B. LE RENFORCEMENT DE LA COMPÉTITIVITÉ DE TOUS LES OPÉRATEURS DE L'AUDIOVISUEL, PUBLICS ET PRIVÉS
Une
politique de la communication audiovisuelle ne doit pas se réduire pas
au seul secteur public.
Les enjeux d'une politique audiovisuelle dépassent largement le cadre de
l'audiovisuel dans la mesure où les opérateurs privés
participent directement ou indirectement à l'accomplissement de certains
objectifs d'intérêt national voire de missions de service public.
Il est de l'intérêt du pays de mettre en place un secteur
audiovisuel fort quel que soit le statut public ou privé des acteurs.
Une bonne partie des interventions publiques doivent donc favoriser non le seul
secteur public mais tous les opérateurs nationaux qui sont tous en
concurrence sur le marché mondial.
Le premier devoir des pouvoirs publics et des instances de régulation
mises en place par le législateur est, de ce point de vue, d'assurer une
certaine stabilité des règles du jeu.
Or, au fil des alternances, trop de lois, trop de règlements ont
été édictés ces dernières années,
privant les opérateurs du cadre stable dont ils ont besoin, pour se
développer et pour s'adapter sereinement aux marchés mondiaux.
1. Des règles du jeu stables et claires
Dans un
marché mondialisé, éminemment mouvant, tant sur le plan
technologique qu'économique, les opérateurs nationaux industriels
et commerciaux ont besoin d'un horizon stable pour affronter la concurrence.
La création d'une instance de régulation, dont le rôle est
d'adapter à la réalité, en toute indépendance, les
principes édictés par le Parlement, contribue à cette
stabilité.
Dans un monde audiovisuel en mutation, la régulation, pour reprendre
les formules exprimées par M. Hervé Bourges est " la
forme moderne de l'intervention de l'État dans un secteur
économique. C'est une intervention qui, préservant un certain
nombre de principes intangibles, qui ne doivent pas pouvoir être remis en
cause par les lois du marché, permet néanmoins de laisser la plus
grande liberté et la plus grande autonomie aux acteurs
professionnels. "
Le problème de la concurrence entre le secteur public et le secteur
privé se trouve aujourd'hui relancé par les suites données
par la commission de Bruxelles à une plainte déjà ancienne
déposée par un certain nombre d'opérateurs privés
européens..
La société TF1 avait déposé, en 1993, une plainte
accusant les deux chaînes publiques, France 2 et France 3, de concurrence
déloyale. C'est tout le dossier du droit des chaînes publiques
à avoir recours à la publicité qui est ainsi mis en cause.
Pour justifier sa plainte, TF1 fait valoir qu'il n'est pas possible que les
chaînes publiques bénéficient à la fois de
crédits publics et de recettes publicitaires. La chaîne affirme "
les subventions que l'État a accordées à France 2 et
France 3, confèrent à ces entreprises un avantage
économique sur leurs concurrents " . Elle relève également
que
" France 2 et France 3 se taillent une part importante du taux
d'écoute et des recettes publicitaires disponibles " et note que " la
possibilité, pour une entreprise, de bénéficier de fonds
publics interdits à ses concurrents peut lui permettre d'offrir des prix
plus compétitifs pour son espace publicitaire " .
La Commission a procédé à une première
procédure informelle en 1996 sans prendre de décision.
Condamnée en carence en septembre 1998
à l'occasion d'un
litige opposant la télévision publique espagnole à la
société privée Telecinco,
la Commission a
relancé la procédure contentieuse et adressé une lettre en
date du 28 février 1999 à la France, à l'Espagne et
à l'Italie, demandant que lui soit démontré la
compatibilité du financement public
avec la prohibition des aides
directes prévues aux articles 92 et suivants du Traité de
Rome
.
