III. UN BUDGET ANNEXE DÉPASSÉ PAR LES ÉVÉNEMENTS
A. UNE BAISSE DU TRAFIC ET DES ÉVÉNEMENTS DÉSASTREUX POUR LES COMPAGNIES AÉRIENNES
1. Un trafic en diminution au premier semestre
Les premiers résultats de l'année 2001 montraient un ralentissement de l'activité dans le secteur du transport aérien, reflétant la tendance de ralentissement de l'activité économique au niveau mondial : au cours du premier trimestre 2001, les compagnies européennes enregistraient, pour le trafic international, une croissance d'à peine 0,9 % pour le trafic de passagers et de 0,5 % pour le trafic de fret. Sur l'ensemble des routes régulières internationales, le coefficient de remplissage s'établissait à 71,2 %, en diminution de 0,6 % par rapport à l'année 2000. De même, les compagnies américaines enregistraient, sur les sept premiers mois de l'année 2001, une légère augmentation du trafic de passagers (+ 0,4 %) sur l'ensemble de leur trafic et une baisse de 0,5 % sur les liaisons intérieures.
2. Les conséquences directes des attentats du 11 septembre sur le secteur du transport aérien
Les
attentats du 11 septembre 2001 ont des conséquences considérables
sur l'économie du transport aérien, tant dans le court terme que
sur le long terme.
Les compagnies aériennes ont subi une perte importante
consécutivement à la fermeture totale du ciel américain
pendant quatre jours. Elles subissent également la diminution du trafic
aérien depuis cette date. De nombreuses compagnies ont réduit
leurs capacités tout en maintenant leurs tarifs, afin de couvrir leurs
coûts fixes de l'exploitation, en recourant par ailleurs au chômage
partiel lorsque cela s'avère nécessaire. Cependant, de nombreuses
compagnies, les plus fragiles financièrement, n'ont pas
résisté au choc, aux Etats-Unis comme en Europe (Swissair et
Sabena étant les premières compagnies touchées en Europe).
Les pouvoirs publics sont contraints de s'adapter à cette nouvelle
situation, en aidant les compagnies aériennes d'une part, et en
renforçant les mesures de sûreté dans les aéroports
et dans les appareils, d'autre part.
B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DES MESURES DE SÛRETÉ
1. Les mesures décidées en France
Dès le soir du 11 septembre 2001, le gouvernement a
décidé la mise en place du plan «
Vigipirate
renforcé
» sur l'ensemble du territoire français.
Dans le cadre de ce plan, le groupe interministériel des vols sensibles
(GIVS) a décidé de mettre immédiatement en oeuvre des
mesures visant à renforcer la sûreté dans les
aéroports. Il s'agit notamment :
- lors de l'inspection-filtrage des passagers, ceux-ci pourront
désormais être soumis à une palpation de la part des
officiers de police judiciaire et leurs bagages à main pourront
être ouverts ;
- s'agissant des bagages de soute, toutes les machines de contrôle
existantes seront mobilisées afin d'assurer un contrôle à
100 % des vols sensibles, et un contrôle maximal sur tous les autres
vols.
Par ailleurs, le programme visant à assurer un contrôle à
hauteur de 100 % des bagages de soute, prévu pour être
achevé au cours de l'année 2003, sera
accéléré afin d'être opérationnel dès
l'année 2002.
D'autres mesures sont en cours de mise en oeuvre, afin d'améliorer
notamment le contrôle d'accès des personnels aux zones
réservées au sein des aéroports.
Il convient de
remarquer à ce sujet que près de 50.000 personnes disposent
d'un badge d'accès aux zones réservées d'Aéroports
de Paris, et qu'environ 40.000 badges appartenant à des personnels
anciennement employés sur l'aéroport sont toujours en
circulation, et pourraient permettre à des personnes non
autorisées d'accéder à ces zones
réservées
. Désormais, les portes d'accès aux
zones réservées seront limitées et systématiquement
contrôlées. A terme, les badges devraient faire l'objet d'une
réforme afin de mieux assurer le contrôle des personnels, et de
retirer de la circulation tous les badges
« périmés ».
2. Un développement indispensable de la coopération internationale
L'organisation internationale chargée du contrôle
aérien, l'OACI, fixe le cadre international des mesures de
sûreté. Malheureusement, ces mesures ne sont pas mises en oeuvre
de manière uniforme dans tous les pays. Ainsi, le renforcement des
mesures de sûreté en France ne permet pas de prévenir
absolument les risques d'attentats pouvant survenir sur notre territoire,
puisque des avions en provenance d'autres pays - et notamment, de pays en voie
de développement - ne bénéficient pas des mêmes
mesures de sécurité.
L'OACI va prochainement rendre obligatoire le contrôle de tous les
bagages de soute, et va imposer les mêmes mesures de
sécurité aux vols intérieurs qu'aux vols internationaux.
Ces mesures sont les bienvenues.
Cependant, votre rapporteur craint que, en
l'absence de contrôles réguliers et précis de leur
application au niveau national, elles n'aient pas l'impact nécessaire
sur la sûreté du transport aérien au niveau mondial.
