N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME II

Fascicule 1

LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

( Première partie de la loi de finances )

(Volume 1 : examen des articles)

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 (1999-2000).


Lois de finances.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES


I. - IMPÔTS ET REVENUS AUTORISÉS

A. - Dispositions antérieures

ARTICLE PREMIER

Autorisation de percevoir les impôts existants

Commentaire : le présent article consacre l'autorisation annuelle de percevoir les impôts et produits existants et fixe, comme chaque année, les conditions de l'entrée en vigueur des dispositions qui ne comportent pas de date d'application particulière.

Cet article rappelle que l'autorisation de l'impôt est à l'origine même de l'institution parlementaire.

Il s'applique aux impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir. L'article 4 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose en effet en son premier alinéa que : " l'autorisation de percevoir les impôts est annuelle ".

Il convient d'observer que, comme à l'accoutumée, le présent article a une portée partiellement rétroactive puisqu'il dispose que la loi de finances s'applique :

- à l'impôt sur le revenu dû au titre de 1999 et des années suivantes, ce qui explique que la loi de finances de l'année " n " fixe le barème de l'impôt sur les revenus perçus l'année " n - 1 " ;

- de la même façon, s'agissant des sociétés, à l'impôt dû sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1999, ce qui, pour un grand nombre d'entre elles, se traduit par une imposition sur des activités antérieures à l'année n.

Il est également précisé que cette " loi de finances s'applique à compter du 1 er janvier 2000 pour les autres dispositions fiscales " et cela " sous réserve de dispositions contraires " qui en l'espèce figurent notamment à l'article 3 du présent projet de loi 1( * ) .

Cette rétroactivité partielle est néanmoins inévitable, car il ne serait pas concevable que le Parlement se prive de toute marge de manoeuvre pour faire évoluer la fiscalité, notamment dans le cadre d'un changement de politique générale. Mais elle ne doit pas être confondue avec une forme de rétroactivité différente trop souvent utilisée par bien des gouvernements : celle qui consiste à revenir sur la parole de l'Etat en remettant en cause les engagements pris par celui-ci à l'égard d'épargnants ou d'investissements dont les décisions résultent du contexte fiscal qui leur est promis pour une période déterminée.

A la suite de travaux menés sur cette question de la rétroactivité, votre rapporteur général a déposé, le 4 novembre 1999, deux propositions de loi 2( * ) visant à limiter le recours aux dispositions fiscales rétroactives, eu égard à la nécessité de préserver le principe de sécurité juridique applicable en ce domaine.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

B. - Mesures fiscales

ARTICLE 2

Barème de l'impôt sur le revenu

Commentaire : le présent article procède à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu, ainsi que de certains seuils associés.

Cet article a pour objet d'actualiser de façon tout à fait classique le barème de l'impôt sur le revenu, ainsi que de certains seuils ou plafonds associés au calcul de l'impôt sur la base de la hausse des prix (hors tabac) prévue pour 1999, soit 0,5%.

C'est ainsi que, au paragraphe 1 de cet article, le 1°, a pour objet de relever de 0,5% les montants des seuils de l'article 197 du code général des impôts, tandis que, toujours au même paragraphe, le 2° tend à actualiser, sur les mêmes bases, le plafond de l'avantage maximal résultant de la demi-part de quotient familial qui passe de 11.000 à 11.060 francs, et le 3 ° la décote, qui est portée de 3.330 à 3.350 francs. Enfin, le paragraphe II actualise l'abattement accordé au contribuable par personne prise en charge au titre de l'article 196 B du code général des impôts.

En outre, à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont également été actualisés deux autres seuils par voie d'amendement au 2° du paragraphe 1 du présent article, dont l'ajustement avait été " omis " dans le projet de loi de finances déposé par le gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale.

Il s'agit, d'une part, du montant maximum de la réduction d'impôt supplémentaire accordée aux personnes seules invalides, veuves ou anciens combattants qui passe ainsi de 5.380 à 5.410 francs, et, d'autre part, du plafond de l'avantage fiscal résultant de la demi-part supplémentaire bénéficiant aux contribuables isolés ayant eu des enfants à charge, mais n'en ayant plus au-delà de l'année du vingt-sixième anniversaire du dernier né, qui est porté de 6.100 à 6.130 francs.

Examinant les perspectives d'évolution des recettes fiscales pour l'an 2000, qui passeraient de 320 milliards à 333,2 milliards de francs soit une hausse de 13,2 milliards de francs, le rapport de M. Didier Migaud estime, à juste titre, qu'une réflexion s'impose sur l'indexation du barème.

Il fait d'abord remarquer que l'indexation actuelle s'effectue sur la base de l'indice des prix hors tabac et que l'écart traditionnel de 0,1% entre cet indice et l'indice général aboutit sur une période de cinq ans à une augmentation de la charge fiscale d'environ 1 à 2,5 milliards de francs. Mais il souligne - et il s'agit comme le note le rapport d'une " remarque d'un autre ordre " - que " l'indexation du barème sur l'évolution des prix et non sur celle du revenu disponible des ménages contribue également à renforcer le poids intrinsèque de l'impôt sur le revenu par rapport aux autres prélèvements ".

Le problème de l'indexation n'a pas échappé à votre rapporteur général qui avait ainsi fait remarquer dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 1999 que, " une simple indexation sur les prix permet à l'État, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation de pouvoir d'achat des Français ". Car telle est bien la question que pose un barème fortement progressif comme celui en vigueur dans notre pays, surtout lorsqu'il s'applique à des revenus gonflés par le retour de la croissance.

Le problème est de définir un mode d'indexation qui aille au delà d'une simple articulation sur les prix. Tandis que l'Assemblée nationale s'oriente vers un mode d'indexation tendant à proportionner le prélèvement résultant de l'impôt sur le revenu à la croissance de l'assiette, votre commission des finances recherche un système qui limite le phénomène de captation des fruits de la croissance par le budget de l'État .

Pour l'Assemblée, la " modalité d'indexation du barème et des seuils associés a priori la plus équitable serait celle qui assurerait une croissance du produit de l'impôt égale à celle du revenu disponible brut des impôts, hors effets dus aux différentes règles affectant ou modifiant l'assiette et les taux de l'impôt ".

La méthode a sa cohérence mais présente, selon votre rapporteur général, des inconvénients liés à l'agrégat de référence. Parce qu'il comprend les transferts sociaux, parce qu'il dépend de l'évolution des minima sociaux, parce qu'il subit enfin les effets de la fiscalité, le revenu disponible peut apparaître comme une grandeur volatile ou du moins relativement dépendante de la politique gouvernementale. Le risque de " circularité " est d'ailleurs suffisamment net pour que le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale ait pris la peine, comme on l'a vu, de préciser qu'il fallait les corriger des variations de la fiscalité.

Pour votre commission des finances, il s'agit non pas de trouver un agrégat représentatif de l'assiette de l'impôt sur le revenu, mais de tenir compte dans l'évolution du barème de l'accroissement du revenu réel des Français . La solution la plus évidente à cet égard est de faire référence au taux de croissance du produit intérieur brut, agrégat à la fois simple et prévisible .

L'idée directrice est de mettre en place un système d'indexation garantissant un partage des fruits de la croissance entre l'État et les citoyens/contribuables . Pratiquement, il s'agirait d'ajouter à la traditionnelle indexation sur les prix, cette année égale à 0,5 %, un élément égal à la moitié de la croissance prévue pour 1999 soit 1,15 %.

Le système a le mérite d'une certaine simplicité.

On note que le coût de la mesure de l'ordre de 4,6 milliards de francs est inférieur à celui de l'indexation sur le revenu disponible envisagé par la commission des finances de l'Assemblée nationale, soit 9,75 milliards de francs.

Tel est l'objet de l'amendement qu'elle vous propose d'adopter à cet article, qui par coordination avec les mesures qu'elle vous proposera par voie d'article additionnel avant l'article 2 bis en matière de fiscalité de la famille, comporte également la suppression du paragraphe II de cet article.

Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 2 bis

Aménagements de l'impôt sur le revenu favorables à la famille

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de prévoir divers aménagements ponctuels favorables à la famille et aux solidarités privées : rétablissement à 16.380 francs du plafond de l'avantage fiscal résultant d'une demi-part de quotient familial pour les familles n'ayant qu'un enfant à charge ; possibilité de rattachement au foyer fiscal des enfants à la recherche d'un emploi ; élévation à 22.000 francs du montant fixé à l'article 196 B du code général des impôts pour l'abattement dont bénéficient les enfants rattachés ; abaissement à 60 ans de l'âge minimal à partir duquel la personne recueillie ouvre droit à la déduction prévue à l'article 156 II 2° ter.

L'année dernière le gouvernement a été amené à compenser le rétablissement de l'universalité des allocations familiales qu'il venait de supprimer par un abaissement du plafond de l'avantage fiscal consécutif au quotient familial, qui est ainsi passé de 16.380 francs à 11.000 francs.

Ces mesures, qui s'analysent non seulement comme un coup porté aux familles mais aussi plus généralement comme un renforcement de la fiscalité sur les hauts revenus, constituent une erreur manifeste d'appréciation.

Il ne vous est pas proposé de revenir sur un dispositif déjà voté, mais, simplement, de supprimer certains effets collatéraux, objectivement indésirables :

• premièrement, il est suggéré de rétablir, pour les couples n'ayant qu'un seul enfant à charge, l'ancien plafond de l'avantage résultant de la demi-part de quotient familial soit 16.380 francs . Il s'agit d'une mesure de justice, car ces familles ne bénéficient pas du rétablissement des allocations familiales ;

• deuxièmement, votre commission souhaite que la possibilité de rattachement au foyer fiscal soit offerte non seulement aux enfants étudiants mais également à ceux, trop nombreux, à la recherche d'un emploi ;

• troisièmement, il est demandé le relèvement de 20.370 francs (20.480 francs pour les revenus de 1999 dans le présent projet de loi de finances) à 24.000 francs du seuil de l'article 196 B , qui fixe le montant de l'abattement ou le plafond de déductibilité des pensions alimentaires; ce régime de l'abattement serait applicable de plein droit à tous les enfants de plus de vingt ans, étudiants ou à la recherche d'un emploi, domiciliés chez leur parent et plus aux seuls enfants mariés ou ayant eux-mêmes des enfants à charge.

Votre commission est consciente de ce qu'un tel régime d'abattement serait plus favorable que le mécanisme de quotient familial plafonné à 11.000 francs mais tient à souligner qu'il s'applique à des jeunes adultes qui entraînent le plus souvent des charges plus importantes pour les familles. Elle ajoute que l'extension du système de l'abattement simplifierait les déclarations des contribuables, qui, sur la base de 2.000 francs par mois, pourraient procéder à une telle déduction sans le tracas d'avoir à fournir des justificatifs, toujours fastidieux à rassembler, facilitant du même coup la tâche des services fiscaux .

Elle insiste enfin sur le fait que l'on permettrait de revenir en partie sur certains effets pervers de l'abaissement de 30.330 à 20.370 francs de ce seuil, du point de vue la taxe d'habitation ; comme l'a d'ailleurs reconnu le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, puisque la majoration du revenu fiscal de référence résultant de cette mesure (9.960 francs par enfant) peut entraver les mécanismes de dégrèvement d'office - lui-même plafonné - existant pour la fraction de la taxe d'habitation excédant 3,4% du revenu.

• Enfin, votre commission vous propose d'encourager le développement des solidarités privées - et en tout premier lieu des collatéraux - en favorisant l'accueil au domicile des personnes âgées, en abaissant de 75 à 60 ans l'âge à partir duquel les personnes recueillies au foyer ouvrent droit à la déduction de 17.680 francs , fixée par référence à l'évaluation forfaitaire des avantages en nature retenue en matière de sécurité sociale. On note que cette mesure reste - malheureusement - d'une portée restreinte, puisque la personne recueillie doit avoir un revenu imposable qui n'excède pas le plafond de ressources fixé pour l'octroi des allocations supplémentaires du Fonds National de solidarité.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 2 bis (nouveau)

Fixation des seuils d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités versées aux salariés ou aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation de leurs fonctions

Commentaire : le présent article, issu d'un amendement de M. François Hollande, a pour objet de déterminer les seuils d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités versées aux salariés ou aux mandataires sociaux d'une entreprise, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions. Si l'intention poursuivie est compréhensible dans la mesure où il s'agirait d'améliorer la sécurité juridique, la fixation d'un seuil d'imposition en valeur absolue, quel que soit son montant, porte gravement atteinte au principe selon lequel les indemnités représentatives de dommages-intérêts ne sauraient être soumises à l'impôt sur le revenu.

Le dispositif prévu par le présent article et codifié à l'article 80 duodecies nouveau du code général des impôts, propose de fixer dans la loi les seuils d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail d'un salarié ou de la cessation forcée des fonctions d'un mandataire social.

Il procède pour cela par étapes :

- en premier lieu, il valide législativement la pratique actuelle de l'administration qui considère, sur le fondement de la jurisprudence, qu'à concurrence de leur fraction conventionnelle (ou à défaut légale), les indemnités ne doivent pas être soumises à l'impôt sur le revenu, dans la mesure où elles visent à réparer un préjudice autre que la perte de revenus ;

- dans un deuxième temps, il considère que lorsque les indemnités versées excèdent les seuils mentionnés à l'alinéa précédent, elles doivent demeurer exonérées à concurrence, soit de l'équivalent de deux années de revenu brut, soit de la moitié du montant de l'indemnité reçue ; il est ainsi implicitement sous-entendu qu'à concurrence de ces seuils, les indemnités ont la caractère de dommages-intérêts non imposables ;

- mais, dans un troisième temps, il dispose que toutes les indemnités qui excèdent un montant fixé en valeur absolue à 2,35 millions de francs doivent être fiscalisées, même si leur montant est inférieur aux seuils mentionnés à l'alinéa précédent.

Il convient enfin de noter que l'assujettissement de ces indemnités à l'impôt sur le revenu emporte leur soumission aux cotisations de sécurité sociale, ainsi que le prévoit l'article 2 A du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Votre commission considère qu'en dépit de son caractère ad hominem, le présent dispositif présente l'avantage appréciable de fixer dans la loi le régime fiscal des indemnités de rupture de contrat qui était jusqu'à présent laissé à l'appréciation de l'administration, sous le contrôle du juge. Il évite ainsi les désagréments liés aux fluctuations de la doctrine et améliore la sécurité juridique des citoyens.

En outre, il reste relativement généreux puisque les seuils d'exonération prévus, en proportion du salaire brut annuel ou de l'indemnité versée, s'avèrent supérieurs aux seuils qui ressortent jusqu'à présent de la jurisprudence du Conseil d'Etat. De surcroît, le caractère proportionnel des seuils retenus permet de maintenir un lien entre le montant fiscalisable des indemnités et la situation personnelle de chaque salarié ou mandataire.

Toutefois, votre commission considère que la fixation d'un seuil d'imposition en valeur absolue, quel que soit son montant, porte gravement atteinte au principe selon lequel les indemnités qui ont le caractère de dommages-intérêts ne sauraient être soumises à l'impôt sur le revenu. Elle ouvre ainsi une brèche dangereuse susceptible de conduire à la fiscalisation de toutes les indemnités ayant valeur de réparation globale et octroyées à la suite de la réalisation d'un sinistre ou d'un accident. Elle risque en outre de compromettre les restructurations d'entreprises en rendant plus difficile les changements nécessaires à la tête des sociétés concernées.

En conséquence, votre commission vous proposera de supprimer le plancher en valeur absolue et, d'autre part, de mettre fin au caractère rétroactif du dispositif.

I.  LE RÉGIME FISCAL ET SOCIAL ACTUEL DES INDEMNITÉS DE RUPTURE DE CONTRAT

A. RÉGIME FISCAL

1. Indemnités de licenciement


En principe, toute somme perçue d'un employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable. Toutefois, s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'administration 3( * ) considère que la fraction des indemnités de licenciement qui a pour objet la réparation d'un préjudice exceptionnel autre que la perte de revenus (préjudice moral ou professionnel notamment) bénéficie d'une exonération .

Pour simplifier, il est admis, en toute hypothèse, que la partie de l'indemnité de licenciement correspondant au minimum fixé par la convention collective de branche ou par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, est représentative de dommages-intérêts et n'est donc pas imposable.

Lorsqu'une indemnité plus élevée est versée en vertu d'un accord particulier (contrat de travail, transaction, etc.) ou d'une décision de l'employeur, le surplus est imposable sauf s'il est établi que l'indemnité répare un préjudice autre que la perte de salaires .

En outre, le salarié conserve toujours la possibilité de faire valoir ses droits par la voie contentieuse s'il estime que le préjudice subi est plus important que celui dont il a été tenu compte dans la détermination de la base imposée. L'existence d'un préjudice autre que la perte de salaires est une question de fait que le Conseil d'Etat apprécie au cas par cas .

Pour cela, le juge prend généralement en compte :

- l'ancienneté et l'âge du salarié au moment du licenciement ;

- les fonctions qu'il occupait ;

- les conditions du licenciement : brutalité de la rupture, atteinte à la réputation ;

- les troubles causés dans les conditions d'existence du salarié licencié : difficultés prévisibles de réinsertion, perte d'une certaine situation sociale, obligation de changer de résidence, perte de la possibilité d'augmenter ses droits à la retraite ou du bénéfice de régimes surcomplémentaires de retraite propres à l'entreprise, perte du droit du conjoint à percevoir une pension d'entreprise au cas où le salarié viendrait à décéder à l'occasion de son service ;

- l'existence d'une transaction et ses termes.

Ces différents critères sont appréciés au cas par cas, pour chaque salarié, même s'il s'agit d'un licenciement collectif dans le cadre d'un plan social.

L'administration admet également l' exonération des dommages-intérêts alloués par les tribunaux en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif ou en cas d'inobservation de la procédure de licenciement, ainsi que de l'indemnité spéciale de licenciement versée aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

Les indemnités de départs volontaires sont en revanche imposables.

On notera que dans le cas où au delà de la partie destinée à réparer la perte du salaire (imposée on l'a vu, comme un salaire), une indemnité ne correspond à aucun préjudice, ce surplus est imposable comme des revenus mobiliers. Il doit être rapporté au bénéfice imposable de la société et taxé, par voie de concurrence, comme revenus mobiliers sans avoir fiscal, lorsque la société versante est passible de l'impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, la partie imposable de l'indemnité de licenciement peut bénéficier, sur demande du contribuable, du système du quotient prévu à l'article 163-0 A du CGI, quel que soit son montant.

2. Le cas des dirigeants de sociétés

Le président, le directeur général et les administrateurs des sociétés de type classique ainsi que les membres du conseil de surveillance des sociétés anonymes de type nouveau sont révocables sans que la décision ait besoin d'être justifiée. Ils ne peuvent donc, en règle générale, prétendre à des dommages-intérêts lorsqu'il est mis fin à leurs fonctions. L'ensemble des sommes qui leur sont versées à l'expiration de leur mandat entre donc, en principe, dans le champ d'application de l'impôt.

En revanche, les membres des directoires et les gérants minoritaires de sociétés à responsabilité limitée peuvent percevoir des dommages-intérêts à la suite d'une révocation n'intervenant pas pour un juste motif. Les sommes attribuées par les tribunaux, à titre de réparation du préjudice, ont le caractère de gain en capital, non passible de l'impôt sur le revenu au nom des intéressés.

B.  RÉGIME SOCIAL

1. Les indemnités de rupture de contrat entrent pour partie dans l'assiette de la CSG et de la CRDS


Dans l'état actuel du droit, les indemnités versées lors de la rupture d'un contrat de travail sont soumises à la cotisation sociale généralisée 4( * ) (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale 5( * ) (CRDS) pour la fraction qui excède " le montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ".

L'assiette de la CSG a en effet été alignée sur celle de la CRDS par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 6( * ) .

On notera qu'en vertu d'une circulaire du 2 février 1996 relative à la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, les indemnités de licenciement prévues dans le contrat de travail ou déterminées dans un accord d'entreprise ne donnent lieu à exonération que pour la part de l'indemnité versée conformément à la convention collective ou à l'accord professionnel ou interprofessionnel éventuellement applicable, ou, à défaut, par la loi.

On observera également que la même circulaire substitue à la notion de " montant prévu ", celle de montant minimum. Or, une telle interprétation n'est pas sans conséquences dans le cas où la loi renvoie à l'accord des parties, au juge ou à un organisme professionnel, le soin de déterminer, au vu des circonstances propres à chaque cas, le montant de l'indemnité due. Tel est le cas des dommages - intérêts pour licenciement abusif, des dommages-intérêts pour rupture anticipée par l'employeur du contrat à durée indéterminée, de l'indemnité de clientèle des VRP, ou de l'indemnité de licenciement des journalistes ayant plus de quinze ans d'ancienneté.

On peut regretter que l'administration ait adopté cette interprétation contestable tant au plan de l'équité (la fraction ainsi assujettie à CRDS est celle qui répare un préjudice aggravé) qu'au regard du texte de l'ordonnance du 24 juillet 1996 (le montant " prévu " par la loi est celui fixé dans chaque cas et non le minimum).

2. La fraction des indemnités de rupture de contrat correspondant à des dommages et intérêts n'entre pas dans l'assiette des cotisations sociales

Pour établir la nature des indemnités de rupture de contrat au regard des cotisations sociales, le juge distingue tout d'abord les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement - qui ne sont pas soumises à cotisations sociales -, et les indemnités négociées ou transactionnelles - qui peuvent être soumises à cotisations. Le juge opère ensuite un distinguo entre les indemnités qui ont le caractère de dommages-intérêts et les indemnités qui constituent des rémunérations au regard du travail accompli.

En vertu d'une jurisprudence bien établie, les indemnités conventionnelles ou légales de licenciement ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale .

A la différence de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à la rémunération du travail qu'aurait accompli le salarié s'il était resté au service de son employeur pendant la durée du délai-congé, les indemnités de licenciement sont destinées à réparer, en fonction de l'ancienneté, le préjudice qu'a subi le travailleur du fait de la perte de son emploi et ne constituent pas un supplément de rémunération versé à raison ou à l'occasion du travail. En conséquence, elles ne sont pas soumises à cotisations. Ainsi en a jugé la Cour de cassation a plusieurs reprises.

Dans un arrêt n° 661 du 9 juin 1966 7( * ) , la chambre civile de la Cour de cassation a ainsi estimé qu' " une indemnité de licenciement, bien qu'elle ait pour origine le contrat, constitue non un revenu mais des dommages et intérêts, c'est-à-dire la réparation d'un préjudice, ce qui ne saurait être assimilé à un revenu quel qu'il soit ".

De même, les indemnités versées par l'employeur aux salariés qui acceptent de quitter volontairement l'entreprise et qui ont, comme les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice résultant de la rupture de leur contrat de travail et la perte prématurée de leur emploi ne doivent pas être incluses dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale 8( * ) .

Le juge a ainsi considéré qu'un salarié subit du fait de la cessation prématurée de son activité dans le cadre d'un plan social, qui constitue une forme atténuée de licenciement, un préjudice matériel et moral ; dès lors, l'indemnité qui lui est versée a pour objet de réparer ce préjudice et ne constitue pas la rémunération d'un travail 9( * ) .

Il en est de même pour l'indemnisation volontaire supplémentaire allouée aux salariés en raison de leur acceptation d'un départ anticipé de l'entreprise, qui, selon le juge, présente le caractère de dommages-intérêts.

On notera donc avec intérêt que les sommes allouées à titre transactionnel à des salariés qui renoncent en contrepartie à réclamer des dommages-intérêts pour rupture injustifiée du contrat de travail ne sont pas soumises à cotisations sociales, même pour la part de ces sommes qui excède le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement .

Toutefois, le juge est tenu de rechercher si la somme versée dans le cadre d'une transaction n'englobe pas des éléments de rémunération soumis à cotisations, quelle que soit la qualification retenue par les parties.

En revanche, les sommes versées par l'employeur lors de la démission d'un salarié n'ont pas, en principe, la nature de dommages-intérêts, sauf s'il est établi qu'en réalité, la rupture du contrat de travail a été provoquée par l'employeur et que les sommes versées réparent le préjudice né de la perte de l'emploi.

La Cour de cassation a, par exemple, jugé que l'indemnité versée à un directeur général à l'occasion de son départ de la société qui ne constitue ni le dédommagement d'une révocation qui serait intervenue dans des conditions abusives, ni la réparation d'un préjudice qui serait résulté pour lui de la cessation forcée de ses fonctions, constitue un élément de rémunération soumis à cotisations 10( * ) .

3. Le cas des indemnités versées aux mandataires sociaux

S'agissant des mandataires sociaux, les tribunaux ont jugé que les dommages-intérêts alloués par décision de justice au président-directeur-général d'une société anonyme en réparation du préjudice subi du fait de la révocation de son mandat social ne sont pas soumises à cotisations 11( * ) .

II. LE DISPOSITIF " HOLLANDE - CAHUZAC "

A. LE DISPOSITIF FISCAL PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE


Le présent article, qui insère un article 80 duodecies nouveau dans le code général des impôts, est composé de deux volets.

Le premier volet détermine les seuils d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités de rupture du contrat de travail des salariés.

Le second règle le régime fiscal des indemnités de toutes natures versées aux mandataires sociaux et dirigeants de sociétés à l'occasion de la cessation de leurs fonctions. Il distingue lui-même deux cas : celui du départ volontaire des mandataires, qui occasionne le traitement fiscal le moins favorable, et celui de la cessation forcée des fonctions, qui ne provoque taxation qu'au delà d'un plafond de 2,35 millions de francs.

1. Le cas des salariés

Le premier paragraphe du 1 de l'article 80 duodecies nouveau pose le principe de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu du montant des indemnités de licenciement qui excède la fraction conventionnelle ou légale de ces indemnités . Cette disposition transpose donc la doctrine administrative selon laquelle les sommes qui excèdent les montants légaux ou conventionnels sont censées représenter le préjudice financier résultant de la perte de salaires, et constituent à ce titre une rémunération imposable.

Toutefois, le deuxième paragraphe du 1 atténue sensiblement ce principe en portant la fraction exonérée des indemnités de licenciement à au moins le double du salaire de l'année qui précède le licenciement.

Il prévoit néanmoins un plancher général d'imposition pour les sommes qui excèdent 2,35 millions de francs , seuil correspondant à la moitié de la limite de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Au total, le dispositif serait le suivant :

• Les indemnités de licenciement seraient, en toute hypothèse, exonérées à hauteur de la fraction correspondant au montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel, ou à défaut, par la loi 12( * ) . Cette disposition est cohérente avec la jurisprudence invariable du Conseil d'Etat selon laquelle cette fraction est représentative de dommage-intérêts censés réparer un préjudice autre que la perte de salaires. Elle ne doit donc pas être fiscalisée.

• Au delà, les indemnités ne seraient imposables que pour la fraction qui excède la plus grande des deux sommes suivantes :

- soit le double de la rémunération brute perçue l'année précédant la rupture du contrat de travail ;

- soit la moitié des indemnités de licenciement versées.

Ce deuxième seuil vise probablement à faire face à l'hypothèse où le salarié serait dans l'entreprise depuis moins d'un an.

Autrement dit, les indemnités de licenciement seraient soumises à impôt, soit pour la moitié de leur montant, si ce dernier excède le double de la rémunération brute perçue l'année précédente ou si le salarié est licencié avant un an, soit pour la fraction qui excède deux fois le salaire de l'année précédente, dans les autres cas.

Enfin, au delà d'un seuil de 2,35 millions de francs , les indemnités de licenciement seraient automatiquement assujetties à l'impôt sur le revenu pour la fraction qui excède ce plancher .

Bien entendu, la fraction imposable des indemnités de licenciement continuera à pouvoir bénéficier du système du quotient prévu par l'article 163-O A du CGI qui permet d'atténuer la progressivité du barème de l'impôt.

Pour récapituler, le seuil de déclenchement de l'imposition serait, pour les indemnités inférieures à 2,35 millions de francs, le plus élevé des trois montants suivants :

- fraction conventionnelle ou légale des indemnités de licenciement ;

- moitié des indemnités de licenciement versées ;

- deux fois le montant du salaire brut perçu l'année précédente.

Au delà d'un seuil de 2,35 millions de francs, toutes les indemnités seraient taxées, quelle que soit leur nature.