Dans sa lettre, la Commission aurait estimé que le fait que l'Etat
soutienne financièrement France 2 et France 3 " peut aussi
empêcher des investisseurs étrangers d'investir sur le
marché français de la radiodiffusion " et aurait abouti à
la conclusion que :
"
Il en découle que les aides accordées
à France 2 et à France 3 faussent la concurrence et pourraient
affecter les échanges intra-communautaires au sens de l'article
92
. "
En conséquence, la Commission a demandé au gouvernement
français de lui fournir la désignation officielle " de la mission
de service public " confiée à France 2 et France 3.
Toute la question est de savoir dans quelle mesure le protocole d'Amsterdam
du 17 juin 1997 consacré à l'audiovisuel, protège les
secteurs audiovisuels publics des menaces que constitue une application
rigoureuse des règles de la concurrence et notamment de celles relatives
aux aides d'État et dans quelle mesure l'exercice de missions de service
public peut-il bénéficier de l'exception de service public
contenue de l'article 90.2
. En effet, l'article 90.2 exempte, sous
certaines conditions, les entreprises chargées d'un service
d'intérêt économique général des
règles de concurrence.
Certes, en faisant référence à la " mission de service
public telle qu'elle a été conférée, définie
et organisée par chaque Etat membre ", le protocole d'Amsterdam
réaffirme le droit de chaque Etat membre de définir et
d'organiser librement cette mission de service public en déterminant les
obligations soit générales, soit particulières, relevant
de cette mission. C'est ce que fait la loi française sur l'audiovisuel
du 30 septembre 1986 et les cahiers des charges qui en découlent en
disposant, à titre d'exemple, des missions de respect du pluralisme, de
promotion de la langue française, d'adaptation des diffusions aux
malentendants, de service minimum, et de diffusion des communications du
gouvernement, de l'expression du Parlement, et d'émissions à
caractère religieux et d'informations spécialisées,
éducatives ou sociales.
Mais, il faut enfin rappeler que
le protocole d'Amsterdam assortit cette
reconnaissance d'une condition que " le développement des
échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire
à l'intérêt de la Communauté "
. Cette
règle interprétée strictement n'interdit pas aux
autorités de Bruxelles de faire jouer le droit de la concurrence et, de
ce point de vue
, le secteur public n'est pas à l'abri d'une remise en
cause de son mode de financement voire de son mode de fonctionnement
. Le
changement de titulaire des compétences en matière de concurrence
au sein de la commission de Bruxelles peut toutefois laisser espérer une
certaine souplesse dans la gestion de ce contentieux.
Une autre polémique est née en août dernier, lorsque TF1
décide de déprogrammer un film pour lui substituer de programmes
plus populaires, pour contrer le Destin des Steenfort, le grand feuilleton de
rentrée de France 2. Les deux soirs, TF1, avec plus de 35% de parts de
marché a devancé France 2 crédité respectivement de
22% et 25%.
En matière de
déprogrammation
, il existe pourtant depuis
1988 un accord entre les chaînes hertziennes en application duquel chaque
chaîne dépose auprès du Conseil supérieur de
l'audiovisuel (CSA), et sous enveloppe cachetée, sa programmation d'une
semaine complète 21 jours en aval, ce qui semblerait ne pas avoir
été le cas en l'espèce. En fait, les deux parties ne
semblent pas avoir la même interprétation du texte : pour
TF1, il s'agit d'un simple code de bonne conduite, tandis que, pour France 2,
il s'agit d'un accord interchaîne ayant une portée contraignante.
Au delà de cette affaire de déprogrammation à
caractère plutôt anecdotique mais révélatrice d'un
climat, il faut souligner que le premier sujet est d'importance dans la limite
où il pourrait à terme compliquer au nom d'impératifs de
concurrence, le financement des développements commerciaux du secteur
public non seulement sur des crédits budgétaires mais sur les
ressources de redevance.
