Projet de loi de finances pour 2000 - TOME III - ANNEXE 29 - Fonction publique et réforme de l'Etat
BRAUN (Gérard), Rapporteur spécial
RAPPORT GENERAL 89-TOME III - ANNEXE 29 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
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Table des matières
-
FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ETAT
Rapporteur spécial : M. Gérard BRAUN
- PRÉSENTATION DES CRÉDITS
- LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 25 novembre 1999.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M. Philippe
MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 29
FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT
Rapporteur spécial
: M. Gérard BRAUN
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Voir les
numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
(1999-2000).
Lois de finances. |
FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ETAT
Rapporteur spécial : M. Gérard BRAUN
L'examen des
crédits de la fonction publique appelle
deux analyses distinctes :
-
la première est juridique
: il s'agit de la présentation des
crédits
du ministère chargé de la gestion de la fonction publique, qui sont
individualisés
dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de
l'agrégat 02
" Fonction publique ". Ces crédits s'élèvent à
1.316,69 millions
de francs
en 2000, en
diminution de 6,80 %
par rapport à 1999 ;
- la seconde est économique
: il convient d'analyser les
charges de
personnel de l'Etat, qu'il s'agisse des crédits de rémunération, des charges
sociales
ou des pensions. Ce sont des
dépenses transversales
qui apparaissent au
sein de
l'ensemble des départements ministériels et sur lesquelles il est
indispensable
d'avoir une vision globale. Elles représentent en effet 675 milliards de francs
en
2000, soit plus de 40 % des dépenses du budget général nettes de
remboursements et
dégrèvements.
PRÉSENTATION DES CRÉDITS
les crédits du miNIstère chargé de la fonction publique
Définition
Ces crédits
correspondent à l'agrégat n° 2 " Fonction publique " au
sein des
services généraux du Premier ministre (soit 27 % des crédits des SGPM), qui
regroupe
les moyens que le ministère de la fonction publique consacre à ses
missions
interministérielles
qui sont les suivantes :
- la mise en oeuvre d'une politique d'ensemble de la fonction publique :
évolution
du statut général des fonctionnaires, coordination des politiques
ministérielles en
matière d'organisation statutaire et indiciaire, de gestion des ressources
humaines, de
protection sociale, de rémunération et de temps de travail ;
- la coordination des actions engagées dans le cadre de la réforme de
l'Etat ;
- la modernisation de l'administration et de ses méthodes de gestion ;
- la tutelle des écoles d'administration.
Évolution des crédits de 1999 à 2000
Pour 2000, les
crédits du ministère chargé de la fonction publique s'établissent ainsi :
a) Les dépenses de personnel
sont exclusivement constituées de
prestations
d'action sociale interministérielle (aides au logement, aide ménagère à
domicile pour
les retraités, chèques-vacances ou prestations "crèche") ou
d'opérations
d'action sociale telles que la rénovation de restaurants administratifs.
Ces crédits s'élèvent, pour 2000, à 710 millions de francs, soit une
augmentation de
3,65 % par rapport à 1999.
b) Les dépenses de fonctionnement
·
Les actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et de
modernisation dans
la fonction publique
mobilisent des crédits à hauteur de 38 millions de
francs, soit
4 millions de francs de plus qu'en 1999. Il convient de noter la création d'un
fonds
interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction
publique,
doté de 15 millions de francs ;
· Les subventions aux écoles (ENA
1(
*
)
,
IIAP
2(
*
)
, IRA
3(
*
)
,
et Centre d'études
européennes de Strasbourg)
représentent 366,89 millions de francs en
progression de 6,67 %. Cette progression est principalement imputable à
l'augmentation de
11,92 % de la subvention allouée aux cinq IRA résultant de l'accroissement du
nombre des
élèves en scolarité. La subvention versée à l'ENA augmente de 3,19 % et
s'établit à
168,37 millions de francs.
