B. PERSPECTIVES JURIDIQUES
Votre rapporteur a constaté, au cours de ses auditions,
que sa démarche suscitait souvent de l'intérêt, parfois
amusé :
" Que viennent faire les politiques dans ce
domaine ?"
,
mais aussi parfois quelques craintes :
" Pourvu qu'ils ne réglementent rien ! "
.
Malgré cette appréhension et le caractère largement
illusoire de toute tentation réglementaire, il convient de relever que
certaines professions ont, d'elles-mêmes, cherché à fixer
des règles d'usage et qu'il y a donc, dans ce domaine, tout à la
fois un évident et légitime désir de liberté et,
parfois, un appel à un certain ordre...
Il convient de distinguer deux approches : le droit positif, la
déontologie. Chacune a présenté ses avantages et ses
limites. A quelques exceptions près, le droit existant règle
finalement la plupart des questions soulevées (effet des manipulations
d'images sur le respect de la vie privée et les libertés
publiques...). C'est en particulier le cas lorsque la déontologie
s'appuie sur un cadre réglementaire, c'est-à-dire lorsque
convergent l'action professionnelle et l'action publique.
1. Le droit positif
La tentation réglementaire doit être évitée dans un domaine où les évolutions techniques sont extrêmement rapides, les potentialités économiques, nombreuses, ne doivent pas être entravées, et les moyens de s'assurer du respect de règles éventuelles sont, en tout état de cause, insuffisants.
a) Les échecs de la tentation réglementaire
La réglementation des jeux vidéo fait partie de
ces tentatives discutables. Au début des années 1990, la vague
déferlante des jeux vidéo a commencé à susciter
quelques appréhensions. Les jeux furent alors accusés de
véhiculer des images violentes, de compromettre l'équilibre
psychique des plus jeunes, voire de provoquer des maladies graves (risques
d'épilepsie). Des arrêtés, puis un décret
116(
*
)
relatifs aux mises en garde
concernant les jeux vidéo furent adoptés, imposant notamment de
faire figurer un avertissement sur l'emballage, et d'insérer des notices
dans les boites de jeux portant sur les précautions d'emploi. Le texte
des notices était annexé au décret. Le premier concernait
" les précautions à prendre pour l'utilisation d'un jeu
vidéo "
et était assorti de conseils
généraux tels que
" Évitez de jouer si vous
êtes fatigué ou si vous manquez de sommeil ; Assurez-vous de jouer
dans une pièce éclairée ; Jouez à bonne distance de
l'écran de télévision aussi loin que le permet le cordon
de raccordement ; Faites des pauses de 10 à 15 mn toutes les
heures... "
. La seconde concernait les risques d'épilepsie.
" Certaines personnes sont susceptibles de faire des crises
d'épilepsie.
(...)
Les personnes s'exposent à des crises
(...)
lorsqu'elles jouent à certains jeux
vidéo... "
En réalité, ce texte mêle des recommandations
générales teintées de maternage et des
considérations médicales sans fondement réel. De
surcroît, il est plus que probable que seule une infime minorité
des joueurs s'attache à lire et respecter ces notices. Les conseils sur
la luminosité, la distance par rapport à l'écran,
pourraient tout aussi bien être formulés pour les achats de
téléviseurs. Si la durée de jeu est bien un
problème réel, ce n'est sans doute pas par un "conseil" sur les
pauses qu'il sera réglé. Seule une solution technique -au stade
de la fabrication- en imposant techniquement des arrêts de jeu à
chaque passage de niveau
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*
)
,
pourrait, le cas échéant, être efficace. Mais, là
encore, cette solution paraît très peu probable compte tenu de la
compétition entre éditeurs et des possibilités de jeu sur
réseau
118(
*
)
.
Quant aux risques d'épilepsie, il semble qu'il y ait eu une confusion
entre les facteurs de risques et les révélateurs du fond
épileptique lui-même, liés à la
photosensibilité. Les personnes photosensibles réagissent
à la fréquence de diffusion des lumières, de style
stroboscopique (succession de flashs). Un accident survenu chez un jeune joueur
aurait pu arriver à beaucoup d'autres occasions, devant la
télévision (lors de certains vidéo-clips où des
images se succèdent très vite) ou plus tard, en boite de nuit
(avec les flashs à répétition) ou même au volant
d'une voiture roulant le soir sur une route bordée de peupliers...
La réglementation paraît dans ce domaine, largement
inopérante. Cette expérience devrait servir de leçon
à l'avenir.