2. Le décollage du satellite et le retour du câble
Après s'être fourvoyée avec le plan câble et les satellites de télédiffusion directe, la France apparaît à l'avant-garde en matière de numérique. Même le câble semble, avec l'amorce de la convergence entre télécommunication et télévision, retrouver une nouvelle vigueur.
a) La France à la pointe du numérique par satellite
La
France est le premier pays équipé pour la réception par
satellite de télévision numérique, avec 2,14 millions de
foyers, soit 39 % des abonnés européens à ce mode de
réception, selon une étude récente de Démoscopie
pour la Société Européenne des Satellites (SES).
Selon une autre enquête réalisée pour l'organisation
européenne de télécommunications, Eutelsat, c'est 6,2
millions de foyers français qui reçoivent désormais une
offre élargie de programmes télévisés par
câble et par satellite. Les nouveaux modes de réception de la
télévision concernaient donc au mois de juin 1999 pas moins de 27
% des foyers.
Au regard des pays du nord de l'Europe où, comme en Allemagne ou
Belgique, la pénétration du câble peut atteindre
respectivement 70 % et 90% de la population, ce chiffre peut paraître
encore modeste.
Mais la progression en France est spectaculaire, sous le double effet de
l'ouverture du marché du numérique et de la concurrence entre les
bouquets de chaînes Canal Satellite et TPS : tandis que ce dernier -
diffusé par Eutelsat - pouvait faire état de 720 000
abonnés fin août 1999, le premier - porté par le satellite
Astra - 1,248 millions d'abonnés.
De juin 1997 à juin 1998, la pénétration du câble
est de 13 % : un an plus tard, en juin 1999, elle a progressé de 17 %
avec 2,8 millions de foyers. En revanche, la réception par satellite qui
avait augmenté de 17 % entre 1997 et 1998, a cru l'année suivante
de 69 %, pour concerner désormais 3,5 millions de foyers : pour la
première fois en France, la parabole supplante donc le câble dans
le mode de réception.
b) Le pari sur l'interactivité
Les
groupes privés pionniers du numérique mettent maintenant le cap
sur l'interactivité, considérée comme le vecteur du
développement du marché.
Ainsi, le groupe de Pierre Lescure entend-il, avec ses 1,3 millions
d'abonnés numériques à la chaîne Canal+ et à
Canal Satellite, faire de l'interactivité, à la
télévision et sur l'internet, un nouveau "centre de profit".
Pour Canal+, la stratégie est simple : grâce au
numérique, qui permet l'interactivité, le groupe peut fournir
à l'abonné captif une foule de services payants
complémentaires : paiement à la séance pour le sport et le
cinéma, banque à domicile, jeux en réseau, pari à
domicile, etc.. Il s'agit pour Canal+ de "rentrer dans une relation
transactionnelle" avec l'abonné.
Pour affirmer ses ambitions, Canal+ s'est risqué devant des analystes
financiers, à faire des projections financières. Avec 2 millions
d'abonnés numériques à Canal+ et à Canal Satellite
d'ici deux ans, l'entreprise mise "sur 120 millions de francs (18,29 millions
d'euros) de marge par an", avec une hypothèse de dépense de "5 F
par mois et par abonné". "l'interactivité représentera 20%
des profits de Canal Satellite", qui vient de dégager pour la
première fois un profit de 5 millions d'euros au premier semestre 1999.
Concrétisant le processus de convergence, M. Jean-Marie Messier, PDG de
Vivendi, a annoncé aux actionnaires du groupe la
création
d'une équipe commune Vivendi-Canal+, provisoirement baptisée
"Vivendi +", dont l'objectif est, notamment de "mutualiser les contenus"
pour être présent sur tous les supports -
télévision, PC et téléphone portable...
De son côté, TPS ne reste pas inerte en matière de services
interactifs. C'est ainsi qu'il doit lancer avant la fin de l'année,
" en avant première européenne "
TPS Mail, premier
service E-Mail
à la télévision. Par ailleurs, il a
annoncé le lancement prochain d'internet à la
télévision avec le groupe Sagem SA ainsi que, pour l'an 2000,
avec Thomsom Multimédia et OpenTV, une nouvelle génération
de terminaux numériques qui permettront aux
téléspectateurs une
programmation à la carte
"en
s'affranchissant complètement du temps".