Exemples :


1 er cas : une indemnité de licenciement de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu un salaire brut d'un million de francs l'année précédente serait exonérée d'impôt sur le revenu.

2 ème cas : une indemnité de licenciement de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu un salaire brut de 800.000 F l'année précédente serait imposable à hauteur de 400.000 F.

3 ème cas : une indemnité de licenciement de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu un salaire brut de 400.000 F l'année précédente serait imposable à hauteur de un million de francs.

4 ème cas : une indemnité de licenciement de 3 millions de francs serait imposable, quel que soit le salaire touché l'année précédente, pour la fraction qui excède 2,35 millions de francs, soit 650.000 F.

Enfin, ne seraient jamais taxables les indemnités de départ volontaires versées dans le cadre d'un plan social ainsi que les indemnités versées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse (article L. 122-14-4 du code du travail).

2. Le cas des mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises

Le 2 de l'article 80 duodecies concerne les mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises.

Il dispose que toute indemnité versée à l'occasion de la cessation de leurs fonctions serait imposable, sans conditions de seuil.

Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, le régime serait le même que pour les salariés, c'est-à-dire que seule la fraction des indemnités qui excède les seuils évoqués plus haut serait soumise à l'impôt sur le revenu.

Ces dispositions seraient applicables :

• dans les sociétés anonymes :

- au président du Conseil d'administration,

- au directeur général,

- à l'administrateur provisoirement délégué,

- aux membres du directoire,

- à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ;

• dans les sociétés à responsabilité limitée : aux gérants minoritaires ;

• dans les autres entreprises ou établissements passibles de l'impôt sur les sociétés : aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés ;

• dans toute entreprise : à toute personne occupant un emploi salarié dont la rémunération totale excède la plus faible des rémunérations allouées aux dirigeants de cette entreprise.

B.  LE DISPOSITIF SOCIAL PROPOSÉ (ARTICLE 2A DU PLFSS 2000)

L'article 2 A du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui résulte d'un amendement de M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, est le pendant du présent article. Il pose le principe de l' assujettissement des indemnités de licenciement aux cotisations de sécurité sociale, pour la fraction qui est elle-même soumise à l'impôt sur le revenu.

Toutefois, s'agissant de la CSG, le dispositif actuel, plus rigoureux, est réaffirmé.

1. Le renforcement de l'assujettissement à la CSG

Bien que l'utilité d'une telle disposition ne soit pas établie au regard de l'état actuel du droit, il est prévu d'assujettir à la CSG, " en tout état de cause " la fraction des indemnités de licenciement qui est soumise à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du CGI.

Cette disposition n'apporte rien de nouveau car les indemnités de licenciement sont actuellement soumises à la CSG pour la fraction qui excède le montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, ce qui est plus sévère que ce que l'amendement " Hollande " prévoit en matière d'impôt sur le revenu.

En revanche, l'article 2 A innove en prévoyant de soumettre explicitement à la CSG la totalité des indemnités perçues par les mandataires sociaux et dirigeants à l'occasion de la cessation de leurs fonction, sauf en cas de cessation forcée de ces fonctions, où seule la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu entrerait dans l'assiette de la CSG.

2. L'assujettissement de la fraction imposable des indemnités de licenciement aux cotisations de sécurité sociale

Le régime social des indemnités de licenciement serait totalement calqué sur le régime fiscal
prévu par l'article 80 duodecies du CGI résultant de l'amendement " Hollande " , à savoir :

- pour les salariés, n'entrerait dans l'assiette des cotisations sociales que la fraction des indemnités de licenciement assujettie à l'impôt sur le revenu ;

- la totalité des indemnités perçues par les mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises entrerait dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, sauf en cas de cessation forcée des fonctions où seule la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu serait prise en compte.

Les cotisations de sécurité sociale concernées sont :

- les cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale) ;

- les assurances sociales agricoles (article 1031 du code rural) ;

- les cotisations familiales des salariés agricoles (article 1062 du code rural) ;

- les cotisations d'assurance maladie des travailleurs agricoles (article 1154 du code rural).

III.  APPRÉCIATION DE VOTRE COMMISSION

La réflexion de votre commission a été guidée par le principe selon lequel la fraction des indemnités versées à la suite de la rupture d'un contrat de travail ou d'un mandat social, qui correspond à des dommages-intérêts ne doit pas être fiscalisée , quel que soit son montant .

Il est en revanche légitime que la fraction des indemnités qui s'apparente à un complément de rémunération soit soumise à l'impôt sur le revenu.

De ce point de vue, votre commission considère que la fixation de seuils d'exonération en valeur relative, comme le propose le présent article, constitue une amélioration de la sécurité juridique des citoyens dès lors qu'elle leur permet de connaître le montant exact des indemnités de rupture du contrat de travail qu'ils doivent déclarer. Au demeurant, au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat, les seuils fixés apparaissent comme relativement généreux.

Toutefois, cette amélioration est immédiatement contredite par la définition d'un plancher d'imposition en valeur absolue , fixé arbitrairement à 2,35 millions de francs. Sans qu'il soit besoin d'en contester le montant, votre commission considère qu'un tel " couperet " rompt l'égalité des citoyens devant la loi et contrevient au principe évoqué précédemment, selon lequel des indemnités ayant le caractère de dommages-intérêts ne doivent pas être imposables. En outre, il ouvre une brèche dangereuse susceptible de conduire à la fiscalisation de toutes les indemnités octroyées à titre de réparation globale à la suite de la réalisation d'un sinistre ou d'un accident.

Votre commission vous proposera, en conséquence, d'en rester à des seuils relatifs , qui, en permettant d'apprécier la nature d'une indemnité, notamment en fonction du salaire perçu l'année précédant la rupture du contrat de travail ou la cessation du mandat social, respectent les principes de proportionnalité et de souplesse.

A. UNE AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES CONTRIBUABLES

Dans l'état actuel du droit, les salariés ou les mandataires sociaux qui perçoivent des indemnités de rupture de contrat de travail ou de cessation de mandat social ont, en vertu de l'article 79 du code général des impôts, l'obligation de les déclarer. On a vu que l'administration ne considérait comme imposable que la fraction de ces indemnités qui excède les minima conventionnels ou légaux, sauf s'il est établi que l'indemnité a pour objet de réparer un préjudice autre que la perte de revenus.

En cas de contentieux avec l'administration sur la nature de ces indemnités, la qualification des sommes versées est laissée à l'appréciation du juge qui se réserve la possibilité de requalifier les versements effectués à l'occasion d'un départ.

Il se fonde pour cela sur la distinction entre le préjudice résultant de la perte de salaire et le préjudice moral, seule la réparation du premier devant être soumise à impôt dans la mesure où elle s'assimile à une rémunération.

Mais la jurisprudence du Conseil d'Etat pour déterminer le seuil au delà duquel une indemnité s'apparente à une rémunération est fluctuante et laisse les contribuables dans l'incertitude. Elle repose notamment sur la capacité des intéressés à établir le préjudice qu'ils ont subi. La conséquence est qu'en pratique, peu d'indemnités sont déclarées.

Ainsi, l'indemnité versée à un employé lors de la suppression du poste qu'il occupait depuis trente ans a été considérée pour sa totalité comme destinée à réparer le préjudice causé, et par suite, comme non imposable, dans une espèce où un préavis de huit mois avait été donné à l'intéressé (CE, arrêt du 14 octobre 1957, req n° 32792) alors que l'indemnité de rupture du contrat de travail allouée à un salarié âgé de 65 ans en vertu d'un accord amiable a été regardée comme constituant un complément de rémunération imposable en raison de l'absence de caractère abusif de la rupture (CE, arrêt du 17 décembre 1980, req n° 18419).

De même, la fraction de l'indemnité perçue en sus de l'indemnité due en application de la convention collective, par un salarié licencié à l'âge de 43 ans qui a certes retrouvé rapidement un emploi équivalent mais à durée déterminée, a été considérée comme imposable (CE, arrêt du 11 mai 1984, n° 40043).

En conséquence, la fixation de seuils en valeur relative , comme le propose le début du deuxième alinéa de l'article 80 duodecies proposé par le présent article, améliore la sécurité juridique et fiscale des citoyens. Elle leur permet de savoir précisément quel montant ils doivent déclarer.

De surcroît, il est possible d'observer que les critères retenus pour l'assujettissement des indemnités de rupture de contrat de travail ou de mandat social, à l'impôt sur le revenu sont relativement généreux par rapport à ce que la doctrine ou le juge pouvaient jusqu'à présent appliquer.

La somme reçue, si elle n'excède pas un montant de 2,35 millions de francs, sera ainsi toujours exonérée d'impôt sur le revenu à concurrence, soit de l'équivalent de deux années de revenu brut, soit de la moitié du montant total reçu, ce qui sous-entend implicitement que les montants ainsi exonérés correspondent à des dommages-intérêts versés en réparation du préjudice subi .

On remarquera également que la présente disposition élève considérablement les seuils d'exonération des indemnités par rapport à la pratique actuelle de l'administration selon laquelle seule la fraction conventionnelle ou légale desdites indemnités est constitutive de dommages-intérêts et donc non imposable.

De surcroît, le caractère proportionnel des seuils retenus permet de maintenir un lien entre le montant fiscalisable des indemnités et la situation personnelle de chaque salarié ou mandataire.

Dès lors qu'il est implicitement admis qu'à concurrence des seuils retenus, les indemnités de rupture de contrat ont le caractère de réparation d'un préjudice global et ne sont pas susceptibles d'être assimilées à un revenu, une telle disposition peut donc être considérée comme en ligne avec le principe qui guide votre commission, selon lequel les indemnités représentatives de dommages-intérêt doivent demeurer hors de l'assiette imposable.

B.  UNE REMISE EN CAUSE INSIDIEUSE ET DANGEREUSE DU PRINCIPE DE NON FISCALISATION DES DOMMAGES-INTÉRÊTS


Toutefois, un tel principe est immédiatement contredit par la dernière phrase du deuxième alinéa du 1 de l'article 80 duodecies qui prévoit un plancher d'imposition en valeur absolue , fixé arbitrairement à la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit 2,35 millions de francs.

Ce plancher d'imposition, quel que soit son montant, semble extrêmement pervers à votre commission, dès lors qu'il sous-entend qu'au delà d'un certain montant absolu, une indemnité n'a plus le caractère de dommages-intérêts mais s'assimile à une rémunération " abusive ".

Il n'est qu'à citer M. Christian Sautter, alors Secrétaire d'Etat au budget, qui déclarait le 21 octobre à l'Assemblée nationale 13( * ) :

" Il n'y a aucune raison qu'un certain nombre de situations particulièrement choquantes se pérennisent et que des sommes versées lors du départ volontaire des intéressés, dont Dominique Strauss-Kahn a dit qu'elles dépassaient parfois l'entendement, soient traitées comme des dommages-intérêts et totalement exonérées d'impôt ".

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a quant à lui, parlé d' " abus inadmissibles ".

Or, par construction, le caractère de dommages-intérêts d'une indemnité doit s'apprécier au regard de la situation qui prévalait avant que le contrat de travail soit rompu ou le mandat social interrompu et non en valeur absolue. C'est en tout cas la position qu'a toujours adoptée le Conseil d'Etat, en s'appuyant notamment sur des critères comme la perte d'une certaine situation sociale ou l'obligation de changer de résidence.

Si l'on admettait, comme le proposent les députés, qu'au delà de 2,35 millions de francs, toute somme versée en réparation d'un préjudice est imposable, alors il faudrait soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités d'ordre assurantiel versées aux accidentés de la route ou à un pianiste ayant perdu l'usage de ses mains. On conçoit bien qu'une telle conséquence serait profondément amorale, et contraire aux principes généraux du droit.

Il convient également de préciser que le départ de son plein gré d'un mandataire social peut s'apparenter à une cessation forcée de ses fonctions dès lors qu'il est la résultante d'une restructuration d'entreprise . Or, le préjudice causé à l'intéressé du fait de l'interruption brutale de ses fonctions peut parfois nécessiter le paiement d'indemnités importantes, notamment lorsqu'elles ont pour objet d'éviter une action en justice. On remarquera que dans le contexte d'accélération des fusions d'entreprises qui est le nôtre, une telle situation peut recouvrir beaucoup de cas particuliers. Il ne saurait être question d'empêcher de telles restructurations par une mesure uniquement guidée par des considérations prétendument morales dont on a vu qu'elles pouvaient créer un dangereux précédent.

Votre commission ne vous propose pas pour autant d'exonérer totalement les indemnités versées aux dirigeants d'entreprises lorsqu'il est mis fin à leurs fonctions, mais, en supprimant le plancher d'imposition de 2,35 millions de francs, de les soumettre au même régime que les salariés, c'est-à-dire, imposition au delà de deux années de salaire brut ou à hauteur de la moitié de l'indemnité perçue.

C.  UNE MESURE RÉTROACTIVE

Comme l'a précisé Didier Migaud au cours du débat à l'Assemblée nationale, le dispositif proposé par le présent article s'applique à l'ensemble des revenus perçus en 1999 et donc rétroactivement à des indemnités octroyées avant son adoption par l'Assemblée nationale.

Certes, cette " petite " rétroactivité n'est pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel dans la mesure où les dispositions relatives à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés contenues dans les lois de finances, s'appliquent naturellement à des bases représentatives de périodes passées. On notera d'ailleurs que le jour où l'impôt sur le revenu sera prélevé à la source, le problème de la rétroactivité de la loi fiscale ne se posera plus.

Toutefois, dans le cas présent qui concerne des revenus par nature exceptionnels, votre commission considère qu' il convient de mettre fin à cette petite rétroactivité en faisant démarrer le dispositif à la date de son vote par l'Assemblée nationale , c'est-à-dire le 21 octobre 1999. Elle vous proposera un amendement en ce sens.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 2 ter (nouveau)

Simplification des réductions d'impôt sur le revenu au titre des dons et subventions versés par les particuliers

Commentaire : le présent article introduit à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, tend à simplifier le régime des réductions d'impôts consécutives aux dons des particuliers

A l'initiative de son rapporteur général, la commission des finances de l'Assemblée nationale a fait adopter un article additionnel aménageant dans le sens de la simplification le dispositif de l'article 200 du code général des impôts relatif aux dons et versements des particuliers à divers organismes d'intérêt général.

A l'heure actuelle, le régime est rendu passablement complexe du fait de la différenciation des régimes selon le type d'action et d'organismes bénéficiaires.

C'est ainsi que se superposent quatre régimes distincts :

• une réduction d'impôt égale à 50% des versements aux organismes d'intérêt général ;

• une réduction égale à 50 % des versements effectués aux organismes reconnus d'utilité publique, aux associations cultuelles ou de bienfaisance, autorisées à recevoir des dons et des legs, ainsi qu'aux associations soumises à la loi locale en Alsace et Moselle et reconnues d'utilité publique dans la limite de 6 % du revenu imposable ;

• une réduction d'impôt égale à 40 % des dons et cotisations versées aux associations de financement ou aux mandataires des campagnes électorales ou des partis politiques dans la limite de 5 % du revenu imposable, limite qui ne se cumule pas avec celles de 1,75 % et de 6 % sus-mentionnées ;

• une réduction égale à 60 % des dons à des organismes fournissant des aliments aux personnes en difficulté, favorisant leur logement, ou procédant, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins. Ce dispositif, dit " Coluche " en raison du nom de l'un de ses initiateurs, met en place un régime particulièrement favorable dans la limite d'un plafond de 2.050 francs. Les versements effectués au-delà de ce montant bénéficient de la réduction d'impôt de 50 %, dans la limite de 1,75 % ou de 6 % selon la nature de l'association. Le tableau ci-dessous récapitule le coût fiscal de ce dispositif, 2 milliards de francs, par tranche de cotisation.



L'Assemblée nationale propose de simplifier les mécanismes prévus à cet article 200 du code général des impôts tout préservant la spécificité du régime favorable prévu pour l'aide aux personnes en difficultés.

Il est ainsi prévu de :

• fixer à 6 % du revenu imposable le plafond global des versements ouvrant droit aux réductions d'impôt, quel que soit le type et le statut de l'organisme bénéficiaire et, en particulier, qu'il s'agisse d'oeuvre d'intérêt général et d'associations de financement des partis politiques et des campagnes électorales ;

• élever à 50 % au lieu de 40 %, la réduction d'impôt accordée au titre des dons pour le financement des partis politiques et des campagnes électorales.

L'Assemblée nationale indique que le coût de ces mesures est limité : il serait de 60 millions de francs répartis à raison de 20 millions de francs au titre de l'alignement des taux, et de 40 millions de francs au titre de celui des plafonds.

Votre commission des finances ne peut qu'être favorable à des mesures de simplification qui vont faciliter les déclarations d'impôt des contribuables, dont on a vu qu'ils étaient plus de 3 millions et demi à utiliser la possibilité offerte par le code général des impôts.

Votre commission vous demande en conséquence d'adopter cet article, sous réserve d'un amendement rédactionnel de nature à améliorer la " lisibilité " du nouvel article 200 du code général des impôts.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 3

Application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée aux travaux portant sur des locaux à usage d'habitation
achevés depuis plus de deux ans

Commentaire : le présent article a pour objet de réduire à 5,5% le taux de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, à l'exclusion des logements sociaux à usage locatif.

I. LE DROIT COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE DE TVA : UNE CONTRAINTE FORTE AU SERVICE DE L'HARMONISATION FISCALE


Le régime de TVA des Etats membres de l'Union européenne est régi par les dispositions de la directive 77/388 CEE du 17 mai 1977 modifiée, dite sixième directive, qui fixe des règles communes notamment en matière de territorialité, de champ d'application, ou de droit à déduction. S'agissant des taux, les normes qui prévalent aujourd'hui résultent de la directive 92/77/CEE du 19 octobre 1992 : l'encadrement des taux répond à un objectif souhaitable d'harmonisation fiscale mais ne prend pas en compte d'autres facteurs tels que la lutte contre le chômage ou le travail au noir.

A. UN ENCADREMENT STRICT DES TAUX DE TVA

Dans le cadre du régime transitoire entré en vigueur le 1er janvier 1993, et en attendant l'adoption d'un système définitif de TVA communautaire, les Etats membres de l'Union européenne appliquent les règles prévues par les directives précitées : 77/388/CEE du 17 mai 1977 et 92/77/CEE du 19 octobre 1992 :

les Etats membres ne peuvent avoir qu'un seul taux normal, qui doit être supérieur à 15 % 14( * ) ;

les Etats sont autorisés, sans que cela ne soit une obligation, à appliquer un ou deux taux réduits supérieurs ou égaux à 5%. Les biens et services susceptibles d'en bénéficier sont énumérés de manière limitative dans l'annexe H à la sixième directive de 1977. Toutefois, les Etats membres, qui, au 1 er janvier 1991, appliquaient des taux inférieurs à 5 %, ont été autorisés, de façon dérogatoire, à les maintenir pour la durée du régime transitoire. Par ailleurs, il a été admis que ceux qui devaient modifier leurs structures de taux en reclassant au taux normal des produits et services précédemment soumis au taux réduit pourront appliquer à ces derniers un taux intermédiaire.

Un Etat membre ne peut donc, en vertu des règles communautaires qui s'imposent à lui, appliquer à une catégorie de biens ou de services donnés un taux réduit de TVA que s'ils sont mentionnés dans l'annexe H précitée ou figurant au nombre des dispositions dérogatoires et transitoires prévues, pour l'essentiel, par l'article 28 de la même directive. A défaut, toute baisse de la TVA est " euro-incompatible " 15( * ) .

B. L'ÉVOLUTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE EN FAVEUR DES BAISSES CIBLÉES DE TVA

L'ampleur du problème du chômage a infléchi la position de la Commission européenne, qui avait toujours apprécié les règles de taux au regard du fonctionnement du marché intérieur, indépendamment de toute autre considération telle que le contenu en emploi des différentes activités.

Lors du Conseil européen pour l'emploi tenu à Luxembourg en 1997, la Commission a présenté une communication qui envisageait la possibilité d'autoriser les Etats membres à appliquer le taux réduit de la TVA sur des services à forte intensité de main-d'oeuvre, à titre expérimental et sur une base optionnelle. Elle y reconnaissait que " le problème du chômage revêt une telle importance qu'il vaut la peine de tester le fonctionnement d'un allégement de la TVA ciblé sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre ".

La proposition de directive E-1236 du 17 février 1999 sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre a repris les orientations suggérées dans la communication précitée. Elle prévoyait que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, pourrait autoriser les Etats membres de l'Union européenne à appliquer le taux réduit de la TVA à certains services. L'éligibilité des secteurs serait déterminée grâce à un certain nombre de critères. Il n'y avait donc pas, dans la version initialement transmise au Sénat, de liste limitative des secteurs potentiellement éligibles à une baisse du taux de TVA.

Depuis, les négociations entre les Etats membres de l'Union européenne ont abouti à l'établissement d'une liste limitative des secteurs éligibles, à propos de laquelle les négociations ont finalement abouti lors du Conseil de l'Union européenne du 8 octobre 1999. La directive 1999/85/CE a finalement été adoptée lors du Conseil du 22 octobre 1999 (cf. texte ci-joint). Il est à noter que l'adoption d'une liste a permis d'exclure certains secteurs du champ de la proposition de directive, et en particulier le secteur de la restauration.

La liste des prestations que les Etats membres de l'Union européenne ont été autorisés à soumettre au taux réduit de la TVA s'établit comme suit :

- petits services de réparation (bicyclettes, chaussures et articles de cuir, vêtements et linge de maison - y compris les travaux de réparation et de modification) ;

- rénovation et réparation dans les logements privés, à l'exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni ;

- lavage de vitres et nettoyage de logements privés ;

- services de soin à domicile (par exemple aide à domicile, soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées) ;

- coiffure.

Le gouvernement propose, à travers le présent article, que la France fasse usage de cette faculté et diminue le taux de la TVA applicable aux travaux de rénovation et de réparation dans les logements privés.

TVA réduite : le texte de la directive européenne 1999/85/CE du 22/10/1999

Le Conseil de l'Union européenne,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93,

vu la proposition de la Commission (JOCE C102 du 13 avril 1999),

vu l'avis du Parlement européen (JOCE C279 du 1 er octobre 1999),

vu l'avis du Comité économique et social (JOCE C209 du 22 juillet 1999),

considérant ce qui suit :

l'article 12, paragraphe 3, point a), de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JOCE L145 du 13 juin 1977 modifiée en dernier lieu par la directive 1999/59/CE, JOCE L182 du 26 juin 1999) prévoit que les Etats membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories visées à l'annexe H de ladite directive ;

néanmoins, le problème du chômage est tellement grave qu'il convient de permettre aux Etats membres qui le souhaitent de tester le fonctionnement et les effets, en termes de création d'emplois, d'un allégement de la TVA ciblé sur des services à forte intensité de main d'oeuvre non repris actuellement à l'annexe H ;

ce taux de TVA réduit est également susceptible de diminuer, pour les entreprises concernées, l'incitation à rejoindre l'économie souterraine ou à y rester ;

l'introduction d'une telle réduction ciblée de taux, n'est toutefois pas sans danger pour le bon fonctionnement du marché intérieur et la neutralité de la taxe : il convient, par conséquent, de prévoir une procédure d'autorisation pour une période bien délimitée et complète de trois ans et de limiter strictement le champ d'application d'une telle meure afin d'en sauvegarder le caractère vérifiable et limité ;

le caractère expérimental de la mesure nécessite une évaluation précise de ses conséquences en termes d'emploi et d'efficience par les Etats membres qui l'ont mise en oeuvre et par la Commission ;

il convient de strictement limiter la mesure dans le temps et qu'elle prenne fin au plus tard le 31 décembre 2002 ;

l'exécution de la présente directive ne comporte aucune modification des dispositions législatives des Etats membres.

A arrêté la présente directive :

Article 1 er - La directive 77/388/CEE est modifiée ainsi :

1) A l'article 28, le paragraphe 6 suivant est ajouté :

" 6. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un Etat membre à appliquer, et ce pendant une période maximale de trois ans allant du 1 er janvier 2000 au 31 décembre 2002, les taux réduits prévus à l'article 12, paragraphe 3, point a), troisième alinéa, aux services énumérés dans deux au maximum des catégories figurant à l'annexe K. Dans des cas exceptionnels, un Etat membre peut être autorisé à appliquer les taux réduits à des services appartenant à trois des catégories susmentionnées.

Les services concernés doivent remplir les conditions suivantes :

a) être à fort intensité de main d'oeuvre ;

b) être en grande partie fournis directement aux consommateurs finaux ;

c) être principalement locaux et non susceptibles de créer des distorsions de concurrence et ;

d) il doit y avoir un lien étroit entre la baisse de prix découlant de la réduction du taux et l'augmentation prévisible de la demande et de l'emploi.

L'application d'un taux réduit ne doit pas mettre en péril le bon fonctionnement du marché intérieur. Tout Etat membre souhaitant introduire la mesure prévue au premier alinéa en informe la Commission avant le 1 er novembre 1999 et lui communique avant cette même date toutes les données utiles d'appréciation, et notamment les données suivantes :

a) champ d'application de la mesure et description précise des services concernés ;

b) éléments démontrant que les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas sont réunies ;

c) éléments mettant en évidence le coût budgétaire de la mesure envisagée.

Les Etats membres autorisés à appliquer le taux réduit visé au premier alinéa établissent, avant le 1 er octobre 2002, un rapport détaillé contenant une évaluation globale de l'efficacité de la mesure, notamment en termes de création d'emplois et d'efficience.

D'ici le 31 décembre 2002, la Commission soumet au Parlement européen et au Conseil un rapport d'évaluation global et propose si nécessaire des mesures adéquates permettant de décider définitivement du taux de TVA applicable aux services à forte intensité de main d'oeuvre.

2) Il est ajouté une nouvelle annexe K, telle qu'elle figure à l'annexe de la présente directive.

Article 2 - La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Article 3 - Les Etats membres sont destinataires de la présente directive.

Annexe - " Annexe K - liste des services visés à l'article 28 § 6

1) Petits services de réparation (bicyclettes, chaussures et articles de cuir, vêtements et linge de maison - y compris les travaux de réparation et de modification) ;

2) Rénovation et réparation de logements privés, à l'exclusion des matériaux qui représentent une part importante de la valeur du service fourni ;

3) Lavage de vitres et nettoyage de logements privés ;

4) Services de soins à domicile (par exemple aide à domicile, soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées) ;

5) Coiffure ".

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A. UNE APPLICATION EXPERIMENTALE, MAIS LARGE, DE LA TVA A TAUX REDUIT POUR LES TRAVAUX DANS LES LOCAUX D'HABITATION

1. Une application expérimentale du taux réduit de TVA pour les travaux réalisés dans les logements d'habitation


Le 1 du I. du présent article insère un nouvel article 279-0 bis dans le code général des impôts.

Ce nouvel article pose le principe de l'application, pour une durée limitée, d'une taxe à la valeur ajoutée à taux réduit sur certains travaux réalisés dans des logements.

Le dispositif est limité dans le temps , c'est-à-dire qu'il prend fin au 31 décembre 2002. Il s'agit de se conformer à la décision du Conseil de l'Union européenne du 8 octobre 1999 qui autorise seulement une expérimentation, pour trois ans, d'une TVA à taux réduit sur les travaux dans les logements.

Au terme de la période de trois ans, l'Union européenne devra décider, au regard de la réalisation des objectifs fixés (en termes d'emplois notamment) si la mesure doit être pérennisée.

2. Un champ d'application très large

Les locaux concernés
sont les locaux à usage d'habitation, à l'exception de la construction neuve (c'est-à-dire les locaux achevés depuis moins de deux ans).

Le champ de la mesure est donc plus large que précédemment , puisque la réduction d'impôt pour travaux de grosses réparations et d'amélioration s'appliquait aux logements construits depuis plus de dix ans. Le crédit d'impôt pour dépenses d'entretien s'appliquait déjà aux logements construits depuis plus de deux ans. Il faut noter que l'ancienneté de deux ans ne sera pas requise pour les travaux d'urgence.

De surcroît, la mesure concernera toutes les personnes qui font des travaux (locataire, propriétaire-occupant ou propriétaire-bailleur). Or, la réduction d'impôt pour les travaux de grosses réparations et d'amélioration, de même que le crédit d'impôt, ne concernaient que les travaux réalisés par les propriétaires dans leur résidence principale. Il s'agit donc d'un élargissement très conséquent du dispositif. Désormais, les travaux réalisés dans une résidence secondaire ou les travaux effectués par un locataire seront soumis au taux réduit de TVA.

