des nouvelles pièces bimétalliques
représentant le génie de la Bastille). Les anciennes
pièces sont récupérées par la Banque de France et
remises au Trésor qui charge l'une de ses directions (la Monnaie de
Paris) du recyclage des différents métaux (nickel, cuivre...).
Entre le 1
er
janvier et le 30 juin 2002, les francs seront
retirés de la circulation. On estime que 18 milliards de pièces
ont été émises et 11 milliards sont en circulation (
pertes, " exportation " par les touristes ...) En 1988, les 2/3 des
pièces avaient été remises et échangées. Sur
cette base, 7,5 milliards de pièces et les métaux correspondants
devraient être récupérées en 2002 ( nickel et cuivre
pour les pièces de 10 francs, nickel quasi pur pour les pièces
de 1 F et ½ franc, cuivre (92%), aluminium (6%) et nickel (2%) pour les
pièces en centimes).
12.000 tonnes de nickel devraient ainsi être
récupérées. Une bonne nouvelle pour l'industrie de la
récupération , ... et une moins bonne pour les producteurs de
nickel de Nouvelle Calédonie.
b) Une amélioration des taux de collecte
Des
marges de progression existent, en faisant émerger de nouveaux
partenaires. Les chutes neuves et les résidus industriels sont d'ores et
déjà totalement exploités. Ce premier gisement devrait
même se réduire avec la recherche de rendements croissants,
diminuant les résidus. Les améliorations ne peuvent donc
être attendues que sur l'autre gisement : les produits en fin de
vie, qu'ils soient industriels (câbles, bâtiments, automobiles) ou
ménagers.
Tout d'abord, une meilleure conception des produits qui intégrerait la
dimension " recyclage " faciliterait la récupération.
Ensuite, le gisement ménager -déchets ménagers et
encombrants apportés en déchetteries- ne peut être
négligé.
Selon les professionnels, la marge de
progression sur la
récupération, facilement accessible, est de + 5 % (sur
30.000 tonnes). La moitié de cette progression devrait provenir des
ordures ménagères par des collectes adaptées
:
tri sélectif, machines à courant de Foucault
117(
*
)
, voire déchetteries qui
peuvent constituer des sources d'appoint.
Les collectes sélectives et les efforts des collectivités locales
pour promouvoir de nouvelles formes de gestion des déchets s'inscrivent
dans ce courant.
c) La diversification des modes de valorisation
Toutes
les sources et tous les modes de valorisation n'ont pas été
exploités. En complément de la valorisation métallurgique
des résidus industriels et produits en fin de vie, deux pistes nouvelles
peuvent être évoquées :
La valorisation des résidus des procédés
métallurgiques.
Outre les chutes, les traitements de métaux
produisent un grand nombre de résidus peu ou mal exploités
aujourd'hui. Selon la profession, plusieurs résidus peuvent être
valorisés. L'" écume " de première fusion, les
" crasses " et " scories " de deuxième fusion
d'aluminium, la " motte " de cuivre ou de zinc provenant de
l'affinage du plomb, les " poussières de nickel " dans les
fours électriques produisant de l'acier inoxydable... La profession
évalue la ressource métal extraite des résidus
métallurgiques à 80.000 tonnes, soit près de 10 % du
métal recyclé.
La valorisation matière des résidus.
Dans cette
seconde voie, ce ne sont pas les propriétés
métallurgiques, mais les caractéristiques physiques des
résidus qui sont recherchées. L'une des recherches concerne les
" boues rouges " issues de la transformation de la bauxite. La
production d'aluminium primaire entraîne des volumes très
importants de résidus, de l'ordre de trois à quatre fois les
tonnages extraits, soit 300.000 tonnes par an, aujourd'hui stockés dans
des fosses sous-marines, près de Cassis. Les recherches consistent
à étudier les possibilités d'utilisation en remblais
routiers, en couches étanches pour les décharges... Les
résidus issus de la transformation d'autres minerais peuvent
également être utilisés en génie civil. On observera
que, pour cette seconde piste, la solution n'est pas purement industrielle et
écologique (étude des comportements à long terme), mais
aussi juridique (traçabilité) et culturelle (importance et
acceptation du message sur la valorisation en génie civil).
d) Les difficultés
La
valorisation des MNF se heurte à deux difficultés principales.
La première est d'ordre
économique
. Même si le
présent rapport est concentré sur les réalisations et
perspectives dans notre pays, le marché des MNF, de première ou
de deuxième fusion, est mondial. Or, le marché est
caractérisé par une surcapacité structurelle et une
très grande volatilité des prix. La plupart des grandes zones
industrielles anciennes ou nouvelles se sont dotées d'installations
d'affinage de métaux de récupération, et la
surcapacité, chronique, est mise en évidence à l'occasion
du moindre choc. Les entreprises sont fragiles. Cette fragilité est
renforcée par le caractère spéculatif d'une partie du
marché, rendant très difficile toute prévision, et
conduisant à des mouvements de prix brusques et erratiques.
Il n'est pas rare que les prix des minerais -et, par conséquent, des
métaux de récupération- passent du simple au double en
moins d'un an, puis redescendent de moitié l'année
d'après !... De surcroît, les courbes d'évaluation ne
sont pas toujours identiques selon les métaux, rendant les
prévisions
quasi
impossibles : tandis que les cours de
l'aluminium et du zinc explosaient (
quasi
doublement) entre la mi 1996
et la mi 1997, le cours du plomb diminuait...
Cette volatilité constitue une difficulté majeure à la
valorisation des MNF.
La compétitivité des filières existantes n'est donc
nullement définitivement acquise, et l'amélioration de la
collecte doit être une préoccupation constante partagée par
tous (sans pour autant instituer de taxe sur l'utilisation des minerais car,
malgré le développement des filières secondaires,
l'industrie continue d'exploiter la filière du raffinage du minerai. Une
éventuelle taxe -une de plus- compromettrait l'ensemble de la
profession.)
La seconde difficulté est d'ordre
juridique
et
culturel
. On remarquera qu'au cours de cette présentation, il n'a
jamais été fait référence aux
" déchets ". La matière récupérée,
même en fin de vie ou " abandonnée " par son
utilisateur, est une véritable matière première
secondaire, et doit être traitée comme telle.
Les produits récupérés ne sont pas des déchets,
fussent-ils qualifiés de spéciaux, et les installations
correspondantes ne sont pas des installations d'élimination de
déchets.
La qualification est très importante, car elle entraîne des
contraintes spécifiques, et conditionne l'" accueil " des
populations. On observera, par exemple, que certains résidus, comme
l'écume de première fusion d'aluminium, sont classés comme
déchets industriels spéciaux en Europe, mais figurent sur la
liste des déchets non dangereux de la convention de Bâle de
l'Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE), et ne sont même pas considérés
comme déchets aux États-Unis. Autre exemple, les scories de
métallurgie primaire du plomb et du zinc sont catalogués en DIS
et stockées en terrils, alors même qu'elles sont couramment
utilisées en technique routière et en génie civil dans
d'autres pays d'Europe (construction de digues par exemple).
La valorisation impose aussi un changement d'attitude. Le principe de
précaution ne doit pas conduire à bloquer toute initiative.