Enfin, la pleine efficacité des mesures de sûreté exige un
changement des mentalités dans le secteur du transport
aérien : ce secteur, marqué par un important mouvement de
libéralisation et un développement des pratiques commerciales
visant à accroître la rapidité des déplacements,
devra faire une place croissante à la sûreté, qui va
parfois à l'encontre des objectifs poursuivis par les compagnies
aériennes.
C. LES MESURES FINANCIÈRES D'ACCOMPAGNEMENT DES COMPAGNIES AÉRIENNES ET DESTINÉES A FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE LA SÛRETÉ
1. La compensation du préjudice subi par les compagnies aériennes
Les
compagnies aériennes ont subi un préjudice important, au titre de
la fermeture du ciel américain, d'une part, et du refus des assureurs de
poursuivre la prise en charge du risque d'attentat, d'autre part.
Afin de compenser ces préjudices, le conseil des ministres des
transports de l'Union européenne a décidé de permettre aux
Etats-membres d'accorder des aides aux compagnies aériennes :
- afin de compenser les pertes subies du fait de la fermeture du ciel
américain pendant quatre jours ;
- afin de prendre en charge les surcoûts liés à la prise en
charge des mesures de sûreté par les compagnies aériennes
(renforcement du contrôle des passagers et des bagages à
l'enregistrement, présence de personnel de sécurité sur
les vols dits sensibles) ;
- afin de permettre la prise en charge le risque attentat jusqu'au
31 décembre 2001, risque que les compagnies d'assurance ont
indiqué ne plus prendre en charge suite aux attentats du 11 septembre.
En France, les compagnies aériennes françaises (et en premier
lieu, Air France) bénéficieront d'une compensation totale de
360 millions de francs au titre de la fermeture du ciel américain,
et de 300 millions de francs en année pleine au titre du
renforcement de leurs mesures de sûreté. La couverture du risque
attentat est prise en charge par la caisse de réassurance jusqu'au 31
décembre. A compter de l'année 2002, soit le marché
permettra à nouveau d'assurer ce risque, soit un système de
mutualisation pourrait être mis en place au niveau de l'Union
européenne.
Votre rapporteur remarque que
l'Union européenne a
décidé de limiter considérablement les aides
versées par les Etats membres aux compagnies aériennes, attachant
une grande importance aux risques de distorsions de concurrence et à la
nécessité de restructurer l'industrie du transport
aérien
. Les aides seront donc considérablement plus faibles
que celles versées par les Etats-Unis aux compagnies américaines,
qui s'élèvent au total à près de 18 milliards de
dollars (5 milliards de dollars au titre du préjudice subi pour la
fermeture du ciel américain, 3 milliards de dollars pour la prise en
charge des mesures de sûreté supplémentaires et 10
milliards de dollars de prêts pour permettre aux compagnies de passer la
période difficile). Les aides qui seront versées par les Etats
membres de l'Union européenne devraient représenter à
peine 10 % de cette somme.
2. L'impact sur le budget annexe de l'aviation civile
a) Pour l'année 2002
Le
financement des mesures de sûreté et la diminution des
prévisions de trafic pour 2002 conduisent à
déséquilibrer totalement le projet de budget annexe de l'aviation
civile, tel qu'il figure dans le projet de loi de finances initiale. Plusieurs
modifications seront introduites au cours de la discussion du budget au
Parlement :
- afin de financer les mesures de sûreté, un relèvement des
plafonds de la taxe d'aéroport, ainsi qu'un relèvement des taux
de la taxe d'aviation civile et une modification de la répartition de
son produit seront proposés ;
- afin de compenser la perte de recettes liée aux prévisions de
trafic inférieures à celles figurant dans le projet de loi de
finances initiale et la diminution de la quotité de la taxe d'aviation
civile affectée au BAAC, le plafond d'emprunt sera augmenté de
12,2 millions d'euros (80 millions de francs).
Les mesures de sûreté destinées à être
pérennes seront financées, pour l'essentiel, par la taxe
d'aéroport et par le FIATA, alimenté par la taxe d'aviation
civile.
b) A compter de l'année 2003
Le
gouvernement considère que la crise que subit actuellement le transport
aérien n'est que conjoncturelle, et que le trafic devrait reprendre
dès l'année 2003 sur la base d'une croissance comparable à
celle des dernières années, soit proche de 5 à 6 %.
Dans cette hypothèse, le gouvernement n'envisage pas de remettre en
cause les recrutements prévus par le protocole d'accord de la DGAC du 7
décembre 2000 : compte tenu notamment des délais de
formation des personnels, les besoins en matière de contrôleurs
aériens notamment, doivent être anticipés plusieurs
années à l'avance.
Votre rapporteur souligne cependant que si le trafic aérien devait
retrouver une pente de croissance sensiblement inférieure à celle
constatée au cours des dernières années, des ajustements
seraient indispensables afin d'assurer l'équilibre du budget
annexe : en effet, les recettes du budget seraient affectées par
le ralentissement du trafic aérien, tandis que les coûts fixes,
notamment en matière de personnel, seraient en augmentation. Dans une
telle hypothèse, les recrutements prévus par le protocole
d'accord seraient vraisemblablement nettement supérieurs aux besoins
réels.