II. L'INCINÉRATION
A. SITUATION
1. Présentation générale
a) Données de base
" Incinération : action de réduire
en
cendres, de détruire par le feu "
. Appliquée aux
déchets, on appelle " installation d'incinération ",
selon les termes de la proposition de directive du Conseil sur
l'incinération des déchets,
" tout équipement ou
unité technique, fixe ou mobile, affecté au traitement thermique
de déchets, avec ou sans récupération de la chaleur
produite par la combustion.
(...)
La présente définition
couvre le site et l'ensemble constitué par les installations
d'incinération, de réception, de stockage et de traitement
préalable des déchets sur le site même ; ses
systèmes d'alimentation en déchets, en combustible et en
air ; la chaudière ; les installations de traitement ou de
stockage des résidus, des gaz de combustion et des eaux
usées ; la cheminée ; les appareils et dispositifs de
commande des opérations d'incinération et les systèmes
d'enregistrement et de surveillance des conditions
d'incinération. "
On appelle aussi " installation de co-incinération ", une
installation dont l'objectif essentiel est de produire de l'énergie ou
des produits matériels (ciment), et qui utilise les déchets comme
combustible habituel ou d'appoint.
L'incinération est un mode d'élimination des déchets
ménagers, en les brûlant à haute température. La
première unité a été implantée au Royaume
Uni en 1876. La valorisation énergétique est venue beaucoup plus
tard, et reste partielle. Elle n'est d'ailleurs qu'une conséquence
-utile- de l'incinération, mais pas son but.
C'est aujourd'hui, en France et en Europe, le deuxième mode de
traitement des déchets ménagers, après la mise en
décharge. L'abandon de la mise en décharge comme mode de
traitement ordinaire des déchets ménagers devrait renforcer le
poids de l'incinération, mais les implantations de nouvelles
unités se heurtent à des difficultés croissantes. En
effet, en dépit des améliorations techniques depuis vingt-cinq
ans, cette option est devenue controversée, notamment en raison des
risques sur la santé et l'environnement, liés notamment aux
émissions de dioxine
47(
*
)
.
Les risques sont aujourd'hui totalement maîtrisés -pour les
nouvelles installations et au vu des connaissances scientifiques du moment-,
mais l'image demeure suspecte. Mauvaise image, que les contrôles sur les
installations anciennes n'ont pas contribué à atténuer.
Encadré n° 12
L'incinération : syndromes et contradictions
___
L'image
de l'incinération est mauvaise. Plusieurs syndromes se
développent, entraînant parfois quelques contradictions.
Il y a d'abord le syndrome NIMBY, acronyme de
" not in my back
yard "
(pas dans mon arrière cour). Personne ne veut avoir un
incinérateur près de chez soi (derrière sa cour), par
crainte des émissions toxiques. Ces nuisances étant d'autant plus
mal acceptées que les incinérateurs sont de grandes
installations, particulièrement visibles (même si le panache blanc
est surtout de la vapeur d'eau), qui récupèrent les
déchets " des autres " (pour atteindre des seuils de
rentabilité acceptables, il faut traiter de grosses quantités,
qui viennent d'autres communes, parfois éloignées).
Ce premier syndrome est doublé du syndrome NIMEY
" Not in my
election year "
(pas dans l'année de ma
(ré)élection). Il est, en effet, extrêmement difficile pour
un élu local de s'engager dans un projet aussi controversé, en
particulier l'année qui précède une échéance
électorale.
Les mêmes syndromes s'appliquent aux autres installations ou modes de
traitement, notamment les décharges, mais dans le cas des
incinérateurs, ces oppositions et ces freins conduisent à
quelques paradoxes.
Tout d'abord, la difficulté d'ouvrir de nouvelles installations,
modernes et moins polluantes peut contribuer à conserver les anciennes,
certes plus polluantes, mais qui ont le mérite d'exister.
Ensuite, les fermetures d'usines hors normes peuvent aussi conduire - au moins
dans un premier temps- à augmenter la mise en décharge...
Dans ces débats, l'important est de mettre les citoyens consommateurs
devant leurs responsabilités. Le mode de vie choisi a des
conséquences sur les déchets. A plus de 500 kg de
déchets par habitant et par an en zone urbaine, lorsque les bornes
d'apport volontaire sont détruites, et que les efforts de collecte
sélective sont vains, il faut, malgré tout, trouver une solution
pour traiter les déchets.