La voie est ainsi ouverte à deux révolutions :
l'intégration des services à la manière d'Internet et la
constitution de chaînes personnalisées
c) Le renouveau du câble
C'est le
Conseil supérieur de l'audiovisuel qui, à l'été
1998, a attiré l'attention sur la
montée des capitaux
américains dans le câble
et donc indirectement leur enjeu
stratégique que sont devenus les réseaux câblés par
suite de l'anticipation par les opérateurs privés du processus de
convergence entre la téléphonie, Internet et la
télévision.
Les acquisitions récentes des réseaux français de Time
Warner, de Vidéopole et de réseaux câblés de France
par UPC ( 280 000 abonnés ), de cinq réseaux de France
télécom câble par NTL (76 000 abonnés), les
objectifs ambitieux affichés par la holding Intercomm déjà
actionnaire de Cable Service de France.
Ces entreprises anticipent le mouvement de dérégulation
amorcé en Grande-Bretagne en 1991 permettant aux
câblo-opérateurs de proposer des services de
télécommunication. C'est cette même logique qui a conduit
France Télécom à s'associer en Grande-Bretagne avec NTL
(1,6 million d'abonnés).
En fait à l'origine de ce renouveau du câble, se trouve
également l'ambition d'ATT et des câblo-opérateurs
américains soutenus par Micrososft de faire du câble aux
Etats-Unis le principal accès à Internet et par voie de
conséquence au commerce électronique.
En dépit des progrès des transmissions filaires avec le
début de la commercialisation de la technologie ADSL qui commence
à être commercialisée dans les arrondissements centraux de
Paris, le câble se présente actuellement comme une voie plus
sûre, plus rapide et de meilleure qualité que les modems
reliés à des lignes téléphoniques.
En quelques mois, ATT a acquis pour 100 milliards de dollars deux des plus
importants cablo-opérateurs : le n°1 TCI et le n°4
Médias One
, tout en passant avec Comcast le n°3 une accord
de rationalisation des réseaux. Compte tenu des autres opérations
de concentration impliquant des opérateurs moins importants, il n'est
pas étonnant que les cours des actions des câblo-opérateurs
aient quadruplé à la bourse de New-York.
L'enjeu du câble apparaît encore plus nettement avec
l'entrée de Miocrosoft dans le processus d'alliances
.
Déjà actionnaire de Comcast, Microsoft a investit 5 milliards de
dollars dans ATT en échange de 3% du capital et avec la perspective de
mettre les systèmes d'accès d'ATT sous Windows. Dans ce domaine,
Microsoft est encore distancé par les décodeurs d'Open TV ( Sun )
et Médiagard de Canal+.
Microsoft tisse sa toile en Europe. Avec 4 milliards de dollars
d'investissements, la firme de Seattle possède notamment 30% de Telwest
et 5% de NTL en Grande-Bretagne, ainsi que près de 8% d'UPC aux
Pays-Bas.
On assiste à la
course vers le client final,
qui justifie tous
les investissements et toutes les surenchères :
en un an, le
prix de valorisation de la prise aux Etats-Unis a presque doublé pour
atteindre près de 5000 dollars l'abonné. En France aussi, les
prix explosent : Vidéopole vendu par EDF sur la base de 1300 francs
l'abonné a été revendu quelques mois plus tard par
l'acquéreur à UPC sur la base de mille dollars par
abonné
, qui correspond au prix du marché actuellement.
Finalement, toute cette ébullition subite autour du câble montre
qu'avec la convergence, la câble a sa place aux côté du
satellite et, le cas échéant du numérique terrestre dans
la mesure où en l'état actuel des techniques, il semble le
vecteur d'interactivité les plus immédiatement
opérationnel et celui offrant un accès particulièrement
sûr au client final.