Les travaux concernés sont les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien. Il s'agit d'une définition large, englobant les travaux qui bénéficiaient auparavant du crédit d'impôt et de la réduction d'impôt. On remarquera que la formulation fait directement référence à celle qui était retenue en matière de logement social, à ceci près que sont ajoutées les dépenses d'entretien.

En revanche, les dépenses payées pour l'acquisition de gros équipements, et la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ne sont pas prises en compte dans le champ d'application de la nouvelle TVA à taux réduit, afin de se conformer à l'accord européen du 8 octobre dernier. Les gros équipements exclus sont toutefois exactement ceux concernés par le nouveau crédit d'impôt introduit par le IV-2 de l'article sous la forme d'un article 200 quater du code général des impôts.

3. Les modalités d'application du taux réduit

Le 3. du I du présent article précise les modalités d'application du taux réduit de TVA. Un document doit être fourni au prestataire par le preneur, qui atteste que les travaux se rapportent bien à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans. Cette attestation, que le prestataire devra conserver, servira de justificatif en cas de contrôle fiscal.

Le V. fixe la date d'entrée en vigueur de la nouvelle TVA à taux réduit, à savoir le 15 septembre 1999. Toute facture remise à partir de cette date entrera dans le champ d'application du nouveau dispositif.

Pour ce qui concerne la mise en place pratique de la mesure, une instruction fiscale est parue le 14 septembre 1999 (3C-5-99, B.O.I n° 169 bis du 15 septembre 1999) avant même l'adoption de la loi de finances . Elle précise notamment la notion de " locaux à usage d'habitation ", les modalités d'application du taux réduit de TVA pour les travaux réalisés dans les parties communes des immeubles collectifs, les gros équipements soumis au nouveau crédit d'impôt...

B. LE MAINTIEN DU RÉGIME DE LA LIVRAISON A SOI MEME POUR LE LOGEMENT SOCIAL

1. Les travaux dans les logements sociaux n'entreront pas dans le nouveau champ de la TVA à taux réduit


Le 2. du I. du présent article précise le champ d'exclusion de la mesure de TVA à taux réduit.

Il s'agit notamment des travaux concourant à la production ou à la livraison d'immeubles au sens du 7° de l'article 257 du code général des impôts. Cet article renvoie aux articles 243 à 259 de l'annexe II du CGI qui précisent le régime de la livraison à soi-même (LASM).

Il s'agit également des travaux portant sur des logements sociaux à usage locatif , visés au 7° bis de l'article 257 du CGI, c'est-à-dire les travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement qui entrent dans le dispositif de la livraison à soi-même tel que prévu au 7° de l'article 257, ainsi que, en application du II. du présent article, les travaux d'entretien.

Ces deux premières exclusions s'expliquent par le souhait des organismes HLM de conserver le régime de la livraison à soi-même, mis en place en 1996 et étendu progressivement, régime qui confère un avantage équivalent à une TVA à taux réduit.

2. Un élargissement et une adaptation du régime de la livraison à soi-même


• Le II. du présent article modifie le 7° bis de l'article 257 du code général des impôts, qui traite des travaux réalisés dans les logements locatifs sociaux sous le régime de la livraison à soi-même.

Les modifications consistent essentiellement en la suppression de la condition d'autorisation préfectorale (dans le but d'accélérer les transactions) et l'ajout, parmi les travaux bénéficiant du dispositif de livraison à soi-même, des travaux d'entretien. Contrairement aux travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement, les travaux d'entretien entrent dans le champ de la livraison à soi-même pour la durée expérimentale de trois ans voulue par l'Union européenne.

Les travaux de nettoyage et les travaux d'entretien des espaces verts sont désormais expressément exclus, comme pour le logement privé. Toutefois, les travaux d'aménagement des espaces verts resteront dans le champ du régime de la livraison à soi-même, alors qu'ils sont exclus du taux réduit de TVA dans le droit commun, du fait d'un amendement rédactionnel adopté par l'Assemblée nationale.

• Le III. introduit une dérogation au principe suivant lequel le fait générateur de la taxe pour les livraisons à soi-même, est l'achèvement des travaux. S'agissant des dépenses d'entretien, introduites parmi les dépenses ouvrant droit au régime de la livraison à soi-même, ce principe n'avait en effet pas de sens. Il est donc proposé de retenir comme fait générateur de la TVA le dernier jour de chaque trimestre civil pour les livraisons à soi-même de travaux d'entretien.

• Le IV. supprime, pour les factures émises à compter du 15 septembre 1999, le régime mis en place pour les logements privés subventionnés par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), neuf mois seulement après sa création. Ce régime n'a plus de raison d'être puisque tous les logements privés, qu'ils bénéficient ou non d'une subvention de l'ANAH, seront éligibles au nouveau dispositif de TVA à taux réduit.

C. L'EXCLUSION DES TRAVAUX DE NETTOYAGE, D'AMÉNAGEMENT ET D'ENTRETIEN DES ESPACES VERTS

Les travaux de nettoyage, ainsi que les travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts
pour les logements privés sont également expressément exclus du nouveau dispositif de TVA à taux réduit en vertu du 2. du I. du présent article.

Les travaux de nettoyage auraient pu être inclus dans le nouveau dispositif (ils sont " eurocompatibles "). Toutefois, s'ils sont réalisés dans les logements par des salariés, ils permettent de bénéficier d'une réduction d'impôt, et s'ils sont le fait d'associations, celles-ci sont exonérées de TVA. Enfin, pour les entreprises, ils seraient visés par l'article 4 du présent projet de loi de finances qui concerne les prestations de services fournies par des entreprises agréées.

L'inclusion des travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts dans le champ de la TVA à taux réduit n'est, en revanche, pas " eurocompatible ".

D. LA RÉFORME DES CRÉDITS ET RÉDUCTIONS D'IMPOTS

1. La suppression de la réduction d'impôt pour dépenses de grosses réparations


Le 1. du VI. du présent article modifie l'article 199 sexies D du code général des impôts, à savoir la réduction d'impôt pour dépenses de grosses réparation et d'amélioration afférentes à l'habitation principale. Cette réduction d'impôt, qui s'appliquait aux dépenses effectuées jusqu'au 31 décembre 2001, est supprimée à compter de l'instauration du taux réduit de TVA sur les travaux dans les locaux d'habitation. Toutefois, les factures émises jusqu'au 14 septembre 1999, mais payées après cette date, et avant le 31 décembre 1999, continuent à bénéficier du crédit d'impôt.

Votre rapporteur note que la réduction d'impôt de l'article 199 sexies D portait sur 20% du montant des dépenses de grosses réparations et d'amélioration, dans la limite d'un plafond de 20.000 francs pour un célibataire et 40.000 francs pour un couple. Or, l'avantage crée par le dispositif de TVA à taux réduit correspond à 15,1% des travaux hors taxe (soit la différence entre 20,6% et 5,5% de TVA).

Lorsque le montant des travaux est inférieur aux plafonds de 20.000 et 40.000 francs, le contribuable pourrait donc être perdant. Cependant, maintenir un dispositif de réduction d'impôt égal à 5% du montant des dépenses, dans la limite du plafond de l'article 199 sexies D, pour garantir une neutralité complète du changement de régime fiscal, pourrait ajouter un élément de complexité à une mesure destinée à être lisible. De plus, le plafond des travaux était apprécié de manière pluriannuelle et pour les seules résidences principales, si bien que l'extension de l'avantage fiscal paraît compenser, dans un grand nombre de cas, l'écart entre les deux régimes fiscaux.

2. La réduction du crédit d'impôt pour dépenses d'entretien

Le 2. du VI.
du présent article modifie le crédit d'impôt pour dépenses d'entretien, inscrit à l'article 200 ter du code général des impôts.

Contrairement au dispositif prévu pour la réduction d'impôt en faveur des dépenses de grosses réparation et d'amélioration, le crédit d'impôt pour dépenses d'entretien n'est pas supprimé à compter de l'entrée en vigueur du régime de TVA à 5,5%, le 15 septembre 1999. A compter de cette date, il est réduit à 5% du montant des dépenses, sans modification des plafonds existants.

Cela signifie que pour les dépenses réalisées entre le 15 septembre 1999 et le 31 décembre 2000, date d'arrêt du dispositif de crédit d'impôt, les travaux d'entretien bénéficieront à la fois de l'application du taux réduit de TVA et d'un crédit d'impôt, mais très réduit (au maximum, 500 francs de crédit-d'impôt pour une personne célibataire et 1.000 francs pour un couple, hors majorations pour personnes à charge).

Le maintien d'un crédit d'impôt, alors même que les travaux d'entretien entrent dans le champ d'application de la TVA à taux réduit s'explique par le fait que l'avantage résultant de la diminution du taux de TVA (15,1 points) est inférieur à celui du crédit d'impôt (20 points) lorsque le montant des travaux ne dépasse pas les seuils retenus par le code général des impôts (10.000 francs pour une personne seule, 20.000 francs pour un couple). Le choix de maintenir un crédit d'impôt s'explique en partie par le fait que le plafond de dépenses avait un caractère annuel et que des contribuables modestes, bénéficiant auparavant du crédit d'impôt, pourraient être pénalisés, si leurs dépenses d'entretien sont relativement faibles.

Toutefois, il faut relever que le crédit d'impôt de 5% ne bénéficiera, comme précédemment, qu'aux travaux réalisés dans la résidence principale. De plus, au sein des dépenses d'entretien, seules celles à la charge du propriétaire si l'immeuble est loué sont éligibles au dispositif. Il s'agit de charges déductibles du revenu brut foncier. Les réparations locatives (au sens de l'article 1754 du code civil) à la charge du locataire et qui ne sont pas en principe déductibles du revenu foncier, en sont exclues (décret n° 87-713 du 26 août 1987). Les travaux réalisés par les locataires et les travaux dans les résidences secondaires ne bénéficieront donc que de la TVA à taux réduit.

• Le b. exclut du crédit d'impôt pour dépenses d'entretien les équipements bénéficiant désormais, au titre du présent article, d'un crédit d'impôt spécifique (nouvel article 200 quater du code général des impôts).

3. Le nouveau crédit d'impôt pour les " gros équipements "

Le 3. du VI.
du présent article insère un nouvel article 200 quater dans le code général des impôts.

• Le 1. du nouvel article 200 quater précise qu'il s'agit d'un crédit d'impôt ouvert pour les dépenses d'acquisition " de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement de systèmes de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire " . Ces dépenses sont éligibles à deux conditions : qu'elles entrent dans le cadre d'une opération soumise au taux réduit de TVA (ce qui exclut la pose par soi-même) et qu'elles soient effectuées dans l'habitation principale.

La liste des équipements ouvrant droit au crédit d'impôt est fixée par arrêté du ministre chargé du budget. Le gouvernement a retenu trois catégories de " gros équipements " : les installations de chauffage, les ascenseurs, l'installation sanitaire. Toutefois, à l'exclusion des ascenseurs, les installations de chauffage et installations sanitaires réalisées dans un local privatif d'habitation (maison individuelle ou appartement) seront bien soumises au taux réduit de TVA.

Il faut noter que lorsque le Conseil européen du 8 octobre 1999 a autorisé l'expérimentation du taux réduit de TVA pour les travaux dans les logements, il a été indiqué que les équipements qui représentent une " valeur importante " de la facture devaient être exclus du champ de la TVA à taux réduit. Le choix de retenir certains types d'équipements plutôt que leur valeur est une option prise par le gouvernement pour plus de simplicité. Lors du bilan de l'expérimentation, la Commission européenne pourrait toutefois considérer que l'option retenue ne traduit pas exactement l'accord du 8 octobre 1999.

• Le 2. précise les plafonds de dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt. Ces plafonds (20.000 francs pour une personne célibataire, 40.000 francs pour un couple, hors majorations pour personnes à charge) sont identiques à ceux de la précédente réduction d'impôt pour travaux de grosses réparations.

En revanche, le taux de réduction est abaissé de 20% à 15%. Il s'agit de compenser exactement le " manque à gagner " entre l'application du taux normal de TVA et du taux réduit (15,1 points), sans pour autant reprendre l'ancien taux applicable à la réduction d'impôt. La période prise en considération s'étale sur trois ans, jusqu'au 31 décembre 2002, si bien que le crédit d'impôt a un caractère pluriannuel. Aussi, le crédit d'impôt ne pourra dépasser 3.000 francs sur trois ans, pour une personne célibataire et 6.000 francs pour un couple, hors personnes à charge.

Comme de coutume, le crédit d'impôt s'impute sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôts, de l'avoir fiscal et des autres crédits d'impôts. S'il dépasse l'impôt dû, il est restitué.

• Le 3. précise les modalités de reprise du crédit d'impôt lorsque le bénéficiaire est remboursé de ses dépenses dans un délai de cinq ans, sauf si ce remboursement fait suite à un sinistre après que les dépenses ont été payées.

• Le VII. traite des pénalités en cas d'insuffisance de déclaration faisant apparaître une base d'imposition incomplète. L'absence de justification est assimilée à une insuffisance de déclaration en matière de réductions et crédits d'impôt. Ces dispositions sont mises à jour avec l'introduction du nouveau crédit d'impôt créé par l'article 200 quater du code général des impôts. De même en est-il pour l'amende fiscale prévue à l'article 1740 quater du CGI, sanctionnant l'insuffisance de déclaration.

E. LES RÉGIMES SPÉCIFIQUES

Bien que le présent article ne les mentionne pas, il faut relever les cas particuliers de la Corse et des départements d'outre-mer.

Aux termes de la directive n°92/77 du 19 octobre 1992, les Etats membres de l'Union européenne ont la possibilité, pendant la période transitoire, de maintenir sous certaines conditions des taux inférieurs à 5% pour les biens et services qui en bénéficiaient avant le 1 er janvier 1991 , ce qui a permis à la Corse de conserver les deux taux " super-réduits " dont elle bénéficie (soit 0,9% et 2,1%). Ces dispositions rendent toutefois difficilement envisageable une modification du champ d'application de ces taux au profit des travaux dans les logements.

En effet, au 1 er janvier 1991, le taux de la TVA applicable en Corse sur les travaux dans les logements s'élevait à 8 %, et non à 0,9 % ou 2,1 %. En application du droit communautaire, la baisse de la TVA portant sur les travaux dans le logement ne peut donc avoir pour effet que de diminuer le taux de TVA de 8 % à 5,5 %, même si le gain lié à la réduction peut paraître faible (2,5 points) comparé à celui dont bénéficiera la métropole.

Cependant, on peut légitimement s'étonner que le gouvernement ait présenté en séance à l'Assemblée nationale un amendement visant précisément à faire passer à 2,1% le taux de TVA sur les travaux dans les logements en Corse, c'est-à-dire une mesure qui serait " euro-incompatible " . Sur proposition de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a d'ailleurs repoussé cet amendement. M. Didier Migaud a déclaré, à l'appui de son rejet, " la commission a considéré que des raisons juridiques tenant au droit communautaire s'opposaient à cette mesure et nous sommes surpris que le gouvernement puisse nous faire une telle proposition ".

Les DOM, qui ne font pas partie du territoire fiscal européen, bénéficieront de leur taux réduit de 2,1% en application de l'article 293 du code général des impôts. Toutefois, comme leur taux de droit commun est de 9 %, l'avantage fiscal sera moindre qu'en métropole (6,9 points contre 15,1 points).

III. D'IMPORTANTES DIFFICULTES D'APPLICATION DANS LES IMMEUBLES EN COPROPRIETE

A. LES DISPOSITIONS DE L'INSTRUCTION FISCALE DU 14 SEPTEMBRE 1999


L'instruction du 14 septembre 1999 comporte une section relative aux parties communes des immeubles collectifs.

Les travaux sur les parties communes des immeubles collectifs peuvent bénéficier du taux réduit de TVA à proportion des locaux affectés totalement ou partiellement à l'habitation (cette proportion représente la quote-part de la facture qui sera à taux réduit) .

Pour la détermination de cette quote-part, les locaux affectés principalement à l'habitation (+ de 50% de la surface) sont considérés comme affectés en totalité à l'habitation, les locaux affectés principalement à l'usage professionnel sont considérés comme affectés totalement à un usage professionnel.

L'instruction prévoit que la quote-part est déterminée par le propriétaire de l'immeuble ou le syndicat de copropriétaires en fonction de la répartition des parties communes opérée par le propriétaire pour déterminer le montant des charges récupérables auprès des locataires ou, dans les copropriétés, selon les modalités fixées par le règlement de la copropriété.

Il appartient au syndic de délivrer, sous sa responsabilité civile et pénale, l'attestation ouvrant droit au bénéfice du taux réduit.

B. L'INSTRUCTION FISCALE NE PREND PAS EN COMPTE LES CONTRAINTES DE LA COPROPRIÉTÉ.

Les règlements de copropriété des immeubles décrivent le type de local que constitue un lot (appartement, commerce, parking ou cave) et les usages autorisés de ce lot (habitation bourgeoise ou activités professionnelles libérales, commerciales, installation d'associations loi 1901) mais, contrairement à ce que laisse penser l'instruction fiscale, ils ne décrivent pas l'usage réel de chaque lot .

Il n'est donc pas possible de déterminer la quote-part d'application de la TVA en fonction du seul règlement de copropriété.

Il convient que chaque propriétaire de lot indique au syndic l'usage réel, professionnel ou habitation, qu'il fait de son lot.

Première difficulté : les copropriétaires n'ont pas d'obligation de donner cette information. De plus, en cas de fausse information, il apparaît, aux termes de l'instruction fiscale, que le syndic serait considéré comme responsable de la fausse attestation, qu'il doit délivrer sous son nom.

Deuxième difficulté : la coordination du dispositif avec la loi du 10 juillet 1965, et notamment son article 10. Cet article fixe les règles de participation des copropriétaires aux charges de l'immeuble.

Il dispose que " les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot. Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots."

Les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs : il s'agit des charges relatives à l'antenne collective du réseau TV, à l'ascenseur, au chauffage collectif, aux gaines de vide-ordures, aux interphones, à la climatisation...

Ces charges sont réparties obligatoirement en fonction de l'utilité que présentent les services collectifs et équipements. Les charges relatives aux ascenseurs se répartissent ainsi en fonction de la superficie des lots desservis et de l'étage où ils se situent.

Les charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes : il s'agit des charges relatives aux assurances de la copropriété, aux honoraires de syndic, aux balcons, au service de gardiennage, à l'entretien courant de l'immeuble, au ravalement, à l'entretien des espaces verts et du gros oeuvre...

Ces charges sont réparties obligatoirement en fonction de la valeur relative de chaque partie privative , en application de l'article 5 de la loi de 1965 (répartition par "tantièmes"). Il est toutefois possible d'établir des charges spéciales à certains copropriétaires seulement, telles que par exemple les charges d'entretien de chaque bâtiment peuvent être affectées aux seuls lots composant ce bâtiment.

Les travaux éligibles au taux réduit de TVA (travaux sur les ascenseurs, travaux de ravalement...) sont compris dans les deux catégories de charges réparties suivant les deux modalités prédéfinies.

La loi de 1965 ne fait pas mention d'autres critères de répartition, notamment en fonction du type d'occupation des lots. Ainsi, selon la loi de 1965, le syndic de copropriété devrait répartir les factures, comprenant une part de TVA à taux réduit et une part à taux normal, en fonction des seules règles de la copropriété définies ci-dessus.

Dans ces conditions, il ne serait pas possible de répercuter directement le taux réduit de TVA sur les seuls propriétaires de logements d'habitation . Le propriétaire d'un logement à usage d'habitation qui se situerait dans un immeuble comprenant un pourcentage élevé de logements professionnels ne bénéficierait pas d'un allégement substantiel de ses charges de copropriété, parce que la quote-part serait réduite, et que l'avantage fiscal serait réparti entre tous les copropriétaires.

C. LES SOLUTIONS ENVISAGÉES PAR LE MINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE N'APPARAISSENT PAS SATISFAISANTES

Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès des professionnels, une réunion a eu lieu au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le 19 octobre 1999, s'agissant des conditions d'application du taux réduit de TVA aux travaux réalisés dans des copropriétés et portant sur des parties communes, afin de régler les problèmes que posent l'instruction fiscale du 14 septembre 1999.

Certaines décisions ont été prises :

- les gestionnaires des copropriétés adressent aux entreprises une attestation indiquant la répartition des locaux entre locaux à usage d'habitation et autres locaux. La répartition des charges, étape ultérieure, se ferait à partir du montant hors taxe des travaux et des règles de la loi de 1965 .

Si la répartition des charges est faite sur le montant hors taxe, cela suppose que la charge fiscale serait déterminée en fonction du seul usage des locaux. L'objectif est bien de faire bénéficier les propriétaires de logements d'habitation de la mesure de TVA à taux réduit.

Il y aurait donc une double clé de répartition des charges de copropriété, avec, dans un premier temps, une répartition des charges hors taxes suivant les dispositions de la loi de 1965, puis une répartition de la charge fiscale en fonction de l'occupation des lots.

Cette solution est encore très complexe.
On peut par ailleurs se demander s'il ne s'agit pas d'une entorse à la loi de 1965, qui ne prévoit pas de modalité de répartition des charges en fonction de l'occupation.

- concernant l'affectation des locaux , la répartition entre locaux d'habitation et locaux professionnels serait faite une fois par an seulement, au moment de l'assemblée générale des copropriétaires. Cette répartition vaudrait pour tous les travaux, réguliers, comme ponctuels.

La précision selon laquelle le prorata serait déterminé une fois par an, sans tenir compte des modifications d'affectation infra-annuelles, est une avancée.

Toutefois, la règle de la quote-part définie une fois par an, pour tous les travaux, pourrait trouver des problèmes d'application lorsque les travaux sur les parties communes ne concerneront, dans les faits, que des locaux d'habitation (ex : travaux sur une cour intérieure, alors que les locaux commerciaux compris dans la proratisation, donnent sur rue). A l'inverse, la production d'une attestation avec une quote-part différente pour chaque opération, qui serait plus juste, serait une procédure extrêmement lourde.

- concernant la réponse des copropriétaires . Il apparaît qu'à défaut de réponse, le syndic devra considérer les logements concernés comme entièrement à usage professionnel. Si la réponse est fausse, la responsabilité incomberait au seul propriétaire, et non au syndic , l'administration fiscale se retournant contre lui en application de l'article 284-I du code général des impôts.

La difficulté d'application de la mesure fiscale aux copropriétés est soulignée par le fait qu'à titre transitoire, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a admis que les travaux réalisés entre le 15 septembre 1999 et la plus prochaine assemblée générale suivant le 1er avril 1999 soient réalisés suivant les indications figurant dans le règlement de copropriété , sauf si la copropriété détermine pendant cette période la quote-part de travaux éligibles au taux réduit.

En tout état de cause, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a fait savoir qu'une nouvelle instruction fiscale paraîtrait après le vote de la loi de finances.

D. LA SOLUTION PROPOSÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL


En l'état, la mesure TVA pose des difficultés d'application très importantes pour les copropriétés, car toutes les solutions proposées par le ministère de l'économie et des finances imposent un travail complexe aux syndics de copropriété.

La solution consistant à proposer d'appliquer entièrement un taux réduit de TVA pour tous les travaux réalisés dans les parties communes des immeubles collectifs , que l'immeuble soit en partie dédié à un usage professionnel ou non, est plaisante en raison de sa simplicité, puisqu'elle supprime toutes les formalités d'attestation.

Toutefois, le service de la législation fiscale considère que cette solution ne serait pas compatible avec les termes de la directive du 22 octobre 1999. Celle-ci fait référence aux seuls travaux dans les logements " privés ".

Votre rapporteur général vous propose donc une solution simple, c'est-à-dire retenir le critère d'application du taux réduit de TVA pour chaque logement, en l'appliquant aux parties communes des immeubles collectifs.

Lorsque l'immeuble est affecté, pour plus de sa moitié, à un usage d'habitation, le taux réduit de TVA serait applicable intégralement sur les parties communes, sans prorata, sur attestation du syndicat des copropriétaires
.

E. D'AUTRES PROBLÈMES D'APPLICATION DE LA MESURE FISCALE

En dehors du cas des immeubles en copropriété, il faut noter que l'application du taux réduit de TVA aux travaux dans les logements d'habitation entraîne d'importantes difficultés de trésorerie pour les petits entrepreneurs et les artisans . En effet, les professionnels achètent leurs fournitures avec une TVA de 20,6% et doivent facturer leurs travaux au taux de 5,5%. Ils peuvent demander à l'administration fiscale à bénéficier d'un crédit de TVA. En application de l'article 242-0 B de l'annexe II du code général des impôts, une demande de remboursement peut être déposée au titre de chaque trimestre civil, lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande doit être déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré. Cependant, le remboursement n'intervient qu'environ deux mois plus tard.

Ainsi, les petites entreprises doivent supporter une charge de TVA importante pendant au moins cinq mois. Votre rapporteur note qu'il s'agit simplement de l'application du régime normal en matière de crédits de TVA, cependant, celui-ci pose des problèmes particuliers avec le passage au taux réduit. Il apparaît d'ailleurs, que s'agissant des prestations fournies avant le 15 septembre 1999, mais qui ont donné lieu à une facture définitive après cette date, des modalités spéciales de remboursement des crédits de TVA seraient mises en place.

IV. LE COUT DE LA MESURE : UNE ÉVALUATION INCOMPLETE ET HASARDEUSE

Selon le gouvernement , le coût global de 19,7 milliards de francs en 2000 se décompose comme suit :

- coût en TVA : 20,6 milliards de francs ;

- gain en IR : 0,9 milliard de francs.

On peut remarquer que cette évaluation est proche des chiffres donnés par le gouvernement à votre commission, le 23 juin 1999, sur une demande de son président 16( * ) , Alain Lambert.

Le coût global en 2001 serait réduit à 17,3 milliards de francs .


 

TVA à 5,5 %

Mesure sur les gros travaux

Mesure sur les petits travaux

 


Année

TVA sur travaux hors équipements

Taux réduit du 15.09.1999 au 31.12.2002

Transformation de la RI en CI

du 14.09.1999 jusqu'au 31.12.2002

Transformation du CI à 20 % au 14.09.1999 (a)

CI à 5 % du 15.09.99 au 31/12/2000 (b)

CI entretien

(a + b)

Incidence totale des mesures

2000

- 20.600 millions de francs

480 millions de francs

590 millions de francs

- 150 millions de francs

440 millions de francs

- 19,7 milliards de francs

2001

- 22.100 millions de francs

3.300 millions de francs

2.000 millions de francs

- 500 millions de francs

1.500 millions de francs

- 17,3 milliards de francs

Les incidences en 2000 des mesures en IR (revenus 1999) sont déterminées à partir des incidences en année pleine affectées du prorata temporis corrigé, pour la mesure sur les gros travaux, d'une hypothèse de réfaction de 50 %, la réalisation de ces travaux étant supposée plus concentrée sur les trois premiers trimestres

PLF 2000 article 3 : TVA à 5,5 % sur les travaux immobiliers à compter du 15.09.99

Coût de la mesure TVA en 2000 : 20,6 milliards de francs

Base totale des travaux

" Occupants "

Bailleurs

Locaux vacants

 

Actualisation

(montants en millions de francs)

Propriétaires occupants

Résidences secondaires

Locataires

Personnes physiques

Sociaux*

Institutionnels

Locaux d'hébergement

Total 1996

Hyp+ 2 % par année

Total petits travaux

43.420

9.936

21.724

6.418

11.300

813

6.484

100.095

106.222

Total gros travaux

105.676

8.595

0

18.613

-

1.977

0

134.861

143.116

Total

149.096

18.531

21.724

25.031

11.300

2.790

6.484

234.956

249.337

*Travaux d'entretien des bailleurs sociaux actuellement soumis au taux normal et qui bénéficieront du taux réduit dans un système de livraison à soi-même (LASM)

Source : Comptes des travaux (montants en millions de francs)

Estimation du coût de la mesure (en milliards de francs)

Base éligible TTC

120.881

23.779

10.170

2.651

6.484

163.965

174.001

(a) Exclusion des gros équipements et des travaux d'agrandissement, de mainte-nance, d'entretien des espaces verts

(a)

 

(a)

(a)

 
 
 

(b) Hors autoproduction des ménages : 34 mds de francs

(b)

 

(a)

(a)

 
 
 

Base HT

100.233

19.718

8.433

2.198

5.376

135.958

144.279

Coût de la baisse de taux

- 15.135

- 2.977

- 1.273

- 332

- 812

- 20.530

- 21.786

Effet sur le travail au noir

 
 
 
 
 

1.100

1.167

Coût net de la mesure

- 15.135

- 2.977

- 1.273

- 332

- 812

- 19.430

- 20.619

 
 
 
 
 
 

arrondi

- 20.600

L'évaluation du coût de la mesure est fondée sur les données existant dans les comptes du logement de 1996, et réactualisées.

