EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Actualisation du seuil
d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art
Commentaire : Cet article a pour objet d'actualiser en
fonction de
l'inflation le seuil d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art
prévue à l'article 150 V bis du code général des
impôts qui n'a pas été modifié depuis 1976. On note
que le nouveau seuil est fixé à la contre-valeur en francs de 10
000 euros.
Déjà votée par le Sénat lors de l'examen du projet
de loi de finances pour 2000 mais non reprise par l'Assemblée nationale,
cette mesure simple se trouve déjà suggérée dans le
rapport de M. André Chandernagor sur le marché de l'art d'avril
1998.
En effet, si le gouvernement a bien accepté l'alignement du taux de la
taxe payée par les galeries sur celui de 4,5 % en vigueur pour les
ventes publiques, il a refusé sans véritable discussion au fond
d'actualiser le mécanisme.
Le seuil de 20.000 francs -ainsi que celui de 30.000 correspondant à un
mécanisme de décote- n'ont pas été
réévalués depuis 1976, date d'instauration de taxe
forfaitaire représentative de l'imposition des plus-values.
Il s'agit du type même de ces prélèvements rampants
dénoncés par le rapporteur général de votre
commission des finances dans son rapport sur la loi de finances pour 2000
résultant de la non actualisation des seuils du code
général des impôt.
Du point de vue du marché de l'art, la non actualisation signifie non
seulement des prélèvements plus importants mais aussi des
contraintes administratives qui ne sont jamais favorables à la
compétitivité des acteurs du marché, maisons de ventes aux
enchères ou marchands, chargés de collecter la taxe.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 2
Extension de l'exemption de droits de
reproduction à l'ensemble des catalogues de vente
Commentaire : Cet article - déjà adopté
par le
Sénat en deuxième lecture du projet de loi sur les ventes
volontaires de meubles aux enchères et, pour l'instant, encore en
navette - a pour objet d'étendre à l'ensemble des catalogues
de vente, qu'il s'agisse de ceux des futures maisons de vente aux
enchères ou de ceux des galeries, l'exemption de droits de reproduction
dont bénéficient actuellement les seuls catalogues de vente des
officiers ministériels. Cette exemption est limitée aux
reproductions des oeuvres mises en ventes.
Actuellement, les commissaires-priseurs sont en application de
l'article 17
de la loi du 27 mars 1997
exemptés du droit de reproduction que les
auteurs peuvent leur réclamer dès lors que la reproduction ne
peut être considérée comme la " courte citation "
prévue par la loi de 1957. Ce régime de faveur n'était pas
applicable aux galeries.
Bien que la société qui se charge des droits de la plupart des
artistes ait annoncé qu'elle n'entendait pas réclamer à la
fois le droit de suite et le droit de reproduction, il y a là, pour
votre rapporteur, une question de principe qui ne peut venir d'une renonciation
unilatérale, toujours révocable mais qui doit être
tranchée par la loi.
On ne voit pas nettement ce qui distingue, du point de vue de l'artiste, une
vente publique d'une vente judiciaire. Il serait incohérent de faire
dépendre l'application du droit de reproduction du statut juridique de
la vente et la qualité de celui qui l'organise - qu'il soit ou non
commerçant .
En outre, on pourrait assister, compte tenu de la tendance de la jurisprudence,
à l'utilisation par certains ayants-droit de cette position de force
juridique comme un moyen de pression sur les modalités d'organisation de
la vente.
Telle est la raison pour laquelle votre commission des finances vous propose de
ne pas soumettre au droit de reproduction prévu à l'article
L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, les
reproductions, intégrales ou partielles, d'oeuvres d'art graphiques ou
plastiques destinées à figurer dans le catalogue d'une vente ou
sur une affiche mis à la disposition du public sur les lieux ou à
l'occasion de la vente.
L'exonération est donc limitée aux oeuvres effectivement mises en
vente sans englober celles simplement exposées à l'occasion de la
vente ou dont la reproduction servirait à la description des oeuvres
mises en vente. On note que la mesure est non discriminatoire entre galeries et
maisons de vente.
Il s'agit en quelque sorte d'éviter une redondance en ne soumettant pas
au droit de reproduction des oeuvres entrant dans le cadre du droit de suite.
Le dispositif retenu est celui qui résulte du large débat qui a
eu lieu en commission des Lois à l'occasion de l'examen par cette
dernière des amendements extérieurs en deuxième lecture du
projet de loi relatif aux ventes publiques de meubles aux enchères.
