III. LA CONVENTION D'EXTRADITION FRANCO-URUGUAYENNE
L'absence de convention d'extradition entre la France et l'Uruguay créait un vide dans la coopération judiciaire entre les deux pays puisqu'elle imposait que les demandes soient traitées au cas par cas, sans obligation d'aucune sorte pour l'une ou l'autre partie. La convention signée le 5 novembre 1996 s'inspire à la fois des principes du droit français de l'extradition et de ceux de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.
La convention entre la France et l'Uruguay ne contient, toutefois, aucune des dispositions relatives aux conventions d'extradition de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la convention relative à la procédure d'extradition simplifiée du 10 mars 1995 ou de la convention d'extradition du 27 septembre 1996.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'EXTRADITION
Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition franco-uruguayenne limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'Etat requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.
1. Les conditions requises
La France et l'Uruguay, par l'article premier de la présente convention, " s'engagent à se livrer réciproquement (...) toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux Etats est poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre Etat comme conséquence d'une infraction pénale ".
Deux conditions de base sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition :
- l'infraction doit , en application des législations uruguayenne et française, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans ;
- si l'extradition est requise en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois.
La convention franco-urugua yenne se distingue sur ce point de la convention européenne d'extradition qui prend en considération le quantum de la peine prononcée, et non la durée de la peine qui reste à purger. Cette précision restreint donc le champ d'application de la convention puisque l'extradition pourra être refusée en cas de peine prononcée et supérieure à six mois partiellement exécutée, dès lors que la durée restant à purger est inférieure à six mois. Il s'agit ici, dans un souci d'efficacité, d'éviter d'engager des procédures d'extradition pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées.
Si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'Etat requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces faits (article 3).
2. Les motifs de refus d'extradition
La convention distingue entre les motifs obligatoires et les motifs facultatifs de refus d'extradition.
Les cas de refus obligatoire sont énumérés aux articles 5, 7 et 8 :
- lorsque l'infraction est considérée comme politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ;
- lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ;
- lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou de protection des droits de la défense ou pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal ;
- lorsque la peine pour laquelle l'extradition est demandée est considérée par l'Etat requis comme une infraction exclusivement militaire ;
- lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis d'un jugement définitif pour l'infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée ;
- lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des Etats.
Par ailleurs, aux termes de l'article 6, l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'Etat requis . Dans le cas où cette condition de nationalité suffirait à elle seule à refuser l'extradition, l'Etat requis devra néanmoins soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.
Notons que ces différentes dispositions excluent a priori toute extradition des responsables des crimes commis sous la dictature.
Les motifs facultatifs sont, en outre, énumérés aux articles 9, 10, 11 et 12. L'extradition pourra être refusée :
- si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'Etat requérant , à moins que " l'Etat requérant ne donne des assurances, jugées suffisantes par l'Etat requis, que le peine capitale ne sera pas exécutée ". On observera que cette clause est traditionnelle dans les conventions signées par la France, bien que la peine capitale ne soit prévue ni par la législation française, ni par la législation uruguayenne ;
- si l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat requérant et que la législation de l'Etat requis n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ;
- si la personne réclamée fait l'objet dans l'Etat requis, pour les mêmes faits, de poursuites ou d'un jugement définitif de condamnation, d'acquittement ;
- enfin l'extradition peut être refusée pour des considérations humanitaires , si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé. Cette clause est calquée sur la réserve formulée par la France au sujet de l'article 1 er de la convention européenne d'extradition.
En ce qui concerne les infractions en matière de taxes, d'impôts, de douane ou de change, l'extradition sera accordée dans les conditions prévues par la convention (art. 2-3). Il s'agit d'une disposition désormais classique dans les conventions d'extradition négociées par la France. Elle vise à l'assimilation de ces infractions aux infractions dites de droit commun afin de faciliter l'extradition.
Par ailleurs, l'Uruguay n'infligeant pas de peines perpétuelles , la France a fait ajouter une disposition spécifique qui lui permettra de ne pas ce voir opposer des refus systématiques d'extradition dans de telles hypothèses. Ainsi, le paragraphe 2 de l'article 11 prévoit que lorsque le fait à raison duquel l'extradition est demandée est passible ou a été sanctionnée par une peine à caractère perpétuel, l'extradition ne sera autorisée que si les garanties suffisantes sont données par l'Etat requérant concernant les mesures d'aménagement dont pourrait bénéficier la personne réclamée. Ces dispositions sont donc comparables à ce qui est prévu au sujet de la peine capitale.
B. LA PROCÉDURE D'EXTRADITION
La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique (article 13). La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 14).
1. L'application du principe de spécialité
Par ailleurs, la convention applique le principe dit de " spécialité des poursuites ", selon lequel une personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'exécution d'une peine pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition (article 17).
Toutefois, deux tempéraments sont prévus à l'application de ce principe :
- si l'Etat requis donne son accord à une telle extension de l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ;
- si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'Etat requérant dans les 45 jours suivant son élargissement définitif, ou si elle y est librement retournée après l'avoir quitté.
Dans le même esprit, si postérieurement à l'extradition, l'infraction a fait l'objet, dans l'Etat requérant, d'une nouvelle qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que :
- si elle peut donner lieu à extradition en application de la présente convention ;
- si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée.
Enfin, aux termes de l' article 18, sauf lorsque la personne extradée a poursuivi son séjour dans l'Etat requérant au-delà du délai de 45 jours après son élargissement, sa réextradition vers un Etat tiers ne peut être accordée que si l'Etat qui a accordé l'extradition y consent.
2. Les dispositions relatives à l'arrestation provisoire, à la remise et au transit
Lorsque l'Etat qui sollicite une extradition demande également, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les informations reprises sont voisines de celles demandées par la demande d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'Etat requérant de demander ultérieurement l'extradition. Aucun cas de refus d'arrestation provisoire n'est prévu dans la convention. En tout état de cause, l'arrestation provisoire prend fin si, après un délai de 45 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue à l'Etat requis. Observons que ce délai maximal n'est que de 40 jours dans la convention européenne d'extradition (article 19).
L'article 21 concerne la décision prise par l'Etat requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé, clause classique dans ce type de convention.
L'article 22 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée.
L'article 23 concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution. Sont toutefois réservés les droits que l'Etat requis ou des tiers auraient acquis sur ces objets.
L'article 24 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un Etat tiers. Le transit suit les mêmes règles que l'extradition, sauf le cas particulier d'un transit aérien.
L'article 25 règle la question des frais de l'extradition qui, comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à la charge de l'Etat requérant.