L'évaluation du coût net de la mesure TVA apparaît donc largement fictive, car elle repose sur des données anciennes (1996) même si elles sont " actualisées ", et que ces données s'appuient une simple méthode d'enquête et non sur des statistiques complètes.

On peut remarquer que de nombreux éléments ne sont pas pris en compte dans l'évaluation.

L'évaluation proposée par le gouvernement tient compte de la régularisation du travail au noir pour 1,1 milliard de francs, ce qui représente 20 milliards de francs de travaux régularisés (8% des travaux existant) et désormais soumis à un taux réduit de TVA.

Par contre, l'évaluation ne tient pas compte des effets de demande induits par la baisse globale du coût des travaux, ni des retours attendus en termes de cotisations sociales et impôts du fait de l'augmentation ou de la régularisation de l'emploi dans le secteur de la rénovation immobilière.

De même, l'hypothèse d'une augmentation du coût des travaux , consécutive à un déséquilibre entre l'offre et la demande, n'est pas envisagée : l'augmentation des prix aurait pourtant pour effet de réduire l'avantage fiscal proposé par la mesure.

En définitive, l'évaluation se fonde sur des données anciennes, l'ensemble des retours en termes de cotisations et d'impôts ne sont pas pris en compte, et le taux de régularisation du travail au noir semble choisi " au hasard ".

Si elle est pour le moins hasardeuse, cette évaluation permet toutefois de tirer des enseignements quant à l'impact attendu de la diminution de la TVA.


Au total, les propriétaires-bailleurs ne devraient bénéficier de la mesure qu'à hauteur de 4,5 milliards de francs en 2000 (2,9 milliards pour les personnes physiques et 1,2 milliard pour les HLM, dont les travaux sont déjà très largement au taux réduit, sous la forme du mécanisme de la livraison à soi-même).

Les " occupants " devraient bénéficier d'un avantage de 15,1 milliards de francs. Parmi ces occupants, ce sont évidemment les propriétaires qui retireront l'avantage le plus important , puisque les locataires ne réalisent que 11% des travaux, qui, de surcroît, entrent exclusivement dans le domaine des petits travaux.

Il apparaît dès lors que la mesure ne concernera qu'une partie de la population française 17( * ) , et que ses effets redistributifs seront nuls.

V. UN DISPOSITIF NÉCESSAIRE MAIS INSATISFAISANT


La mesure de baisse de la TVA sur les travaux réalisés dans les logements est susceptible d'avoir des effets économiques non négligeables pour le secteur du bâtiment.

La commission des finances du Sénat s'était d'ailleurs prononcée, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999, en faveur d'une action auprès de l'Union européenne pour faire entrer les travaux dans les logements dans le champ d'application du taux réduit.

Lors de l'examen de la loi de finances pour 1998, elle avait souhaité déjà " qu'une réflexion s'engage, avec nos partenaires européens, sur l'application du taux réduit de TVA au secteur de la rénovation du logement. En effet, une telle mesure aurait un fort contenu en emplois et serait plus adaptée à la nature actuelle des besoins des économies européennes, dont le parc de logements a basculé d'une phase de reconstruction dans une phase de rénovation et de renouvellement ".

Cette position a été réitérée dans le rapport d'information précité réalisé au nom de votre commission intitulé " Comment baisser le taux de TVA ". Ce dernier se prononçait en faveur des baisses ciblées de TVA et considérait que le secteur des travaux dans le logements offrait des " potentialités (...) très réelles de créations d'emplois ".

Cependant, la commission des finances considérait également que " l'application d'un taux réduit de TVA au secteur du logement serait insuffisante à réduire la tentation du travail clandestin dans l'artisanat du bâtiment, car celle-ci n'est pas seulement motivée par le poids de la TVA, mais aussi et surtout par celui des charges sociales, problème auquel le gouvernement n'apporte toujours pas de réponse " .

Votre commission maintient l'opinion qu'elle a déjà exprimée à de nombreuses reprises : elle approuve le principe d'une diminution de la TVA sur les travaux dans les logements, dans la mesure où celle-ci devrait s'inscrire dans un mouvement plus général de diminution du poids des prélèvements obligatoires 18( * ) . Elle refuse toutefois de considérer cette disposition comme une mesure fiscale majeure, alors qu'aucune réforme du système fiscal et social n'est engagée.

Concernant l'impact de la mesure, seul l'impact économique semble réel . En matière sociale, il est évident que la diminution de la TVA profitera presque exclusivement aux propriétaires (qui réalisent 90% des travaux) et d'autant plus qu'ils feront des travaux importants. En d'autres termes, les ménages aux revenus élevés bénéficieront davantage du différentiel de TVA. D'une manière générale, comme l'a souligné la récente étude du Conseil d'analyse économique qui est placé auprès du Premier ministre, la baisse de la TVA n'a pas de caractère redistributif : elle a seulement un impact sur un secteur économique donné 19( * ) .

Lors de son audition devant la commission des finances du Sénat, le 21 octobre dernier, M. Philippe Sigogne, directeur du département des analyses et prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (l'OFCE) a confirmé cette analyse, en estimant " contre-redistributive " la mesure d'allégement de la TVA proposée par le gouvernement.

S'agissant du secteur choisi , celui du logement, il y a lieu de s'en féliciter. Il est en effet porteur d'emplois. Cependant, outre que la mesure intervient précisément au moment où le secteur du bâtiment a retrouvé son niveau d'emplois d'avant la crise des années 90, au risque de créer une " surchauffe " par une insuffisance d'offre, d'autres secteurs sont désormais en droit d'exiger une même mesure de faveur. Le secteur de la restauration en particulier, qui est également " à forte intensité de main d'oeuvre " ne comprend en effet pas pourquoi le gouvernement et l'Union européenne refusent de lui appliquer une TVA à taux réduit.

Concernant l'application de la mesure , il apparaît que celle-ci entraîne une certaine complexité. Des cas particuliers, parfois importants (ex : le traitement fiscal des logements de fonction) ne sont toujours pas réglés. L'instruction fiscale parue récemment comporte des omissions qui devront être réparées par la parution, une fois la loi de finances adoptée, d'une seconde instruction fiscale.

Enfin, malgré la diminution d'impôts annoncée (19,7 milliards de francs), rien ne permet d'évaluer précisément le coût de la mesure et donc le " cadeau fiscal " du gouvernement . Les retours en termes de cotisations sociales et d'impôts pourraient largement compenser la réduction ainsi accordée.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 3

Application du taux réduit de la TVA
au service extérieur des pompes funèbres

Commentaire : le présent article tend à faire bénéficier les prestations liées au service extérieur des pompes funèbres du taux réduit de la TVA.

I. LE DROIT EUROPÉEN PERMET D'APPLIQUER LE TAUX RÉDUIT DE LA TVA AUX SERVICES FUNÉRAIRES

A. LES RÈGLES FIXÉES PAR LE DROIT EUROPÉEN


La 15 ème catégorie de l'annexe H à la sixième directive autorise l'application du taux réduit de TVA aux " services fournis par les entreprises de pompes funèbres et de crémation ainsi que la livraison des biens qui s'y rapportent ".

Elle ne concerne donc que les services rendus par les entreprises de pompes funèbres proprement dites, et non ceux, qui pourraient y avoir trait (fourniture de fleurs, de faire-part...) mais qui sont fournis par des entreprises dont le service funéraire n'est pas la spécialité.

Il convient de faire la part, dans les opérations effectuées par ces dernières, entre celles qui relèvent de leur mission obligatoire (service extérieur des pompes funèbres régi par le code général des pompes funèbres) et celles qui, même si elles peuvent être prises en charge par ces entreprises, sont le plus généralement assurées par des entreprises qui n'ont pas le statut d'entreprises de pompes funèbres (fleuristes, imprimeurs, entreprises de marbrerie, entreprises de maçonnerie).

L'application du taux réduit aux opérations de cette deuxième catégorie n'est pas autorisée par la directive n° 92/77/CEE du 19 octobre 1992 lorsque le service n'est pas rendu par une entreprise de pompes funèbres. A contrario, il ne serait pas possible, compte tenu des distorsions de concurrence qui en résulteraient, de soumettre ces mêmes opérations au taux réduit lorsqu'elles sont effectuées directement ou indirectement par une entreprise de pompes funèbres.

B. LE SERVICE EXTÉRIEUR DES POMPES FUNÈBRES

En France, est considérée comme une mission de service public le " service extérieur des pompes funèbres ", tel que prévu à l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales. Il comprend notamment :

- le transport de corps avant et après mise en bière ;

- l'organisation des obsèques ;

- les soins de conservation ;

- la fourniture de cercueils et accessoires ;

- la fourniture des corbillards et des voitures de deuil ;

- la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, à l'exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, marbrerie funéraire, travaux d'imprimerie.

Il s'agit d'un ensemble d'opérations qui correspond en tout état de cause au domaine d'activité des entreprises de pompes funèbres.

La construction, l'entretien et la vente de caveaux ne relèvent pas, en revanche, du service extérieur des pompes funèbres. Il en est de même pour les activités annexes telles que la vente de fleurs ou l'impression de faire-part.

Actuellement, la seule prestation funéraire soumise au taux réduit de TVA à 5,5 % est le transport de corps effectué par les prestataires agréés (exploitants d'ambulance, services de pompes funèbres) dans des véhicules aménagés . Ceci découle des dispositions de l'article 279 b quater du code général des impôts, qui prévoit un taux réduit de la TVA pour les " transports de voyageurs ", auquel a été assimilé le transport de corps, comme l'a confirmé récemment le gouvernement 20( * ) .

II. UTILISER LES POTENTIALITÉS OFFERTES PAR LE DROIT EUROPÉEN EN MATIÈRE DE TAUX DE LA TVA APPLICABLE AUX SERVICES FUNÉRAIRES


Il est proposé de réduire le taux de la TVA portant sur les prestations liées au service extérieur des pompes funèbres tel que prévu par le code général des collectivités territoriales.

Le droit européen permettrait certes d'aller plus loin en englobant dans le champ de la baisse de la TVA la totalité des services fournis par les entreprises ayant le statut d'entreprises de pompes funèbres, y compris ceux qui n'ont pas un caractère obligatoire (fourniture de fleurs, travaux d'imprimerie, etc.). Mais, compte-tenu des distorsions de concurrence qui pourraient en résulter, notamment vis-à-vis des entreprises n'ayant pas le statut d'entreprises de pompes funèbres mais susceptible de fournir un service équivalent (fourniture de fleurs, travaux d'imprimerie), il est proposé de limiter le champ de la baisse de la TVA aux prestations funéraires à caractère obligatoire, c'est-à-dire au service extérieur des pompes funèbres.

Cette mesure va dans l'intérêt des familles : la dépense relative aux prestations de services funéraires, qui intervient à un moment particulièrement pénible dans la vie des familles, est en effet très lourde, et elle l'est d'autant plus que le revenu des personnes est modeste.

Les services funéraires peuvent en outre être considérés comme des biens de première nécessité car ils sont indispensables et obligatoires. Il s'agit donc d'une mesure de justice sociale.

Son coût est estimé à 700 millions de francs par le gouvernement.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Modification du régime simplifié d'imposition

Commentaire : le présent article a pour objet l'aménagement du système d'acomptes prévu par l'article 9 de la loi de finances pour 1999.

Cet article vise à répondre aux critiques adressées par certaines entreprises à l'encontre des nouvelles modalités du régime simplifié d'imposition, dit RSI, qui ont été instituées par l'article 9 de la loi de finances pour 1999.

I. L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT : LES NOUVELLES MODALITÉS DU RÉGIME SIMPLIFIÉ D'IMPOSITION

Ce régime qui est prévu par l'article 302 septies A du code général des impôts concerne en principe toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1,5 million ou 5 millions de francs selon la nature de l'activité exercée 21( * ) .

Afin de s'acquitter de leurs obligations en matière de paiement de la TVA, elles devaient déposer chaque année quatre déclarations trimestrielles 22( * ) abrégées (formulaire CA4) accompagnées de versements provisionnels calculés de façon semi-forfaitaire 23( * ) puis une déclaration récapitulative (formulaire CA12) l'année suivante, soit au total cinq imprimés.

Ce système s'est révélé particulièrement lourd et complexe pour les petites entreprises.

L'article 9 de la loi de finances pour 1999 a substitué, pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre du RSI, un système d'acomptes fixe sur le fondement d'une déclaration annuelle de chiffre d'affaires au régime déclaratif antérieur. Cette réforme a considérablement simplifié les obligations comptables des redevables concernés mais, dans le même temps, son entrée en vigueur a révélé certaines difficultés d'application.

D'une part, ce dispositif d'acomptes fixes ne tient pas compte de l'irrégularité éventuelle, au cours de l'exercice, du niveau du chiffre d'affaires, ce qui est susceptible d'engendrer des difficultés de trésorerie pour les entreprises soumises au régime simplifié.

D'autre part, la TVA acquittée par les redevables à l'occasion de leurs investissements n'est pas imputable sur les acomptes. Elle peut seulement faire l'objet d'une demande de remboursement, ce qui peut également entraîner certains délais. Les entreprises du secteur du bâtiment risquent d'être pénalisées par cette règle, la part de leur TVA d'amont, sur investissement, étant appelée à s'accroître par rapport à leur TVA d'aval, facturée au client, compte tenu de la baisse du taux sur les travaux prévue par l'article 3 du présent projet de loi de finances.

II. LE DISPOSITIF SOUMIS À VOTRE COMMISSION

A l'initiative unanime de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté le présent article, qui vise à modifier le régime simplifié d'imposition en aménageant le système d'acomptes fixes.

Il est proposé d'autoriser les redevables dont la TVA due au titre des opérations courantes d'un trimestre - diminuée, le cas échéant, de la taxe déductible au titre des investissements - est inférieure d'au moins 10 % au montant de l'acompte, à diminuer à due concurrence le montant de cet acompte en remettant au comptable chargé du recouvrement une déclaration datée et signée, susceptible d'un contrôle par les services fiscaux.

La prise en compte par le système fiscal de la spécificité d'un secteur et des aléas auxquels sont confrontés les entreprises, face à une réglementation fiscale souvent complexe, va dans le bon sens.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée aux services d'aide à la personne

Commentaire : le présent article tend à réduire à 5,5 % le taux de la TVA sur les prestations des services d'aide à la personne fournies par des entreprises agréées.

I. LES SERVICES D'AIDE A LA PERSONNE  : UN SECTEUR PEU DÉVELOPPÉ OÙ DOMINE UNE OFFRE À CARACTÈRE ASSOCIATIF

A. LA NOTION DE " SERVICES D'AIDES À LA PERSONNE "


Les services d'aides à la personne, qualifiés parfois de services de proximité, d'emplois familiaux, de services aux particuliers ou de services à domiciles, comportent deux aspects.

Il peut s'agir, d'une part, de services que le développement du travail féminin, notamment, rend toujours plus nécessaires (accomplissement de certaines tâches domestiques, garde des enfants, soutien scolaire, etc.), et d'autre part, de prestations liées au maintien à domicile des personnes âgées, dépendantes ou handicapées (préparation des repas, toilette, etc.).

B. UN SECTEUR ENCORE ÉMERGENT

Ce secteur se caractérise par son fort contenu en main d'oeuvre et par une demande non satisfaite encore importante.

La taille du marché des services d'aide à la personne est cependant difficile à quantifier car le secteur ne correspond pas à une catégorie déterminée des nomenclatures statistiques.

Les statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité (délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle), relative aux agréments délivrés au titre de l'article L. 129-1 du code du travail font état de 79 agréments en 1998 pour les entreprises privées contre 5.094 agréments pour des associations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée par l'article 261-7-1° ter du code général des impôts. Cela étant, le nombre d'heures payées par les entreprises privées agréées aurait plus que doublé entre 1997 et 1998 : 118.000 en 1997, 279.000 en 1998.

L'exploitation des déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires indique un chiffre d'affaires (hors taxes) taxable du code 853 J (" aides à domicile ") de 164 millions de francs en 1997.

D'après le Conseil d'analyse économique 24( * ) , le secteur des services de proximité employait 1,2 million de personnes en 1997, soit environ 400.000 emplois (en équivalents temps plein), contre la moitié seulement en 1992.

La demande ne serait aujourd'hui pas satisfaite. D'après le syndicat des entreprises de services à la personne (SESP), 6 millions de ménages seraient demandeurs de ce type de services, soit une demande latente de 35 milliards de francs et l'équivalent temps plein de 300.000 emplois. La demande émanerait de foyers dont les revenus mensuels sont compris, dans l'ensemble, entre 12.000 et 30.000 francs.

C. L'OFFRE ASSOCIATIVE DOMINE

1. L'offre associative


Les associations sont très présentes sur le marché, soit comme mandataires (elles assurent alors le recrutement des salariés pour des particuliers qui deviennent leur employeur et les aident dans l'accomplissement des obligations sociales, administratives et fiscales liées à cet emploi), soit comme prestataires (elles proposent alors une prestation de services à des personnes physiques), le cas échéant en recrutant à cet effet des personnes en difficulté dans le cas des associations intermédiaires . Leur régime fiscal est sensiblement identique :

- les associations prestataires doivent être agréées (article L.129-1 I 2° du code du travail). Les rémunérations des aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée sont totalement exonérées des cotisations patronales de sécurité sociale. Les bénéficiaires des prestations ont droit à une réduction d'impôt. Les associations prestataires sont exonérées de TVA, d'impôt sur les bénéfices et, aujourd'hui, de taxe professionnelle. En revanche, elles sont soumises à la taxe sur les salaires, mais elle bénéficient d'un abattement ;

- les travailleurs placés par des associations mandataires bénéficient des dispositions fiscales et sociales applicables aux travailleurs employés de gré à gré : chèque emploi-service, cotisations sociales versées sur une base forfaitaire et non sur le salaire réel, exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans certains cas, réduction d'impôt sur le revenu ;

- les associations intermédiaires sont exonérées de cotisations patronales de sécurité sociale, supportent la taxe sur les salaires, mais ne sont pas assujettis aux impôts commerciaux.

2. Des entreprises encore peu nombreuses

La loi du 29 janvier 1996 en faveur du développement des emplois de services aux particuliers permet à des entreprises d'être agréées, sur le fondement de l'article L. 129-1 I 2° du code du travail, pour fournir des services d'aides à la personne. Le régime fiscal et social dont elles relèvent est cependant différent de celui qui prévaut pour les associations. Les entreprises agrées sont en effet soumises au régime de droit commun en matière de cotisations sociales, de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de taxe professionnelle. En revanche leurs clients bénéficient de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 sexdecies du code général des impôts.

Ce régime fiscal expliquerait la relative absence des entreprises sur le secteur des aides à domicile : les entreprises mettent en avant un manque de rentabilité dont les causes sont en grande partie d'origine fiscale. Elles supportent en effet une taxe sur la valeur ajoutée de 20,6 % ce qui rend plus onéreuses leurs prestations par rapport aux associations soumises à la taxe sur les salaires, et, plus encore, par rapport aux particuliers-employeurs qui ne sont assujettis ni à la taxe sur la valeur ajoutée ni à la taxe sur les salaires.

II. UNE BAISSE DE LA TVA EN FAVEUR DES ENTREPRISES POURRAIT RELANCER LE SECTEUR DES SERVICES D'AIDE À LA PERSONNE

A. LE CONTEXTE EUROPÉEN


Les services d'aide à la personne font partie des prestations que les Etats membres de l'Union européenne ont été autorisés à soumettre au taux réduit de TVA, à titre expérimental, par la directive 1999/85/CE sur les services à forte intensité de main d'oeuvre, adoptée lors du Conseil du 22 octobre 1999 25( * ) .

La directive 1999/85/CE permet à chaque Etat membre de choisir dans une liste limitative deux activités qui bénéficieront d'un taux de TVA réduit. Dans certains cas " exceptionnels ", les Etats membres peuvent réduire le taux de TVA applicable à un troisième secteur d'activité.

Le présent article utilise les facultés offertes par le droit européen en proposant de diminuer le taux de TVA sur les services d'aide à la personne. Il concerne en réalité deux prestations différenciées dans la liste établie par le Conseil de l'Union Européenne puisqu'il recouvre à la fois les " services de soin à domicile " et le " lavage des vitres et nettoyage de logements privés ".

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

En complétant l'article 279 du code général des impôts, le présent article propose de soumettre au taux réduit de la TVA (5,5 %), au lieu du taux normal (20,6 %), les prestations de service fournies par des entreprises agréées, en application du II de l'article L.129-1 du code du travail.

La mesure s'appliquerait jusqu'au 31 décembre 2002, conformément à l'autorisation communautaire.

L'évaluation du coût de la mesure est délicate, car aujourd'hui les services concernés sont, dans la majorité des cas, fournis par des associations exonérées de TVA ou par des personnes directement salariées auprès de particuliers. A offre constante, le coût de l'application du taux réduit aux services d'aides à la personne serait négligeable. Mais les statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité font apparaître le caractère émergent du marché, qui connaît une forte croissance.

Le coût de la mesure peut cependant être évalué, en première année d'application, à 100 millions de francs, compte tenu du développement qu'on peut attendre dans ce secteur dès l'annonce de la baisse de taux. Il est en effet probable que les entreprises intéressées par ce nouveau créneau attendent une baisse de taux pour structurer leur offre.

III. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture l'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

Il convient cependant de rapprocher l'adoption de cet article d'autres articles figurant également dans le présent projet de loi de finances. Ainsi, à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a été adopté un article 8 bis , qui tend à porter à 33.000 francs, au lieu de 29.070 francs, l'abattement de taxe sur les salaires prévu par l'article 1679 A du code général des impôts, au profit, notamment, des associations.

IV. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre commission est de façon générale favorable aux mesures qui contribuent à diminuer le poids des prélèvements obligatoires. Elle s'était à ce titre déclarée favorable à ce que la TVA applicable à ce secteur puisse être réduite.

Il convient cependant de s'assurer que la mesure n'aura pas d'effets négatifs sur les associations : même si la TVA au taux réduit ne devait s'appliquer qu'aux entreprises commerciales, alors qu'elles-mêmes resteraient exonérées, une telle mesure pourrait se traduire par des effets de substitution voire par une baisse de l'emploi dans le secteur associatif. A ce titre, les associations évoquent notamment un " risque de déstabilisation de l'emploi ".

Une proposition de résolution (n° 1526, Xème législature) adoptée par l'Assemblée nationale le 17 juin dernier demandait ainsi au Gouvernement de " mesurer avec soin les effets qu'un assujettissement au taux réduit de la TVA de certains services rendus aux personnes pourrait exercer sur l'offre associative, avant d'envisager de mettre en oeuvre une telle mesure dans le cadre de l'expérimentation proposée par la Commission européenne ". A ce jour, selon les informations communiquées à votre rapporteur général, cette demande est restée sans réponse.

Votre rapporteur général estime donc nécessaire que le gouvernement apporte toute précision en ce domaine afin notamment qu'il ne soit pas porté atteinte à la situation des associations qui opèrent déjà dans ce secteur.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 bis (nouveau)

Extension de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée à toutes les cessions réalisées par les SAFER

Commentaire : le présent article vise à étendre le régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en faveur des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) à l'ensemble de leurs opérations.

I. LE RÉGIME DES SAFER A CONNU DES MODIFICATIONS IMPORTANTES AU COURS DE L'ANNÉE ÉCOULÉE

A. LES MODIFICATIONS INTERVENUES

1. L'innovation de la loi de finances rectificative pour 1998


L'an dernier, afin de combler partiellement l'écart de compétitivité creusé au détriment des SAFER par l'article 39 de la loi de finances pour 1999 26( * ) sur la diminution des droits de mutation, l'Assemblée nationale 27( * ) a introduit un article exonérant de taxe de publicité foncière les acquisitions et les cessions d'immeubles réalisées par les SAFER.

Jugeant cette mesure souhaitable mais insuffisante, et afin d'amplifier l'effort fait en faveur des SAFER, le Sénat a adopté, contre l'avis du gouvernement, suivi en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, un amendement permettant de supprimer toute perception du Trésor sur les acquisitions et les cessions des SAFER 28( * ) .

2. L'élargissement des missions prévu dans la loi d'orientation agricole

La loi d'orientation agricole 29( * ) a étendu le droit de préemption des SAFER pour la réalisation de projets de mise en valeur des paysages et de protection de l'environnement approuvés par l'Etat ou les collectivités locales et leurs établissements publics.

En outre, les SAFER sont désormais autorisées à acquérir des parts de sociétés à objet agricole afin d'intervenir à l'amiable sur le marchés des exploitations à forme sociétaire.

B. MALGRÉ CES MESURES FAVORABLES AUX SAFER, CELLES-CI CONNAISSENT UN LENT RECUL DE LEUR ACTIVITÉ

Les SAFER orientent environ 20 % du marché foncier des terres agricoles en surface (et 9,5 % en nombre de transactions). Si l'on observe ce marché depuis 1993, on observe une tendance nette au recul de l'activité des SAFER tant en nombre de transactions, qu'en surface ou en valeur : entre 1993 et 1998, les interventions des SAFER sont passées de 27 à 22 % en volume et de 23 à 18 % en valeur.

Un rapport commandé par M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, devrait permettre au premier semestre 2000 de dresser un panorama complet de la situation actuelle des SAFER.

II. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UNE MESURE VISANT À CONFORTER LES SAFER


Cet article, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, prévoit l'extension de l'exonération de TVA sur les acquisitions et cessions d'immeubles ruraux à destination agricole effectués par les SAFER .

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a apporté son soutien à cette initiative lors du Congrès national de la Fédération nationale des SAFER (FNSAFER) qui s'est tenu le 4 novembre 1999 à Gaillac.

Le régime actuel d'exonération de TVA pour les opérations des SAFER

L'article 261 du code général des impôts , repris par l'article L.142-3 du code rural prévoit que sont exonérées de TVA :

. les opérations immobilières réalisées dans le cadre des activités des SAFER (dont le champ est défini par les articles L. 141-1 à L. 141-5 du code rural), à l'exception des cessions d'immeubles acquis postérieurement au 23 janvier 1990 ( d du 1° du 5 de l'article 261 du code général des impôts ) ;

. les cessions qui, ayant pour objet le maintien, la création ou l'agrandissement d'exploitations agricoles, sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayant causes de conserver la destination des immeubles acquis pendant un délai de 10 ans à compter du transfert de propriété ; la même exonération s'applique aux cessions de parcelles boisées à condition que l'ensemble de ces parcelles n'excède pas 10 hectares ou, dans le cas contraire, ne soit pas susceptible d'aménagement ou d'exploitation régulière ; ces dispositions ne s'appliquent qu'aux cessions des immeubles acquis postérieurement au 23 janvier 1990 ( d bis du 1° du 5 de l'article 261 du code général des impôts ).

Le présent article vise à modifier la rédaction du d bis du 1° du 5 de l'article 261 du code général des impôts. Il intègre l'élargissement des missions des SAFER dans sa rédaction et supprime les conditions spécifiques qui pesaient sur les cessions de parcelles boisées. Désormais toutes les cessions de biens devraient bénéficier d'une exonération de TVA si elles répondent aux deux conditions suivantes :

• relever du champ des missions des SAFER tel que défini à l'article L. 141-1 du code rural,

• faire l'objet d'un engagement de l'acquéreur de conserver la destination du bien pendant au moins dix ans.

Le coût de cette extension d'exonération devrait être d'environ 6 millions de francs 30( * ) .

B. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES SONT D'ORES ET DÉJÀ PRÉVUES


M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a annoncé qu'il présenterait également dans le cadre de l'examen des articles de deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, un article additionnel visant la suppression de tout droit d'enregistrement sur les opérations des SAFER, pour un coût d'environ 14 millions de francs.