· Les crédits destinés aux études et à la communication sur la gestion
publique
s'établissent
à 13,80 millions de francs, soit un montant inchangé par rapport à 1999 ;
· Les crédits du Fonds pour la réforme de l'Etat :
que ce soit pour
les
actions à caractère local ou national, ils s'élèvent à 109 millions de
francs,
en baisse de 1,3 million de francs.
c)
Les dépenses d'interventions
Le projet de loi de finances pour 2000 modifie la nomenclature budgétaire et
crée un
nouveau chapitre 43-02, sur lequel sont inscrits 14 millions de francs au titre
des
subventions aux actions de formation des groupements d'intérêt public (GIP) et
aux
organisations syndicales : 2 millions de francs sont destinés au Centre
des études
européennes de Strasbourg, et 12 millions de francs aux organisations
syndicales de la
fonction publique.
d) Les dépenses en capital
Ces crédits correspondent à
65 millions de francs
destinés à des
équipements
en faveur d'actions interministérielles : 35 millions de francs pour
l'action
sociale interministérielle, et 30 millions de francs pour le logement en
Ile-de-France.
Il convient de rappeler que 225 millions de francs étaient inscrits sur le
titre V en
1999, dont 5 millions de francs destinés au fonds pour la réforme de l'Etat. Ces
crédits étaient destinés, en tant que " provision exceptionnelle non
reconductible ", à accompagner les négociations salariales dans la
fonction
publique.
les charges de personnel de l'etat
Les dépenses de fonction publique "stricto sensu"
L'évolution générale
En 1999, les
dépenses de fonction publique ont progressé de 6,7 %
-soit trois fois
plus vite
que l'ensemble des dépenses de l'Etat : 2,3%.
Elles dépassent le seuil de 650 milliards de francs, atteignant 652,5
milliards
de francs en loi de finances initiales, soit 39,5 % du budget
général
4(
*
)
.
Évolution des charges de personnel du budget général
(En milliards de francs)
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Variation en % |
Rémunérations
d'activité
|
316,6
|
326,9
|
3,3 %
|
Pensions
|
126,3
|
137,3
|
8,7 %
|
Cotisations et
prestations sociales
|
73,2
|
71,8
|
-1,8 %
|
Total des
charges de personnel
|
516,1
|
536,1
|
3,9 %
|
Dans le
projet de loi de finances pour 2000
, l'ensemble des principales composantes
des
dépenses de fonction publique du budget général progressent de
3,4 %
par
rapport
à la loi de finances initiale de 1999, soit
22,5 milliards de francs
supplémentaires
(les dépenses du budget général augmenteront de 0,9 % en
2000).
Elles s'élèvent donc à 675 milliards de francs, soit 40,05 % du budget de
l'Etat.
Il convient de constater que les dépenses de pension connaissent la progression
la plus
importante, soit 6,8 %, et atteignent près de 200 milliards de francs.
Les facteurs d'évolution
Cette
progression des dépenses de la fonction publique est principalement due :
- à l'effet de report, en 2000, des mesures 1999 de l'accord salarial du 10
février
1998, qui induit un surcoût de 8,5 milliards de francs ;
-
aux mesures catégorielles autres que celles résultant de l'accord
salarial :
2,6 milliards de francs, dont 1,2 milliard de francs au titre des plans de
revalorisation de la fonction enseignante ;
-
à la dérive spontanée des dépenses de pensions : 4,9 milliards de
francs ;
-
au GVT solde : 2,5 milliards de francs.
Le glissement vieillissement technicité : " GVT "
Le
"GVT" est issu de deux effets :
-
un effet de carrière ou "GVT positif"
qui retrace
l'incidence positive
sur la masse salariale des avancements à l'ancienneté, ou au choix, et de
l'acquisition
d'une technicité ;
il est estimé à + 2,2 % en 2000 ; il est en
progression constante depuis 1988 (1,7%) ;
-
un effet de "noria" ou " GVT négatif "
qui traduit
l'incidence généralement négative sur la masse salariale des entrées (moins
"chères") et sorties (plus coûteuses) des effectifs ; il est
estimé en
2000 à -1,3%.
La somme algébrique des deux effets constitue l'effet de structure ou
"GVT
solde",
qui permet de mesurer l'évolution de la masse salariale due aux
variations de structure de la population des fonctionnaires.
Il est estimé
en 2000 à
0,9 %. En tendance, il progresse régulièrement depuis 1991.
Le GVT "positif" est très largement automatique, car il n'est pas lié
à une
politique de recrutement mais aux garanties statutaires. Sa progression très
nette depuis
1988 s'explique essentiellement par les mesures catégorielles du plan Jospin et
du
protocole Durafour.
De l'ordre de 1,8 % au début des années 1990, le GVT
" positif " est aujourd'hui estimé à 2,2%.
La dépense "induite" de fonction publique
La fonction
publique de l'Etat "induit" des dépenses qui vont au-delà des seules
charges
liées aux fonctionnaires.
