MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE
NATIONALE
Au cours
de l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale du
présent projet de loi de finances, les crédits de la
décentralisation ont été majorés, à titre
non reconductible, de 376 millions de francs dont :
- 10 millions de francs au chapitre 41-56 (DGD) pour compenser aux
départements les pertes de recettes engendrées par la suppression
des droits liés aux cessions effectuées par les
sociétés d'aménagement foncier et d'établissement
rural (SAFER) ;
- 366,117 millions de francs, à titre non reconductible, à
l'article 10 du chapitre 67-51.
EXAMEN EN COMMISSION
I. EXAMEN DES CRÉDITS 2000 DE L'INTÉRIEUR ET DE LA DÉCENTRALISATION
Réunie le mercredi 6 octobre 1999, sous la
présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a
procédé à l'examen du rapport de M. Michel Mercier
sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour
2000, à l'intérieur et la décentralisation :
décentralisation.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial
, a rappelé que la
commission des finances devait se prononcer sur l'évolution des
crédits consacrés à la décentralisation, contenus
dans le fascicule budgétaire du ministère de l'intérieur
mais que, traditionnellement, le rapporteur spécial se livrait à
une présentation de la totalité de l'effort financier accompli
par l'Etat en faveur des collectivités locales.
Il a observé que les concours financiers de l'Etat aux
collectivités locales comportaient, d'une part, les dotations comprises
dans le périmètre de " l'enveloppe normée " définie
par le " contrat de croissance et de solidarité " et, d'autre part, des
crédits " hors enveloppe ", principalement composés des
dégrèvements et des compensations d'exonérations fiscales.
S'agissant des crédits inscrits au budget du ministère de
l'intérieur, il a indiqué que leur montant dans le projet de loi
de finances pour 2000 s'établissait à 31 milliards de francs, en
baisse, d'un exercice à l'autre, de 12,2 %. Il a expliqué
que cette diminution était due aux modifications du
périmètre de la dotation générale de
décentralisation (DGD), qui est affectée par deux mouvements
contraires ; d'une part, son montant est réduit de 9,1 milliards de
francs conformément aux dispositions de la loi portant création
de la couverture maladie universelle ; d'autre part, elle
bénéficie d'une majoration de 4,6 milliards de francs,
correspondant à la compensation de la nouvelle baisse des droits de
mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les
départements.
Il a ajouté que les autres crédits inscrits au budget du
ministère de l'intérieur évoluaient en fonction de
règles mécaniques d'indexation.
Le rapporteur spécial a ensuite présenté les
modalités d'évolution des dotations concernées par le
contrat de croissance et de solidarité. Il a rappelé que le
contrat reposait sur trois principes. En premier lieu, les principales
dotations de l'Etat aux collectivités locales sont regroupées au
sein d'une enveloppe dite " normée ". En deuxième lieu, les
dotations qui composent l'enveloppe évoluent en fonction de leur propre
mode d'indexation. En troisième lieu, la dotation de compensation de la
taxe professionnelle (DCTP) continue de jouer son rôle de variable
d'ajustement.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a expliqué que la
principale dotation composant l'enveloppe normée, la dotation globale de
fonctionnement (DGF) évoluait en fonction de règles complexes
mais que, en raison du jeu du " recalage " de la base et de la
régularisation négative, le taux d'indexation de cette dotation
en 2000 s'établit à 0,821 %. Il a constaté que ce taux
était inférieur à celui de l'évolution
prévisionnelle des prix mais que, malgré tout, il servirait
à déterminer l'évolution en 2000 de la dotation
générale de décentralisation (DGD), de la DGD-Corse, de la
dotation de décentralisation formation professionnelle, de la dotation
