N°
422
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 juin 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ,
Par M.
Jean-Paul HUGOT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
Première lecture
:
1187
,
1541
,
1578
,
1586
et T.A.
325
Deuxième lecture :
2119
,
2238
et T.A.
473
Commission mixte paritaire :
2457
Nouvelle lecture :
2456
,
2471
et T.A.
539
Sénat
: Première lecture
:
392
(1998-1999),
154
,
161
et T.A.
63
(1999-2000)
Deuxième lecture :
286
,
340
et T.A.
129
(1999-2000)
Commission mixte paritaire :
382
(1999-2000)
Nouvelle lecture :
418
(1999-2000)
Audiovisuel et communication. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La commission mixte paritaire réunie le mardi 6 juin sur le projet de
loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 n'a pas permis d'aboutir à la
rédaction d'un texte commun.
L'Assemblée nationale a, en troisième lecture,
opéré un retour massif au texte qu'elle avait
élaboré en deuxième lecture.
Il est vrai que certains sujets étaient l'objet de divergences
difficilement surmontables.
C'est dans une certaine mesure le cas de la
réglementation des
diffuseurs privés
, dans laquelle le Sénat a tenté
d'introduire souplesse et réalisme, en prévoyant les effets
pervers de certaines dispositions souvent peu utiles.
On pense au système de reconduction automatique des autorisations
d'utiliser les fréquences : nul n'imagine que les autorisations de TF1,
de Canal Plus ou de M6 ne soient pas reconduites sans motif grave, ce que
permet le texte actuel de la loi de 1986, auquel le Sénat a
souhaité s'en tenir sur ce point, tout en adoptant dès la
première lecture les dispositions relatives à la transparence du
processus de reconduction. Le climat d'incertitude créé par les
modifications de l'Assemblée nationale ne présentera que
l'inconvénient de fragiliser l'actionnariat des opérateurs
français à l'approche de chaque renouvellement.
Cet exemple a le mérite de démontrer l'ouverture du Sénat
aux propositions raisonnables présentées au cours de la
discussion. Il est d'autres exemples de ce type. Ainsi le Sénat a-t-il
renoncé en deuxième lecture à son choix initial de ne pas
limiter la marge de manoeuvre dont le CSA dispose actuellement pour
délivrer les autorisations d'utiliser les fréquences hertziennes
terrestres aux services de radiodiffusion sonore, estimant justifié de
fixer un ordre de priorité entre les différentes
catégories d'opérateurs en dépit des approximations
rédactionnelles auxquels conduit immanquablement cette louable intention.
Il semble que l'Assemblée nationale n'ait pas été
disposée au même effort de dialogue, en supprimant sans
discernement certaines propositions manifestement utiles et non conflictuelles
du Sénat, telle celle qui prévoyait, à l'article 15 B, un
dialogue public entre le CSA et les présidents de chaînes sur le
traitement de l'information et la mise en oeuvre du pluralisme dans les
programmes.
En ce qui concerne le régime juridique du
numérique de
terre
, introduit dans le projet de loi à son initiative, le
Sénat a constaté le caractère insatisfaisant du
système adopté par l'Assemblée nationale et a repris en
deuxième lecture le dispositif qu'il avait adopté en
première. Votre commission s'est à cette occasion attachée
à exposer la logique de déploiement du numérique de terre
et à démontrer les insuffisances, les failles et donc les dangers
du dispositif proposé par le Gouvernement.
Sur ce point, aucun rapprochement n'est possible. Il faut en rappeler les
raisons.
Le Sénat s'est appliqué à observer le développement
accéléré de l'ensemble des moyens de diffusion, à
identifier les conditions de l'émergence d'un nouveau marché. Il
a observé les intérêts et les stratégies des
opérateurs privés, les perspectives et les moyens du secteur
public, les implications des données techniques. Ses conclusions ont
été prudentes : le lancement du numérique de terre est un
projet dont la viabilité économique est incertaine.
Il a cependant considéré que l'intérêt public
justifiait amplement le lancement de l'opération.
Il a donc repéré quelques conditions du succès. Il a en
particulier constaté le rôle essentiel de l'ensemblier,
distributeur des multiplexes numériques. Il a constaté que peu
d'opérateurs avaient l'expérience et la dimension
nécessaire pour assurer cette fonction, et a cherché à
concilier en fonction de cette donnée incontournable l'efficacité
économique et l'efficacité sociale.
Il a en fin de compte prévu d'accorder aux opérateurs
traditionnels un accès préférentiel aux fréquences,
dans le cadre d'un régime juridique garantissant la présence dans
les multiplexes de services indépendants de l'opérateur du
multiplexe.
