RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES
I - Renforcer la recherche : 3 priorités
10 -
Renforcer l'expertise sur l'évolution " des risques
environnementaux liés à l'utilisation des OGM " dans la
recherche publique
.
-- Développer les travaux sur l'écologie et la
maîtrise des écosystèmes. Comment prédire et
évaluer les risques liés à l'introduction de
différentes plantes transgéniques.
-- Etude des flux de gènes vers des plantes adventices sauvages.
-- Limitation des transferts de gènes dans l'environnement.
-- Travaux sur l'allogamie, les mécanismes de dormance des
gènes, les techniques de transformation des génomes des organites
cytoplasmiques (mitochondries et chloroplastes) pour éviter le transfert
de transgènes par le pollen.
-- Etude sur les phénomènes d'acquisition ou de
contournement de résistances, mise au point de stratégies
permettant d'accroître ces résistances, notamment pour les
prédateurs des principaux végétaux transgéniques.
-- Lancement d'un programme de recherche sur les possibilités
d'insertion de gènes de résistance bi ou multidirectionnelle sur
les substances insecticides.
11 - Renforcer l'expertise sur l'évolution " des risques
sanitaires liés à l'utilisation des OGM "
- Etudes sur la prévision des effets allergènes non seulement des
aliments issus des plantes transgéniques, mais des aliments nouveaux.
Mise en place d'un réseau d'allergo-vigilance.
- Etudes sur l'utilisation des virus en transgénèse et sur
l'insertion des gènes viraux.
Lancer un programme permettant d'évaluer les conséquences de la
transgénèse :
-- sur l'activation de gènes dormeurs ;
-- sur l'activation de voies métaboliques nouvelles conduisant
à la formation de composés toxiques endogènes.
-- lancer des programmes sur la transmission des gènes d'une plante
à un micro-organisme, ou entre micro-organismes, des plantes aux animaux
ou à l'homme, traitant notamment des gènes de résistance
aux antibiotiques.
-- encourager les travaux sur le thème de la diversification des
marqueurs de sélection, développer les techniques
d'élimination des marqueurs, sur la maîtrise du site d'insertion
des transgènes.
12 - Renforcer la position française en génomique
végétale :
-- Lancer un grand programme national associant la recherche publique
(INRA, CIRAD, ORSTOM, CNRS, Universités) et entreprises (semenciers,
agrochimistes, industries agro-alimentaires, professions agricoles) sur la
génomique des plantes de grande culture (blé, colza, maïs,
riz ...) afin d'identifier les gènes de qualité qui seront la
clé des plantes transgéniques de deuxième
génération pour l'Europe et les pays du Sud. Faire un effort tout
particulier sur le séquençage du génome du blé.
-- créer à partir du centre de séquençage
d'Evry, un réseau national et européen de
séquençage, avec essaimage dès 1999 dans quatre sites
satellites en province, l'un d'entre eux étant particulièrement
spécialisé dans le développement des biotechnologies dans
les pays du Sud.
II - Coopération internationale
La
France et l'Union Européenne ont manifestement été
dépassées par la stratégie du " rouleau
compresseur " adopté par les Etats-Unis. Une guerre
économique n'est pas souhaitable ni en Europe, ni Outre-Atlantique. La
perception du risque n'est pas identique dans les différents pays du
monde. Je recommande donc, dans la ligne conductrice définie lors de
l'entretien entre Bill Clinton et Lionel Jospin en Juin 1998 :
13 - La création d'une instance scientifique consultative permanente
au sein du
Codex alimentarius
chargée de l'évaluation des
risques potentiels des plantes transgéniques et des nouveaux aliments en
général. Cette instance pérenniserait les trois
consultations F.A.O.-O.M.S., déjà organisées sur le sujet
depuis 1990, et favoriserait une entente préalable entre les membres de
l'O.M.C.
Un comité du
Codex Alimentarius
sur les plantes
transgéniques et les nouveaux aliments, dont cette instance serait le
support scientifique, comme cela se fait ans les autres comités du
Codex
, pourrait se tenir à Paris sur proposition de la France.
14 - La
réunion d'un forum politique entre Européens, Américains,
Asiatiques sur les enjeux du développement des biotechnologies,
l'évaluation des risques et les perceptions par les opinions publiques.
15 - L'harmonisation du droit des brevets et leurs procédures de
délivrance ente l'Europe et les Etats-Unis. Cela impliquerait la
réforme du système d'introduction des brevets en Europe, et
l'étude des possibilités de diminution de leur coût
d'établissement et d'entretien.
16 - Le lancement avec la banque mondiale et les centres de recherche
agronomiques internationaux d'un grand programme sur les coopérations
avec les pays du Sud en matière de biotechnologies;
17 - La création d'une banque mondiale de dépôt des
séquences modifiées, indiquant notamment la séquence des
amorces et permettant de détecter toute modification du génome
végétal
.