En outre, lors du Congrès de la FNSAFER, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, a rappelé que la participation du budget de l'Etat au fonctionnement des SAFER s'élevait à 43,7 millions de francs pour 1999 et à 45 millions de francs pour 2000 (soit une augmentation de 2,9 %). En outre, il s'est dit décidé à renforcer ce financement par les possibilités offertes par le nouveau règlement communautaire sur le développement rural qui comporte une rubrique " remembrement des terres ".

Il envisage également qu'un contrat pluriannuel, conclu entre les SAFER, la FNSAFER et les pouvoirs publics au cours du premier semestre 2000, détermine les modalités d'un financement public pérenne pour la durée du contrat. Celui-ci devrait être négocié sur la base notamment des conclusions du rapport précité commandé par le ministre.

Il est également question d'instaurer un observatoire sur les SAFER regroupant la FNSAFER et les ministères de l'agriculture et de la pêche, de l'économie, des finances et de l'industrie, et de la justice.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Réduction des droits de mutation à titre onéreux

Commentaire : le présent article a pour objet de réduire les droits de mutation à titre onéreux concernant les immeubles d'habitation, afin d'aligner ces droits sur ceux pesant sur les immeubles professionnels et de diminuer les droits de mutation à titre onéreux sur les cessions de fonds de commerce.

L'article 39 de la loi de finances pour 1999 a
abaissé de manière significative les droits de mutation à titre onéreux pour les immeubles d'habitation (de 7 % à 6 % environ) et surtout sur les locaux professionnels (de 18,2 % à 4,80 %), tout en relevant la taxation des cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière (désormais taxées à 4,80 %).

Le coût de la compensation pour l'Etat s'est élevé à 8,6 milliards de francs, inscrits en dépenses au budget du ministère de l'intérieur (dont 5,3 milliards de francs pour les régions et 3,3 milliards de francs pour les départements). Le coût net était de 3,7 milliards de francs, du fait de la taxation des cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière, pour un gain de 4,9 milliards de francs.

Le présent article propose de poursuivre l'abaissement des droits de mutation, en alignant les droits perçus sur les immeubles d'habitation sur ceux perçus pour les immeubles professionnels.

Il propose également une diminution des droits de mutation sur les fonds de commerce.

I. L'ABAISSEMENT DES DROITS DE MUTATION A TITRE ONEREUX SUR LES IMMEUBLES D'HABITATION

A. LE DROIT EXISTANT


Lorsqu'une cession d'immeubles donne lieu au paiement de la TVA " immobilière ", (art. 257-7° du CGI) c'est-à-dire quand la cession intervient en cours de construction ou moins de 5 ans après l'achèvement de l'immeuble, le droit d'enregistrement est nul. La cession supporte toutefois une taxe de publicité foncière au taux de 0,60 % liquidée sur le prix hors taxe (art. 692 du CGI) majorée du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement de 2,5 %.

Dans les autres cas, les ventes d'immeubles donnent ouverture à un droit qui se décompose comme suit :

- un droit proportionnel perçu au profit du département, dont le taux varie selon l'usage de l'immeuble et sa situation ;

- une taxe additionnelle perçue au profit de la commune (CGI, art. 1584) ou d'un fonds de péréquation départemental pour les communes de moins de 5.000 habitants (CGI, art. 1595 bis) de 1,20 % ;

- un prélèvement perçu au profit de l'Etat au titre des frais d'assiette et de recouvrement du droit départemental de 2,5 % sur le montant du droit (CGI, art. 1647).

La taxe additionnelle régionale de 1,6 % (CGI, art. 1599 sexies et 1599 septies ) a été supprimée par l'article 39 de la loi de finances pour 1999.

Par ailleurs, la taxe départementale a été réduite de 15,4 % à 3,6 % pour :


- les immeubles professionnels, c'est-à-dire les immeubles dont l'acquéreur a pris l'engagement de les affecter à un autre usage que l'habitation pendant trois ans au moins à compter de la date de l'acte d'acquisition ;

- les immeubles achetés par les mutuelles, les association cultuelles, les associations reconnues d'utilité publique ayant pour objet l'assistance, la bienfaisance ou l'hygiène sociale, en vue d'être affectés à l'habitation, lorsqu'ils sont nécessaires au fonctionnement de leurs services ou de leurs oeuvres sociales (ex : foyer ou hôtel d'hébergement).

Au total, les mutations d'immeubles professionnels sont donc taxées à 4,80 % correspondant à un taux départemental de 3,60 % et à la taxe additionnelle communale de 1,20 %, alors que les immeubles d'habitation supportent des droits plus élevés et variables en fonction du niveau des droits départementaux (de 5,40 % à 6,20 %).

Droits de mutation à titre onéreux au 1er janvier 1999

 

Immeubles d'habitation

Immeubles professionnels

Droit départemental

de 4,20 à 5 %

3,60 %

Taxe additionnelle communale

1,20%

1,20 %

Total

de 5,40 à 6,20 %

4,80 %

B. LE NOUVEAU DISPOSITIF

Le I. du présent article a pour objet de ramener tous les droits départementaux pour les immeubles d'habitation à un taux unique, égal à celui des immeubles professionnels, soit 3,60 %.


Le 1° du A modifie l'article 1594 D du code général des impôts en ramenant le taux de la taxe de publicité foncière ou droit d'enregistrement au taux unique de 3,60%.

Seuls des taux inférieurs, entre 1 % et 3,60 %, sont autorisés.

L'article 1594 D conservait les taux départementaux en vigueur au 31 décembre 1998, avec la possibilité pour les conseil généraux de les modifier, sans aller au-delà de 5 % et en deçà de 1 %. Cependant, au 1er juin 1999, tous les conseils généraux avaient adopté des taux compris entre 4,20 % et 5 %, c'est-à-dire au dessus de la limite de 3,60 %. Soixante-huit départements avaient maintenu à 5 % leur taux de mutation à titre onéreux de droit commun.

Le 2° du A. modifie une référence à l'article 1594 E du code général des impôts, afin de tenir compte de l'existence d'un taux unique à l'article 1594 D.

Le 3° du A . modifie l'article 683 bis .

Cet article prévoit une taxe de publicité foncière ou un droit d'enregistrement de 2,60 % à l'exception du cas où la société s'engage à respecter une des conditions prévues à l'article 1594 DA. Il s'agit des cas où l'acquéreur s'engage à maintenir à l'immeuble un usage professionnel pendant au moins trois ans et des acquisitions d'immeubles non bâtis (terrains). Le taux est alors de 2 %.

Le présent article aligne le taux de 2,60 % pour les immeubles d'habitation sur le taux pour les immeubles professionnels et les terrains, soit 2 %. Dès lors, la distinction suivant la nature de l'immeuble est supprimée (suppression de la référence à l'article 1594 D).

Les articles 809 et 810, relatifs aux apports à une société, personne morale ou groupement, sont modifiés de la même façon : le taux de 2,60 % est abaissé à 2 %.

Les dispositions spécifiques aux départements d'outre-mer, à l'article 1043 A, qui prévoit une réduction de moitié des droits de timbre, sont adaptées, afin de tenir compte de l'introduction d'un taux de droit d'enregistrement unique.

L'article 1594 DA, qui instaurait un régime spécifique pour les droits d'enregistrement concernant les immeubles professionnels, est abrogé. Cet article prévoyait un taux unique de 3,60 %, chaque département ayant la possibilité de l'abaisser sans pour autant le réduire à moins de 1 %. Seul le département de la Marne (51) avait réduit ce taux, pour le porter au taux plancher, c' est-à-dire à 1 %.

L'article 1594 F quater est également abrogé : il prévoyait la possibilité, pour les conseils généraux, de réduire le taux des droits de mutation départementaux au niveau du taux prévu pour les immeubles professionnels (article 1594 DA) pour les immeubles d'habitation et les terrains et locaux à usage de garage situés dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de redynamisation urbaine, sous certaines conditions.

Il s'agissait essentiellement de dispositifs issus de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire :

- la possibilité de voter un taux de 3,60 % pour les ventes d'immeubles d'habitation et de garages situés dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de revitalisation urbaine en vertu de l'article 1594 F quater du CGI (17 départements appliquaient ce taux réduit au 1 er juin 1999) ;

- la possibilité d'instituer un abattement de 50.000 francs à 300.000 francs, soit de façon générale (1er et 2ème alinéas de l'article 1594 F ter du CGI), soit pour les seules zones de revitalisation rurale (3ème alinéa de l'article 1594 F ter du CGI). En pratique, cet abattement n'est pratiqué que dans 6 départements, et exclusivement dans des zones de revitalisation rurale .

La disparition de l'article 1594 F quater , qui permettait d'accorder un avantage comparatif pour certains territoires prioritaires, enlève la possibilité pour les conseils généraux de moduler les taux de droit de mutation suivant les zones. Seul le mécanisme de l'abattement, prévu à l'article 1594 F ter reste en vigueur : il est toutefois moins utilisé et ne concerne que les zones de revitalisation rurale (les zones de revitalisation urbaine sont exclues).

Le II. du présent article indique que l'abaissement des droits de mutation à titre onéreux sur les immeubles d'habitation s'applique à compter du 15 septembre 1999.

Toutefois, une dérogation est prévue pour les départements dont les taux, au 1er juin 1999, étaient inférieurs à 3,60 %.

II. L'ABAISSEMENT DES DROITS DE MUTATION A TITRE ONEREUX SUR LES FONDS DE COMMERCE

Le B. du I. du présent article traite des droits de mutation sur les fonds de commerce.

A. LE DROIT EXISTANT

L'article 719 définit le régime normal de cession des fonds de commerce ou de clientèle.

Le taux varie en fonction de la valeur taxable :

- aucun droit en dessous de 150.000 francs ;

- 6 % pour une valeur de 150.000 à 700.000 francs ;

- 9 % au-delà de 700.000 francs.

L'article 722 bis prévoit des taux réduits dans un objectif d'aménagement et de développement du territoire. Aucun droit n'est perçu pour les cessions d'une valeur inférieure à 700.000 francs dans les communes dont la population est inférieure à 5.000 habitants et qui sont situées dans les territoires ruraux de développement prioritaire. Cette disposition est également applicable aux zones de redynamisation urbaine et aux zones franches urbaines.

B. LE DISPOSITIF PROPOSE PAR LE PRESENT ARTICLE

Le 1° du B. abaisse de 6 % à 3,80 % et de 9 % à 2,40 % les tarifs prévus au premier alinéa de l'article 719.

Il faut noter que les droits de mutation, qui étaient progressifs, en fonction de la valeur taxable, sont désormais dégressifs, à partir de la valeur de 700.000 francs (le taux est de 3,80 % si la valeur taxable est inférieure au plafond, et baisse à 2,40 % au delà).

Le 2° du B. modifie l'article 722 bis afin de tenir compte du nouveau taux de droit commun pour les cessions de fonds de commerce ou de clientèle inférieures à 700.000 francs. Cette adaptation n'a aucune conséquence puisque les cessions inférieures à 700.000 francs sont toujours exonérées. L'exonération prévue dans un objectif d'aménagement du territoire présentera toutefois un avantage moindre que précédemment, en raison de la réduction des taux.

Le 4° du B. modifie le III. de l'article 810, relatif à l'enregistrement des apports en société. Désormais, pour les apports qui ont pour objet un fonds de commerce, une clientèle, un droit au bail ou une promesse de bail, le taux ne sera plus de 8,60% mais correspondra au taux défini pour le droit commun des mutation de fonds de commerce, tel que fixé à l'article 719 du code général des impôts (taux de 2,40% à 3,60% suivant la valeur taxable). Outre un allégement important des droits sur les apports en société, cette modification permet une neutralité complète quelle que soit la forme juridique de la mutation.

Votre commission approuve la diminution des droits de mutation sur les fonds de commerce, dont le coût fiscal est estimé à 700 millions de francs pour 2000 par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

III. LES MODALITÉS DE COMPENSATION DE L'ABAISSEMENT DES DROITS DE MUTATION SUR LES IMMEUBLES D'HABITATION

A. LA COMPENSATION EST AUTOMATIQUE


Les modalités de la compensation aux départements sont prévues par les dispositions relatives à la compensation des transferts de compétence du code général des collectivités territoriales, puisque les droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements leur ont été transférés, en contrepartie de transferts de compétence prévus par les lois de décentralisation.

La loi du 7 janvier 1983 relative aux transferts de compétences a posé le principe de l'intégralité de la compensation des charges financières résultant des compétences transférées, à la date du transfert ; les ressources ainsi transférées assurent la stricte compensation des accroissements de charges résultant des transferts de compétences.

L'article 95 de la loi du 7 janvier 1983 complété par l'article 17 de la loi du 29 décembre 1983 a prévu un ajustement des ressources fiscales transférées pour les départements dont le montant de ces ressources fiscales était, à la date du transfert de compétences, supérieur au montant des charges résultant du transfert de compétences.

B. LA COMPENSATION EST " INTÉGRALE "

L'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales prévoit la prise en charge par l'Etat des conséquences financières négatives pour les collectivités dans le cas d'une modification des caractéristiques d'un impôt transféré : " Les pertes de produit fiscal résultant, le cas échéant, pour les départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date des transferts d'impôts et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux de ces impôts sont compensées intégralement , collectivité par collectivité, soit par des attributions de dotation de décentralisation , soit par des diminutions des ajustements prévus " lorsque le produit d'un impôt est supérieur aux charges transférées qu'il est censé financer.

En conséquence, les pertes de produit fiscal résultant pour les départements, de la modification du taux de ces impôts, doivent être compensées intégralement par des attributions de dotation générale de décentralisation. Le montant de la perte de produit fiscal à compenser est constaté, pour chaque collectivité, par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges.

Il convient de souligner ici que la compensation n'est intégrale que dans l'hypothèse d'un dégrèvement , qui préserve intégralement la capacité de taxation de la commune, car elle continue de bénéficier en totalité des " effets base et taux ".

L'intégralité de la compensation pour la baisse des droits de mutation se calcule à partir des bases de la dernière année connue, auxquelles est appliqué le taux de progression de la dotation générale de décentralisation. La loi de finances initiale pour 1999 a ainsi prévu une compensation calculée à partir des bases de l'année 1997 (dernière année connue), indexée deux fois sur les taux de progression de la dotation générale de décentralisation.

Pour la diminution des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements proposée par le présent article, la compensation sera calculée à partir des bases de l'année 1998 auxquelles seront appliqués les taux de progression de la dotation générale de décentralisation entre 1998 et 1999 et entre 1999 et 2000.

La réduction des droits de mutation perçus par les départements à 3,6 % sera donc compensée par des attributions de dotation générale de décentralisation (DGD), qui correspond au chapitre 41-56 du budget du ministère de l'intérieur. Une provision de 4,6 milliards de francs a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2000, correspondant à la perte de recettes subie par les départements sur la base des droits de mutation qu'ils ont perçus en 1998, montant revalorisé comme la DGD entre 1998 et 1999 et entre 1999 et 2000. On rappellera pour mémoire que le recette des droits départementalisés était de 17.422 millions de francs en 1998.

L'anticipation de la mesure au 15 septembre 1999 est prévue dans le projet de loi de finances pour 2000, mais sa compensation aux départements sera intégrée dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Lors de l'examen de la loi de finances pour 1998, votre rapporteur avait regretté que " le droit de mutation sur les immeubles d'habitation devient le taux de droit commun alors qu'il était un taux dérogatoire. Son abaissement de 1,6 % est relativement modéré par rapport à la baisse des droits de mutation sur les immeubles professionnels " .

Il approuve donc une nouvelle mesure visant à rapprocher le taux des droits de mutation français des taux en vigueur au niveau européen.

Il déplore toutefois que cette nouvelle baisse des droits de mutations n'ouvre pas droit, pour les collectivités locales, à une compensation satisfaisante.

A. LA COMPENSATION NE SERA PLUS INTÉGRALE A COMPTER DE 2001

1. Le gouvernement ne souhaite pas prendre en compte l'évolution des bases en 1999


La compensation de la baisse des droits de mutation à titre onéreux en 2000 est fixée à partir du produit enregistré en 1998, auquel sont appliqués les taux de progression de la DGF en 1999 et en 2000. Pour le gouvernement, la reprise du marché de l'immobilier en 1999 est liée à la baisse des droits de mutation engagée par l'article 27 de la loi de finances pour 1999. D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, les bases de l'année 1999 ne devraient donc pas être prises en compte dans le calcul de la compensation pour l'année 2001, car le gouvernement considère que, dans l'hypothèse contraire, la compensation versée aux départements serait surévaluée. Les bases de l'année 1998 seraient donc pérennisées, car la baisse des droits de mutation à compter de 1999 fausserait le calcul de la compensation du fait de la reprise du marché qu'elle aurait provoquée.

Enfin, le gouvernement souligne que, la baisse des droits de mutation proposée par le présent article étant entrée en vigueur à compter du 15 septembre 1999, la prise en compte des bases de 1999 reviendrait à intégrer les effets d'aubaine induits par cette mesure, et que la neutralité financière de la mesure ne pourrait pas être assurée.

2. La reprise du marché de l'immobilier ne peut être imputée à la baisse des droits de mutation

L'envolée des achats de logement depuis deux ans ne découle pas seulement de la baisse des droits de mutation, mais est essentiellement liée à la croissance de l'économie. Il apparaît donc que l'augmentation du volume des transactions immobilières ne peut être imputée totalement à la baisse des droits de mutation décidée par l'article 27 de la loi de finances pour 1999.

Une étude de M. Mouillart, professeur à l'université de Paris X Nanterre souligne que " la baisse des droits de mutation, de l'ordre de 36 % en deux ans, aura véritablement dopé les flux d'accession à la propriété : près de 45 % du nombre des accédants supplémentaires attendu entre 1997 et 2001, s'explique par cela. (...) Ainsi, le nombre total des transactions réalisées par les ménages dans l'ancien aura progressé de près de 120.000 unités entre 1997 et 2002 (+ 4,3 % par an et + 23,6 % au total). Les dispositions publiques prises depuis deux ans ayant contribué pour moitié à cette expansion, l'amélioration de l'environnement économique et financier du marché pour le reste ".

Si les droits de mutation ont eu une influence significative sur la croissance du marché de l'immobilier, celle-ci n'entre donc en compte que pour moins de la moitié de la reprise. Par conséquent, le refus de prendre en compte les bases de 1999 pour le calcul de la compensation versée aux départements en 2001 revient à priver les départements des effets de la reprise du marché de l'immobilier.

B. UNE CONTRIBUTION À LA DISPARITION DE L'AUTONOMIE FISCALE DES COLLECTIVITÉS

1. Les départements sont privés d'une ressource dynamique


Le gouvernement souligne que la hausse du volume des transactions enregistrée en 1998 compense très largement la baisse des droits de mutations à titre onéreux. Cependant, il faut souligner que la baisse des droits de mutation prive les conseils généraux d'une recette dynamique, compte tenu de la forte progression des transactions et de l'évolution favorable des prix sur le marché de l'immobilier.

La compensation de la baisse du taux des droits de mutation par une attribution de dotation générale de décentralisation (DGD) conduit à remplacer une ressource dynamique par une ressource dont l'évolution est identique à celle de la DGD. Or, il n'apparaît pas qu'il existe un lien entre les droits de mutation et les principes guidant l'évolution de la DGD. La dotation générale de décentralisation est indexée sur le taux de progression de la dotation générale de fonctionnement, en tenant compte du recalage de la base et de la régularisation négative. En 2000, ce taux sera de 0,821 %, soit un taux inférieur à l'inflation. La revalorisation de la compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle proposée par l'article 14 ter du projet de loi de finances pour 2000, n'est donc pas étendue à la compensation des droits de mutation.

Si le taux appliqué à la compensation de la baisse des droits de mutation engagée en 1999 avait été celui de la DGF, hors recalage et régularisation (défini à l'article L 1613-1 du code général des collectivités territoriales comme " la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne du prix de la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de versement et de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année en cours, sous réserve que celui-ci soit positif " ), le montant de la compensation versée aux départements aurait été supérieur de 40 millions de francs. Pour la compensation de la baisse des droits de mutation estimée pour l'année 2000 (soit 8,18 milliards de francs, dont 4,85 milliards au titre des mesures nouvelles), la différence porte sur environ 100 millions de francs.

Les modalités de compensation supposent que les charges compensées vont évoluer au rythme de croissance de la DGD. Or, la croissance des prix et des volumes des transactions sur le marché immobilier témoigne du décalage entre l'évolution des bases des droits de mutation et l'indexation retenue pour la compensation.

La baisse des droits de mutation constitue une nouvelle atteinte au principe de l'autonomie fiscale des collectivités locales. L'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales dispose que, " au terme de la période visée à l'article 4 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, les transferts d'impôt d'Etat représentent la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales " . Cet article visait donc à contraindre l'Etat à développer les transferts d'impôt aux collectivités. Or, la multiplication des exonérations et des baisses de taux des impôts locaux compensés par l'Etat participe à un mouvement croissant de recentralisation fiscale.

2. Une contribution au recul de la décentralisation fiscale

En supprimant aux départements leur faculté de voter les taux des droits de mutation, le gouvernement accentue le processus de démantèlement de la fiscalité locale, entamé par la loi de finances pour 1999. Cette véritable " recentralisation déguisée " consiste à remplacer les ressources fiscales des collectivités par des dotations de l'Etat. En outre, les dotations versées en contrepartie par l'Etat n'intègrent pas la croissance des bases d'imposition dans le futur. La compensation n'est donc " intégrale " que la première année, et le décalage avec l'évolution des bases augmente au cours des années suivantes. Les ressources des collectivités locales sont ainsi progressivement déconnectées de l'évolution de l'activité économique sur leur territoire.

Le maintien d'un lien entre les ressources des collectivités et l'activité économique sur leur territoire nécessite de prendre en compte l'évolution des bases des droits de mutation à titre onéreux pour le calcul de la compensation versée par l'Etat aux collectivités. En conséquence, votre commission propose que soient prises en compte chaque année, les bases de la dernière année connue pour le calcul de la compensation. C'est l'objet du premier amendement.

La prise en compte de l'évolution des bases dans le calcul de la compensation conduit à faire varier les montants perçus par les départements en fonction de l'activité du marché de l'immobilier. Compte tenu du fait que la compensation s'effectue par des attributions de dotation de décentralisation, qui est prise en compte pour le calcul de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, l'augmentation de la compensation qui peut découler de la prise en compte de l'évolution des bases induirait une diminution mécanique de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sert de variable d'ajustement au sein de cette enveloppe. Le deuxième amendement vise donc à neutraliser les effets de la compensation de la réduction des droits de mutation à titre onéreux sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 5

Amélioration du régime successoral entre frères et soeurs isolés domiciliés avec le défunt

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet d'améliorer le régime successoral dont bénéficient les frères et soeurs isolés, domiciliés avec le défunt, en portant à 375.000 francs l'abattement dont ils bénéficient, et en assouplissant les conditions d'octroi de cet abattement qui ne suppose plus qu'une seule année de cohabitation avant le décès.

Les frères et soeurs bénéficient, en application de l'article 788 du code des impôts d'un abattement spécial de 100.000 francs, dès lors qu'ils sont célibataires, veufs, divorcés ou séparés de corps et à la double condition qu'ils soient au moment de l'ouverture de la succession :

• âgés de plus de cinquante ans ou atteints d'une infirmité les mettant dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins ;

• constamment domiciliés avec le défunt pendant les cinq années précédant le décès.

La loi sur le pacte civil de solidarité a créé, en matière de droits de succession, un régime de faveur pour les personnes sans lien de parenté, puisqu'elles bénéficieront d'un abattement de 375.000 francs pour les successions ouvertes à partir du 1 er janvier 2000.

Or, dans le cas de frères et soeurs habitant le même domicile, le montant de l'abattement est limité à 100.000 francs.

Il paraît peu cohérent de conserver un régime aussi restrictif.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur général vous propose le présent article additionnel qui relève à 375.000 francs le montant de l'abattement - qui n'avait pas été modifié depuis 1984 - et assouplit les conditions pour en bénéficier en ne conservant qu'une exigence de domiciliation commune pendant l'année précédant le décès.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 5

Assouplissement du régime de la " tontine "

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet d'aménager le régime des contrats d'acquisition en commun, avec clause dite de " tontine ", pour rendre possible la transmission de la résidence principale sans application, à concurrence de 750.000 francs, du tarif des droits de mutation à titre gratuit.

L'article 754 A du code général des impôts, qui régit les contrats d'acquisition en commun, familièrement qualifiés de " tontine ", prévoit que les biens concernés sont, au point de vue fiscal réputés transmis à titre gratuit et donc soumis, à défaut de liens de parenté, au tarif le plus élevé (soit 60 %) et à l'abattement le plus faible (10.000 francs).

Toutefois, le deuxième alinéa de cet article dispose que, lorsque les immeubles ont une valeur inférieure à 500.000 francs au moment du premier décès, et qu'ils sont affectés à l'habitation principale commune aux deux acquéreurs, la part transmise au survivant est passible, non des droits de mutation à titre gratuit, mais des seuls droits de vente d'immeubles.

Toutefois, le seuil de 500.000 francs, qui n'a pas été modifié depuis 1980, n'est plus en rapport avec les réalités du marché immobilier, notamment en région parisienne. Il est donc nécessaire d'en relever le montant. Votre commission propose de le faire passer à 750.000 francs.

Ce système permet, en dépit de sa rigidité, d'assurer aux deux personnes vivant sous le même toit leur sécurité immobilière réciproque.

Afin de renforcer l'efficacité de ce dispositif, il apparaît utile de transformer ce seuil en franchise pour étendre ce régime aux biens d'une valeur élevée dans la limite du seuil de 750.000 francs.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 5

Extension des modalités d'évaluation de la résidence principale en matière de droits de mutation à titre gratuit aux fratries

Commentaire : le présent article additionnel vise à étendre l'abattement forfaitaire de 20 % applicable à l'évaluation de la résidence principale du défunt en matière de droits de mutation à titre gratuit aux fratries cohabitant avant le décès.

L'article 764 bis du code général des impôts créé par l'article 17 de la loi de finances pour 1999 a instauré, en matière de droits de mutation à titre gratuit, un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l'immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt, lorsque, à cette date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs de ses enfants.

En revanche, les fratries ont été exclues du bénéfice de cet abattement lorsqu'elles occupent la même habitation.

Lors du débat sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, de nombreux parlementaires ont critiqué le régime de faveur établi pour les personnes sans lien de parenté en matière de droits de succession alors qu'aucune mesure n'était prévue pour les fratries.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur vous propose le présent article additionnel qui étend l'abattement forfaitaire de 20 % applicable à l'évaluation de la résidence principale du défunt en matière de droits de mutation à titre gratuit aux fratries cohabitant avant le décès.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 5

Exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit pour les immeubles entrant dans le nouveau régime de conventionnement en faveur des logements locatifs anciens

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de permettre une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois-quarts de leur valeur, pour les immeubles donnés en location, pendant neuf ans, dans les conditions fixées au e du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, qui sont les conditions posées à l'application de la déduction forfaitaire majorée en faveur des logements anciens entrant dans le nouveau dispositif de logements conventionnés (dispositif dit " Besson ").

L'exonération partielle des droits de première mutation à titre gratuit en faveur des logements locatifs anciens
affectés à la résidence principale de ménages répondant à des conditions de ressources a été adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1995 (article 23 de la loi n° 95-885 du 4 août 1995) sur l'initiative de M. Alain Lambert, alors rapporteur général.

Cette mesure est intervenue en complément de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les immeubles acquis neufs. L'exonération était subordonnée à l'affectation des immeubles à la résidence principale du propriétaire ou du locataire pendant deux ans pour l'acquéreur, trois ans pour celui auquel le bien est soumis. Elle était limitée à 300.000 francs par part.

Le Sénat a ensuite amélioré ce dispositif en adoptant un article additionnel au projet de loi de finances pour 1996, supprimant la condition de détention de deux ans pour bénéficier de l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit (article 15 de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995).

Le présent article reprend donc la philosophie de ces deux dispositifs, qui visaient à exonérer les logements locatifs anciens des droits de première mutation à titre gratuit, en les appliquant aux logements anciens qui entrent dans le nouveau dispositif figurant à l'article 96 de loi de finances pour 1999.