Si l'on intègre les dépenses induites (
subventions à l'enseignement
privé
,
pensions des anciens combattants et charges de personnel du budget de
l'Aviation civile)
ces
dépenses sont, en 1999, de 733 milliards de francs
dans leur ensemble (y
compris les
rebudgétisations de fonds de concours : 7 milliards de francs pour les
rémunérations, 170 millions de francs pour les charges sociales, et 14,8
milliards de
francs pour les pensions), soit
712 milliards de francs hors
rebudgétisations.
En 1998, elles étaient de 691 milliards de francs, soit une
progression, hors
rebudgétisations, de plus de 3 %.
Près de 92 % des dépenses induites par la fonction publique sont indexées sur
la valeur
du point. Ainsi, une revalorisation de 1 % du point fonction publique
engendre-t-elle un
coût de l'ordre de 6,7 milliards de francs pour le budget de l'Etat.
LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Votre rapporteur spécial est amené à formuler cinq observations relatives aux crédits alloués à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
LES dépenses de la fonction publique augmentent de façon continue
La progression significative des emplois budgétaires civils depuis 1990
Le rapport sur
les rémunérations de la fonction publique, déposé à l'occasion de l'examen de
la loi
de finances pour 1999 - il est en effet déposé tous les deux ans par le
gouvernement -
indique qu'
" à structure constante, le nombre d'emplois
budgétaires
s'est accru entre 1990 et 1998 de 39.400 sur les budgets
civils ".
Toutefois, hors établissements publics, le nombre d'emplois budgétaires
inscrits au
budget de l'Etat est passé de 2.086.940 en 1991 à 2.092.184 en 1998 :
5.244 emplois
budgétaires ont été créés, soit une progression de 0,25 %.
Évolution des
emplois budgétaires dans la fonction publique de l'Etat
Le tableau
ci-dessous montre que les fonctionnaires titulaires et les militaires voient
leurs
effectifs budgétaires légèrement augmenter, respectivement de 2 % et 4 %. En
revanche,
les ouvriers d'Etat perdent plus d'un emploi sur quatre, et le niveau des
effectifs de
contractuels chute de 16 %.
Par ailleurs, entre 1991 et 1998, la section enseignement supérieur bénéficie
de la
plus forte augmentation d'emplois, environ 24.000 emplois supplémentaires.
En 1999, le gouvernement avait affiché un solde nul : 2.358 créations
d'emplois
civils, pour autant de suppressions.
En 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat croîtra de 247, 9.064
emplois
étant supprimés mais 9.311 créés.
Il est cependant possible de diminuer les effectifs nets de la fonction
publique sans
pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics. Le ministère
de
l'économie en donne lui-même l'exemple, ses effectifs budgétaires allant
diminuer de
3.000 postes en trois ans, grâce à des progrès de productivité.
Le coût croissant de la rémunération des fonctionnaires de l'Etat
L'année
dernière déjà, votre rapporteur spécial indiquait que la rémunération des
fonctionnaires de l'Etat avait, entre 1990 et 1998, progressé de 5 % par an,
soit un gain
annuel de pouvoir d'achat de 3,2 %. Ainsi, sur la période 1990-1996, pour les
agents de
l'Etat, le gain brut de pouvoir d'achat
5(
*
)
est
de plus de
deux fois celui dont bénéficient les salariés du secteur privé.
L'accord salarial du 10 février 1998 est à l'origine d'une forte
augmentation
des dépenses liées à la rémunération des fonctionnaires.
En effet, cet accord salarial porte sur les années 1998 et 1999, mais il a son
plein
effet en 2000, exercice sur lequel l'ensemble des mesures adoptées jouera en
année
pleine.
En 1999, les mesures générales de l'accord salarial, c'est-à-dire les deux
augmentations de la valeur du point et l'attribution de deux points uniformes,
engendrent
un coût supplémentaire de 7,7 milliards de francs, dont 1,9 milliard sur les
pensions. A
ce montant vient s'ajouter 1,4 milliard de francs de rebasages au titre des
mesures 1998
de l'accord.
En 2000
, la seule revalorisation du point fonction publique (334,19
francs à la
fin de l'année 1999) induit, du fait de l'effet de report des mesures 1999, un
coût de
5,8 milliards de francs, dont 1,7 milliard de francs pour les pensions. Pour
l'ensemble
des autres mesures prévues dans l'accord salarial, le coût supplémentaire est
de 2,7
milliards de francs, soit un
total de 8,5 milliards de francs.
