III. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL
En dépit de ses efforts de restructuration, l'Institut connaît toujours une période difficile : TF1 se désengage ; la demande du secteur public se contracte. Crise de gestion mais surtout d'identité, qui explique sans doute la grève du printemps 1998 et partant le malaise persistant de cet organisme. Celui-ci ne devrait prendre fin qu'avec la clarification de ses missions, qui ne devrait pas manquer d'intervenir avec la nouvelle loi sur la communication audiovisuelle.
A. LE RÉAJUSTEMENT DES MISSIONS
L'Institut National de l'Audiovisuel après la grève importante qu'il a connu en mai 1998, cherche à recentrer son activité autour de ses missions essentielles.
1. Les leçons d'une crise
La crise
traversée par l'INA en 1998 doit être analysée à la
fois sous l'angle spécifique de l'entreprise et dans un contexte plus
large.
L'INA observe en effet la disparition progressive de toutes les protections
dont il avait été entouré depuis sa création en
1975, et l'évolution de sa position relative au sein du secteur public
audiovisuel. Créé pour regrouper des services communs de l'ORTF
qui ne pouvaient être répartis dans les nouveaux organismes
constitués par la loi, l'INA avait, à l'origine,
été protégé par un ensemble d'obligations
imposées à ses partenaires publics : obligation d'archivage,
dévolution des droits, obligation de faire former leurs salariés
par l'INA, obligation de commandes et de programmation de la production de
recherche de l'INA.
Au cours des dernières années, les partenaires publics de l'INA
n'ont eu de cesse de se libérer de leurs obligations dans la mesure
où ils ont été confrontés à un marché
de plus en plus concurrentiel et que l'évolution des techniques
numériques les a conduit à développer des fonctions
documentaires intégrées utiles à leur exploitation propre.
La privatisation de TF1 s'est en outre traduite par la perte d'un important
client.
Au-delà, et plus largement, la crise s'explique par la perte des
repères traditionnels du secteur public dans un environnement
concurrentiel, qui est marqué par le développement des
télévisions privées, des nouvelles technologies
numériques et de nouveaux services de communication. Dans ce contexte,
la définition des missions de service public et leurs conditions de
financement sont amenées à évoluer.
L'INA a donc été confronté à une situation
nouvelle, dans laquelle il n'est plus un fournisseur exclusif
. Cette
situation l'oblige à prendre davantage d'initiatives commerciales,
à construire des propositions et des offres de services attractives et
convaincantes à destination de clients réticents en raison du
poids de l'histoire et à améliorer l'efficacité de son
fonctionnement. Cette démarche doit aussi conduire l'INA à
concentrer son activité sur des actions répondant à de
réelles attentes de ses clients, dans le domaine de la conservation et
la communication de ses archives, qui doivent par ailleurs s'intégrer
dans une politique nationale du patrimoine s'appuyant sur le dépôt
légal.
L'INA doit donc gérer des évolutions en profondeur qui
conditionnent son avenir et qui peuvent, à tout moment, susciter
certaines résistances internes qui se sont exprimées début
1998 au niveau de l'encadrement, des personnels et de leurs
représentants. C'est dans ce contexte qu'a été reprise au
cours du deuxième trimestre 1998 la réflexion sur les
orientations stratégiques de l'INA pour la période 1999-2003,
menée par la direction en étroite association avec l'encadrement
et en concertation avec les organisations syndicales.
2. Le nouveau Plan stratégique
La
préparation d'un plan stratégique de l'entreprise a abouti
à la présentation du premier volet présenté au
conseil d'administration de l'INA le 11 mars 1999. Le document " Orientations
stratégiques 1999 - 2003 " constitue la première
étape du plan stratégique auquel viendront s'ajouter deux volets
complémentaires " les modalités générales de
mise en oeuvre des orientations stratégiques " et " les
indicateurs stratégiques ", l'ensemble constituant le plan
stratégique qui doit être présenté au conseil
d'administration au cours du second semestre 1999.
L'adoption en première lecture par l'Assemblée nationale du
projet de loi sur la liberté de communication le 27 mai dernier,
consacre
la priorité accordée par l'INA à ses missions
patrimoniales
.
Dans le même temps, les
relations avec France
Télévision, principal
partenaire de l'INA, ont fait l'objet
d'une redéfinition tant pour ce qui concerne la dévolution des
droits, les prestations d'archivage que pour les relations dans le domaine de
la formation et de la recherche.
Un accord cadre négocié avec
France Télévision doit être signé à l'automne
1999
.
Dès lors que le plan stratégique de l'entreprise aura
été adopté en conseil d'administration, un projet de
contrat d'objectifs et de moyens sera proposé à l'Etat et
permettra à l'INA d'envisager son avenir sur une base redéfinie,
consolidée et pérenne. La préparation d'un plan
stratégique de l'entreprise est destinée à répondre
à ces interrogations. Elle sera menée par la direction en
étroite association avec l'encadrement et en concertation avec les
organisations syndicales et devra aboutir à la fin de l'année
1998.