Cette création pourrait être effective dans le cadre de la
convention internationale sur la biodiversité. Assurer un suivi
précis des expérimentations menées en Europe et les mises
en culture en Amérique du Nord. Coopérer dans les programmes de
recherche sur la biovigilance avec les Etats-Unis, le Canada ou la
Chine.
III Réforme des procédures d'évaluation en France et débat public
Le panel de citoyens a clairement remis en cause la façon dont fonctionne la Commission du Génie Biomoléculaire, en particulier le fait que la société civile ne soit que peu associée aux travaux de cette Commission. Il a proposé deux collèges de la Commission du Génie Biomoléculaire. Je ne suis pas sûr que cette proposition ne conduise pas à des litiges permanents et à l'immobilisme. Je donnerai donc la préférence à :
18 - La
création d'une Commission citoyenne composée de
représentants de la société civile (association de
consommateurs, de protection de l'environnement, acteurs de la filière,
syndicats, représentants du Parlement ...,) placée
auprès du Premier Ministre, chargée de donner son avis à
la demande des ministres ou du Parlement et de recueillir l'avis des instances
suivantes : Commission du Génie Biomoléculaire, Commission
d'études de la toxicité des produits à usage agricole et
substances assimilées, agence de sécurité sanitaire des
aliments.
De plus, la Commission remet annuellement au Premier Ministre et à
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques un avis sur le autorisations d'importation, d'utilisation, de
mise en culture de micro-organismes, plantes ou animaux
transgéniques.
Cette commission a plus un rôle d'alerte que d'expertise au cas par cas
des dossiers.
19 - Des règles d'éthique claires dans le fonctionnement
devront être instituées. Chaque expert devra déclarer s'il
a ou non travaillé au préalable pour une entreprise demandant une
autorisation et s'il a été lié avec elle par contrat
.
20 - Les débats auront lieu dans la plus complète
transparence, ce qui signifie la publication des compte rendu de
réunions, incluant les avis minoritaires.
21 - Je préconise la parution avant un an d'un décret
créant cette nouvelle Commission citoyenne. En attendant, je souhaite
que la Commission du Génie Biomoléculaire soit renouvelée
dans son actuelle composition pour examiner les dossiers en suspens, en
respectant les principes de précaution énoncés
ci-dessus
.
22 - Je souhaite enfin que le débat public soit
démultiplié et que les collectivités territoriales
puissent organiser des conférences régionales sur les enjeux et
les conséquences du développement des
biotechnologies.
IV - Organisation de la biovigilance
Le
Comité de biovigilance a, le 17 mai 1998, validé les protocoles
de biovigilance prévus dans l'arrêté de février 1998.
Je recommande tout particulièrement :
23 - le repérage des parcelles ensemencées avec du
maïs
Bt
en 1998 et la mesure des effets sur les cultures
voisines.
24 - un soutien aux protocoles de recherche sur le suivi des populations
de pyrales et l'acquisition de résistance, des effets du maïs sur
les autres insectes, les modifications des populations microbiennes du sol
liées à la culture du maïs
Bt
, l'étude de la
dissémination du gène de résistance aux antibiotiques dans
la flore digestive.
25 - Les prérogatives de la future Commission du génie
biomoléculaire, de la Commission citoyenne et de la Commission de
biovigilance, devront être précises pour qu'il n'y ait pas de
recouvrement de compétences et que la Commission de biovigilance ne
reprenne pas les débats sur les autorisations d'importation ou de mise
en culture.
26 - Le dispositif actuel de biovigilance doit être conforté
en urgence par un texte de nature législative qui permette au
Gouvernement de suivre les autorisations de mise sur le marché et de ne
pas fonder uniquement le dispositif sur le volontariat des
sociétés.
27 - Le contrôle et le suivi des animaux ayant été
alimentés par des plantes transgéniques ou des produits issus de
celles-ci.
V - La révision des directives communautaires
L'objectif
est de simplifier la procédure actuellement trop longue, tout en
renforçant les exigences de l'évaluation avant toute
dissémination. C'est dans cet esprit que je préconise, en France,
l'avis d'une Commission citoyenne.
28 - Je recommande la décentralisation et la simplification des
autorisations pour les recherches en milieu confiné (directive 90-219).
29 - Je recommande la modification de la directive 90-220, afin
d'éviter qu'un seul pays puisse bloquer les autorisations dans toute
l'Union européenne.
Après une expertise nationale approfondie, suivant un cahier des charges
renforcé défini au niveau communautaire (présence de
gènes de résistance à des antibiotiques, flux de
gènes vers l'environnement, tests
d'allergénicité, ...), je préconise la saisine
systématique des comités scientifiques communautaires.