Il convient cependant de préciser que ces 8,5 milliards de francs représentent
le coût
annuel supplémentaire par rapport à l'année précédente : le coût annuel
total
est, par conséquent plus élevé.
En 2000, exercice sur lequel l'ensemble des
mesures
adoptées jouera en année pleine, ce coût annuel total s'établira à 23,3
milliards de
francs
, après 5,3 milliards de francs en 1998, et 14,8 milliards de francs
en 1999.
Cette progression des dépenses traduit la très forte inertie des dépenses de
rémunération de la fonction publique.
La part croissante des dépenses de personnel accentue la rigidité du budget de
l'Etat,
comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois
de
finances pour 1998.
Elle note, par ailleurs,
la forte concentration de ces dépenses.
Cinq ministères
6(
*
)
représentent 89,4 % de
l'ensemble
des rémunérations d'activité versées par l'Etat en 1998. A eux seuls, le budget
de
l'enseignement scolaire et celui de l'enseignement supérieur regroupent plus de
50 % des
dépenses salariales du budget général, et 64,7 % de celles des ministères
civils.
Deux exemples sont significatifs, non seulement de la croissance des dépenses de
personnel, mais également de la montée en charge budgétaire des choix
gouvernementaux
en matière de fonction publique :
- les dépenses de rémunérations du budget de l'enseignement supérieur, soit
plus de 26
milliards de francs, continuent de croître sur un rythme relativement rapide de
3,6
% : cette augmentation est directement liée à celle du nombre d'emplois,
l'année
1998 ne constituant pas une exception puisque 3.979 emplois budgétaires ont été
créés ;
- l'augmentation de 4 % des rémunérations et indemnités, au ministère de
l'intérieur,
est, à la différence des années antérieures, supérieure à la moyenne de celle de
l'ensemble des budgets civils, les rémunérations principales des personnels
autres que
les titulaires progressant de 38 % : cette évolution résulte de la
création du
chapitre 31-96 destiné à servir de base à la rémunération des adjoints de
sécurité
embauchés dans le cadre du dispositif emplois jeunes.
Les premières informations relatives à l'exécution de la loi de finances
initiale de
1999 laissent présager une accentuation de cette tendance. Au 31 août 1999, les
rémunérations, pensions et charges sociales s'établissaient à 378,4 milliards de
francs, contre 365,1 milliards de francs à la même date de 1998, et à 353,4
milliards
de francs en 1997. En un an, ces dépenses ont augmenté de 3,6 % ; elles
avaient
progressé de 3,3 % de 1997 à 1998.
LES incertitudes relatives à la notion de fonctionnaire
Fonctionnaires et agents publics
Au-delà des
2,1 millions d'agents civils de l'Etat et de ses établissements publics,
il faut en
effet comptabiliser dans l'emploi public :
- les 460.000 agents des exploitants publics de la Poste et de France
Telecom ;
- les 313.000 militaires (hors appelés du contingent) ;
- les 1,323 million d'agents de la fonction publique territoriale ;
- les 650.000 agents de la fonction publique hospitalière (hors
médecins) ;
- ainsi que 146.000 enseignants des établissements privés sous contrat et
125.000 salariés des établissements de santé privés à but non lucratif
tarifés
en dotation globale.
Au total, on recense donc 5,1 millions d'agents publics
7(
*
)
pour une population active de 22,4 millions,
soit plus d'un actif sur
cinq
.
C'est la totalité de cette population qui est concernée par la négociation
salariale
dans la fonction publique, même si seule une partie de ses effets apparaît dans
le
budget de l'Etat.
L'Etat méconnaît le nombre de ses fonctionnaires
Contrairement
à n'importe quel employeur, l'Etat ne connaît pas avec précision le nombre de
ses
fonctionnaires, ni leur position statutaire.
Ce constat, qui a de graves conséquences en termes budgétaires en raison tant
des
crédits que des effectifs concernés, résulte des travaux de la Cour des comptes
mais
aussi de ceux du Sénat.
Dans une lettre datée du 28 juillet 1998 et adressée à la ministre de l'emploi
et de la
solidarité, le Premier président de la Cour des comptes
écrivait :
" la
Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des
prévisions et autorisations de la loi de finances initiale ".