spéciale instituteurs et de la dotation élu local. Il a
ajouté que les compensations versées aux collectivités
locales au titre de la réforme de la taxe professionnelle et de la
baisse des droits de mutation variaient également au même rythme
que la DGF.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a indiqué que,
conformément aux règles du contrat de croissance, les
contributions de l'Etat au fonds national de péréquation de la
taxe professionnelle (FNPTP) et au fonds national de péréquation
(FNP) évolueraient en 2000 comme les recettes fiscales nettes de l'Etat,
en baisse de 0,316 %, tandis que la dotation globale d'équipement (DGE)
des communes et des départements, la dotation régionale
d'équipement scolaire et la dotation départementale
d'équipement des collèges seraient indexées sur la
formation brute de capital fixe des administrations publiques, en hausse de 3,6
%.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a souligné que la variable
d'ajustement du contrat, la DCTP, connaîtrait une nouvelle baisse en
2000, de 3,4 %. Il a expliqué que compte tenu, d'une part, des
abondements exceptionnels destinés à la dotation de
solidarité urbaine (DSU), à l'intercommunalité et à
la prise en compte des résultats du recensement dans la DGF, dont fera
l'objet la DGF en 2000 et, d'autre part, des changements de
périmètre des dotations, le montant total des crédits
consacrés en 2000 aux dotations composant l'enveloppe normée
s'établira à 160,5 milliards de francs.
Evoquant les concours de l'Etat extérieurs au périmètre de
l'enveloppe normée, le rapporteur spécial a insisté sur le
coût croissant, pour le budget, de la prise en charge des
allégements de fiscalité locale. Ce coût s'établit
en 2000 à 94,36 milliards de francs, dont 22,6 milliards de francs au
titre de la compensation de la suppression de la part " salaires " de la taxe
professionnelle.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a alors formulé quelques
observations générales sur l'évolution des finances
locales en 2000. S'agissant de la prise en compte des résultats du
recensement dans le calcul de la DGF, il a rappelé que l'application du
droit en vigueur, qui consiste à tenir compte de 50 % des habitants
supplémentaires en cas de hausse de la population et à ne pas
modifier le montant des dotations versées aux collectivités dont
la population baisse, aurait pour effet d'augmenter de 1,5 milliard de francs
le montant de la dotation forfaitaire et, par ricochet, de réduire de 23
% le montant de la DSU et de 28 % celui de la dotation de solidarité
rurale (DSR).
Il a indiqué que le projet de loi présenté par le ministre
de l'intérieur, qui sera discuté au Parlement
parallèlement à l'examen de la loi de finances pour 2000,
proposait de lisser sur trois ans la prise en compte des habitants
supplémentaires et de geler pendant trois ans le montant de la dotation
forfaitaire perçue par les communes dont la population a baissé.
Il a ajouté que l'article 34 du projet de loi de finances pour 2000
prévoyait un abondement de la DGF à hauteur de 200 millions de
francs permettant ainsi de stabiliser le montant des dotations de
solidarité en 2000. Il a noté que le Premier ministre avait
annoncé que le montant de cet abondement serait majoré de 500
millions de francs, selon des modalités qui n'ont pas encore
été arrêtées.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a ensuite considéré
que les collectivités locales étaient les " oubliées " de
la croissance. Il a constaté que les règles de calcul de la DGF,
et notamment le jeu du recalage de la base et de la régularisation
négative, contribuaient à déconnecter l'évolution
de cette dotation de celle de l'activité économique et de la
croissance. Il a regretté que cette situation oblige les
collectivités locales à faire face à une demande et
à des charges dynamiques, sans pour autant bénéficier des
ressources correspondantes.