Cet article, qui instaure un nouvel avantage fiscal en faveur des logements anciens donnés en location, pendant six ans, sous condition de ressources et de loyer, vise à créer une nouvelle génération de bailleurs.

En prévoyant une déduction forfaitaire majorée (25% au lieu de 14%), il traduit un début de rééquilibrage du régime fiscal en faveur du logement ancien, mais encore trop peu incitatif, par rapport au régime fiscal en faveur du logement neuf.

Un cabinet spécialiste en conseil de patrimoines a réalisé une étude sur le rendement de l'investissement dans le neuf et dans l'ancien. Pour un contribuable, situé dans la tranche maximale d'imposition de 54 % qui décide de réaliser un investissement de un million de francs pour un logement locatif, son acquisition, au bout de quinze ans, lui sera revenue à 595.000 francs, par le jeu des économies d'impôts et des loyers perçus. Elle lui aura en revanche coûté 828.000 francs s'il choisit le dispositif en faveur de l'ancien.

Dans ce cas, on observe donc un écart de 30% entre l'avantage fiscal pour le neuf et pour l'ancien.

Si l'on veut développer le secteur locatif conventionné, il convient donc de rendre plus attractif le dispositif fiscal en faveur du logement ancien.


Or, lors de la transmission d'un bien immobilier, les droits de mutation à titre gratuit ont souvent pour effet d'obliger les héritiers ou légataires à vendre le bien afin de payer ces droits, si bien que l'immeuble sort du parc locatif.

Le ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie lui-même, lors du congrès de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), qui s'est tenu début décembre 1998, a souhaité ouvrir le chantier de la transmission immobilière.

Cet article additionnel, en proposant une exonération partielle des droits de première transmission pour les logements anciens nouvellement conventionnés, contribue à accélérer la mise en oeuvre de ce chantier et à donner déjà un signe positif aux investisseurs afin qu'ils s'engagent plus facilement dans la location de logements à caractère intermédiaire.

Un certain nombre de conditions seront bien évidemment posées à l'exonération des droits de mutation à titre gratuit.

Le champ d'application couvre les logements anciens acquis à compter du 1er janvier 1999. La notion de logement ancien s'applique à toute habitation sortie du champ de la TVA, c'est-à-dire tout logement construit depuis plus de cinq ans ou déjà vendu une fois s'il n'a pas été acheté par un marchand de biens.

L'exonération est subordonnée à la condition que les immeubles aient été donnés en location par le propriétaire dans les conditions prévues au e. du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts , c'est-à-dire que le bailleur devra respecter les plafonds de ressources et de loyer correspondant.

La location devra intervenir dans le délai de six mois à compter de la date d'acquisition du bien immobilier .

L'exonération est conditionnée à l'obligation de louer pendant neuf ans. Cette condition est plus stricte que celle ouvrant droit à la déduction forfaitaire majorée sur les revenus fonciers (6 ans), mais se justifie pleinement par le souci de favoriser la poursuite de la location du logement.

En effet, l'engagement de louer pendant neuf ans doit être repris par les héritiers, donataires ou légataires lorsqu'au jour de la transmission à titre gratuit, le délai de neuf ans n'a pas expiré. Ceci permettra aux contribuables de ne pas attendre le délai de neuf ans avant de faire une donation.

L'exonération portera sur les trois-quarts de la valeur d'acquisition du bien, afin de ne pas prêter à contestation sur le montant de cette exonération.

Enfin, l'exonération sera plafonnée à 300.000 francs par part reçue par chacun des donataires, héritiers ou légataires.

En cas de non-respect des conditions posées à l'exonération partielle des droits de mutation, les sanctions de droit commun s'appliqueront.

Le coût fiscal de ce nouveau dispositif pour 2000 n'est pas évaluable, mais il devrait en tout état de cause, être limité.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 5

Prolongation du régime instaurant une réduction de 30 % sur les donations sans limite d'âge

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de prolonger le régime transitoire instauré à l'initiative du Sénat par l'article 36 de la loi de finances pour 1999 qui prévoit une réduction de 30 % sur les donations sans limite d'âge.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL : DES DROITS DE MUTATION TRÈS ÉLEVÉS


Comme l'indique l'encadré ci après, les droits de mutation à titre gratuit (successions et donations) sont très élevés en France. Les taux les plus forts s'échelonnent ainsi entre 40 et 60 %.

Tarifs des droits applicables en ligne directe et entre époux

Fraction de part nette taxable :

N'excédant pas 50 000 F 5 %

Comprise entre 50 000 et 75 000 F 10 %

Comprise entre 75 000 et 100 000 F 15 %

Comprise entre 100 000 et 3 400 000 F 20 %

Comprise entre 3 400 000 F et 5 600 000 F 30 %

Comprise entre 5 600 000 et 11 200 000 F 35 %

Supérieure à 11 200 000 F 40 %

Tarifs des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents

Entre frères et soeurs :

Fraction de part nette taxable n'excédant pas 150 000 F 35 %

Fraction de part nette taxable supérieure à 150 000 F 45 %

Entre parents jusqu'au 4 ème degré 55 %

Entre parents au delà du 4 ème degré et entre personnes non parentes 60 %

En outre, les tranches n'ont fait l'objet d'aucune revalorisation depuis 1984 pour tenir compte de l'inflation.

De tels taux sont de nature à freiner les transmissions anticipées de patrimoine, notamment professionnel, et à conduire des chefs d'entreprise à ne pas préparer suffisamment à l'avance leur relève. Certes, l'article 790 du code général des impôts prévoit certains allégements de droits de mutation afin d'encourager les transmissions anticipées de patrimoine.

Ainsi, les donations bénéficient d'une réduction de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans et d'une réduction de 30 % lorsque le donateur a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans.

A l'origine, aucune mesure n'était prévue pour les donations réalisées par des personnes de plus de soixante-quinze ans. Toutefois, à l'initiative de votre commission, l'article 36 de la loi de finances pour 1999 a instauré, pour les donations effectuées entre le 25 décembre 1998 et le 31 décembre 1999 une réduction de 30 % sans limite d'âge.

Votre commission avait estimé que cette discrimination entre les personnes de moins de soixante-quinze ans et celles de plus de soixante-quinze ans apparaissait excessive au regard de l'objectif poursuivi, à savoir encourager les transmissions anticipées.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA PROLONGATION DE DEUX ANS DU RÉGIME INSTAURANT UNE RÉDUCTION DE 30 % SUR LES DONATIONS SANS LIMITE D'ÂGE

Le régime transitoire instaurant une réduction de 30 % sur les donations sans limite d'âge vient à expiration au 31 décembre 1999.

Or, en l'absence d'une réforme générale des droits de mutations qui tiendrait compte des évolutions de la société et allégerait les prélèvements sur la transmission du patrimoine, il apparaît nécessaire de prolonger de deux ans le régime précité.

En effet, si l'on tient compte des tables d'espérance de vie établies par l'INSEE, une personne de 75 ans dispose encore de 7 ans si elle est un homme, et de 12 si elle est une femme pour organiser sa succession.

Par ailleurs, une partie encore importante des patrimoines est détenue par des personnes âgées de plus de 75 ans.

Il est donc nécessaire d'inciter les personnes de plus de soixante-quinze ans à organiser la transmission de leur patrimoine, afin de dynamiser la gestion et l'entretien des biens.

Cette mesure doit être rapprochée des dispositions de l'article 5 bis du projet de loi de finances pour 2000, qui tendent à promouvoir la transmission des entreprises. Cet article a pour objet d'exonérer des droits de succession 50 % des parts et actions de sociétés à condition que leurs propriétaires se soient engagés à les conserver pendant au moins huit ans et que les héritiers acceptent également de ne pas les céder pendant huit nouvelles années.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 5 bis (nouveau)

Incitation à la constitution et au maintien à long terme
d'un actionnariat stratégique dans l'entreprise

Commentaire : résultant d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le présent article a pour objet d'instituer, au regard des droits de mutation, un abattement spécifique de 50 % sur la valeur des titres ou des biens d'une entreprise transmis par décès, dans le cadre d'un " pacte d'actionnaires " ; l'abattement ne serait en effet octroyé qu'aux titres et aux biens que le donataire et ses associés se seraient préalablement engagés à conserver pendant huit ans et que les héritiers, donataires ou légataires s'engageraient à ne pas céder pendant une nouvelle durée de huit ans, à compter de la fin du délai précédent.

Le présent dispositif est de même inspiration que l'article 9 de la loi de finances pour 1996 que le Conseil constitutionnel avait censuré, notamment au motif qu'il méconnaissait le principe d'égalité devant l'impôt.

Un rappel s'impose donc.

I.  LE DESTIN ABRÉGÉ DE L'ARTICLE 9 DE LA LOI DE FINANCES POUR 1996 ET LES AMÉNAGEMENTS SUBSIDIAIRES DU DROIT FISCAL

Faute de pouvoir réaménager le barème très lourd des droits de succession décidé en 1984, le législateur a souhaité, lors de la loi de finances pour 1996, instituer un abattement spécifique de 50 % sur la valeur des biens professionnels transmis entre vifs, afin de favoriser la transmission anticipée des entreprises (article 9). Cet article répondait à une recommandation de la Commission européenne du 7 décembre 1994 préconisant aux Etats-membres un certain nombre de mesures fiscales tendant à assurer la réussite de la transmission familiale et encourager la transmission aux tiers.

A. LA COURTE VIE DE L'ARTICLE 9 DE LA LOI DE FINANCES POUR 1996

1. Rappel du dispositif de l'article 9 de la loi de finances initiale pour 1996


L'article 9 de la loi de finances pour 1996 exonérait de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 50 % de leur valeur et dans la limite de 100 millions de francs pour chacun des donataires, les biens considérés comme des biens professionnels au sens de l'impôt de solidarité sur la fortune, lorsque ces biens étaient transmis dans un même acte, par un ou plusieurs donateurs tous âgés de moins de 65 ans qui eux-mêmes, soit exerçaient leur activité dans l'entreprises, soit étaient détenteurs des titres transmis, depuis cinq ans au moins.

En contrepartie, les donataires devaient s'engager à conserver pendant cinq ans les biens ainsi transmis, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent. Il n'était toutefois pas exigé que l'un d'entre eux exerce une fonction dirigeante au sein de l'entreprise transmise, afin de laisser la possibilité de faire appel à un gestionnaire extérieur dans le cas où ce dernier aurait été plus expérimenté que les héritiers.

Cette exonération était également applicable aux donations consenties par des personnes âgées de plus de 65 ans en vertu d'actes passés entre le 1 er janvier 1996 et le 31 décembre 1997 et aux transmissions par décès accidentel d'une personne âgée de moins de 65 ans.

Enfin, la rupture de l'engagement de conservation des titres était lourdement sanctionnée puisqu'au delà des droits éludés, le donataire était tenu d'acquitter une pénalité représentant la moitié de la réduction d'impôt précédemment consentie.

2. La censure du Conseil constitutionnel

Cet article a été invalidé par le Conseil constitutionnel 31( * ) au motif que cette exonération méconnaissait le principe d'égalité devant la loi .

Après avoir rappelé que " si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de favoriser par l'octroi d'avantages fiscaux la transmission de certains biens, c'est à la condition que celui-ci fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'ils se propose " , le Conseil constitutionnel a spécialement considéré que :

" En instituant un abattement de 50 % sur la valeur des biens professionnels transmis entre vifs à titre gratuit à un ou plusieurs donataires, à la seule condition que ceux-ci conservent ces biens pendant une période de cinq années, sans exiger qu'ils exercent de fonction dirigeante au sein de l'entreprise et en étendant le bénéfice de cette mesure aux transmissions par décès accidentel d'une personne âgée de moins de soixante-cinq ans, la loi a établi vis-à-vis des autres donataires et héritiers des différences de situation qui ne sont pas en relation directe avec l'objectif d'intérêt général ci-dessus rappelé ;

Dans ces conditions et eu égard à l'importance de l'avantage consenti, son bénéfice est de nature à entraîner une rupture de l'égalité entre les contribuables pour l'application du régime fiscal des droits de donation et de succession ".

B.  LES AMÉNAGEMENTS SUBSIDIAIRES DU DROIT FISCAL


Faute de pouvoir discriminer entre les transmissions d'entreprises et les autres mutations, le législateur a par la suite, et souvent à l'initiative du Sénat, aménagé le régime des donations et des donations-partage dans un sens favorable à la transmission des entreprises.

• L'article 14 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 12 avril 1996 a sensiblement amélioré le régime fiscal de la donation-partage :

- en étendant son champ d'application au cas des enfants uniques ;

- en portant le taux de réduction des droits de 25 % à 35 % pour les donateurs âgés de moins de 65 ans et de 15 % à 25 % pour les donataires qui ont plus de 65 ans et moins de 75 ans.

• Pour les autres donations, l'article 15 de la loi précitée a fixé le taux de la réduction à 25 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans et à 15 % lorsque il a plus de 65 ans et moins de 75 ans.

• L'article 16 de la même loi a majoré de 10 points la réduction de droits applicable lorsque le donateur est âgé de 65 ans révolus et de moins de 75 ans, pour les donations consenties entre le 1 er avril 1996 et le 31 décembre 1997. Le taux de réduction de droit a donc été porté temporairement :

- à 35 % lorsqu'il s'agissait d'une donation-partage,

- à 25 % lorsqu'il s'agissait d'une autre donation.

Cette majoration des taux de réduction des droits de mutation a été prorogée jusqu'au 31 décembre 1998 par l'article 17 de la loi de finances pour 1998.

• Enfin, l'article 36 de la loi de finances pour 1999 a supprimé la distinction des taux d'allégement en fonction de la nature juridique des donations et de la nature du donataire. En outre, le taux de réduction des droits de mutation a été porté depuis le 1 er janvier 1999 à 50 % lorsque le donateur a moins de 65 ans et à 30 % lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans .

Enfin, toutes les donations effectuées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999 bénéficient d'un taux de réduction de 30 %, quel que soit l'âge du donateur.

L'article 20 de la loi de finances pour 1999 a par ailleurs relevé progressivement à 500.000 francs l'abattement accordé sur la part du conjoint survivant pour les mutations à titre gratuit et a étendu cet abattement aux successions ouvertes à compter du 1 er janvier 2000.

• Par ailleurs, l'article 17 de la loi portant DDOEF précitée a institué un abattement de 100.000 francs par part sur les droits de mutation à titre gratuit applicables aux donations consenties entre grands-parents et petits-enfants.

• L'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1996 , introduit à l'initiative du Sénat, a permis aux héritiers d'une entreprise individuelle exerçant une activité non commerciale (BNC) d'imputer les droits de succession et les intérêts supportés lors de la transmission sur le résultat de l'entreprise, sous réserve que l'un des héritiers poursuive personnellement l'activité pendant cinq ans.

La même disposition avait été adoptée en faveur des héritiers d'entreprises individuelles déclarant leurs bénéfices dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) par l'article 10 de la loi de finances initiale pour 1996.

Même si la législation ne reconnaît jusqu'à présent aucune spécificité particulière à l'entreprise, au regard des droits de mutation, il est possible aujourd'hui de bénéficier d'une réduction de droits de mutation de 50 % en cas de transmission des titres d'une société ou des biens d'une entreprise lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans (article 790 du code général des impôts), ou de 35 % lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans, et après abattement de 300.000 francs sur la valeur des biens et titres transmis lorsque les héritiers sont des descendants directs.

En outre, si le donataire cumule cette disposition avec l'abattement prévu par l'article 762 du CGI en cas de démembrement de la propriété, la réduction de droits de mutation peut s'avérer substantielle 32( * ) .

Par ailleurs, les héritiers ou donataires peuvent obtenir pour les droits correspondants :

- un différé de paiement de cinq ans à compter de la date d'exigibilité des droits,

- et, à l'issue de ce délai, un paiement fractionné sur une période de dix ans.

Tout à fait logiquement, le recours à ce dispositif entraîne l'exigibilité d'intérêts au profit du Trésor, mais dont le taux peut être réduit.

Enfin, depuis 1992, les donations réalisées depuis plus de dix ans n'ont plus à être rappelées pour le calcul des droits. En d'autres termes, tous les dix ans, il est possible de procéder à une donation bénéficiant des abattements prévus par la législation, et surtout, à nouveau soumise aux tranches les plus basses du barème.

On notera également que les holdings patrimoniaux dans lesquels sont logées des titres de sociétés non cotées bénéficient en pratique d'un abattement de 20 % sur la valeur de l'actif sous-jacent afin de tenir compte du fait que les titres de telles sociétés ne sont pas liquides.

Dans l'ensemble, ces différents dispositifs permettent d'atténuer considérablement la rigueur des taux apparents du barème des droits de mutation.

II.  LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE


Le présent article prévoit d'insérer trois articles nouveaux dans le code général des impôts.

Le premier (article 789 A) accorde un abattement de 50 % au regard des droits de mutation, sur la valeur des parts ou actions d'une société industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès qui remplissent les conditions prescrites.

Le deuxième (article 789 B) accorde le même avantage aux biens transmis par décès qui sont affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle (meubles et immeubles, biens corporels ou incorporels) et qui remplissent les conditions prescrites.

Enfin, le troisième (article 1840 G nonies ) détermine les pénalités dues en cas de non-respect par les héritiers, donataires ou légataires de leurs engagements.

On notera que l'avantage fiscal n'est accordé qu'en cas de transmission par décès , ce qui exclut les donations d'entreprises, qui, comme on l'a vu plus haut, bénéficient déjà d'une exonération fiscale de même montant (50 %) lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans, et de 30 % lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans (article 790 du CGI).

Pour parer aux critiques émises par le Conseil constitutionnel en décembre 1995, le dispositif proposé par le présent article subordonne l'octroi de l'avantage fiscal - le même qu'en 1995, mais sans plafond - à plusieurs conditions extrêmement rigoureuses visant certes à favoriser la continuité de l'actionnariat et de la stratégie de l'entreprise, mais qui dans leur rigueur risquent de compromettre l'avenir des entreprises transmises.

D'autant que les pénalités en cas de rupture des engagements sont les mêmes que celles prévues par le dispositif de 1995, c'est-à-dire très lourdes.

A.  DES CONDITIONS D'OCTROI DE L'EXONÉRATION TRÈS RIGOUREUSES

1. L'obligation de conserver les titres transmis pendant seize ans en cas de transmission de parts ou d'actions de sociétés


S'agissant des sociétés (article 789 A), l'abattement de 50 % sur la valeur imposable des titres transmis par décès ne serait octroyé qu'aux parts ou actions :

- que le défunt et ses associés auraient préalablement pris l' engagement collectif de conserver pendant au moins huit ans 33( * ) ; outre les titres transmis, l'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 25 % des droits financiers et des droits de vote 34( * ) attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 % ; ces pourcentages de détention doivent être respectés tout au long de la durée de l'engagement collectif de conservation qui est opposable à l'administration à compter de la date d'enregistrement de l'acte qui le constate ;

- que les héritiers, donataires ou légataires prendraient l'engagement, le jour de la déclaration de succession, de ne pas céder pendant huit années supplémentaires à compter de la date d'expiration du délai de huit ans mentionné à l'alinéa précédent ; ainsi, en cas de décès du donateur avant la fin du délai de huit ans mentionné plus haut, le ou les donataires doivent reprendre à leur compte l'engagement de conservation des titres transmis, pendant la durée restant à courir 35( * ) .

Ainsi, la fraction du capital de la société dont la transmission bénéficierait d'une exonération partielle de droits de mutation par décès serait gelée pendant au moins seize années .

Cette durée peut apparaître excessive à l'heure où les restructurations d'entreprises demandent une certaine souplesse de manoeuvre dans le capital.

Le pourcentage minimal de 25 % correspond au seuil d'éligibilité au régime des biens professionnels au sens de l'impôt de solidarité sur la fortune tel qu'il est défini à l'article 885 O bis du CGI, s'agissant des parts ou actions de sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés. S'agissant des sociétés non cotées, le pourcentage de 34 % correspond à la minorité de blocage.

En outre, pour le calcul de ces pourcentages, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, dès lors que cette société a souscrit audit engagement collectif. On notera que si ladite société fait l'objet d'une transmission par décès, la fraction de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à sa participation dans la société dont les titres sont grevés d'un engagement collectif de conservation, bénéficie également d'un abattement de 50 %.

Enfin, il semble aller de soi que si le donateur possède tout seul 25 % ou 34 %, selon que la société est cotée ou non, des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres transmis, il n'a pas besoin de s'associer avec d'autres actionnaires pour respecter la condition posée par le deuxième alinéa.

On observera que si le premier engagement de conservation doit porter collectivement sur au moins 25 % ou 34 % du capital de la société, le second ne porte que sur les titres transmis par décès et est pris individuellement par chacun des héritiers, donataires ou légataires dans la déclaration de succession. En conséquence, si la fraction des titres transmise est inférieure aux pourcentages mentionnés, seule cette fraction du capital sera grevée d'un engagement de conservation de seize ans , ce qui s'avère moins contraignant que si un quart ou un tiers du capital avait du rester gelé pendant seize ans.

On notera également que le dispositif proposé est plus souple que celui que le législateur avait adopté en 1995 , qui n'octroyait l'avantage fiscal qu'en cas de transmission des parts ou actions dont la détention confère la majorité des droits de vote, et pas seulement la minorité de blocage, et qui exigeait que le donateur exerce dans la société une fonction dirigeante lui procurant une rémunération qui représente plus de la moitié de ses revenus professionnels, ce qui n'est pas le cas ici.

Enfin, il est prévu qu'en cas de démembrement de propriété , l'engagement de conservation soit signé conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. Ainsi, en cas de réunion de l'usufruit et de la nu-propriété, le terme de l'engagement de conservation des titres dont la pleine propriété est reconstituée demeurerait identique à celui souscrit conjointement.

La question se pose lorsque le défunt lègue à une personne la nue-propriété des titres et à une autre personne l'usufruit, ce qui permet de réduire encore les droits de mutation puisque dans ce cas, les droits sont calculés sur la valeur de la nue-propriété, qui, en vertu de l'article 762 du CGI, bénéficie d'un abattement par rapport à la valeur de la propriété entière.

2. L'interdiction de céder l'ensemble des biens transmis pendant huit ans pour les héritiers d'entreprises individuelles

En vertu de l'article 789 B, les entreprises individuelles doivent, quant à elles, avoir été détenues depuis plus de trois ans par le défunt lorsqu'elles ont été acquises à titre onéreux, pour donner droit à l'exonération.

Cette restriction tend à éviter des opérations de circonstance, tel l'achat d'une entreprise en vue de sa transmission immédiate à des héritiers. Si un tel risque n'est pas totalement inexistant, on peut toutefois penser qu'il demeure cependant assez limité, compte tenu de la nature même de l'actif ainsi transféré. Quoi qu'il en soit, la condition liée à la durée de détention constitue une sécurité complémentaire.

On suppose que lorsque l'entreprise n'a pas été acquise à titre onéreux, soit son propriétaire en est le créateur, soit il en est l'héritier, et dans ce cas, aucune condition n'est prévue.

En outre, chacun des héritiers, donataires ou légataires doit prendre l' engagement de conserver pendant huit ans l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise (meubles et immeubles, biens corporels et incorporels).

Cette condition n'apparaît en revanche pas réaliste pour les entreprises qui se trouveraient dans l'impossibilité d'aliéner une camionnette ou un tracteur au simple motif que le fait d'en changer avant huit ans rend exigibles les droits éludés, les pénalités et les intérêts de retard.

Une disposition identique à celle évoquée précédemment est prévue en cas de démembrement de la propriété des biens transmis.

3.  L'exercice d'une fonction dirigeante par l'un des héritiers ou associés

On a vu que l'absence de condition tenant à l'exercice d'une fonction dirigeante par les héritiers avait été l'un des motifs de la censure de l'article 9 de la loi de finances pour 1996 par le Conseil constitutionnel.

En conséquence, l'article 789 A exige que l'un des associés, partie à l'engagement collectif de conservation, ou l'un des héritiers, donataires ou légataires assure, pendant les cinq années qui suivent la date de la transmission par décès, une fonction de direction dans l'entreprise, si celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire être :

- soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée (SARL) ou d'une société en commandite par actions,

- soit associé en nom d'une société de personnes,

- soit président, directeur général, président du conseil de surveillance, ou membre du directoire d'une société par actions.

On notera qu'il est cette fois-ci, fait référence explicitement à l'article 885 O bis du CGI relatif aux biens professionnels au sens de l'ISF, pour déterminer les fonctions de direction à assumer.

S'il s'agit d'une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter du CGI 36( * ) , l'une des personnes mentionnées ci-dessus doit exercer son activité professionnelle principale dans la société.

On observera que la fonction de direction peut être exercée par l'un des associés du défunt qui se sera préalablement et collectivement engagé avec lui à conserver ses titres ou actions pendant huit ans, ce qui permet de remédier au cas où aucun des héritiers, donataires ou légataires s'avérerait compétent ou disposé à assurer une fonction de direction dans l'entreprise. D'où l'intérêt de ce " pacte d'actionnaires " pour préserver la cohérence de la stratégie de l'entreprise.

L'article 789 B exige quant à lui que l'un des héritiers, donataires ou légataires poursuive l'exploitation de l'entreprise individuelle.

4. Des obligations particulières de déclaration

La déclaration de succession doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions exigées, en matière de pourcentages de détention continue et de délai de conservation, ont été respectées jusqu'au jour du décès.

En outre, dans l'hypothèse où le donateur décéderait avant le terme de son engagement collectif de conservation, il est prévu qu'à compter du décès et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation, la société adresse chaque année dans les trois mois qui suivent le 31 décembre, une attestation certifiant que lesdites conditions sont remplies au 31 décembre de chaque année.

Enfin, le soin de fixer les modalités d'application du présent article, et notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés est renvoyé à un décret en Conseil d'Etat.

B.  LES SANCTIONS EN CAS DE RUPTURE DES ENGAGEMENTS

Compte tenu de l'avantage octroyé, il est parfaitement légitime que la rupture de l'engagement de conservation des titres entraîne l'application d'une sanction particulièrement lourde. Au delà du rappel des droits éludés, le donataire concerné sera tenu d'acquitter une pénalité représentant la moitié de la réduction d'impôt précédemment consentie.

Toutefois, on notera que la rupture de son engagement par un des héritiers n'entraîne pas la remise en cause de l'avantage fiscal pour l'ensemble des autres, ce qui est heureux, compte tenu de l'impossibilité pour les héritiers qui seraient ainsi lésés de faire valoir leurs droits devant le juge civil, en l'absence de reconnaissance civile des pactes d'actionnaires.

Sur le fond, cette pénalité constitue le régime de droit commun dans des situations comparables. Il en est ainsi notamment pour les héritiers ou donataires de parts de groupement forestier ou de bois et forêt qui ne respectent pas les engagements leur ayant permis de bénéficier d'un allégement des droits de mutation à titre gratuit (article 1840 G bis du CGI).

Proportionnée à l'avantage consenti, cette sanction devrait en outre avoir des vertus pédagogiques en incitant le dirigeant à choisir avec discernement son successeur et à l'associer de façon préalable à la gestion de l'entreprise. De fait, une telle préparation ne peut être que favorable à la pérennité de l'entreprise.

En revanche, il sera sans doute indispensable de cerner progressivement les situations qui, au côté de la vente des titres, sont considérées comme entraînant une rupture de l'engagement. En toute logique, la liquidation de l'entreprise durant la période de huit ans devrait, elle aussi, s'accompagner de la remise en cause de l'avantage. On ne peut toutefois ignorer qu'une telle liquidation peut répondre à des causes très variées, et n'est donc pas nécessairement le résultat d'une gestion défectueuse. De même, on peut se demander quelle solution sera appliquée dans l'hypothèse où l'entreprise fusionne avec une autre société.

Ces divers cas appellent sans doute des réponses nuancées, ce qui, concrètement, limite les possibilités de solution globale et uniforme.

On observera en outre que les pénalités sont d'autant plus lourdes que le contribuable a respecté ses engagements plus longtemps . Ainsi, compte tenu du taux des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du CGI (9 % par an) et de la pratique des tribunaux qui considèrent que les intérêts de retard courent depuis la date de la succession et non de la date où les engagements ne sont plus tenus, dans l'hypothèse où l'engagement serait rompu au bout de sept ans, l'intérêt de retard serait de 63 %. Si la rupture a lieu au bout de 14 ans, alors le contribuable devra acquitter un impôt de 126 % de la valeur des biens transmis au titre de l'intérêt de retard.