Il
poursuivait :
" La description des effectifs qui figure
en loi de
finances initiale, seule information dont dispose la représentation nationale
en la
matière, ne correspond pas à la réalité ".
Puis il
concluait :
" Une amélioration de la gestion
prévisionnelle des
effectifs est indispensable ".
Par ailleurs, la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion des personnels
de
l'éducation nationale, dont votre rapporteur spécial était membre, a mis en
exergue
la " mal-administration " du système éducatif. Des
surnombres
évalués à 10.000 enseignants, un volant d'heures supplémentaires
disproportionné, des
décharges syndicales totales ou partielles mal appréhendées, des personnels
détachés
ou mis à disposition avec un certain arbitraire : autant de
dysfonctionnements qui
expliquent que des élèves puissent ne pas avoir de professeurs malgré les moyens
considérables dont dispose l'éducation nationale.
Dans le même temps, l'autorisation budgétaire est vidée de son sens au cours du
processus de transformation des emplois inscrits en loi de finances en emplois
attribués
aux établissements scolaires, tandis que le contrôle des emplois est
embryonnaire, en
particulier au niveau local.
Dès lors, votre rapporteur spécial ne peut que s'interroger sur la validité de
l'information que lui a communiquée le ministère de la fonction publique sur les
positions statutaires des fonctionnaires de l'Etat.
En effet, d'après une enquête réalisée en 1996 par la direction générale de
l'administration et de la fonction publique, il y avait 5.123 agents titulaires
mis à
disposition, 32.617 en service détaché, et 39.589 placés en disponibilité. Les
chiffres ne sont-ils pas trop précis eu égard aux faits mis en exergue par la
Cour des
comptes et par le Sénat ?
Le ministère précise d'ailleurs que cette enquête
" ne permet pas
de
recenser nommément les organismes d'accueil dans lesquels sont placés les
agents "
.
Il y a donc des fonctionnaires mis à disposition, en
service
détaché ou placés en disponibilité, mais l'administration ignore où ils se
trouvent
précisément !
Les emplois-jeunes : de futurs fonctionnaires ?
Les agents
employés par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements
hospitaliers
ne le sont pas sous le même statut :
- le " noyau dur " est constitué des
titulaires
,
soit à peu
près les quatre cinquièmes des agents publics ;
- le solde, soit environ un million de personnes, est constitué de
non
titulaires
:
contractuels, auxiliaires, vacataires... Leur proportion est beaucoup plus
grande dans les
établissements publics (environ 60 %) et dans la fonction publique
territoriale
(près de 30 %) que dans la fonction publique d'Etat, où ils représentent
toutefois
plus de 10 % des effectifs.
-
enfin, un troisième cercle d'agents
est constitué outre des personnes
bénéficiaires de contrats emploi solidarité
8(
*
)
,
dont le
nombre est supérieur à 200.000,
par les
" emplois-jeunes
"
.
Ils peuvent être considérés comme des emplois publics, puisque l'Etat prend en
charge
80 % de leur rémunération
9(
*
)
, et même
100 %
pour ceux recrutés par l'Intérieur ou l'Education nationale.
En juillet 1999, le Premier ministre a signé, à Lille, la convention du 200.000
ème
emploi jeune, l'objectif affiché par le gouvernement étant de parvenir à
employer
250.000 jeunes dans ce dispositif à la fin de l'année, puis
350.000 en 2000.
Un recrutement aussi volontariste a évidemment fait baisser le niveau du
chômage des
jeunes, mais peu d'attention a été portée à leur avenir à l'issue des cinq
années
que doit durer leur contrat de travail. C'est sans doute pour cette raison que
l'éducation nationale, qui recrutera au total 65.000 emplois jeunes, commence à
se
désengager du dispositif.
Votre rapporteur spécial s'interroge également sur le caractère novateur des
emplois
occupés à grand frais par ces jeunes, l'innovation se limitant souvent,
semble-t-il, à
donner de nouvelles appellations à d'anciens métiers. Par ailleurs, l'esprit du
dispositif est trop souvent détourné, des collectivités territoriales,
notamment,
étant incitées à recruter des emplois jeunes avant de les titulariser à l'issue
du
contrat de cinq ans, afin de bénéficier des aides publiques, non sur des postes
nouveaux, mais sur des postes existants " reprofilés ". On
ne saurait
d'ailleurs en faire reproche aux gestionnaires locaux qui optimisent ainsi leur
gestion.