Il a ajouté que le mouvement de suppression progressive des impôts
locaux, et leur remplacement par les dotations budgétaires,
contribuaient également à placer les collectivités locales
en dehors du partage des fruits de la croissance. Il a souligné que les
dotations versées aux collectivités en compensation de la
suppression d'impôts directs ou indirects évoluaient moins vite
que les anciennes bases. A ce titre, il a déploré que la
compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle
soit indexée sur l'évolution de la DGF, soit 0,821 % pour 2000,
alors que, dans le même temps, les anciennes bases augmenteront de plus
de 3 %.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a estimé que cette
évolution conduisait à s'interroger sur l'avenir des ressources
des collectivités locales. Il a constaté que la DGF était
enkylosée par des règles qui brident sa progression, que les
dotations substituées aux impôts progressaient elles aussi
très faiblement et qu'aucun gouvernement n'avait mis en oeuvre ses
projets de réforme de la fiscalité locale.
Il a jugé archaïques les impôts directs locaux et a
douté de la possibilité de les réformer. Il a
rappelé que l'Etat avait abandonné ces impôts aux
collectivités locales dès 1914, et s'est demandé s'il
n'était pas temps pour les collectivités de les abandonner
à leur tour. Il a estimé que, aujourd'hui, la meilleure
manière de faire bénéficier les collectivités
locales d'une ressource moderne et liée à l'évolution de
l'activité économique résidait dans un partage du produit
de certains impôts, aujourd'hui perçus par l'Etat, entre celui-ci
et les collectivités, selon des modalités négociées
et non imposées unilatéralement par l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le
rapporteur spécial avait posé des questions essentielles pour
l'avenir des ressources locales. A plus court terme, il a
considéré que, dans le projet de loi de finances pour 2000, les
collectivités locales constituaient la variable d'ajustement du budget
de l'Etat et que le montant des concours financiers qui leur sont versés
ne résultait pas d'une évaluation réaliste de leurs
besoins. Il a jugé indispensable de comparer l'évolution des
ressources et des charges des collectivités locales. Il a demandé
au rapporteur spécial de fournir à la commission des indications
relatives au coût de l'accord salarial dans la fonction publique du 10
février 1998, la mise en place des 35 heures dans les administrations
locales et la situation financière de la caisse nationale des retraites
des agents des collectivités locales (CNRACL).
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a estimé que l'accord de
1998 pesait très lourd sur les budgets locaux. Il a indiqué que
son coût s'élevait à 4 milliards de francs en 1999 et
serait de 3,2 milliards de francs en 2000. A titre de comparaison, il a
rappelé que la DGF n'augmenterait que de 2,5 milliards de francs en
2000. S'agissant des 35 heures, il a insisté sur le caractère
hétérogène des situations des collectivités
locales. Il a souligné que le Gouvernement refusait de définir un
régime de travail commun aux différentes collectivités,
invoquant pour une fois le principe de libre administration des
collectivités locales. Il a ajouté qu'un recensement des
situations était actuellement en cours.
Le rapporteur spécial a ensuite évoqué les
difficultés financières de la CNRACL, dont le besoin de
financement en 2000 s'élèvera à environ 4 milliards
de francs. Il a rappelé que la dégradation de la situation de la
caisse était intégralement due aux mécanismes de
compensation et de surcompensation, qui la contraignent à financer
d'autres régimes. Il a indiqué que le groupe de travail
constitué au sein du comité des finances locales avait
préconisé une solution consistant en, d'une part, une baisse par
l'Etat du taux de la surcompensation et, d'autre part, une augmentation des
cotisations acquittées par les employeurs, mais aussi par les agents. Il
a ajouté que le secrétaire d'Etat chargé du budget avait
évoqué, devant la commission des finances, une solution proche,
mais excluant une augmentation des cotisations acquittées par les agents
des collectivités locales.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis au nom de la commission des
lois
, a approuvé les orientations du rapport de M. Mercier. Il a
déploré que l'évolution du montant de la DGF figurant dans
le projet de loi de finances pour 2000 soit déconnectée de
l'évolution de la croissance. Il a rappelé que, pendant les
années de basse conjoncture, l'investissement local avait joué un
rôle important dans le soutien de l'activité économique.