La décision d'autorisation de mise sur le marché devrait
être transmise à tous les pays pour la transcription et non au
seul pays instructeur, afin d'éviter le blocage du seul pays instructeur.
A terme, il faudrait évoluer vers une instruction initiale
européenne et une transmission ultérieure vers les pays membres.
30 - Dans ce cas, les Etats membres de l'Union garderaient la
possibilité d'utiliser une clause de sauvegarde pour limiter dans leur
pays l'utilisation d'O.G.M., sur la base d'éléments scientifiques
qui devraient être validés par le comité national du pays
ainsi que par un comité scientifique communautaire. En cas de litige et
de divergences entre le comité national et le comité
communautaire, un système d'appel devrait être prévu.
31 - Enfin, des délais butoirs (quatre mois) devront être
fixés à la commission en cas d'objection, au terme desquels une
décision devrait être prise.
VI - Information du consommateur
N'ayant
jamais été demandeur d'O.G.M., la réglementation sur les
aliments nouveaux étant inappliquée car inapplicable, le
consommateur a exprimé la ferme volonté de pouvoir choisir un
aliment contenant ou non des éléments transgéniques. Je
recommande donc :
32 - L'étiquetage obligatoire des aliments issus des plantes
modifiées génétiquement indiquant, comme le recommande la
décision communautaire de mai 1998, "contient des O.G.M." ou "ne
contient pas des O.G.M.", avec une bonne lisibilité de l'information qui
pourrait être imprimée en lettres noires de 1 cm de haut sur
fond jaune.
33 - L'organisation de la traçabilité des grains de
l'agriculteur au produit transformé sur l'étalage du
distributeur, notamment par la fourniture de l'origine des produits. C'est la
seule solution permettant aujourd'hui un étiquetage réellement
informatif sans méthodes d'analyses quantitatives validées.
34 - La définition d'un seuil d'exemption de déclaration
d'un produit O.G.M. Il ne faut pas confondre le problème de seuil avec
le problème de sécurité alimentaire. S'il y a le moindre
doute sur un aliment, il faut l'interdire. Le problème de seuil permet
d'accepter à la marge les mélanges de filières
séparées, ou même les pollinisations croisées. Le
seuil est le seul moyen d'éviter des contentieux et des procès en
cascade.
35 - Pour les grains ou les produits dérivés
certifiés sans O.G.M., le seuil de contamination ne devrait pas
être supérieur à 1 % car les filières sont
séparées, la seule contamination venant de la pollinisation
croisée. Pour les grains ou les produits dérivés qui ne
seront pas étiquetés "O.G.M.", mais pas garantis sans O.G.M., le
seuil ne devrait pas être supérieur à 2 %.
Mais il faut savoir qu'aujourd'hui, aucun test de détection
immunologique appliqué aux protéines issus d'O.G.M. n'est
actuellement
commercialisé dans le
monde et que la
recherche
de fragments d'éléments transgéniques se
fait par
des méthodes qualitatives (PCR) sur des amorces
utilisées dans les constructions
et
qu'une controverse
oppose actuellement les premiers laboratoires disposant de méthodes
quantitatives (PCR) sur l'expression du pourcentage obtenu. Les recommandations
de ce rapport sur les seuils devront être corrigées en fonction de
l'évolution des performances des techniques d'analyse scientifiquement
validées, notamment pour les produits dérivés issus des
O.G.M.
36 - Il y aujourd'hui par contre incertitude sur les produits extraits
de plantes transgéniques comme l'huile ou le saccharose et qui
devraient, après validation des performances des techniques d'analyse,
pouvoir être inscrits sur une liste négative.
Je développerai plus longuement dans la deuxième partie du
rapport le bilan des actuels protocoles de biovigilance, la nécessaire
harmonisation au niveau international des biotechnologies, les enjeux en
matière de recherche et de développement des sciences du vivant
et de la génomique et enfin la position que doit adopter le Parlement
sur les plantes transgéniques.
Faut-il légiférer sur les biotechnologies ? Oui
déjà sur la biovigilance, mais peut-être aussi sur la
responsabilité de l'obtenteur et sur la traçabilité.
J'ai rédigé ces recommandations en " mon âme et
conscience " avec, comme objectif, la nécessité d'informer
le consommateur sur les conséquences du développement des
organismes génétiquement modifiés, notamment dans le
domaine de la sécurité alimentaire, mais également la
nécessité de faire comprendre au citoyen le formidable enjeu des
sciences du vivant pour le XXIème siècle. On est aujourd'hui
à un nouveau tournant de l'histoire des sciences et techniques, que
notre Gouvernement doit négocier en assurant la sécurité
de ses concitoyens, en les préparant à affronter l'avenir.