Enfin, il s'inquiète de la
probable intégration d'une part conséquente des
emplois
jeunes dans la fonction publique.
" L'explosion programmée " du coût des pensions
La question
du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat va se poser
rapidement.
L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de l'Etat et
des
militaires a déjà été très rapide : de 1990 à 1997, ce montant est passé,
en
francs constants, de 136 milliards de francs à 164,5 milliards de francs, soit
une
progression de 20,84 %. Les données budgétaires sur les pensions des
fonctionnaires
seront désormais plus complètes, grâce à un vote du Sénat qui, l'année
dernière, a
adopté à l'unanimité, et avec un avis favorable du gouvernement, un amendement
de son
rapporteur général, tendant à donner une base législative aux informations
relatives
aux pensions de la fonction publique figurant dans le rapport sur les
rémunérations
publiques.
Or, les évolutions démographiques sont très préoccupantes eu égard à leurs
conséquences budgétaires.
Sur l'ensemble des titulaires des services civils
de
l'Etat, les sorties définitives, calculées sur deux années consécutives,
s'élèveraient à 91.000 en 1999-2000, 102.000 en 2001-2002, 112.000 en 2003-2004,
117.000 en 2005-2006, et 124.000 en 2007-2008. Ainsi, en 2009, la génération de
l'immédiat après-guerre, dans sa grande majorité, ne sera plus en activité.
D'ici
à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite.
Votre rapporteur spécial estime qu'il faut saisir cette opportunité pour
réduire le
nombre de fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins lourd mais plus
efficace.
En 1998, le Premier ministre avait chargé le Commissaire général du Plan, M.
Jean-Michel Charpin, d'une étude sur la situation et les perspectives de notre
système
de retraite. M. Charpin a remis au Premier ministre, le 29 avril dernier, son
rapport
intitulé
L'avenir de nos retraites
.
Par ailleurs, notre collègue Alain Vasselle a publié, en juin dernier, un
rapport
d'information fixant la doctrine de la commission des affaires sociales du
Sénat relative
à la réforme des retraites.
Le rapport Charpin rappelle que les écarts entre les régimes de retraite du
secteur
privé et les régimes spéciaux, c'est-à-dire ceux des fonctionnaires,
s'accentuent, les
seconds étant plus avantageux que les premiers.
Or, il convient de rappeler que les régimes des salariés du secteur privé ont
fait
l'objet d'une réforme courageuse en 1993, et que
cette réforme n'a pas
concerné les
régimes spéciaux.
Il est donc indispensable d'engager la réforme des régimes spéciaux, afin qu'ils
puissent commencer dès maintenant à rattraper leur retard, les premières
difficultés
allant apparaître en 2005.
Un allongement de la durée de cotisation paraît inévitable
, le rapport
Charpin
préconisant de la porter progressivement à
42,5 ans pour tous, y compris les
fonctionnaires
, d'ici à 2019, au lieu de 40 ans actuellement pour les
salariés du
privé, les fonctionnaires ne devant toujours cotiser que 37,5 années.
Les tergiversations du gouvernement risquent de n'aboutir qu'à des réformes
brutales,
et donc bien plus douloureuses pour les actifs comme pour les retraités.
Les 35 heures dans la fonction publique
En février
dernier, M. Jacques Roché, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, a
remis
au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation
un rapport sur
Le temps de travail dans les trois fonctions publiques.
Ce rapport, très instructif, rappelle que la durée du travail dans la
fonction
publique est très contrastée.
S'agissant de la seule fonction publique de l'Etat, la rapport
note :
" Les
durées de travail moyennes hebdomadaires dont sont redevables les agents à
temps plein
de la fonction publique de l'Etat varient entre 29 heures et 40 heures. A titre
anecdotique, des écarts bien plus importants ont pu être constatés lors des
enquêtes,
traduisant une véritable dérive gestionnaire dans des cas ponctuels, puisque la
Mission
a pu relever que quelques agents à temps plein n'atteignaient pas une durée de
25 heures
en moyenne hebdomadaire ".
Le rapport note ainsi que l'état des lieux fait apparaître
" un
environnement réglementaire
[...]
inadapté "
et que
" la
durée hebdomadaire du travail n'est plus qu'une référence
théorique ".