Il a considéré que les évolutions financières et
fiscales malmenaient le principe de libre administration des
collectivités locales. A ce titre, il s'est inquiété de
l'augmentation de la part des dotations de l'Etat dans les ressources locales,
au détriment de la fiscalité directe.
M. Auguste Cazalet
a estimé que l'intégralité des
augmentations de population devait être répercutée dans la
DGF de manière à récompenser les collectivités qui
font des efforts pour attirer des habitants et assument les augmentations de
charges correspondantes.
M. Jacques Oudin
a estimé qu'une prise en compte intégrale
des augmentations de population était indispensable en raison du
rôle important du critère démographique dans la
détermination du montant des dotations versées aux
collectivités locales. Il a estimé que le Parlement devrait
modifier le projet du Gouvernement.
Evoquant la CNRACL, il a expliqué que cette caisse n'était pas en
difficulté, mais qu'elle était pénalisée par des
prélèvements abusifs. Il a jugé absurde le fait que l'Etat
l'oblige à s'endetter afin qu'elle puisse financer d'autres
régimes. Il a préconisé une rupture avec les politiques
menées par les gouvernements successifs au sujet de la CNRACL.
Il s'est étonné que la dotation générale de
décentralisation versée à la Corse ne connaisse pas la
même baisse que la DGD-Intérieur.
M. Michel Moreigne
a jugé " globalement excellent " le propos du
rapporteur spécial. Il a déclaré que les missions des
collectivités locales étaient énormes et difficiles
à remplir, et que le rôle du Sénat était de
défendre leurs intérêts. Mais il a constaté que la
situation de la DGF en 2000 était particulièrement
délicate en raison de la conjonction du recensement et d'une
régularisation négative importante. Il a également
considéré que le Gouvernement avait répondu à ces
difficultés du mieux qu'il avait pu, en procédant à des
abondements importants de cette dotation. Il a rappelé que le Premier
ministre avait annoncé que le montant de l'abondement destiné
à la prise en compte du recensement serait porté à 700
millions de francs.
Evoquant les dispositifs en vigueur avant la création de la DGF, il a
jugé que cette dotation constituait le pire des systèmes à
l'exception de tous les autres. Il a jugé préférable de
renforcer les instruments existants plutôt que d'envisager une
hypothétique réforme de l'ensemble du système de
financement des collectivités locales.
Répondant à M. Auguste Cazalet, il a considéré que
les communes dont la population avait augmenté auraient du
procéder à des recensements complémentaires.
M. Jean Clouet
s'est interrogé sur une baisse éventuelle
des dotations des communes dont la population diminue.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial
, a rappelé que,
s'agissant du recensement, le droit en vigueur prévoyait la prise en
compte immédiate de la moitié des augmentations de la population
et un maintien du niveau de la dotation forfaitaire des communes dont la
population baisse. Il a expliqué la décision du Gouvernement de
modifier la loi par l'évolution trop faible du montant de la DGF en
2000, qui aurait conduit à une baisse importante du montant des
dotations de solidarité. Il a souligné que, afin de maintenir un
lien entre le montant de la DGF et le nombre d'habitants, le comité des
finances locales avait proposé d'étaler sur deux ans la prise en
compte des augmentations de population. Il a regretté que le
Gouvernement lisse sur trois ans.
Il a confirmé à M. Jacques Oudin que la CNRACL n'était pas
structurellement en difficulté et qu'il était nécessaire
que le taux de la surcompensation soit réduit.
Il a précisé que la DGD-Corse était versée à
la collectivité territoriale de Corse, et que la DGD versée aux
communes et aux départements de Corse était comprise dans
l'enveloppe de la DGD-Intérieur.
Enfin, M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a constaté qu'aucun
des commissaires ne s'était opposé au principe d'une meilleure
association des collectivités locales au partage des fruits de la
croissance.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de
réserver son vote sur les crédits de la décentralisation
jusqu'à l'audition du ministre de l'intérieur.