Dans tous les cas, une communication complète, adaptée, permet
parfois de mieux accepter les nuisances. Même si cela ne suffit pas
toujours.
b) Les données techniques
L'incinérateur n'est pas seulement un four de
combustion, c'est une
installation industrielle complète
,
comprenant :
le stockage des déchets entrants,
l'alimentation du four,
le chauffage du four,
la combustion des déchets, avec apport d'oxygène,
la récupération de chaleur sous forme de vapeur et
d'électricité,
le traitement des résidus solides (les mâchefers),
le contrôle et l'élimination des pollutions (les REFIOM).
Les conditions d'exploitation sont étroitement
réglementées
48(
*
)
.
Les gaz résultant de l'incinération doivent être
portés à une température de 850° minimum pendant au
moins deux secondes. Les installations doivent donc être munies de
brûleurs auxiliaires au gaz ou au gazole qui servent soit au
démarrage du four, soit lorsque la température tombe en dessous
de 850°.
Les installations sont de tailles extrêmement variables qui peuvent aller
de 50 tonnes à plus de 1.000 tonnes par jour, soit entre 2 et 50
(voire 80) tonnes/heure. Dans le cas de ces très grands tonnages, les
installations sont divisées en ligne. Chaque ligne correspondant
à un four. Les évaluations les plus courantes sont données
en capacité (en tonnage), par heure ou par an. Une capacité
exprimée en tonnes/an est égale à la capacité en
tonnes/heure x 7500 heures/an (exemple : 6 tonnes/heure = 45.000
tonnes/an).
Les technologies habituelles sont celles du
four à grille
ou du
four tournant
. Dans le four à grille, les déchets
sont introduits dans le four et brûlés pendant une durée de
deux à trois heures à une température de 750°
à 1000°. On utilise une grille pour permettre le passage de l'air
à travers la couche en ignition. Les technologies diffèrent selon
la grille (grille fixe ou mobile), le mélange des déchets et de
l'air pour parvenir à une meilleure combustion (injection
latérale d'air...), et, par conséquent, la production
d'imbrûlés et de cendres.
On utilise les fours tournants, notamment pour les déchets industriels.
Les métaux détérioreraient la grille en fondant, et les
déchets sont donc introduits dans un four tournant avec une
aération longitudinale, ce qui permet d'optimiser les mélanges
(déchets/air), et des températures supérieures
(1.200°).
2. L'incinération, mode majeur de traitement des déchets
a) L'importance de l'incinération dans le traitement des ordures ménagères
40 % des ordures ménagères ont
été
incinérés en 1995, contre 48 % mises en décharges. Il
s'agit donc du second mode de traitement des ordures ménagères,
après la mise en décharge. Quelque soit l'évolution du
mode de traitement, l'incinération conservera une place majeure dans les
procédés de traitement. En raison de l'histoire (il faut partir
de ce qui existe, et le parc existe, même s'il doit être
restructuré), de son adaptation à traiter certains gisements
(gros gisements urbains), ou certains produits (petits déchets
ménagers souillés, résidus de bois, de peintures...), de
sa technique éprouvée de récupération de
l'énergie (qui peut encore être étendue à de
nouveaux sites), et surtout, parce que la mise en décharge cessera dans
moins de trois ans d'être un mode de gestion des déchets, alors
que dans le même temps, la masse des déchets à traiter
continuera à progresser. Ce phénomène est
général en Europe. Selon une étude britannique, 57 %
des opérateurs s'attendent à voir leurs capacités
augmenter dans les sept ans à venir (horizon 2005), 27 % pensent
qu'elles seront constantes, 18 % seulement qu'elles diminueront.
A l'inverse, l'augmentation des coûts, les risques de pollution, les
problèmes posés par les résidus, et surtout l'acceptation
sociale, peuvent freiner ce mouvement. Ces différents
éléments peuvent se résumer comme suit.
Encadré n° 13
Avantages et inconvénients de l'incinération
|
|
AVANTAGES |
INCONVÉNIENTS |
|
|
Réduction des volumes de 90 % |
Cendres, résidus polluants |
Rapidité de traitement |
Problème des seuils de rentabilité pour les petites unités |
Pas de prétraitement |
Production d'énergie électrique peu efficace dans la plupart des cas |
Adaptation aux gros gisements |
Investissements élevés |
Ne produit pas de méthane |
Coûts de fonctionnement en forte croissance |
Possibilité de récupérer et valoriser l'énergie (économie d'énergie possible) |
Empêche toute inflexion de la politique des déchets |
Possibilité de récupérer les métaux |
Oppositions sociales croissantes |
Garantie de long terme |
|
b) État du parc d'incinération
La France compte 303 unités traitant 11,4 millions de tonnes de déchets. 70 % sont à faible capacité (inférieure à 3 tonnes/heure, soit 22.500 tonnes/an). Le quart des incinérateurs traite plus des trois quarts des déchets traités en incinération. Près des trois quarts de l'ensemble du parc ne disposent pas de récupération d'énergie.