Pour ne pas pénaliser des contribuables qui courent déjà le risque de devoir acquitter, en plus du rappel des droits éludés, la moitié des droits dus, il serait utile que l'administration précise dans le décret en Conseil d'Etat prévu par le présent article que les intérêts ne courent qu'à partir du moment où les engagements ne sont plus tenus.

III. LES APPRÉCIATIONS DE VOTRE COMMISSION

On observera à titre liminaire que l'allégement d'impôt proposé par le présent article est le même que celui qu'obtiendrait pour ses donataires un chef d'entreprise qui transmettrait son entreprise avant 65 ans et sans conditions particulières, en application de l'article 790 du CGI. Toutefois, le présent article présente l'avantage de permettre audit chef d'entreprise de rester à la tête de sa société jusqu'à son décès, tout en aménageant sa succession, ce qui est appréciable pour des entrepreneurs qui ne souhaitent pas se déposséder de leur principale source de revenus.

Sur le fond, et sans insister sur les commentaires auxquels avaient donné lieu, au sein de la majorité gouvernementale actuelle, l'article 9 de la loi de finances pour 1996 au moment de sa discussion 37( * ) - le fait que M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, consacre la quasi-totalité du commentaire du présent article dans son rapport, à expliquer que la France est soumise à un phénomène de " compétition des territoires " auquel il convient de s'adapter est en soi suffisamment significatif -, votre commission se félicite que la majorité ait évolué sur le délicat sujet de la transmission d'entreprise, et tient à souligner les enjeux économiques d'une transmission réussie.

Elle regrette toutefois que le présent dispositif ne règle pas le principal problème auquel sont confrontés les chefs d'entreprises dans le cadre de la transmission qui est celui de l'impôt de solidarité sur la fortune.

A. LE NÉCESSAIRE ASSOUPLISSEMENT DE CONDITIONS ANTI-ÉCONOMIQUES

En dépit de ses aspects plus souples que le dispositif voté par le législateur en 1995, les conditions exigées par le présent article en contrepartie de l'avantage fiscal peuvent apparaître trop rigoureuses au regard de la réalité économique.

Il en est ainsi de l'interdiction de céder les titres ou biens transmis pendant seize ans qui peut conduire à geler le capital de l'entreprise au mépris de sa croissance et des nécessités économiques. Bien qu'elle apparaisse comme la nécessaire contrepartie d'un avantage fiscal substantiel, une telle disposition ferme le capital des entreprises pendant seize ans, ce qui, au regard de l'échelle du temps économique, peut apparaître excessivement long, même si la sécurité juridique est un besoin exprimé par les différents acteurs des sociétés.

En outre, une telle disposition risque de compromettre l'avenir d'entreprises, lorsque la nécessité pour les héritiers de payer les droits de mutation, même allégés, les soumet à des demandes de distribution très fortes.

Ainsi, dans les cas où l'entreprise constitue une part essentielle du patrimoine de l'entrepreneur défunt, les héritiers, placés dans l'interdiction d'aliéner une fraction du capital, même minoritaire, pour s'acquitter du paiement des droits de succession, seront dans l'obligation de prélever la somme nécessaire dans les caisses de l'entreprise, c'est-à-dire sous la forme d'une distribution de dividendes exceptionnels.

Or, compte tenu du taux marginal de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux applicables aux dividendes, l'entreprise doit pouvoir verser à ses actionnaires le double des droits de succession minorés exigés, ce qui peut apparaître excessif pour nombre d'entreprises.

Dans le cas où l'héritier serait minoritaire dans la société, il n'aurait aucun moyen de peser sur la politique de distribution de la société et se verrait obligé d'aliéner son patrimoine personnel pour acquitter les droits de succession.

Enfin, dans le cas de la transmission d'une entreprise individuelle, l'obligation de conserver l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise pendant une durée de huit ans peut s'avérer absurde. Un patron d'exploitation agricole ne pourrait ainsi céder un tracteur et un artisan un camionnette, sans courir le risque de devoir payer des droits de succession à hauteur de 75 % des biens transmis et des intérêts de retard prohibitifs.

Votre commission vous proposera en conséquence de ramener la durée de l'engagement de conservation des titres et des biens transmis de huit et huit ans à cinq et cinq ans, c'est-à-dire dix ans. Cette durée est susceptible de répondre aux objectifs poursuivis en matière de continuité de la gestion tout en étant plus raisonnable au regard de l'inévitable mobilité des facteurs de production et des évolutions économiques.

En outre, la diminution du délai de détention des titres de huit à cinq ans, dans les cas évoqués précédemment, permettrait de calquer la durée de l'engagement de conservation sur la durée du différé d'imposition octroyé par l'administration fiscale.

B.  LA CONSÉCRATION FISCALE D'UNE NOTION ENCORE INSUFFISAMMENT RECONNUE EN DROIT COMMERCIAL

On observera que le présent article , en réservant un sort fiscal particulier aux titres de société faisant l'objet d'un " engagement collectif de conservation " de huit ans, consacre fiscalement la notion de " pacte d'actionnaires " avant que cette notion ne soit entrée dans le droit civil. Ces pactes porteraient ainsi sur un pourcentage minimal de titres correspondant à 25 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, au moins 34 % .

La loi fiscale précède donc la réalité juridique et financière , ce qui n'est jamais une bonne pratique, surtout en matière de droits de mutation qui sont généralement étroitement calqués sur le droit civil.

Votre rapporteur général avait lui-même déposé le 26 juin 1997 en son nom personnel, une proposition de loi n° 379 (1997-1998) tendant à une meilleure efficacité des pactes d'actionnaires. Cherchant à organiser généralement pour une longue période, le contrôle de la gestion d'une société, la composition de son capital ou encore la sortie d'un actionnaire de la société, ces accords extra-statutaires présentent une indéniable utilité. Ils contribuent notamment à assurer la stabilité indispensable à la réalisation d'objectifs complexes, de moyenne ou longue durée, notamment dans le cadre des groupes de sociétés, des holdings, et plus spécifiquement encore, dans le cadre des filiales communes.

Votre rapporteur général ne peut donc qu'encourager le gouvernement a inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour des assemblées.

C.  UN PROBLÈME NON TRAITÉ : LE POIDS DE L'ISF

Comme l'a précisé M. Didier Migaud lors de la discussion du présent article à l'Assemblée nationale, l'avantage reconnu au titre des droits de mutation à titre gratuit ne l'est pas pour la fixation de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). La conclusion de pactes d'actionnaires au regard des droits de mutation n'emporte donc aucune conséquence au regard de l'ISF.

En d'autres termes, les actionnaires minoritaires qui auraient conclu avec d'autres un pacte portant sur au moins 25 % ou 34 % du capital continueraient à devoir inclure les biens ayant fait l'objet du pacte dans l'assiette de leur impôt, en dépit des pourcentages ainsi atteints qui correspondent aux seuils d'exonération prévus par l'article 885 O bis du CGI au regard de l'ISF.

Votre rapporteur général considère qu'en diminuant l'assiette des droits de succession, le présent article ne traite qu'une partie du problème des transmissions d'entreprises. En effet, un grand nombre d'héritiers de parts d'entreprises sont obligés de se dessaisir de leurs titres pour pouvoir acquitter l'ISF. Or, en les obligeant à garder les titres transmis sous le régime de faveur pendant huit ans, le présent article les fait entrer - pour ceux qui ne rempliraient pas les conditions permettant de considérer les biens transmis comme des biens professionnels - dans le champ de l'ISF sans leur permettre pour autant de céder une partie des titres pour acquitter la charge ainsi due qui s'ajoute à celle des droits minorés de succession.

Votre rapporteur général considère qu'il existe donc une distorsion de traitement entre l'héritier qui prendrait en charge la gestion de l'entreprise et qui pourrait bénéficier du régime des biens professionnel dès lors qu'il posséderait 25 % des titres transmis, et les autres héritiers.

Il considère en conséquence comme indispensable de prévoir que les titres faisant l'objet d'un " engagement collectif de conservation " soient considérés comme des biens professionnels au sens de l'ISF.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 6

Suppression de la contribution annuelle représentative du droit de bail

Commentaire : le présent article a pour objet de modifier le dispositif de remboursement du droit de bail et de la contribution additionnelle perçus deux fois pour la période d'imposition du 1er janvier au 30 septembre 1998, et d'organiser la suppression progressive du droit de bail à compter de l'imposition des revenus 2000.

I. LA RÉFORME DU DROIT DE BAIL : UNE OCCASION RATÉE

A. LA RÉFORME INTRODUITE DANS LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1998

Le droit de bail
frappe toutes les mutations de jouissance d'immeubles, sauf exonérations particulières (ex : locations donnant lieu au paiement de la TVA, loyer annuel n'excédant pas 12.000 francs).

L'assiette du droit de bail est constituée du prix du loyer, augmenté des charges imposées au preneur, ou de la valeur locative réelle des biens loués, si cette valeur locative est supérieure.

Le taux normal du droit de bail est fixé à 2,5 %.

La taxe additionnelle au droit de bail est due sur les loyers des locaux situés dans des immeubles achevés depuis quinze ans au moins, au premier jour de la période d'imposition. Son taux est également de 2,5 %.

Le droit de bail est à la charge du locataire et la taxe additionnelle au droit de bail est à la charge du bailleur. Le droit de bail et la taxe additionnelle sont toutefois dus par le propriétaire.

L'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a remplacé le droit de bail et sa taxe additionnelle par deux contributions représentatives de ce droit et de cette taxe, recouvrées, selon les contribuables (personnes physiques ou entreprises), comme en matière d'impôt sur le revenu, ou comme en matière d'impôt sur les sociétés.

Cette réforme a été présentée comme une simplification administrative, puisque ni l'assiette, ni le taux des deux impositions ne sont modifiés.

Jusqu'à la réforme, les déclarations de droit de bail et de taxe additionnelle présentaient en effet des caractéristiques particulières :

- la période d'imposition ne correspondait pas à l'année civile ou à l'exercice comptable des entreprises, mais s'étendait du 1er octobre au 30 septembre ;

- les impositions étaient établies sur la base des créances acquises (loyers courus) ;

- les formulaires de déclaration étaient spécifiques.

Avec le nouveau dispositif, les obligations déclaratives particulières au droit de bail sont alignées sur les déclarations existant en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu. Ainsi, la formalité spécifique de la déclaration du droit de bail est supprimée . La déclaration est celle relative aux revenus fonciers pour les particuliers et la déclaration de résultat pour les entreprises.

Le dispositif prévoit que les nouvelles contributions s'appliquent aux loyers encaissés à compter du 1er janvier 1998, alors même que les loyers courus entre le 1 er janvier 1998 et le 30 septembre 1998 ont déjà fait l'objet d'une imposition au mois d'octobre 1998 au titre des anciennes contributions.

En application du G de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, les personnes morales ont la possibilité de déduire les recettes qui ont été soumises au droit de bail entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre 1998, de l'assiette de la contribution versée pour le premier exercice d'application du nouveau régime.

En revanche, le bailleur-personne physique qui a déjà acquitté le droit de bail et la taxe additionnelle à l'automne 1998 pourra seulement être remboursé après avoir cessé de louer pendant au moins neuf mois et sur sa demande.

B. LE REJET DE LA RÉFORME PAR LE SÉNAT

Le Sénat a rejeté la réforme du droit de bail inscrite dans la loi de finances rectificative pour 1998.


Il n'a pas accepté le mode de remboursement et a supprimé l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 parce que :

- le remboursement intervient plusieurs années après le double paiement du droit de bail au titre des neuf premiers mois de 1998 , voire très longtemps après, si le bailleur poursuit sa location sans cesser de louer. Le montant du remboursement sera donc dévalorisé à raison de la durée pendant laquelle les propriétaires continueront de louer ;

- le contribuable sera contraint de faire une démarche spécifique auprès des services fiscaux et de justifier le paiement de droits qu'il aura acquittés plusieurs années auparavant. Un certain nombre de créanciers de l'Etat pourraient être dissuadés par cette procédure ;

- le mécanisme de remboursement des personnes physiques est nettement plus défavorable que celui des personnes morales .

Lors du débat sur la loi de finances rectificative pour 1998, les arguments du Sénat n'ont malheureusement pas été entendus.

Le gouvernement
a rejeté l'ensemble de ses objections à la réforme du droit de bail, au motif que les contribuables ne seraient contraints qu'à un seul paiement en 1999 (en omettant de préciser que le paiement était décalé d'un an, c'est-à-dire que le paiement de 1999 vaut pour les loyers de 1998, et non pour ceux de 1999, comme précédemment).

Le gouvernement, par la voix de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget 38( * ) , avait ainsi estimé que " le dispositif proposé crée un avantage de trésorerie pour les nouveaux bailleurs ". Il avait refusé d'envisager un délai de remboursement plus court que le délai de neuf mois après l'interruption de la location, sous prétexte " qu'il est normal de rembourser le dégrèvement au propriétaire lorsque celui-ci ne veut plus ou ne peut plus louer son bien. Or il a, dans ce cas, besoin d'une certaine durée pour être en mesure de prouver qu'il ne cherche pas ou qu'il ne peut pas louer son bien ". La discussion avait enfin donné lieu de sa part à des critiques simplistes et manichéennes : " Je constate qu'un fossé sépare ceux qui veulent simplifier la vie des contribuables et ceux qui apprécient la complexité du code des impôts ".

L'Assemblée nationale a choisi de rétablir le dispositif de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, en ignorant les remarques formulées par le Sénat.

Le rapporteur général de l'Assemblée nationale indiquait ainsi que : " L'Assemblée nationale a admis que l'enjeu financier justifiait d'étaler dans le temps la perte de recettes, pour le budget de l'Etat, qui aurait résulté, en 1999, du passage d'un système à l'autre en permettant l'imputation immédiate du droit de bail perçu au titre des loyers courus du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, sur la contribution représentative due au titre des loyers perçus en 1998.

L'Assemblée nationale a donc considéré que l'on pouvait légitimement s'attacher aux paiements effectivement réalisés, en 1999, tant par le locataire que par le bailleur, sans s'attacher à l'année d'imputation de la base d'imposition. Elle a donc admis que le dégrèvement équivalent aux droits acquittés, au titre des loyers courus du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, puisse n'intervenir qu'au moment où la superposition des bases imposables produirait ses effets en termes de paiement effectif, c'est-à-dire lorsque le bailleur cesserait de louer le bien en cause 39( * ) ".


Saisi par des sénateurs, le Conseil constitutionnel a refusé de censurer la réforme du droit de bail, estimant que l'article ne conduisait pas à une double imposition des bailleurs, au motif que la loi prévoit qu'un dégrèvement interviendra plus tard (la double imposition n'est en quelque sorte que " temporaire " et donc inexistante en droit).

La réforme est donc entrée en vigueur au 1 er janvier 1999.

Moins d'un an plus tard, le gouvernement a finalement reconnu que son système n'était pas le bon. Il propose de rembourser le droit de bail aux contribuables sous la forme d'un crédit d'impôt. Par ailleurs, il supprime le délai de neuf mois d'interruption de la location pour le remboursement de la taxe additionnelle. Enfin, moins d'un an après l'avoir réformé, il propose la suppression du droit de bail.

Ce temps perdu aurait pu être gagné, si le Sénat, en son temps, avait été écouté.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRESENT ARTICLE

A. UNE MODIFICATION DU DISPOSITIF DE REMBOURSEMENT DU DROIT DE BAIL ET DE LA CONTRIBUTION ADDITIONNELLE PERCUS POUR LA PERIODE DU 1ER JANVIER AU 30 SEPTEMBRE 1998


Le D. de l'article complète l'article 234 decies du code général des impôts de manière à préciser qu'aucune demande de dégrèvement ne pourra être présentée après le 31 décembre 1999. Il s'agit de mettre un terme, s'agissant du droit de bail, au dispositif, fortement critiqué par votre commission des finances, qui consistait à ne rembourser les contributions perçues deux fois pour une même période d'imposition (1 er janvier-30 septembre 1998) qu'au terme de neuf mois d'arrêt de la location, sous forme de dégrèvement. Désormais, le droit de bail sera remboursé sous forme de crédit d'impôt.

Le E. de l'article insère ainsi un nouvel article 234 decies A dans le code général des impôts. Il s'agit du nouveau dispositif de remboursement imaginé par le gouvernement.

Les contribuables, soumis à la contribution représentative du droit de bail et, le cas échéant, à la contribution additionnelle (lorsque l'immeuble a plus de 15 ans), doivent inscrire sur leur déclaration de revenus 1999, la base des droits d'enregistrement correspondants, à l'exclusion des droits ayant déjà fait l'objet d'une demande de dégrèvement en application de l'article 234 decies du code général des impôts.

Cette inscription faite, le traitement est différencié pour le droit de bail et pour la contribution additionnelle.

S'agissant du droit de bail, le II. du nouvel article 234 decies A accorde aux contribuables un crédit d'impôt, d'un montant égal au droit de bail acquitté sur les sommes déclarées (2,5 % de la base des droits d'enregistrement). Ce crédit d'impôt s'impute sur l'impôt sur les revenus de 1999.

Toutefois, un seuil est fixé pour ce remboursement : seules les personnes dont le total des revenus fonciers (revenus de location et de sous-location) est inférieur à 60.000 francs, soit les deux tiers des contribuables déclarant des revenus fonciers, bénéficieront du remboursement en 2000. Les autres contribuables (soit le tiers restant), qui ont également payé deux fois les contributions, devront attendre 2001. L'introduction de ce seuil introduit une discrimination sans aucune autre justification que le souci de lisser le coût fiscal du remboursement.

Le III. du nouvel article 234 decies A précise les conditions de remboursement de la taxe additionnelle au droit de bail, également perçue deux fois pour une même période (1er janvier 1998-30 septembre 1998). Les conditions de remboursement sont ici moins favorables : les contribuables auront seulement droit à un crédit d'impôt lors de l'interruption de la location. Par rapport à l'ancien dispositif, le fait que le délai de neuf mois d'interruption de la location soit supprimé est une avancée, dans le sens de ce qu'avait préconisé le Sénat en décembre 1998.

Toutefois, votre rapporteur général regrette que l'Etat, qui bénéficie d'une sorte d'avance de trésorerie des bailleurs, se contente de restituer exactement la somme prélevée deux fois, sans tenir compte, ne serait-ce que de l'évolution des prix . Il apparaît donc logique que la somme soit restituée rapidement. Il serait nécessaire qu'au-delà d'un certain délai le remboursement du trop perçu soit automatique.

Le 2. du III. précise que la demande de remboursement, s'agissant de la contribution additionnelle au droit de bail, devra être produite l'année au cours de laquelle la cessation ou l'interruption de la location est intervenue. Toutefois, la base des droits acquittés aura due être fournie dans la déclaration des revenus 1999.

B. UNE SUPPRESSION PROGRESSIVE DU DROIT DE BAIL À COMPTER DE L'IMPOSITION DES REVENUS 2000

Le A. de l'article supprime les articles 234 bis , 234 septies et 234 decies du code général des impôts pour les revenus perçus à compter du 1er janvier 2001.

Ainsi, la contribution représentative du droit de bail (article 234 bis du CGI) est formellement supprimée à compter de l'imposition des revenus de l'année 2001, c'est-à-dire pour l'impôt sur le revenu versé en 2002 .

De même sont supprimées les modalités de calcul de la contribution (article 234 septies du CGI : la contribution est calculée en faisant abstraction de la valeur du droit de reprise des constructions lorsque celles-ci deviennent la propriété du bailleur en fin de bail) et les modalités spécifiques de dégrèvement (article 234 decies ).

Le B. de l'article modifie la rédaction de l'article 234 bis , de manière à exclure du champ de l'assiette de la contribution représentative du droit de bail, les loyers dont le montant perçu en 1999, n'excède pas 30.000 francs. L'Assemblée nationale a relevé ce plafond à 36.000 francs, pour un coût de 300 millions de francs.

Il ne s'agit pas pour autant de réduire l'assiette du droit de bail, dès l'imposition de ces revenus 1999, ce qui aurait pour effet de minorer les recettes de l'impôt sur le revenu en 2000 . L'année 1999 n'est qu'une année de référence, qui permettra de faire le point sur les locaux dont les revenus sont inférieurs à 30.000 francs. Le P. à la fin du présent article indique ainsi que les dispositions du B. s'appliquent aux revenus perçus au cours de l'année 2000.

Votre rapporteur général considère qu'il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de ce renvoi, pour l'application d'un article du code général des impôts, à une date fixée en dehors du code général des impôts. La simple lecture du nouvel article 234 bis du CGI ne permet pas au contribuable de comprendre qu'il ne bénéficiera de l'allégement fiscal que pour l'imposition des revenus 2000, c'est-à-dire en 2001.

Il est vrai que l'annonce d'une suppression du droit de bail dès 2000, pouvait laisser penser aux contribuables qu'ils n'auraient plus à acquitter de droit de bail pour l'impôt sur le revenu 2000, mais il n'y a pas lieu de laisser subsister un doute dans leur esprit

C. LA TRANSFORMATION DE LA CONTRIBUTION ADDITIONNELLE AU DROIT DE BAIL

Le C. de l'article modifie l'article 234 nonies et fixe un montant minimal de loyers pour la perception de la contribution additionnelle au droit de bail. Il s'agit simplement de reprendre une référence qui disparaît avec la suppression du droit de bail à compter de l'imposition des revenus 2000.

Le G. modifie de nouveau l'article 234 nonies du code général des impôts, à compter de l'imposition des revenus 2001, afin de tenir compte de la suppression du droit de bail. La contribution additionnelle au droit de bail est donc transformée en simple " contribution ".

L'assiette du prélèvement est inchangée : il s'agit des revenus tirés de la location des immeubles achevés depuis quinze ans au moins au 1er janvier de l'année d'imposition.

L'article reprend les références anciennement contenues dans l'article relatif au droit de bail, puisque la contribution était additionnelle à celui-ci, avec quelques modifications rédactionnelles.

Votre rapporteur général s'interroge sur l'opportunité de modifier à deux reprises, dans le même article, et dans un sens différent, l'article 234 nonies du code général des impôts. Il s'agit, à l'évidence, d'une complexification inutile du code général des impôts.

D. LE COUT DE LA MESURE


Le coût budgétaire de la nouvelle réforme du droit de bail, en l'an 2000, après amendement de l'Assemblée nationale, s'élèvera à 3,5 milliards de francs, dont 1,4 milliard de francs pour les ménages et 2,1 milliards de francs pour les entreprises (effet du régime des acomptes sur 2000).

Ce coût budgétaire en 2000 correspond au coût du premier remboursement de la " double imposition " de 1998 pour les titulaires de revenus fonciers inférieurs à 60.000 francs et à l'impact sur les acomptes d'impôt sur les sociétés, de la suppression progressive du droit de bail à compter de l'imposition des revenus 2000.

Impact de la suppression du droit de bail en 2000

 

Coût en 2000

(en millions de francs)

Bailleurs personnes physiques

0

Bailleurs personnes morales

-2.100

Ensemble

-2.100

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de la législation fiscale)

Les bailleurs personnes physiques ne bénéficieront en 2000 que du remboursement de la perception du droit de bail sur les neuf premiers mois de 1998, s'ils ont moins de 60.000 francs de revenus fonciers.

Impact du remboursement du droit de bail en 2000 et 2001

 

Coût en 2000

(en millions de francs)

Coût en 2001

(en millions de francs)

Bailleurs percevant moins de 60.000 francs de revenus fonciers

- 1.000

0

Bailleurs percevant plus de 60.000 francs de revenus fonciers

0

-1.900

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de la législation fiscale)

L'impact du remboursement de la taxe additionnelle au droit de bail est évalué par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à 400 millions de francs pour 2000 , avec un coût réparti sur 5 ans, par hypothèse (soit au total 2 milliards de francs).

Au total, le dispositif proposé par le présent article est d'une extraordinaire complexité.

Suppression de la contribution annuelle représentative du droit de bail (article 6 du PLF 2000 modifié par l'Assemblée nationale) : un dispositif complexe

 

LFR 98

 

PLF 2000

 
 
 

DB +TADB

2000

2001

2002

TADB

revenus fonciers < 60.000 F

Remboursement

du droit de bail et de la taxe additionnelle lorsque le bailleur cesse de louer

pas de suppression du droit de bail pour l'imposition des revenus 1999

mais

remboursement du droit acquitté au titre des revenus 1 er janv-30 sept 98 (crédit d'impôt)

sauf demande de dégrèvement présentée avant le 31/12/1999

suppression du droit de bail pour l'imposition des revenus 2000

seulement pour les loyers <36.000 F par local en 1999

suppression totale du droit de bail

remboursement de la TADB acquittée au titre des revenus

1 er janv-30 sept 98

revenus fonciers > 60.000 F

pendant neuf mois consécutifs, l'année qui suit la fin de la location (dégrèvement sur demande expresse à l'administration)

pas de suppression du droit de bail pour l'imposition des revenus 1999

et

pas de remboursement

du droit acquitté au titre des revenus 1 er janv-30 sept 98

sauf demande de dégrèvement présentée avant le 31/12/1999

suppression du droit de bail pour l'imposition des revenus 2000

seulement pour les loyers <36.000 F par local en 1999

et

remboursement du droit de bail acquitté au titre des revenus

1 er janvier-30 sept 98

(crédit d'impôt)

sauf demande de dégrèvement avant le 31/12/1999

pour l'imposition des revenus 2001

sur demande l'année d'interruption de la location

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

La réforme du droit de bail est une double occasion manquée :

- le gouvernement a entrepris une réforme complexe du droit de bail à compter du 1er janvier 1999, qui a créé de très nombreuses difficultés, pour proposer au Parlement de le supprimer quelques mois plus tard ;

- le nouveau dispositif de remboursement et de suppression du droit de bail est encore exagérément compliqué, dans le seul but de " lisser " le coût fiscal. On se trouve bien loin de l'objectif de " simplification " annoncé.

De surcroît, contrairement à ce que le gouvernement a annoncé, le droit de bail ne sera supprimé qu'à compter de l'année 2001 pour les locaux dont les revenus sont inférieurs à 30.000 francs par an et 2002 pour les autres. En 2000, tous les contribuables devront s'acquitter du droit de bail sur les revenus locatifs de 1999.

Votre rapporteur général vous propose donc de simplifier le nouveau dispositif proposé par le gouvernement :

1 - il convient de supprimer les nombreux plafonds introduits par le présent article, qui outre leur évidente complexité, engendrent des effets de seuils particulièrement inéquitables.


Il n'existe aucune justification, sinon le souci de lisser le coût fiscal, pour ne pas rembourser les contribuables dans les mêmes conditions, selon qu'ils disposent de revenus fonciers inférieurs ou supérieurs à 60.000 francs. Il faut rappeler qu'un tiers des contribuables déclarant des revenus fonciers sont au-dessus de cette limite de 60.000 francs.

Il est par ailleurs très contestable de fixer un plafond de loyers annuels, même porté, de manière dérisoire, de 30.000 à 36.000 francs, pour l'exonération de droit de bail sur les revenus 2000.

En effet, cette limite est arbitraire : elle laisse supposer que les ménages aux revenus modestes bénéficient automatiquement de loyers faibles et qu'à l'inverse, les ménages aisés payent des loyers élevés. Elle ne tient aucun compte du niveau des loyers en région parisienne et dans certaines grandes agglomérations, très supérieur au plafond fixé 40( * ) , ni de la structure familiale, qui conduit logiquement les familles nombreuses à habiter des logements plus vastes, avec des loyers obligatoirement plus élevés. Le seuil retenu ne peut donc en aucun cas être présenté comme un seuil à caractère " social ". Il n'a aucune autre justification que le souci de limiter le coût budgétaire.

2 - il convient également de supprimer progressivement la contribution additionnelle au droit de bail.

Votre rapporteur général vous propose donc de rembourser tous les contribuables, dès l'imposition des revenus 1999, pour la contribution représentative du droit de bail
acquittée deux fois pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1998, en supprimant le seuil de 60.000 francs de revenus fonciers.