Est-ce à dire que l'on peut traiter le câble de la manière
aussi libérale que le satellite ? certains le soutiennent mais
d'autres aussi peuvent faire valoir que, eu égard à leur
monopole, et à la possibilité qu'ils auront d'arbitrer entre
éditeurs de chaînes - et les controverses auxquelles a
donné lieu l'éviction récente de certaines chaînes
thématiques en portent témoignage - il convient de les soumettre
à des obligations spécifiques.
3. La nécessité d'encourager toutes les formes de télévision de proximité
L'arrivée des technologies numérique fait baisser les coûts : coût de diffusion bien sûr, mais également coût de production, innovations qui ne peuvent que favoriser toutes les initiatives en matières de télévision de proximité, à commencer par celles des collectivités territoriales.
a) Le rapport Francaix Vistel
En
novembre 1998, MM. Michel Françaix, député, et Jacques
Vistel, conseiller d'État, ont remis à Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication, leur rapport sur les
télévisions locales.
Les auteurs du rapport ont d'abord rappelé la diversité des
formes de télévision locale et donc des cadres juridiques
(décrochages locaux de chaînes nationales comme ceux de France 3
et de M6, télévisions locales de plein exercice diffusées
par voie hertzienne terrestre comme TLM à Lyon ou
Télé-Bleue à Nimes, ou sur le câble, enfin,
télévisions temporaires).
Au regard des exemples étrangers et des attentes du public,
MM. Francaix et Vistel estiment que "notre pays marque aujourd'hui un
certain retard par rapport aux autres pays développés" et que le
bilan mitigé des télévisions locales françaises
"appelle incontestablement, si l'on souhaite aller au-devant des goûts du
public, des réformes importantes".
Estimant que le principal obstacle au développement de
télévisions locales en France est d'ordre financier, les auteurs
se sont employés à "examiner comment pourraient être
réunies les conditions permettant à des opérateurs de
s'engager dans la création de nouvelles télévisions
locales dans un nombre significatif de villes françaises ".
A cet égard, deux voies leur semblent pouvoir être
privilégiées : l'accès de ces télévisions
à la publicité en faveur de la distribution et la
possibilité, pour les collectivités territoriales, de leur
accorder des subventions limitées, dans des conditions garantissant le
pluralisme.
S'agissant des programmes, les auteurs préconisent une syndication
encadrée des télévisions locales et l'orientation vers des
programmes à dominante d'informations locales, diffusés en boucle.
Parmi les partenaires privilégiés des télévisions
locales, les auteurs mentionnent en premier lieu la presse. Ils estiment que
" la meilleure voie d'entrée de la presse quotidienne
régionale dans l'audiovisuel est constituée par les
télévisions locales " et jugent souhaitable que le CSA
examine avec une attention toute particulière les projets de
télévisions locales qui associeront la presse quotidienne
régionale, dans le respect du pluralisme. Pour eux, les investissements
de la presse dans les télévisions locales pourraient être
éligibles au fonds de modernisation de la presse.
b) La multiplication des candidatures
Au-delà de la question du financement, MM. Francaix et
Vistel
soulèvent le problème du manque de fréquences hertziennes
disponibles et se demandent dans quelle mesure il serait possible d'obtenir la
cession par les armes de certaines fréquences qui leur sont
attribuées.
La question de la redistribution par le Conseil a rebondi à la suite
d'un arrêt du Conseil d'État. Dans son arrêt du 29 juillet
1998, Sarl JL Electronique, la haute juridiction a annulé la
décision du CSA de refus du lancement d'un appel aux candidatures au
motif que les raisons invoquées par le CSA ne figuraient pas au nombre
des limitations prévues à l'article ler de la loi de 1986 :
" que ces motifs, de caractère général, ne trouvent
pas leur fondement sur des considérations et caractéristiques
techniques qui rendraient impossible l'utilisation de la fréquence sur
l'une des limites précisées explicitement par l'article ler de la
loi du 30 septembre 1986 modifiée ". Cette jurisprudence
réaffirme ainsi clairement que seul un motif tiré de l'article
l
er
de la loi peut permettre de restreindre la communication
audiovisuelle.