Le parc d'incinérateurs (1997) |
|||||
|
1 t/h |
entre 1 et 3 t/h |
entre 3 et 6 t/h |
6 t/h |
Total |
Avec récupération d'énergie |
4 |
13 |
20 |
42 |
79 |
Sans récupération d'énergie |
135 |
62 |
15 |
10 |
224 |
Total |
139 |
75 |
35 |
54 |
303 |
Source : ministère de l'Environnement |
La
France fait partie du peloton de tête des pays équipés en
incinérateurs, mais, contrairement aux idées reçues, n'est
pas
leader
. Elle est derrière la Suède (45 %), le
Danemark (56 %), la Suisse (60 %), et surtout le Japon, où
l'incinération (faute de place pour les décharges) est le mode
ultra dominant du traitement des déchets (75 % des déchets
sont incinérés, dans près de 800 unités).
On compte également 22 cimenteries (sur un total de 42) utilisant des
déchets comme combustible de substitution.
Encadré n° 14
La
co-incinération en cimenterie
___
On
parle de co-incinération lorsque les déchets sont
incinérés avec d'autres matériaux. C'est notamment le cas
des sidérurgistes et surtout des cimenteries qui sont de très
gros consommateurs d'énergie.
La production de ciment consiste à chauffer à haute
température (1.450°, ce qui exige une flamme à 2000°)
des matières broyées composées principalement de calcaire,
d'argile et de schistes pour obtenir un
clinker
. Le
clinker
est
ensuite mélangé avec du gypse pour faire du ciment.
Les cimenteries ont d'abord utilisé massivement le charbon comme source
d'énergie, puis se sont tournées vers des combustibles de
substitution susceptibles de dégager une énergie thermique
comparable.
Les déchets sont utilisés comme combustible de substitution
depuis une douzaine d'années, et leur importance ne fait que
croître. Les déchets utilisés sont surtout les huiles
usées, les pneus usagés et, dans une moindre mesure, les
résidus de bois, de boues de curage, de plastique... Les composés
organiques sont détruits par la combustion, et les métaux sont
fixés et intégrés au
clinker
.
La part des déchets dans le combustible de cimenterie ne cesse de
progresser : 1 % en 1985, 5 % en 1989, 10 % en 1992 et
près de 20 % en 1997 (+ 7 points en deux ans). 50 % des
déchets utilisés sont constitués d'huile et de pneus
usagés, non seulement à cause de leur très haut pouvoir
calorifique, mais aussi à cause de la régularité de la
matière et de l'approvisionnement, éléments importants
dans les choix industriels.
A noter que la répartition entre sources d'énergie est
extrêmement variable selon les années et même les mois. Il y
a en permanence un examen comparatif des coûts de chaque source
potentielle, charbon, gaz, coke de pétrole... et les choix se font en
conséquence.
Sur les quarante-deux cimenteries françaises, vingt-deux brûlent
des déchets.
3. Les nouvelles techniques d'incinération. l'incinération en four à " lit fluidisé "
a) Présentation
Le principe
Le principe de la technique dite du " lit fluidisé " est
d'effectuer la combustion des produits solides dans un lit de matériaux
inertes mis en suspension par une injection d'air chaud. Il s'agit, le plus
souvent, d'un mélange de sable auquel on ajoute une petite fraction de
déchets (5%) qui forment la base du " lit ". L'ensemble est
rendu fluide par injection d'air (vertical, horizontal, à la base ou en
parois du four...). La technique du lit fluidisé a été
mise au point pour brûler le charbon. Elle a été
adaptée depuis quelques années au traitement des déchets
ménagers.
Même si plusieurs techniques sont proposées, le principe est le
même. Le lit fluidisé peut être concentré à la
base du four (lit fluidisé dense), ou être réparti dans
l'ensemble de la chambre de combustion. Les déchets sont ajoutés
progressivement et versés dans la chambre à mi hauteur. Sous
l'effet de la turbulence et de la chaleur, les déchets se
séparent en deux fractions ; une, solide, qui se consume d'autant
mieux que le lit est fluide, et l'autre, gazeuse, dont une partie se consume
également grâce à l'apport d'air. Dans la plupart des cas,
les déchets doivent cependant être préalablement
triés (élimination des éléments lourds par
séparateurs aérauliques), déferraillés (par
séparateurs magnétiques), broyés (pour parvenir à
une certaine granulométrie, variable selon les techniques), avant
injection dans le four. Une fois la combustion opérée, les gaz et
les particules minérales sont évacuées en partie haute,
puis traitées (récupération des gaz de combustion en
chaudières et traitement des fumées).