Le
texte
est donc
encore en navette
mais votre rapporteur a cru
bon de le reprendre dans le cadre de cette proposition de loi dans la mesure
où il y a vu l'occasion de débattre de la question avec la
ministre de la Culture.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 3
Octroi d'un crédit
d'impôt
en matière de droits de mutation aux personnes faisant don à
l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de
documents de haute valeur artistique ou historique
Commentaire : La mesure proposée - qui n'a jamais
été présentée au Sénat - a pour objet
d'octroyer à toute personne faisant don à l'État d'une
oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de documents de haute valeur
artistique ou historique dans les conditions prévues à l'article
1131 du code général des impôts, d'un crédit
d'impôt en matière de droits de mutation, égal au tiers de
la valeur du bien fixée par la commission des dations. On note que le
don peut être fait avec réserve d'usufruit, moyennant une
diminution de la valeur du don calculée suivant le barème du code
général des impôts partageant la valeur d'un bien entre
usufruit et nue-propriété en fonction de l'âge de
l'usufruitier.
Il s'agit d'encourager les manifestations de générosité
des personnes privées par l'octroi d'un avantage fiscal suivant un
principe analogue à celui en vigueur depuis longtemps en matière
d'impôt sur le revenu. L'État prend donc à sa charge sous
forme de déduction du revenu imposable ou de crédit d'impôt
une partie du don effectué par le contribuable.
En l'occurrence, le dispositif proposé tend
à rendre plus
incitatif le régime de l'article 1131 du code général des
impôts
en concrétisant une idée contenue dans le
rapport de M. Maurice Aicardi : " l'acquéreur devrait
bénéficier d'un crédit d'impôt (sur le revenu, sur
la fortune, sur les sociétés, droits de mutation) égal
selon les cas à la totalité, si la donation est pure et simple,
ou à une fraction du prix d'acquisition, s'il se réserve un
usufruit limité dans le temps ".
S'agissant d'un mécanisme fiscal novateur, votre commission a
préféré s'en tenir à des paramètres
plutôt restrictifs : limitation du crédit d'impôt aux
seuls droits de mutation, compte tenu des nouvelles possibilités
envisagées en matière d'impôt sur le revenu ; fixation
du crédit d'impôt au niveau relativement modéré du
tiers de la valeur du don, telle qu'agrée par la commission des dations.
L'avantage fiscal se justifie par le fait qu'il fait jouer
un effet de
levier en faveur de l'enrichissement des collections publiques
. Il s'agit
d'un
mécanisme soumis à agrément
et donc au
coût entièrement contrôlable
par l'administration.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 4
Octroi d'une réduction
d'impôt sur le revenu pour les personnes faisant don à
l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de
documents de haute valeur artistique ou historique
Commentaire : La mesure -qui n'a jamais été
présentée au Sénat ni sous forme d'amendement, ni dans le
cadre de la proposition de loi n°469- a pour objet de permettre aux
contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt
sur le revenu au titre de leurs dons d'oeuvres d'art à l'État -
agréés par la commission des dations - de la même
façon et sous les mêmes limites qu'ils peuvent le faire pour leurs
dons aux associations et organismes d'intérêt
général en application de l'article 200 du code
général des impôts. On note que la réduction
d'impôt résultant d'un même don peut être
répartie en fractions égales sur deux années
consécutives.
On peut rappeler qu'à l'initiative de l'Assemblée nationale, la
loi de finances pour 2000 a réorganisé le régime fiscal
des dons et versements des particuliers à divers organismes
d'intérêt général. Il a été ainsi
décidé de :
• fixer à 6 % du revenu imposable le plafond global des
versements ouvrant droit aux réductions d'impôt, quel que soit le
type et le statut de l'organisme bénéficiaire et, en particulier,
qu'il s'agisse d'oeuvre d'intérêt général et
d'associations de financement des partis politiques ;
• élever à 50 % au lieu de 40 %, la réduction
d'impôt accordée au titre des dons pour le financement des partis
politiques et des campagnes électorales.
Votre commission des finances a considéré que les dons d'oeuvres
d'art à l'État pouvaient être considérés
comme d'intérêt public et donc bénéficier des
réductions d'impôt dont sont assorties les dons et versements aux
organismes d'intérêt général, dans la même
limite de 6 % du revenu imposable.