Ainsi, pour la Mission conduite par M. Jacques Roché, le réduction du temps de
travail
doit-elle
" être une formidable occasion d'une remise à plat de
l'organisation actuelle du temps de travail dans les fonctions publiques ... Ce
n'est
qu'après cette mise à plat et cette nouvelle organisation que pourront être
déterminés les ajustements nécessaires, le cas échéant, dans des secteurs
déterminés ".
Votre rapporteur spécial estime qu'il est indispensable que l'aménagement du
temps de
travail se traduise non par un accroissement des effectifs de la fonction
publique mais
par une plus grande souplesse dans la gestion des horaires et, partant,
une
plus grande
efficacité au service des usagers des services publics.
Or, il s'interroge sur l'application des 35 heures à la fonction publique.
Le gouvernement semble avoir fixé
trois principes
pour la réduction du
temps de
travail dans la fonction publique :
- elle ne concernerait que les personnels dont la durée du travail est
supérieure à 35
heures ;
- l'amélioration du service au public serait la condition indispensable à la
réduction
du temps de travail ;
- la création d'emplois ne serait que le résultat de cette réflexion, et non son
objectif.
La négociation engagée avec les syndicats devrait prendre en considération les
besoins
locaux, les départs en retraite, la résorption de l'emploi précaire ou encore la
possibilité de transformer des heures supplémentaires en emplois.
Or, il est vraisemblable que, lors de ces négociations, des pressions
considérables
s'exerceront afin d'accroître le nombre de fonctionnaires, sans compter le
" réservoir " des emplois jeunes. Il convient également de
rappeler
que de nombreux emplois publics ont été créés au cours des deux dernières
années, le
projet de loi de finances pour 2000 prévoyant 247 emplois publics
supplémentaires.
La réforme de L'ÉTAT : une occasion historique perdue
L'attentisme du gouvernement
Les orientations
du gouvernement concernant la réforme de l'Etat n'apparaissent pas
clairement : les
" déclarations d'intention " sont nombreuses, mais les
actes peinent
à suivre.
L'accord salarial du 13 février 1998
, dont votre rapporteur spécial a
déjà
souligné le coût budgétaire extrêmement lourd,
constitue la principale mesure
concrète
intervenue depuis deux ans dans la fonction publique.
Il faut par ailleurs rappeler la transformation, en 1998, du commissariat à la
réforme
de l'Etat en délégation interministérielle, mais, comme le note lui-même le
gouvernement,
" la délégation poursuit l'action engagée par le
commissariat ".
Sur le plan législatif, le projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs
relations
avec les administrations a été examiné cette année : le Sénat procédera à
une
deuxième lecture du texte cet automne. Ce texte constitue une avancée certaine,
mais son
contenu reprend des propositions faites par le précédent gouvernement.
Enfin, des circulaires sont intervenues, en grand nombre, pour préciser les
modalités de
mise en oeuvre des axes de la réforme de l'Etat. Il convient cependant de noter
le
caractère
peu opérationnel de ces textes qui affichent des intentions peu claires, quoique
nombreuses.
Ainsi, un document gouvernemental
10(
*
)
relatif
aux
principaux chantiers de la réforme de l'Etat n'affiche pas moins de 16
priorités pour
rendre l'Etat plus proche des citoyens et plus efficace. Parmi les plus
importantes, on
peut citer : la simplification des démarches administratives,
l'amélioration de la
qualité des services rendus aux citoyens, la poursuite de la déconcentration, la
rénovation de la gestion des ressources humaines, la rénovation de la procédure
budgétaire, l'utilisation des nouvelles technologies...
Par ailleurs, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'est réuni
le 13
juillet dernier, sous la présidence du Premier ministre. Un premier comité
interministériel s'était tenu le 26 février 1998, abordant les thèmes des
droits des
usagers et de la meilleure organisation des services déconcentrés.
La réunion du 13 juillet 1999 avait pour objet, selon le communiqué du
gouvernement, de
" tirer
les conclusions de ces travaux et marquer le départ d'une nouvelle
étape "
,
des mesures devant être arrêtées afin
" d'améliorer l'efficacité de
l'administration territoriale de l'Etat et la qualité de la gestion
publique ".