Or, ces orientations impliquent une double mutation :
1- Un recentrage de l'entreprise sur un métier de base, la gestion
d'archives professionnelles
pour compte de tiers, qui est indissociable
d'une mission d'archivage d'intérêt général
exercée pour le compte de l'État, et qui s'accompagne depuis 1992
de la mission régalienne de gestion du dépôt légal.
L'ambition est claire : mieux conserver pour mieux communiquer.
Dans cette perspective, l'INA engage
un plan pluriannuel de sauvegarde et de
numérisation des fonds physiquement menacés
: plus de 20
millions de francs seront consacrés à cette activité de
préservation du patrimoine audiovisuel national.
L'INA s'efforcera parallèlement
d'accroître
l'accessibilité de ses fonds
dans des conditions satisfaisantes de
coûts et de délais. La modernisation et l'industrialisation de la
chaîne de traitement des documents, l'accessibilité sous forme
numérique et la mise en valeur commerciale des fonds devraient permettre
des gains de productivité, une réduction des coûts et des
délais des prestations et la conquête de nouveaux clients pour
l'INA. Cette amélioration de la disponibilité des fonds pour les
professionnels se conjugue à l'élargissement de l'accès
offert aux chercheurs dans le cadre de l'ouverture du centre de consultation de
l'Inathèque à la Bibliothèque nationale de France.
2- Une réorientation de ses autres missions par rapport à son métier de base
L'INA
recherchera les complémentarités entre sa mission relative
à la conservation et la valorisation du patrimoine audiovisuel et ses
activités de formation, recherche et production de recherche.
Dans l'immédiat, la recherche d'une convergence conduit
nécessairement à articuler ses différentes missions autour
des perspectives ouvertes par l'émergence des techniques
numériques :
- pour la formation : développement des stages liés à
ces nouveaux outils ;
- pour la recherche : focalisation sur les travaux d'analyse et de
traitement d'images, d'ingénierie documentaire, sur les techniques de
navigation dans les réseaux et la restauration automatisée des
archives ;
- pour la production : redéfinition d'une production de recherche
dans l'univers du numérique et des nouveaux réseaux, en
développant notamment la création hypermédia.
L'INA souhaite inscrire la mise en oeuvre de ces orientations dans un
contexte de double stabilisation des ressources et de la masse
salariale
. C'est sur cette base qu'un
contrat pluriannuel d'objectifs et
de moyens
sera proposé à l'État au cours des prochains
mois, afin de mobiliser et de consolider l'avenir de l'entreprise à
horizon de cinq ans.
Au regard de l'évolution actuelle du cadre législatif et d'une
allocation de moyens publics garantie sur la période 1999-2003, l'INA
souhaite que son équilibre d'exploitation à horizon 2003 puisse
s'appuyer sur un contrat avec l'État comportant des engagements
réciproques :
- une stabilisation puis une progression modérée des
recettes contractuelles (hors France Télévision) d'ici 2003 ;
- une garantie de stabilité de la dotation de base de redevance
d'exploitation sur la période 1999 - 2003 ;
- une compensation par l'État en 2002 et 2003 de la perte de
chiffre d'affaires résultant de l'évolution des relations avec
France Télévision imposée par le législateur tant
pour la dévolution des droits que pour les prestations d'archivage ;
- une réduction significative des frais généraux de
l'INA ;
- une stabilisation de la masse salariale sur la période 1999 -
2003, en valeur absolue et en francs courants, au niveau du
réalisé 1998.
L'INA doit réaliser un important effort de restructuration
.
Ainsi, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens qui sera passé
avec l'État pour la période 1999-2003, la réorientation
des différentes missions de l'INA affirmée par le
législateur et les contraintes du financement public supposent pour
l'entreprise, dans le domaine des ressources humaines, que l'entreprise
s'engage à anticiper les mutations nécessaires " en
douceur " et à orienter les personnels vers les nouveaux
métiers liés au numérique.
Cela suppose un
effort de flexibilité
et l'amorce d'une dynamique
de mobilité interne. Quant à l'objectif de stabilisation de la
masse salariale ne peut être atteint par le seul effet du turn over
externe. Il impliquera, sans remettre en cause l'existence même des
différentes activités de l'INA :la réduction des
moyens en personnel dits de structure ou fonctionnels et le
" reprofilage " de certains emplois autour des compétences
liées aux nouvelles technologies.
En clair, les évolutions prévues doivent se traduire à
horizon 2003 par un renouvellement et une réduction des effectifs de
l'entreprise dans le cadre d'une gestion solidaire de l'emploi, sans plan
social.
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