Elle estime également que devrait être introduit
ultérieurement un élément de souplesse
supplémentaire en prévoyant que la réduction d'impôt
afférente à un même don pouvait être répartie
sur deux ou trois ans, de façon à autoriser des dons relativement
importants.
Un tel mécanisme, qui suppose un agrément préalable de
l'administration des finances dans les conditions prévues à
l'article 1716 bis, c'est-à-dire par la commission des dations, devrait
surtout être adapté aux dons correspondant à des oeuvres
d'un niveau de prix modéré dont on peut rappeler qu'elles
constitue une bonne partie des acquisitions des musées, notamment en
régions.
En outre, il ne serait pas inconcevable que le taux de la réduction
d'impôt soit porté de 50 à 60 % pour les versements
effectués à l'occasion de souscriptions destinées à
retenir sur le territoire national des biens ayant la qualité de
trésor national au sens de la loi modifiée du
31 décembre 1992.
Il faut également souligner qu'il s'agit d'un
mécanisme soumis
à agrément
et donc au
coût entièrement
contrôlable
par l'administration.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 5
Exonération partielle de
droits de
mutation à titre gratuit des objets mobiliers classés
Commentaire : la mesure -qui a déjà
été présentée au Sénat sous une forme
voisine et adoptée par lui à l'occasion de l'examen en
première lecture de la proposition de loi relative aux trésors
nationaux - a pour objet d'exonérer les objets mobiliers classés
à partir du premier janvier 2001 de droits de mutation à titre
gratuit à raison de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la
première mutation à compter du classement et de 50 % de
cette valeur pour les mutations suivantes. On note qu'il est prévu une
durée minimale de détention pour le bénéfice de
l'exonération.
Il a été amplement montré au cours de l'exposé
général que les crédits publics actuellement
consacrés aux acquisitions d'oeuvres d'art, étaient
structurellement insuffisants pour permettre d'endiguer l'exode du patrimoine
artistique ou historique national.
De même, il est illusoire de croire que, sans incitations fiscales
nouvelles, on puisse espérer rassembler des concours publics ou des
fonds de mécénat à la hauteur des besoins : sur
près de 270 millions de francs qui ont été
consacrés à l'acquisition de trésors nationaux depuis
1993, 107 millions de francs, certes, ont été fournis en
dehors des crédits d'État et des concours des
collectivités locales. Mais cette somme apparaît en fait
éclatée en de multiples petites opérations, hors de
proportion avec les quelque 150 à 200 millions de francs que
coûte un tableau impressionniste majeur.
La seule voie pour atténuer l'hémorragie est donc de s'efforcer
de fixer les oeuvres en amont en accordant des avantages fiscaux aux
propriétaires acceptant de maintenir leur bien sur le territoire
national.
En l'occurrence, il est proposé d'assortir le classement d'une
exonération de droits de mutation à titre gratuit à raison
de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la première mutation
à compter du classement et de 50% de cette valeur pour les mutations
suivantes.
Une exonération totale a paru nécessaire pour augmenter le
caractère incitatif de la mesure et désarmer les critiques de
tous ceux pour qui une telle mesure serait inefficace et donc inutile, parce
que hors de proportion avec l'importance du préjudice financier subi par
les propriétaires acceptant le classement de leur bien.
Il faut souligner que cette défiscalisation fait jouer des
mécanismes économiques. La création d'un marché
pour des actifs partiellement défiscalisés tend à
augmenter la demande interne pour les oeuvres d'art et donc leurs prix,
diminuant d'autant la pénalisation résultant de l'interdiction
d'exportation consécutive au classement.
Toutefois, le bénéfice de la défiscalisation est
limité aux oeuvres classées avec le consentement de leur
propriétaire, de façon à éviter que l'un d'entre
eux puisse éventuellement cumuler l'indemnisation contentieuse au titre
de la loi de 1913 et l'avantage fiscal.
Au surplus, à ceux qui craignent que l'octroi de l'avantage fiscal ne
suscite un afflux de demandes, on peut rappeler que l'administration conserve
son pouvoir discrétionnaire en matière de classement et que
la
mesure n'est proposée que pour les classements opérés
à compter du 1
er
janvier 2001
et donc qu'il ne s'agirait
pas de reprendre le " stock " d'objets mobiliers classés en
mains privées.
Quant aux effets pervers qu'une telle
exonération de droits de
mutation
aurait sur la
dation en paiement
, il faut souligner que
les deux procédures
sont
complémentaires et non
concurrentes
: tandis que l'une tend à fixer des oeuvres dans
le patrimoine national, l'autre permet d'enrichir les collections publiques
à l'occasion de mutations à titre gratuit le plus souvent par
décès.