Les techniques
Il existe trois techniques différentes.
Le four à " lit fluidisé dense ".
Dans
cette technique, les particules minérales et l'air sont injectés
à la base du four. Le mélange avec les déchets,
préalablement broyés avec une granulométrie de
150 mm, est concentré en partie inférieure. Les
déchets sont portés à 700°. La combustion est
très bonne. Il s'agit de la technologie la plus simple techniquement,
adaptée à des installations de petites capacités (2
à 10 tonnes/heure), et à une large gamme de déchets
(après broyage), avec une plage de PCI comprise entre 1500 kcal/kg
et 6000 kcal/kg.
Cette technologie est notamment développée par la
société TMC (four dit " L4F "). Elle a
été choisie par les SITCOM de Mantes-la-Jolie et Doulens.
Le four à " lit fluidisé rotatif ".
Le
principe est le même que dans le cas précédent, avec deux
modifications. D'une part, à la différence du
procédé classique où l'air suit un mouvement ascendant, le
lit fluidisé rotatif opère avec des injections d'air
latérales réparties sur la hauteur du four. L'écart de
densité du lit entre la zone centrale et les zones extérieures
crée des mouvement rotatifs. D'autre part, la géométrie du
four présente une sorte de goulot d'étranglement en son milieu
qui accélère la circulation du lit. Ces deux modifications
permettent d'avoir un meilleur brassage et, par conséquent, une
meilleure combustion. La température de combustion est d'ailleurs un peu
plus faible que dans le four classique de l'ordre de 650 à 700°.
Cette technique est spécialement adaptée aux déchets. Tous
les types de déchets peuvent être traités (ordures
ménagères, déchets industriels banals, boues,
pneumatiques...). Le déferraillage et le broyage sont moins exigeants
(la préparation est ramenée à une granulométrie de
300 mm). En revanche, les performances concernant les gaz polluants sont
moins bonnes, et l'économie sur le prétraitement des
déchets est compensée par une dépense plus importante sur
le traitement des gaz.
Cette technique est notamment développée par la
société ABT. Elle a été mise en oeuvre au Japon et
dans plusieurs pays d'Europe, et a été choisie par les SITCOM de
Gien et de Mulhouse.
Le four à " lit fluidisé circulant ".
Ce
troisième procédé, dit aussi " lit ascendant "
présente deux caractéristiques. D'une part, l'injection d'air
à la base du four se fait à une vitesse supérieure, de
façon à ce que les particules soient en suspension sur l'ensemble
de la hauteur du four. D'autre part, les particules de sable (auxquelles est
ajoutée une injection de calcaire -carbonate de calcium- afin de traiter
en même temps le SO
2
et le HCl) qui sont
évacuées avec les gaz de combustion en partie haute du four, sont
récupérées dans un cyclone, puis réinjectées
dans le foyer de combustion jusqu'à ce que tous les déchets
soient brûlés. Cette technologie nécessite un
déferraillage et un broyage fin (50 à 100 mm), ainsi qu'une
extraction du verre (pour limiter l'érosion) et une température
élevée (850°). Elle est adaptée aux installations
d'assez forte capacité (10 à 15 tonnes/heure). Le rendement est
cependant élevé avec une bonne production
d'électricité, et il y a peu de mâchefers (10 %) et
d'imbrûlés (3 %).
Cette technologie est notamment développée par la
société CNIM (procédé dit
"
Pyroflow
"). Les réalisations sont surtout à
l'étranger, notamment à Londres (trois usines pour une
capacité de 480.000 tonnes/an).
b) Appréciation
Les avantages
Par rapport à la technique traditionnelle des fours à grille, les
fours à lits fluidisés présentent un certain nombre
d'avantages.
Les
coûts
d'entretien et de maintenance sont
réduits
(il n'y a pas de démontage et d'entretien des
grilles, les températures sont plus faibles).
Les
gammes
de produits traités sont
plus larges
. La
combustion est définie par la règle des
" trois T " : température, turbulence, temps de
réponse. Le lit fluidisé a sur chacun un avantage. La turbulence
est au fondement même du procédé, la température et
le temps de réponse sont inférieurs.
Le lit fluidisé accepte aussi une
humidité plus
élevée
, ce qui est intéressant pour le traitement des
boues. Il est également intéressant pour les déchets
spéciaux, les déchets industriels banals et les déchets
hospitaliers. Il prend en charge des déchets dans une fourchette plus
large de PCI de 1500 à 3500 kcal/kg, contre un maximum de 2500 à
2800 kcal/kg pour un four à grille.