Il en est résulté un afflux de demandes et une reprise par le
CSA de l'attribution des fréquences. Depuis l'été 1998, le
CSA a ainsi été saisi de 35 demandes de lancement d'appels aux
candidatures
. Prenant acte de cette jurisprudence, il a depuis lors
lancé huit appels à candidatures en vue de l'autorisation de
chaînes de télévision d'expression locale.
Le tableau dans le rapport fait le point des demandes d'attribution de
fréquences en instance.
c) Créer les conditions d'une floraison d'initiatives locales
Pour
votre rapporteur spécial, il est évident que les
télévisions locales au sens le plus large ne connaissent pas en
France le développement que permet la technologie
.
Une des caractéristiques des évolutions technologiques en cours -
satellite, câble numérique terrestre - est que celles-ci
autorisent les initiatives les plus variées des acteurs qu'ils soient
privés ou publics.
Pourquoi alors cette atrophie des télévisions d'initiative locale
en France ?
Sans doute cela tient-il effectivement à des problèmes
" d'économie ", car il n'est pas facile de trouver les
recettes publicitaires en un montant suffisant pour assurer la
rentabilité de la station.
Mais, ainsi qu'en témoigne le projet de syndication publicitaire
imaginé autour de la Presse quotidienne régionale, on peut
trouver des solutions.
Si cela ne suffira sans doute pas à débloquer la situation et
à offrir dans la plupart des communes le cadre permettant
l'éclosion de télévisions communautaires comme on en
connaît par exemple au Canada, cela tient à l'existence d'autres
obstacles économiques ou juridiques.
Au moment où se répandent des caméras numériques
permettant à un minimum de personnes de réaliser des
émissions au moindre coût, il est anormal que n'apparaissent pas
plus de télévisions locales.
Sans donner à cette remarque un caractère trop
général, votre rapporteur spécial a tendance à
penser que le prix demandé par TDF pour les émissions n'est pas
étranger au petit nombre d'initiatives viables
.
La conviction de votre rapporteur spécial est que demain, le
satellite comme le numérique terrestre constituent l'occasion de
développer des programmes locaux ; qu'il s'agisse du satellite pour
lequel les coûts de diffusion bien qu'élevés, ne sont pas
hors de portée - en partenariat - d'une collectivité
territoriale, région département voire
agglomération ; qu'il s'agisse du numérique terrestre qui
apparaît encore plus sûrement offrir à des opérateurs
locaux publics ou privés des moyens peu coûteux de toucher une
population locale.
4. Donner la priorité à la création et à l'innovation pour faire face aux besoins issus du numérique
L'explosion du nombre de chaînes résultant de
l'utilisation croissante des technologies numériques ne peut que
susciter une demande croissante de programmes.
Il faut que l'Europe et la France soient bien préparées pour
faire face à ce qui pourrait bien se révéler sinon une
explosion du moins une très forte croissance de la demande.
Si l'on ne veut pas que cette expansion du marché profite surtout aux
produits américains, dont l'excédent commercial vis-à-vis
de l'Europe est passé de 2 milliards de dollars en 1988 à 6,5
milliards de dollars en 1998
il est
indispensable de développer
encore les aides en faveur des contenus.
En dépit d'une certaine tendance à l'amélioration, la
domination américaine est très nette sur le petit écran,
où près de la moitié des oeuvres de fiction
télévisuelles diffusées sur les chaînes nationales
viennent d'outre Atlantique.
Certes, TV France International peut faire état d'une nette progression,
puisque le montant des exportations atteint 583 millions de francs en 1997 et
716 millions de francs en 1998.
On peut souligner qu'a côté des points forts que constitue
l'animation (40% des exportations)et le documentaire ( 20% des exportations) -
ce dernier genre étant favorisé par le développement des
chaînes thématiques - notre point faible reste les oeuvres de
fiction qui représentent à peine 30% de nos exportation.