L'éventualité évoquée par certains de faire
échapper à l'impôt des successions essentiellement
constituées d'oeuvres d'art ne constitue pas une vraie difficulté
dans la mesure où l'administration n'est pas obligée de classer.
Encore une fois,
il ne s'agit pas d'obliger systématiquement les
détenteurs d'oeuvres d'art à les vendre et l'État à
les acheter.
Au contraire l'exonération pourrait permettre aux
familles qui le souhaitent de garder les oeuvres auxquelles elles peuvent
être attachées.
Là encore, on peut remarquer qu'il s'agit d'un
mécanisme
soumis à décision administrative exprès
et donc au
coût entièrement contrôlable
par l'administration.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 6
Agrément de droit au titre de
la
dation en paiement des oeuvres classées à l'issue d'un refus de
certificat
Commentaire : la mesure -déjà
présentée mais retirée à l'occasion de la
discussion en première lecture de la proposition de loi relative aux
trésors nationaux- a pour objet d'introduire un nouveau
paragraphe II à l'article 1716 bis du code général
des impôts pour prévoir que l'agrément est de droit pour
les oeuvres qui ont été classées à la suite d'un
refus de certificat.
Le bien ayant fait l'objet d'un refus de certificat et classé à
la demande de son propriétaire bénéficierait dans le
régime proposé par votre commission des finances d'un avantage en
matière de droits de mutation à titre gratuit compensant la
diminution de la valeur du bien consécutive à
l'impossibilité de le mettre en vente au prix a priori plus
élevé du marché international.
Mais cela ne correspond pas à tous les cas de figure de nature à
justifier l'acquisition du bien. Il faut tenir compte de la volonté que
pourrait manifester un particulier d'anticiper sur le règlement de sa
succession en achetant un bien dont il sûr qu'il sera accepté en
dation par l'État.
Tel est l'objet du présent article additionnel, qui tend à
prévoir que l'agrément est de droit, à condition que la
valeur libératoire proposée soit égale au prix fixé
dans le cadre de la procédure de l'article 9-1 de la loi du
31 décembre 1992.
Il s'agit également d'une façon d'assurer la coordination de
l'autorité administrative avec elle-même. Cette articulation, qui
peut être critiquée au nom de l'indépendance des
procédures, pourrait tout à fait être remplacée par
une jurisprudence constante de la commission des dations aboutissant au
même résultat. On note d'ailleurs que celle-ci tient
déjà compte des évaluations judiciaires relatives au bien
qui lui est proposé.
En outre, même s'il ne faut pas considérer que
l'intérêt du patrimoine national se confonde toujours avec celui
des collections publiques,
on comprendrait mal qu'un bien retenu en tant que
trésor national ne soit pas jugé digne d'être
présenté dans un musée
, dès lors que le prix
auquel il est proposé soit celui résultant d'une expertise
contradictoire.
Un tel mécanisme apparaît surtout adapté pour les oeuvres
d'un niveau de prix très élevé : il ne serait pas
interdit d'espérer que tel ou tel détenteur de grande fortune
souhaite en acquérant par exemple une oeuvre de l'importance du tableau
de Degas " La duchesse de Montejasi et ses filles Helena et
Camilla ", à la fois profiter de la possession d'un chef-d'oeuvre
et régler commodément à l'avance les droits dus à
l'occasion de la transmission de son patrimoine.
Encore une fois, il s'agit d'une simple mesure de cohérence entre les
différentes mesures de protection du patrimoine national et
d'enrichissement des collections publiques. Un engagement du ministre indiquant
qu'une telle cohérence pourrait être recherchée dans les
faits, permettrait d'aboutir au même résultat.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 7
Instauration d'une procédure
d'expertise contradictoire préalable au classement des objets d'art
mobilier en mains privées
Commentaire : la mesure, entièrement nouvelle mais qui
tend
à se substituer à un dispositif contenu dans la proposition de
loi n°469 tendant à limiter les effets de la jurisprudence
" Walter " - a pour objet d'instituer sur le modèle de ce qui
doit être mis en place pour l'acquisition par l'État de
trésors nationaux, une procédure d'expertise contradictoire sous
contrôle du juge judiciaire du préjudice consécutif au
classement d'office, afin de permettre à l'État de ne prendre de
mesure de classement d'office d'objets d'art mobilier en mains privées
qu'après détermination de l'indemnité due au
propriétaire.