Le
rendement
énergétique est
meilleur
.
Grâce au mélange de sable et d'air pulsé, les
températures sont homogènes, la combustion est meilleure,
malgré des températures inférieures à celles
requises par l'incinération en four à grille (de l'ordre de 650
à 800° selon les techniques contre 1100 à 1200° en four
à grille), les taux d'imbrûlés sont réduits, la
récupération d'énergie est supérieure (de l'ordre
de 85 à 90 % au lieu de 70 % environ), la qualité des
gaz de combustion est améliorée (avec une diminution de
production d'oxydes d'azote de moitié -environ
200 mg/Nm
3
comparés aux 300 à 400
mg/Nm
3
observés en four à grille).
Les
sous-produits
sont différents, avec une diminution
sensible des mâchefers. Alors que 90 % des résidus d'une
incinération à grille sont constitués de mâchefers,
cette proportion tombe à 40 % dans le cas de fours à lit
fluidisé. Le mâchefer est, en outre, de meilleure qualité.
Tandis que le mâchefer issu du four à grille subit un traitement
de plusieurs semaines (tri et maturation), avant d'être
éventuellement valorisé en sous-couches de revêtement
routier, les mâchefers issus des lits fluidisés ne demandent pas
de maturation.
Interrogations et limites
On observera, tout d'abord, que le " retour d'expérience " est
encore limité, et que si les projets et les débuts de
réalisation sont nombreux, les unités en fonctionnement sont
encore rares. Seul le suivi de ces opérations permettra de tirer
les enseignements nécessaires sur la tenue industrielle de ces
équipements
.
Aujourd'hui, la seule certitude concerne le
coût d'investissements, supérieur de 10 à 20 %
à un four à grilles.
Le problème principal concerne les sous-produits obtenus. Dans une
incinération en four à grille, 90 % à 95 % des
résidus sont des mâchefers (soit 220 à 230 kg/tonne) et 5
à 10 % des REFIOM (20 à 30 kg/tonne). Dans une
incinération à lit fluidisé, le taux d'envol est
très supérieur, et la répartition entre mâchefers et
cendres volantes est de 40 / 60 %. Ainsi, les sous-produits
d'incinération en lit fluidisé ont des caractéristiques
très différentes de celles de l'incinération classique.
Pour encourager le développement des fours à lits
fluidisés pour l'incinération des déchets ménagers,
le ministère de l'Environnement avait établi à titre
provisoire des règles de classification dérogatoires facilitant
les utilisations des résidus d'incinération de déchets
ménagers en four à lit fluidisé
49(
*
)
. Ces règles distinguaient d'une
part les cendres sous foyer et les résidus de l'épuration des
gaz, considérés comme des mâchefers et des REFIOM
identiques à ceux de l'incinération sous grille et devant donc
être traitées et utilisées dans les mêmes conditions
(stabilisation avant enfouissement en centre de stockage ou valorisation), et
d'autre part les
résidus intermédiaires
pour
lesquels un régime particulier avait été adopté.
Ces résidus sont les cendres sous chaudière et les cendres de
pré-dépoussiérage, filtrés en sortie haute du four
(les cendres sont très importantes dans la technique du four à
lit circulant). Contrairement au régime normal des fours à
grille, il était convenu que ces résidus ne soient pas mis
automatiquement en décharge de classe I, mais puissent être
considérés comme des produits spécifiques qui
obéissent à des contrôles spécifiques : analyse
des teneurs en métaux lourds, test de lixiviation. Ce n'est qu'au vu des
résultats que ces résidus étaient dirigés sur
trois voies : classe I, classe II, ou valorisation.
Aussi, tandis que les cendres volantes produites par les fours à grille
ou les fours de thermolyse- devaient aller en classe I, la destination des
cendres volantes produites par les lits fluidisés était ouverte,.
Cette initiative, heureuse pour les lits fluidisés, pénalisait
les autres procédés et a été attaquée puis
annulée fin 1998. Les fumées et résidus de fours à
lits fluidisés obéissent désormais aux mêmes
règles que les autres. Il s'agit certainement d'un coup dur pour cette
technique, mais cette expérience pourrit être mise à profit
pour l'avenir. Si un régime dérogatoire n'est en effet pas
justifié et pas défendable, comme l'observe
M. Jean-Claude Oppeneau, conseiller à l'ADEME,
"
il
serait souhaitable d'éviter de qualifier de " déchets "
tout ce qui reste à l'issue d'un procédé de
traitement ; il faut chercher davantage à les classer en fonction
de leur toxicité, de leur potentiel de lixiviation et de l'utilisation
qu'on pourra en faire
"
.