Il faut cependant signaler
les très bonnes performances des
émissions de flux comme " Fort Boyard
", qui constitue un
des plus grands succès français à l'exportation ;
tourné en France, devenu en dix ans le programme français de
télévision le plus exporté, il est vendu dans 48 pays.
Les réalisations d'Expand, leader mondial des jeux d'aventure, est un
bon exemple des performances d'une industrie française de l'audiovisuel
résolument tournée vers le marché international, au point
d'exporter tous types de programmes et de recettes confondues pour près
de 1,8 milliards de francs en 1998, faisant jeu égal avec le
cinéma.
Plus jeune que l'industrie cinématographique, la production de
télévision est sensible aux demandes du marché. C'est une
pléiade de petites sociétés indépendantes
animées par des producteurs entreprenants, axés sur le marketing
et rompus aux techniques de doublage et de synchronisation de langues pour
s'imposer à l'exportation.
La meilleure défense étant l'attaque, il convient d'inciter
les producteurs à se porter sur les marchés étrangers et
ne pas compter sur la protection illusoire et temporaire des quotas.
Maintenant, surtout à un moment où la notion d'exception
culturelle peut être remise en cause dans le cadre des
négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce, il ne faut sans
doute pas aller trop vite, comme peuvent le laisser craindre les propos du
nouveau commissaire européen à l'audiovisuel et à la
culture Viviane Reding, qui a récemment déclaré :
" Il ne faut pas nécessairement défendre les quotas. Il y
a une autre façon de faire la même politique, c'est de
subventionner, d'aider à la création européenne, de former
les jeunes pour qu'ils soient capables de créer et leur donner un coup
de pouce pour qu'ils puissent faire des oeuvres intéressantes et
à ce moment les quotas seront remplis. " Prise à la lettre
une telle déclaration pourrait signifier la fin de la " directive
télévision sans frontières ".
L'exemple canadien est là pour démontrer que la seule solution
durable consiste à favoriser l'apparition d'une forte industrie
française de programmes audiovisuels adaptés aux standards
internationaux.
Cela peut être fait au moyen des obligations de production. En ce qui
concerne les oeuvres en clair, on peut rappeler qu'en application du
décret du 17 janvier 1990, les services de télévision
diffusées en clair doivent à la fois consacrer 15% de leur
chiffres d'affaires à la commande d'oeuvres d'expression originale
française et un volume minimum de cent vingt heures d'oeuvres
audiovisuelles européennes ou d'expression originale française
diffusées en début de soirée. Par convention avec le CSA
ou en vertu de leur cahier des charges pour les sociétés de
l'audiovisuel public, une augmentation du pourcentage de chiffre d'affaires
investi dans la production peut être compensée par une diminution
de l'obligation de diffusion.
Mais l'autre piller de la politique d'encouragement à la création
audiovisuelle est l'aide de l'État. Celle-ci passe à la fois par
le Compte de soutien à l'industrie de programme - COSIP - et des
avantages fiscaux conférés aux sociétés anonymes de
financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles - SOFICA.
Sans entrer dans le détail de mécanismes qui mettent en jeu des
sommes importantes - 1,16 milliard de francs pour le COSIP 120 millions de
dépenses fiscales pour les SOFICA
, votre rapporteur considère
en ce qui concerne la masse la plus importante, c'est à dire le compte
de soutien, que, si des progrès peuvent sans doute être encore
faits dans l'adaptation des procédures aux besoins, le problème
est moins une question de montant que de mobilisation
sur le terrain
pour faire connaître aux producteurs intéressés la marche
à suivre et les accompagner dans leurs efforts à
l'exportation.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut changer les mentalités en amenant
les opérateurs à concevoir, dès le départ, leurs
produits pour les marchés extérieurs et non plus faire de
l'exportation ce petit bonus qui vient de façon aléatoire en sus
de l'exploitation sur le marché français.