Ainsi qu'on l'a indiqué dans l'exposé général, la
jurisprudence Walter a rendu quasiment caduc la procédure de l'article
16 de la loi de 1913 sur les monuments historique permettant de classer des
objets mobiliers en mains privées sans le consentement de leur
propriétaire.
Il y a là une situation qui n'est pas satisfaisante dans la mesure
où elle abouti à la
paralysie de l'action de l'État
et partant à
l'appauvrissement du patrimoine national
que
celui-ci n'est plus en mesure de défendre efficacement.
Il avait été envisagé de confier aux tribunaux
administratifs traditionnellement mois généreux que
l'autorité judiciaire, la compétence en matière
d'indemnisation. Une telle solution n'était pas acceptable.
Votre commission vous propose d'explorer une autre voie consistant :
• d'une part à mettre en place une procédure
d'évaluation contradictoire du préjudice subi par le
propriétaire de l'objet mobilier classé calquée sur celle
prévue par la proposition de loi en cours de discussion relative aux
trésors nationaux, comportant la désignation d'un expert par
chacune des parties avec en cas de désaccord la désignation
éventuellement après intervention des tribunaux judiciaires d'un
troisième expert ;
• d'autre part, à ne faire intervenir la décision de
classement qu'à l'issue de ce processus d'expertise de façon
à permettre à l'État de ne procéder au classement
qu'en toute connaissance de cause financière et de se retirer de la
procédure s'il apparaissait que le coût du classement était
trop important de la même façon qu'il peut renoncer à
acquérir un trésor national dont le prix s'avérerait trop
élevé.
Ainsi, le classement définitif n'interviendrait par décret en
Conseil d'État qu'à l'issue d'un processus d'expertise
contradictoire sur le montant du préjudice, calculé en fonction
de la différence entre le prix mondial et celui de l'objet assorti d'une
servitude de non exportation constaté sur le seul marché
français.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 8
Assouplissement du régime
fiscal
des achats d'oeuvres d'art ancien et contemporain par les entreprises
Commentaire : Cet article -déjà
présenté au Sénat et voté par lui en
première partie du projet de loi de finances pour 2000- a pour objet
d'assouplir le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art ancien et
contemporain par les entreprises : suppression de l'obligation de cession
des oeuvres d'art ancien à l'issue d'une période de dix ans, qui
sont donc acquises en pleine propriété ; raccourcissement du
délai de déduction des achats d'oeuvres d'art contemporain de dix
à cinq ans ; substitution à la contrainte d'exposition
permanente au grand public d'une obligation de prêt à un
musée pour une durée comprise selon la nature de l'oeuvre entre 1
et 3 trois ans.
Cet article a pour objet d'assouplir les conditions dans lesquelles les
entreprises peuvent acquérir des oeuvres d'art et participer à
deux tâches d'intérêt national ; la sauvegarde du
patrimoine national et la revitalisation du marché de l'art
contemporain.
Les dispositifs existants procèdent de la loi du 23 juillet 1987. Les
précautions tatillonnes dont on avait assorti les possibilités
d'achats et notamment les exigences en matière d'exposition au public,
sont, avec une conjoncture moins propice, largement à l'origine du peu
d'effets de ces dispositifs.
Pour l'art ancien, la procédure prévue à l'article 238
bis OA du code général des impôts, qui résulte de
l'article 6 de la loi de juillet 1987, est un échec flagrant.
Cet article permet à une entreprise d'acheter en déduction de
leur bénéfice imposable une oeuvre présentant une "haute
valeur artistique ou historique", dans le but, dix ans après au plus
tard, de l'offrir à l'État, si celui-ci en accepte la
proposition. Pendant toute cette période, l'entreprise est tenue
d'exposer l'oeuvre au grand public.
Pour l'art contemporain, l'article 238 bis AB du code général des
impôts, issu de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1987 prévoit
que les entreprises qui achètent des
oeuvres originales d'artistes
vivants
, peuvent déduire de leurs résultats dans certaines
conditions et limites, une somme égale au prix d'acquisition des oeuvres
concernées.