L'Assemblée nationale tend à un résultat guère
différent, dans le cadre de son système d'attribution des
autorisations service par service, en décidant d'attribuer
jusqu'à cinq canaux aux opérateurs traditionnels, en
négligeant seulement le fait que c'est l'exercice de la fonction de
distributeur qui justifie la présence forte des opérateurs
traditionnels, et en confiant malencontreusement cette fonction au CSA.
Ceci aboutit à la construction d'un système contraire à la
rationalité économique, dont le succès dépendra de
l'acceptation de fâcheux paradoxes : alors que ce système a
été expliqué par la nécessité de garantir la
diversité du futur paysage audiovisuel, le lancement du numérique
de terre, suspendu à l'engagement massif d'opérateurs
traditionnels dubitatifs, n'aura sans doute lieu que dans la mesure où
ces opérateurs seront apaisés par la garantie (tacite) de
recevoir in fine un nombre de canaux numériques supérieur
à celui qui leur aurait été accordé dans le cadre
du régime anti-concentration proposé par le Sénat !
Certaines faiblesses du mécanisme anti-concentration proposé par
l'Assemblée nationale paraissent prémonitoires à cet
égard, comme on le verra à l'examen de l'article 27 bis F.
Un autre moyen, tout aussi fâcheux, de contourner le paradoxe sera
peut-être de subventionner massivement le lancement du numérique
de terre.
On comprendra dès lors le caractère insurmontable des
différences de point de vue entre les deux assemblées.
En ce qui concerne le
secteur public
, il existe en revanche entre elles
un accord fondamental sur la nécessité de le renforcer et de lui
donner les moyens de remplir convenablement sa mission de service public.
Elles diffèrent cependant sur certaines modalités, qui ne sont
pas nécessairement secondaires.
Il s'agit du mode de nomination des présidents, question plus symbolique
qu'urgente mais sur laquelle le Sénat a voulu marquer son souhait
d'introduire plus de cohérence et de transparence dans les pratiques
actuelles. Le rapport de l'Assemblée nationale pour la troisième
lecture oppose un très contestable argument
d'inconstitutionnalité à cette initiative. Peut-être
aurait-il été utile de ce point de vue que ce rapport envisage
les problèmes de constitutionnalité plus évidents que
posent certaines dispositions figurant dans le texte transmis au Sénat
pour la troisième lecture. On pense en particulier aux sanctions
automatiques créées par les articles 28 et 28 bis.
Il s'agit ensuite de la définition des missions, pour laquelle le
Sénat a voulu définir de façon claire la vocation
généraliste tous publics des organismes publics, afin de poser
une affirmation politique forte face aux tentatives éventuelles de
déstabilisation au niveau européen.
Il s'agit en outre de l'exclusivité de la retransmission des
chaînes publiques : le Sénat a confirmé son souhait de
conserver aux chaînes publiques sur ce point à la fois leur marge
de manoeuvre commerciale et le plein exercice du droit voisin du droit d'auteur
que leur reconnaît l'article L. 216-1 du code de la
propriété intellectuelle.
Il s'agit enfin du contrôle par le Parlement du niveau attendu des
recettes publicitaires. L'inscription d'un plafond horaire dans le projet de
loi montre que cette question revêt le caractère d'un choix
politique sur les modalités de mise en oeuvre des missions des
organismes. Il convient donc qu'il y ait un vote annuel du Parlement, que
l'Assemblée nationale a supprimé.
En ce qui concerne la
transposition des directives
, le Sénat a
souhaité rédiger sur la protection des mineurs un texte qui ne
risque pas la censure de la cour de justice de Luxembourg, qui aura le dernier
mot sur ce point, alors que le texte de l'Assemblée nationale
s'écarte sensiblement des exigences de la directive.
En ce qui concerne enfin les dispositions diverses ajoutées au projet de
loi au fil des lectures, le Sénat a tenté d'améliorer sur
le plan technique le régime de
responsabilité des prestataires
techniques d'internet
, et est allé assez loin dans la convergence
avec l'Assemblée nationale. Il a fait le même effort en ce qui
concerne le
contrôle des sociétés de perception de
droits
. Il reste à mentionner la question presque consensuelle de la
"
boucle locale
", que le Gouvernement et l'Assemblée nationale
n'ont pas accepté de traiter dans le projet de loi au motif,
partiellement inexact, que cette question n'entrait pas dans le cadre de la loi
du 30 septembre 1986.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, votre commission vous
propose de revenir en nouvelle lecture au texte adopté par le
Sénat lors de la précédente lecture, sous réserve
de quelques modifications rédactionnelles ou destinées à
assurer une meilleure cohérence de l'ensemble des dispositions de ce
texte.