III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : DE NOUVELLES AVANCÉES AU SERVICE D'UNE MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE
La
présente réforme doit permettre d'apporter des
améliorations significatives à la procédure pénale.
Votre commission, qui a regretté en première lecture que
l'ensemble de la procédure ne soit pas entièrement
réexaminé en vue de l'élaboration d'un nouveau code
définissant une procédure pénale véritablement
modernisée, souhaite néanmoins que les deux assemblées
parviennent à un accord sur un projet de loi dont l'ambition a
été considérablement renforcée au cours de la
navette parlementaire.
Elle souhaite que cette deuxième lecture soit l'occasion de nouvelles
avancées permettant une amélioration substantielle du droit
actuel.
A. RÉFORMER LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE
L'Assemblée nationale a décidé de
réformer partiellement l'application des peines en donnant un
caractère juridictionnel aux décisions prises par le juge de
l'application des peines.
Votre commission vous propose d'aller plus loin en procédant à
une réforme complète de la libération conditionnelle. Tout
démontre en effet que la libération conditionnelle permet, dans
de nombreux cas, d'éviter la récidive des condamnés. Or,
cette mesure, qu'elle soit prononcée par le juge de l'application des
peines ou par le ministre de la justice, connaît un déclin
préoccupant depuis quelques années.
Ainsi, en vingt-six ans, le taux d'admission à la libération
conditionnelle des condamnés relevant de la compétence des juges
de l'application des peines est passé de 29,3 % en 1973 à
14 % en 1998.
De même, en trente ans, le taux d'admission à la libération
conditionnelle par rapport au nombre de dossiers relevant de la
compétence du garde des sceaux a pratiquement diminué de
moitié : de 1970 à 1999, ce taux est passé de
64,16 % à 30,5 %.
Depuis vingt ans, de très nombreuses propositions ont été
faites pour réformer la libération conditionnelle. Dès
1983, notre excellent collègue M. Robert Badinter, alors garde des
sceaux, avait proposé de supprimer la compétence du ministre de
la justice en matière de libération conditionnelle et de
créer un tribunal de l'application des peines. Cette réforme n'a
jamais été à son terme.
Très récemment, une commission mise en place par Mme le Garde des
Sceaux et présidée par M. Daniel Farge, président du
Comité consultatif de libération conditionnelle, a proposé
une réforme complète de la libération conditionnelle
impliquant à la fois une redéfinition des critères
permettant la libération conditionnelle et une modification de la
procédure applicable.
Cette commission a proposé que le juge de l'application des peines,
actuellement compétent pour prononcer la libération
conditionnelle lorsque la peine du condamné est inférieure
à cinq ans d'emprisonnement, devienne compétent pour les peines
inférieures ou égales à dix ans d'emprisonnement. La
commission a en outre souhaité que le pouvoir, actuellement
exercé par le garde des sceaux lorsque la peine est supérieure ou
égale à cinq ans d'emprisonnement, soit désormais
confié à une juridiction collégiale.
Votre commission vous propose de mettre en oeuvre cette réforme, que
l'Assemblée nationale a déjà commencé à
entreprendre en juridictionnalisant les décisions du juge de
l'application des peines. Votre commission vous propose qu'un
tribunal de
l'application des peines
soit compétent pour prononcer les
libérations conditionnelles pour les condamnés à une peine
supérieure à dix ans d'emprisonnement. Les décisions de ce
tribunal pourraient faire l'objet d'un recours devant une
juridiction
nationale de la libération conditionnelle placée près de
la Cour de cassation
.
Votre commission vous propose également de préciser les
critères permettant la libération conditionnelle, sans toutefois
procéder à une énumération exhaustive.
Actuellement, la libération conditionnelle peut être
accordée aux condamnés présentant des gages sérieux
de réadaptation sociale. Or, il semble que ce critère donne lieu
à une interprétation très restrictive de la part des
autorités chargées de prononcer la libération
conditionnelle. Celles-ci considèrent trop souvent que l'exercice d'un
emploi est nécessaire pour que les gages de réadaptation sociale
soient effectivement réunis.
En proposant cette réforme, votre commission forme l'espoir qu'elle
facilitera la réinsertion dans notre société de nombreux
condamnés.
Le Sénat, en prenant une telle initiative, fait preuve d'une belle
continuité. Rappelons en effet que la libération conditionnelle
date de 1885 et que la loi qui lui a donné naissance est issue d'une
proposition d'un sénateur, M. René Bérenger.