Dans le cas d'achat d'oeuvres d'artistes vivants, le système est presque
identique à celui applicable aux oeuvres d'art ancien, à cela
près que -l'objectif n'étant pas d'enrichir les collections
publiques, mais de favoriser la création contemporaine - l'entreprise
reste propriétaire de l'oeuvre ; en revanche, on retrouve la même
déduction sur dix ans du prix d'achat -sous réserve du plafond -,
en contrepartie de la même obligation d'exposer au grand public.
Le rapporteur n'a pas souhaité changer radicalement de système en
dépit du peu de succès des procédures actuelles. Il lui a
semblé possible dans un esprit pragmatique de se contenter
d'assouplir les régimes existants
en proposant des
aménagements limités :
Pour
l'art ancien
, il a paru souhaitable :
1. de limiter le bénéfice du régime aux seuls
biens classés
- avec le consentement de leur
propriétaire
-
ce qui simplifie la tâche des entreprises
qui n'ont pas à demander un agrément et favorise le maintien sur
le territoire français de biens de nature à constituer des
" trésors nationaux "
2.
de substituer au système de donation sous réserve
d'usufruit, un régime d'acquisition en pleine
propriété
;
3. d'autoriser comme pour les achats d'art contemporain la
déduction du résultat et non du bénéfice
imposable ;
4. d'alléger la contrainte d'exposition au public pour la
remplacer par une
obligation de prêt limitée
:
3 ans sur les dix ans de la période de déduction.
On note que pour l'art ancien, on ne fait que calquer le nouveau régime
sur celui déjà applicable à l'art contemporain ce afin
d'inciter les entreprises qui le souhaiteraient
d'imiter les banques
italiennes
, qui ont constitué des collections importantes -on pense
à celle du Monte Paschi di Siena mais aussi à de nombreuses
caisses d'épargnes locales - allégeant d'autant les achats
publics d'oeuvres d'art.
Grâce aux achats des entreprises, l'Italie
défend ces dernières années son patrimoine de façon
très efficace avec des crédits d'acquisition publics relativement
modestes.
Encore une fois la stratégie préconisée par cet amendement
est de
créer un marché intérieur pour les oeuvres
classées réduisant d'autant la pénalité
résultant
pour les propriétaires qui acceptent le
classement,
de l'impossibilité d'exporter et donc de
bénéficier des hauts prix du marché international.
Pour
l'art contemporain
, on se contenterait de conserver le
régime actuel en en assouplissant les modalités, comme pour
l'achat d'oeuvres anciennes :
1. la déduction serait encouragée par un raccourcissement
de la durée de la période de déduction qui passerait ainsi
de 10 à 5 ans,
2. la contrainte d'exposition serait allégée en
conséquence par simple obligation de prêt d'un an sur la
période de 5 ans.
Il s'agit, par ces propositions, de relancer une demande des entreprises, qu'il
n'est pas besoin d'enserrer dans des règles par trop contraignantes dans
la mesure où les risques de voir ces articles être
détournés de leur objet est limité par les règles
du droit commercial qui sanctionnent l'abus de bien social et l'acte anormal de
gestion.
Le dispositif du code des impôts est resté lettre morte. Au moment
où il est question d'évaluation et où l'on dénonce
régulièrement une surcharge législative, il convient de
faire un choix : supprimer le dispositif ou l'adapter
. Votre
rapporteur vous propose une adaptation à la marge mais peut-être
faudrait-il, après une large consultation des entreprises
intéressées, de changer radicalement de mécanisme fiscal.
On note enfin que la mesure proposée est la seule incitation fiscale de
la présente proposition de loi à ne pas comporter que des mesures
entièrement contrôlables a priori par l'administration : si
tel est bien le cas pour les achats d'art ancien qui supposent un classement et
donc une mesure discrétionnaire préalable de l'administration, il
n'en est pas de même des
achats d'art contemporain,
qui
ne
seront donc limités que par le plafonnement général des
dépenses de
mécénat de 3,25 pour mille du chiffre
d'affaires
.
Il y a là
une souplesse nécessaire à
la relance du marché de l'art contemporain en France
.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.
ARTICLE 9
Gage
Commentaire : Cet article a pour objet prévoir la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts pour compenser les
pertes de recettes consécutives à la présente proposition
de loi.
On peut noter que pour faire suite aux nouvelles règles d'affectation du
produit des droits sur les tabacs, il est prévu de couvrir les
moins-values de recettes fiscales résultant du dispositif ci-dessus par
la création d'une taxe additionnelle et non par une simple augmentation
de ces droits.
Décision de la commission : Votre commission vous demande
d'adopter cet article.