Trois axes
ont été déterminés :
- l'évaluation des politiques publiques
:
la prévention et le
traitement du sida, le logement social dans les départements d'outre-mer, les
aides à
l'emploi dans le secteur non marchand, les emplois jeunes dans le secteur de la
jeunesse
et des sports, et la préservation de la ressource destinée à la production de
l'eau
potable sont les politiques choisies pour être évaluées au cours de l'année
1999,
aucune étude sur le sujet n'ayant cependant été communiquée à votre rapporteur
spécial jusqu'à présent ;
- le fonctionnement des services déconcentrés :
les services
déconcentrés
des administrations de l'Etat doivent, notamment, se doter d'un
" projet
territorial " afin de prendre en considération le mieux possible les
spécificités locales ;
- chaque ministère doit élaborer, conformément à la circulaire du Premier
ministre du
3 juin 1999,
un programme pluriannuel de modernisation
définissant ses
objectifs
en matière de gestion des ressources humaines, de management ou de procédures de
travail ; ces programmes ne sont toujours pas connus.
Votre rapporteur spécial ne peut que souscrire, évidemment, à ces réformes,
mais
rappelle que l'affichage de priorités multiples dissimule souvent les vraies
priorités
ou permet de ne pas aborder les questions essentielles.
Les vraies priorités de la réforme de l'Etat
Votre rapporteur spécial estime nécessaire de ne définir qu'un nombre limité d'axes pour la réforme de l'Etat, mais de s'y tenir et de les mettre en oeuvre résolument.
La déconcentration
L'enjeu est décisif car les services déconcentrés de l'Etat regroupent 96% des agents de l'Etat, gèrent les 2/3 des crédits et prennent déjà les ¾ des décisions administratives individuelles. Par ailleurs ce retour vers l'administré est souvent le gage d'une meilleure qualité de l'action publique.
La gestion patrimoniale de l'Etat
Les mesures sont d'autant plus urgentes à mettre en oeuvre dans ce domaine qu'un rapport récent, élaboré par M. Jean-Jacques François, directeur de l'agence comptable du Trésor, a dénoncé la méconnaissance, par l'Etat, de son propre patrimoine immobilier, estimé entre 260 et 450 milliards de francs. De même, la réalité de ses établissements publics est mal connue.
La modernisation de la gestion de la fonction publique
Trois chantiers
au moins doivent absolument être poursuivis :
les fusions
de corps
administratifs (il en existe à peu près 1.000), l'enrichissement de la
procédure de
notation, l'élargissement de la mobilité des fonctionnaires qui pourrait
conduire à
l'avènement de " métiers " au sein de la fonction publique.
A cet égard, votre rapporteur spécial considère que la modernisation de la
gestion de
la fonction publique constitue une occasion à saisir, non seulement pour rendre
l'Etat
plus efficace, mais aussi pour
enrichir le dialogue social
, les voies de
réforme
qu'il propose devant être mises en oeuvre en concertation avec les organisations
syndicales.
La diminution du poids des dépenses de fonctionnement
Il s'agit d'un enjeu majeur, le fardeau des retraites de la fonction publique étant inéluctable.
Le départ à la retraite de 40 % des fonctionnaires au cours des dix prochaines années constitue une occasion historique de réformer le format et les missions de l'Etat. Le gouvernement est, assurément, en train de la laisser passer.
1
École nationale d'administration
2
Institut international d'administration publique.
3
Instituts régionaux d'administration.
4
C'est-à-dire hors budgets annexes et comptes spéciaux du
Trésor.
5
Mesuré au travers du Salaire Moyen Par Tête (SMPT)
6
Il s'agit de l'éducation nationale (enseignement scolaire et
supérieur), de
l'économie et des finances, de l'intérieur, et de l'équipement et des
transports
7
Enfin, environ 4,2 millions de personnes voient leur pension
directement
indexée sur la rémunération des fonctionnaires : 1,7 million de
personnes
bénéficiant d'une pension civile ou militaire de retraite et
550.000 bénéficiaires d'une pension versée par la CNRACL, 1,3 million
de
bénéficiaires du régime de retraite complémentaire IRCANTEC ainsi que
600.000 personnes ayant droit à une pension d'invalidité
8
Ce ne sont pas des contrats de droit public : ils ne peuvent
pas être
directement conclus par les services de l'Etat : toutefois de nombreux CES
le sont
par les collectivités territoriales et par les établissements publics, ce qui
aboutit à
les considérer comme des CES "Fonction publique"
9
Soit 92.000 francs par an et par emploi
10
Consultable sur le site Internet du ministère de la fonction
publique, de
la réforme de l'Etat et de la décentralisation