Par ailleurs, il vous propose de supprimer le seuil de 36.000 francs par local fixé pour la suppression du droit de bail à compter de l'imposition des revenus 2000. La contribution représentative du droit de bail serait supprimée dès l'imposition des revenus 2000, et non sur deux ans.

Votre rapporteur général vous propose également la suppression de la contribution additionnelle au droit de bail , qui rapporte environ 3,5 milliards de francs par an, en deux ans, à compter de l'imposition des revenus 2000. Elle sera réduite de moitié pour tous les contribuables (soit 1,25 % du montant des loyers) avant d'être totalement supprimée pour l'imposition des revenus 2001.

Enfin, votre rapporteur général vous propose d'améliorer le remboursement de la contribution additionnelle au droit de bail en prévoyant qu'à la date de la suppression de la contribution additionnelle au droit de bail (imposition des revenus 2001), les contribuables qui n'auraient pas fait de demande de remboursement (contribuables n'ayant pas cessé de louer) soient automatiquement remboursés.

Le dispositif proposé par votre commission

 

Imposition des revenus 1999

Imposition des revenus 2000

Imposition des revenus 2001

Droit de bail

Remboursement du droit de bail payé du 1er janvier au 30 septembre 1998

Suppression complète du droit de bail

-

Contribution additionnelle au droit de bail

(CACRDB)

-

Réduction de la CACRDB à 1,25% des loyers perçus

Suppression complète de la contribution additionnelle au droit de bail

et remboursement définitif de la double imposition

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas été en mesure d'apporter à votre rapporteur les précisions nécessaires sur le coût d'un tel dispositif. Toutefois, une simulation peut être réalisée, avec les réserves nécessaires.

L'évaluation du coût du nouveau dispositif

 

2000

2001

2002

Remboursement du droit de bail

- 2,9 milliards de francs

en IR

-

-

Remboursement de la CACRDB

- 0,4 milliard de francs

- 0,4 milliard de francs

- 1,2 milliard de francs

Suppression du droit de bail

- 3,5 milliards de francs en IS (acomptes)

- 0,6 milliard de francs

 

Suppression de la CACRDB

-

-1,75 milliard de francs

-1,75 milliard de francs

Coût total

-6,8 milliards de francs

-2,75 milliards de francs

-2,95 milliards de francs

Le coût total du dispositif devrait être de l'ordre de 6,8 milliards de francs en 2000, soit environ le double du dispositif prévu par le gouvernement et modifié par l'Assemblée nationale (3,5 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000), mais ce coût sera essentiellement un coût en trésorerie (en raison de l'avancement du remboursement du droit de bail). Ce dispositif aura le mérite d'anticiper sur la suppression définitive du droit de bail et de simplifier la législation fiscale, simplification dont le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, se dit un fervent partisan. Au demeurant, les dépenses évaluées ci-dessus, comme celles admises par le gouvernement, résultent dans une large mesure de sa propre initiative d'il y a un an, et des controverses qu'elle a suscitées.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 7

Extension du régime simplifié d'imposition des revenus fonciers

Commentaire : le présent article a pour objet de porter le plafond annuel de loyers permettant de bénéficier, sur option, du régime simplifié d'imposition des revenus fonciers, de 30.000 francs à 60.000 francs, et de majorer le taux d'abattement pour frais, en le portant d'un tiers à 40 %.

I. LE RÉGIME NORMAL D'IMPOSITION DES REVENUS FONCIERS


Les titulaires de revenus fonciers doivent souscrire une déclaration de revenus spécifique à ce titre (n° 2044).

Le contribuable doit mentionner ses recettes brutes et porter sur sa déclaration les charges à déduire afin de déterminer un revenu net imposable, ou, le cas échéant, un déficit.

Pour les propriétés rurales comme pour les propriétés urbaines détenues directement, neuf postes de charges viennent en déduction de quatre postes de recettes. Certains de ces postes de charges sont des agrégats de plusieurs dépenses (par exemple : frais de gérance, de rémunération des concierges, primes d'assurances pour risque de loyers impayés). Il faut détailler et justifier ces différents postes de charges.

Seules trois charges font l'objet d'une déduction forfaitaire : les frais d'assurance 41( * ) , à l'exception de l'assurance impayés de loyers, de gérance et l'amortissement.

Seule la détention immobilière au travers de sociétés civiles, dont les revenus sont imposés entre les mains du porteur de parts dans la catégorie des revenus fonciers, permet de porter directement un revenu net (le cas échéant un déficit) sur la déclaration.

La détermination du revenu foncier net, et sa justification, sont donc fort complexes et ont justifié la mise en place, à compter de l'imposition des revenus 1997, d'un régime simplifié d'imposition, pour les contribuables disposant de revenus fonciers modestes.

II. LE RÉGIME SIMPLIFIÉ D'IMPOSITION


Le régime simplifié d'imposition, dit régime " micro-foncier " introduit par l'article 3 de la loi de finances pour 1998 (loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997), consiste en un régime d'imposition optionnel, qui s'accompagne d'un régime déclaratif simplifié.

A. CHAMP D'APPLICATION

En application du I. de l'article 32 du code général des impôts, le régime simplifié d'imposition concerne les contribuables titulaires de moins de 30.000 francs de recettes brutes annuelles , cette limite pouvant être appréciée prorata temporis .

Le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location est défini par les articles 29 et 30 du code général des impôts.

Il s'agit du montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmentée du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par conventions à la charge des locataires (article 29 du CGI). Ce montant est diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires.

Le revenu brut des immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance est constitué du montant du loyer qu'ils pourraient produire s'ils étaient donnés en location (article 30 du CGI).

Le régime simplifié d'imposition n'est applicable qu'aux revenus fonciers imposables selon le droit commun des propriétés rurales ou urbaines (déduction forfaitaire de 14 % ou 15 %, déficit foncier imputable sur le revenu global dans la limite de 70.000 francs, et reportable 10 ans sur les revenus fonciers des années suivantes).

En application du 2. de l'article 32 du CGI, sont donc exclus de ce régime les contribuables dont l'un des membres du foyer fiscal perçoit des revenus dont le régime d'imposition est différent du droit commun . Il suffit qu'un seul bien entre dans les catégories visées.

Il s'agit :

- des parts de société, à l'exception des sociétés civiles immobilières de copropriété (article 1655 ter du CGI). Cette exclusion se justifie par le fait que ces sociétés, les sociétés civiles de placement immobilier notamment, déterminent elles-mêmes le revenu net imposable entre les mains du contribuable ;

- des immeubles bénéficiant d'un régime favorable d'imposition (article 156-3°-1 ; article 31-1-1° b ter et b quater ), à savoir :

les immeubles en démembrement de propriété ;

les monuments historiques ;

les immeubles bénéficiant de la loi " Malraux " ;

ceux bénéficiant de la loi " Malraux " étendue aux zones franches urbaines ;

- des immeubles bénéficiant d'un régime favorable d'imposition au titre du soutien à l'investissement locatif (article 31-1-1°, e à g), à savoir :

les immeubles imposés selon le régime dit " Quilès-Méhaignerie " ;

les immeubles bénéficiant de l'amortissement dit " Périssol " ;

les immeubles bénéficiant de l'amortissement dit " Besson "

B. UN RÉGIME SIMPLIFIÉ

Le régime simplifié d'imposition des revenus fonciers est un régime optionnel.


En application du 3. de l'article 32 du code général des impôts, l'option s'exerce par périodes de trois ans, elle est irrévocable au cours de chaque période et renouvelable par tacite reconduction. L'option cesse dès que la limite de 30.000 francs est dépassée.

Le revenu net imposable est égal au revenu brut diminué d'un abattement d'un tiers . Quoique forfaitaire, cet abattement n'est pas à confondre avec la déduction forfaitaire, car il ne s'y substitue pas : il se substitue à l'ensemble des charges, dont la déduction forfaitaire n'est qu'un élément. La simplification proposée consiste donc largement en une forfaitisation du revenu net. Elle n'exonère pas de la détermination des recettes brutes.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRESENT ARTICLE

Le I. de l'article modifie l'article 32 du code général des impôts, sur trois points essentiels :

- le plafond de revenus bruts fonciers donnant droit à l'option pour le régime simplifié d'imposition est porté de 30.000 francs à 60.000 francs ;

- l'abattement pour frais est relevé, passant d'un tiers à 40 % ;

- enfin, la limite de 60.000 francs ne pourra plus être appliquée prorata temporis
. Cela signifie que si un bien est loué une partie de l'année, il n'en sera pas tenu compte pour minorer le plafond ouvrant droit au régime simplifié d'imposition. La suppression de cette disposition est une simplification supplémentaire du dispositif.

En dehors de ces améliorations du régime "micro-foncier", des mesures d'adaptation sont prises.

Ainsi, le c. du 2. de l'article 32 est modifié, afin de tenir compte de l'élargissement du bénéfice du régime fiscal en faveur des logements locatifs aux logements anciens . Sont donc exclus du bénéfice du régime micro-foncier les revenus de location tirés des logements bénéficiant du nouveau régime dit "Besson", et non seulement les logements neufs.

Il est ajouté un alinéa à l'article 32 du CGI, permettant au contribuable de renoncer à l'option qu'il a choisie non pas au terme de trois ans, mais dès le changement de locataire . Il s'agit d'une souplesse supplémentaire dans l'application du régime simplifié d'imposition. La renonciation prend effet à compter de l'imposition des revenus de l'année au cours de laquelle le départ du locataire est intervenu.

Le II. de l'article précise les conditions de renonciation à l'option pour le régime simplifié concernant les contribuables dont le revenu brut foncier dépasserait 30.000 francs en 1999, sans atteindre la limite de 60.000 francs. Cette précision est nécessaire dans la mesure où le plafond étant modifié, le fait de dépasser les 30.000 francs sans dépasser le nouveau seuil de 60.000 francs pourrait, en l'absence de mesure spécifique, empêcher les contribuables de remettre en cause leur option, et les contraindre à rester dans un dispositif dont ils pourraient souhaiter sortir. Une disposition similaire est prévue lorsque le revenu brut foncier dépasserait le seuil de 30.000 francs en l'an 2000.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : L'APPROBATION D'UNE MESURE PRÉCONISÉE PAR LE DERNIER RAPPORT DU CONSEIL DES IMPÔTS

Votre commission ne peut qu'approuver l'extension et la simplification du régime micro-foncier.

Le présent article reprend d'ailleurs une partie des préconisations du Conseil des impôts dans son 17ème rapport au Président de la République sur le thème de la fiscalité des revenus de l'épargne (1999). Le Conseil des impôts avait relevé certaines insuffisances du régime micro-foncier introduit par la loi de finances pour 1998.


" Après une première période d'application de ce régime (le microfoncier), qui a été mis en place en 1998, son élargissement pourrait être envisagé, de manière à l'appliquer à un nombre plus important de contribuables. Le plafond pourrait être relevé progressivement jusqu'à un montant annuel de 100.000 francs de loyers encaissés.

Le Conseil s'interroge également sur le niveau de l'abattement. Le taux de 33 % a été calculé, selon les services de la direction générale des impôts, à
partir du montant moyen des déductions opérées par les particuliers ayant reçu des revenus bruts fonciers inférieurs à 30.000 francs. (...) Les professionnels et les associations de propriétaires estiment ce taux inférieur à la réalité et fixent celui-ci entre 40 et 45 % (...) Si le régime micro-foncier continuait à n'attirer qu'un nombre restreint de contribuables par rapport à ceux qui peuvent s'en prévaloir, la question du niveau de cet abattement devrait être à nouveau examinée ".

Le présent article devrait donc améliorer le régime du micro-foncier dans le sens préconisé par le Conseil des impôts, sans toutefois reprendre intégralement ses recommandations, puisque seules les préconisations " basses "ont été retenues.

En 1998, 1.459.544 contribuables déclarent un revenu brut foncier inférieur à 30.000 francs par an, soit 51,2 % des contribuables faisant une déclaration de revenus fonciers. Toutefois, une partie seulement de ces contribuables ont opté pour le régime micro-foncier : ils étaient 295.000 en 1998, première année d'application du dispositif (pour l'imposition des revenus 1997), soit 10 % de l'ensemble des contribuables déclarant des revenus fonciers et 20 % des contribuables ayant droit à l'application du nouveau régime.

Par ailleurs, 566.530 contribuables déclarent entre 30.000 et 50.000 francs de revenus fonciers et 476.590 contribuables déclarent entre 50.000 et 100.000 francs de revenus fonciers.

Ainsi 1.043.120 contribuables, soit 36,6 % des contribuables, déclarent entre 30.000 francs et 100.000 francs de revenus fonciers annuels. Seuls 12,2 % des contribuables déclarent plus de 100.000 francs de revenus fonciers annuels, soit 342.966 personnes.

Le seuil fixé par le présent article, soit 60.000 francs de revenus fonciers, devrait donc permettre, selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de toucher 2,4 millions de contribuables sur 3,5 millions de personnes déclarant des revenus fonciers, soit les deux-tiers des propriétaires-bailleurs, contre la moitié dans le précédent régime.

L'Assemblée nationale estime que le fait de porter le plafond ouvrant droit au régime simplifié d'imposition de 30.000 à 60.000 francs est suffisant, au motif que le relever davantage serait contre-productif.


" Toute extension du régime semble obéir à la loi des rendements décroissants. En effet, si selon le tome II du fascicule Evaluations des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2000, la dépense fiscale relative au régime d'imposition simplifiée des revenus fonciers n'excédant pas 30.000 francs s'élève à 100 millions de francs par an, l'exposé des motifs du projet de loi évalue à 500 millions de francs par an le coût de son extension ".

En fait, le coût du doublement du plafond ouvrant droit au régime micro-foncier est évalué par le ministère de l'économie et des finances à 215 millions de francs, et non 500 millions de francs. Le coût du relèvement du taux de l'abattement pour charges est de 285 millions de francs. Au total, en y intégrant le doublement du plafond et le relèvement du taux de l'abattement pour charges la mesure coûte donc bien 500 millions de francs. La " loi des rendements décroissants " peut être à tout le moins dès lors relativisée.

Votre rapporteur général s'interroge donc sur la volonté du gouvernement de poursuivre le mouvement ainsi engagé, dans le sens préconisé par le Conseil des impôts.

Il serait ainsi envisageable, par exemple, de prévoir une seconde étape visant à porter de 60.000 à 100.000 francs le plafond annuel de revenus fonciers ouvrant droit à l'application du régime "microfoncier" pour l'imposition des revenus 2000. Ceci permettrait de toucher plus de 80% des contribuables déclarant des revenus fonciers.


Votre rapporteur remarque enfin que la décision de porter de porter d'un tiers à 40 % l'abattement pour frais témoigne a contrario de la faiblesse des taux retenus pour la déduction forfaitaire de droit commun (14%) et pour le nouveau régime fiscal en faveur du logement ancien conventionné (25%).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 7

Actualisation des abattements relatifs au régime d'imposition des plus-values prévus à l'article 150 Q du code général des impôts

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet d'actualiser les abattements applicables en matière d'imposition des plus-values qui n'ont pas été modifié depuis 1977, en dépit de l'évolution du marché immobilier.

Votre rapporteur général a souligné dans son exposé général la montée des prélèvements rampants.

Ce phénomène tient largement au fait que le barème est simplement indexé sur les prix et ne tient pas compte de la croissance réelle, qui par le jeu de la progressivité tend à faire monter les contribuables vers des tranches supérieures et donc accroît la charge fiscale, supportée par les Français.

Mais, aux effets de la progressivité du barème, s'ajoute celui de la non-réévaluation de tout un ensemble de seuils ponctuels - comme en témoigne le tableau ci-après relatif à des régimes fiscaux intéressants spécialement les personnes physiques -, dont les effets bien que moins sensibles en période d'inflation ralentie, ne doivent pas être négligeables.

S'agissant de mesures symboliques, il vous est proposé d'actualiser les montants figurants à l'article 150 Q du code général des impôts qui n'ont jamais été actualisé depuis 1977 :

• abattement général de 6.000 francs par an sur le total des plus-values réalisées au cours d'une même année ;

• abattement spécifique de 75.000 francs lorsque les plus-values résultent d'une expropriation ou d'une cession à l'État ou à ses établissements publics administratifs ;

Article du code général des impôts

Montant du seuil en francs

Dernière modification

Objet

32-1

30 000

01/01/1998

Régime Micro-foncier (modifié par l'art. 7 du PLF 2000)

35 bis II

5 000

01/01/1984

exonération des revenus de location de pièces dans l'habitation principale

80 quater

18 000

01/01/1991

Pensions alimentaires au conjoint

81-22 ème

20 000

01/01/1988

Abattement Indemnité de départ en retraite

81 ter

3 000

01/01/1974

Versement de l'entreprise à un plan d'épargne (1/4 de la rémunération annuelle pour le salarié)

125-0A

30 000/60 000

01/01/1998

Abattement sur les bons et contrats

154

17 000

01/01/1982

Déduction du salaire du conjoint pour les non-adhérents aux centres de gestion agréés

156-1°

200000

01/01/1995

Déduction du déficit agricole si les autres revenus n'excèdent pas ce seuil

156 I - 3°

70000

01/01/1995

Imputation des déficits fonciers sur le revenu global

156 9°quater

30000

01/10/1994

Plafond du Codevi

158-5a 3 ème

20 000

01/01/1999

Plafonnement de l'abattement de 10% pour les retraités (effet rétroactif 1998)

163 novodecies

8 000/16 000

01/01/1999

Déduction en cas de versement sur un plan d'épargne en vue de la retraite (revalorisée chaque année)

163 quinquies D

600 000

16/07/1992

Plafond du PEA

163 duovicies

125 000/250 000

01/01/1998

Investissement dans une entreprise de pêche artisanale

196 B

20 370

01/01/1999

Déduction d'impôt liée au rattachement d'un enfant majeur

197 2

20 270/6 100

01/01/1999

Baisse du quotient familial

197 3

33 310/ 44 070

01/01/1999

Abattement spécial outre-mer

199 quater D

15 000

01/01/1989

Déduction de 25% des frais de crèche ou assistante maternelle agréée, plafonnée à 15 000 Francs

199 quater F

400/1 000/1 200

01/01/1992

Réduction d'impôt pour les enfants scolarisés (même montant depuis 1992 avec une année de suspension 1998)

200-4 2ème alinéa

2 050

01/01/1999

Amendement " Coluche " (extension aux services à domicile, revalorisation annuelle)

719-1

 

01/12/1995

Tranches de 150 000F et 700 000F (6 et 9%) pour les frais de mutation des fonds de commerce ; taux modifiés par l'art. 5 du PLF 2000

722

 

10/05/1993

Idem précédent, mais taux de 2% pour les débits de boisson avec une seule tranche (montant supérieur à 150 000 francs)

754A

500 000

19/01/1980

valeur maximale du bien immobilier permettant dans le cadre d'un contrat d'acquisition en commun dit " tontine " de bénéficier de droits d'enregistrement réduits

757A

18 000

01/01/1976

Déductibilité des sommes versées à un organisme chargé de verser la pension alimentaire d'un enfant mineur

757B

200 000

20/11/1991

Exonération de droits de succession sur cette somme si elle est versée après 70 ans

775

6 000

01/01/1996

Fraction des frais funéraires déductibles

777 tableau 1

tranches

01/01/1984

Tarif ligne directe

777 tableau 2

tranches

01/01/1984

Tarif entre époux

777 tableau 3

tranches

01/01/1984

Tarif ligne collatérale et non parents

777 tableau 4

tranches

01/01/1984

Tarif entre parents jusqu'au 4è degré et au-delà

779 II

300 000

01/01/1984

Abattement pour les personnes handicapées (héritier, légataire ou donateur)

788 I

100 000

01/01/1984

Abattement entre frères et soeurs si le survivant est veuf célibataire ou divorcé et qu'il est âgé de plus de 50 ans et qu'il ait été domicilié pendant 5 ans chez le défunt

788 II

10 000

01/01/1974

Abattement forfaitaire minimal

790 B

100 000

01/04/1996

Abattement forfaitaire par bénéficiaire en cas de donation aux petits-enfants

793 bis

500 000

01/07/1992

Abattement sur des donations foncières (terres cultivées, forêts ..) et certains immeubles. La limite s'applique à la valeur des biens

793 ter

300 000

01/07/1993

Montant de la part exonérée de chaque héritier dans le cas ci-dessus

• abattements spécifiques en cas de cession de la première résidence taxable : 20.000 francs par époux, 30.000 francs pour un veuf et 10.000 francs par enfant.

Il s'agit de tenir compte de l'évolution des prix du marché immobilier qui même s'ils ont baissé sensiblement au cours des années 1990, restent largement supérieurs à ce qu'ils étaient à la fin des années 1970.

Cette mesure de justice paraît d'autant plus nécessaire que son coût devrait rester limité 42( * ) .

De façon très modérée, votre commission s'est contentée d'actualiser les abattements sur la base de l'évolution de l'indice général des prix. Anticipant sur les prochaines années, elle vous propose de fixer ces abattements en francs, mais par rapport à une valeur arrondie en euro.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 7

Prise en compte de l'inflation pour la détermination des plus-values résultant de la cession d'un fonds de commerce

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de prendre en compte, pour le calcul des plus-values résultant de la vente d'un fonds de commerce possédé depuis plus de deux ans, l'inflation constatée sur la durée de l'exploitation.

A l'heure actuelle la plus-value imposable d'un contribuable exerçant une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale qui cède son fonds de commerce est déterminée par la différence entre le prix d'achat et le prix de cession, sans actualisation du prix d'acquisition en fonction de l'inflation.

Ainsi, le Trésor public encaisse la plus-value fictive née de à l'inflation.

Ce régime fiscal est nettement moins favorable que le régime des plus-values immobilières qui se caractérise non seulement par la revalorisation du prix d'acquisition en fonction de l'inflation (article 150 K du code général des impôts), mais également par un abattement sur la plus-value de cession de 5 % par année de possession de l'immeuble au delà de la 2 ème (article 150 M du CGI).

L'administration fiscale fait valoir que ces avantages se justifient par le fait que les plus-values immobilières sont assujetties au barème progressif de l'impôt sur le revenu alors que celles des professions précitées sont soumises au taux de taxation des plus-values professionnelles à long terme, plus favorable.

Toutefois, un tel raisonnement ne prend pas en compte la très forte augmentation du taux de taxation des plus-values professionnelles à long terme depuis l'institution des nouveaux prélèvements sociaux 43( * ) . Il convient à cet égard de rappeler que si les plus-values professionnelles à long terme bénéficient d'un taux de taxation de faveur depuis 1965 44( * ) , c'est précisément pour tenir compte du fait que les plus-values proviennent pour une part des effets de la hausse générale des prix. Avec un taux de 26 %, il est désormais difficile de parler de régime de faveur.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 7

Abaissement du taux d'imposition des plus-values de cession à 15 %

Commentaire : le présent article vise à aligner le taux proportionnel d'imposition des plus-values de cession, qui s'élève à 16%, sur le taux de prélèvement libératoire sur les produits des placements à revenus fixes, qui est de 15 %.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL : LA COEXISTENCE DE PLUSIEURS TAUX D'IMPOSITION


Les modalités d'imposition des gains nets en capital réalisés à l'occasion de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières sont définies par l'article 200 A du code général des impôts. Ce dernier dispose que les gains nets sont imposés au taux forfaitaire de 16 % (26 % en tenant compte des prélèvements sociaux liés à la CSG et à la CRDS).

L'article 125 A du code général des impôts fixe les règles de prélèvement sur les produits de placement à revenu fixe. Le contribuable peut opter pour un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu 45( * ) .

Les taux de prélèvement ont longtemps été marqués par une grande hétérogénéité. Toutefois, ils ont été peu à peu harmonisés à 15 % (25 % si l'on prend en considération les prélèvements sociaux).

Certaines exceptions subsistent cependant. Elles sont liées à la nature des placements (les bons anonymes sont taxés à 60 % depuis le 1 er janvier 1999), mais également à la date d'émission ou à la durée des placements. Ainsi, les produits des placements autres que les bons et titres sont soumis à un taux de 45 % pour les produits courus entre le 1 er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 inclus, à un taux de 35 % pour les produits courus entre le 1 er janvier 1990 et le 31 décembre 1994 et à un taux de 15 % pour les produits courus à partir du 1 er janvier 1995.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'ALIGNEMENT DU TAUX D'IMPOSITION DES PLUS-VALUES DE CESSION SUR LE TAUX DE PRÉLÈVEMENT LIBÉRATOIRE SUR LES PRODUITS DES PLACEMENTS À REVENUS FIXES

Les différences de taux d'imposition des plus-values de cession d'une part et des produits des placements à revenus fixes d'autre part présente deux inconvénients.

D'abord, la coexistence de plusieurs taux d'imposition contribue à la mauvaise lisibilité de la fiscalité relative à l'épargne.

Par ailleurs, elle peut créer des distorsions de comportement lorsque les titres concernés sont des obligations en raison, d'un point de vue économique, du caractère très proche des notions de revenu et de plus-value.

Ainsi, il peut être avantageux d'acheter des obligations avant le détachement du coupon, d'encaisser ce dernier imposé au taux de 15 % puis de revendre les obligations. Cette cession sera assimilée à une perte qui pourra être imputable sur des gains de même nature, qui seront eux imposés à 16 % : la différence de taux permet de diminuer l'imposition sur les plus-values.

Cet exemple montre que la fiscalité peut faire naître des comportements qui ne sont pas rationnels économiquement.

C'est la raison pour laquelle il est proposé d'aligner le taux proportionnel d'imposition des plus-values de cession, qui s'élève à 16 %, sur le taux de prélèvement libératoire sur les produits des placements à revenus fixes, qui est de 15 %.

Il convient de relever que le Conseil des impôts, dans son dernier rapport 46( * ) , avait soulevé cette incohérence et préconisait une harmonisation des taux d'imposition.

Le coût de cette mesure est estimée à 500 millions de francs.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 7

Actualisation du barème de conversion de l'usufruit et de la nue-propriété en pleine propriété

Commentaire : le présent article vise à actualiser le barème de conversion de l'usufruit et de la nue-propriété en pleine propriété prévu à l'article 762 du code général des impôts.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL : UN BAREME OBSOLETE ET TRÈS PENALISANT POUR LES CONTRIBUABLES


L'utilisation du démembrement du droit de propriété dans les stratégies patrimoniales nécessite une évaluation précise des droits démembrés.

Deux méthodes existent : la méthode dite " économique " et la méthode dite " fiscale " résultant de l'article 762 du code général des impôts.

En termes économiques 47( * ) , le droit d'usufruit d'un bien correspond au flux de revenus futurs distribués par ce bien, pendant la durée de vie de l'usufruit ou le temps convenu pour terme du démembrement.

Pour évaluer l'usufruit, deux paramètres doivent donc être connus : le rendement du bien mis à la disposition de l'usufruitier et la durée de l'usufruit, qui est assimilée à la durée de vie de l'usufruitier, dans le cas où l'usufruit est viager. Cet élément peut être défini à partir des tables d'espérance de vie publiées par l'INSEE.

L'article 13 de la loi du 25 février 1901 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1901 a créé le barème fiscal de l'actuel article 762 du code général des impôts.

Il s'agissait de poser les règles de " conversion en pleine propriété " des droits de l'usufruit et de nue-propriété revenant aux héritiers, en vue de la détermination de l'assiette des droits de mutation par décès.

Il existe peu d'informations concernant les modalités de calcul du barème de l'article 762 du code général des impôts. Toutefois, il semblerait que ledit barème ait été établi selon la méthode du calcul actuariel des flux de revenus des biens démembrés (c'est-à-dire la méthode dite " économique " évoquée précédemment), mais à partir des données disponibles de l'époque.

Ainsi, ce barème est fondé sur les tables d'espérance de vie de 1898-1903 et évalue le rendement des biens détenus en usufruit à 2 %.

Or, ces paramètres sont complètement obsolètes : l'espérance de vie a, au cours du siècle, augmenté en moyenne de plus de 60 %, tandis qu'un écart significatif s'est creusé entre les hommes et les femmes.

Par ailleurs, le postulat d'un rendement uniforme de 2 % par an est très critiquable.

L'utilisation de ces paramètres conduit à surévaluer la nue-propriété. Selon les informations obtenues par votre rapporteur général, cette surévaluation peut dépasser 70 % de la pleine-propriété, pour des investissements d'un rendement égal ou supérieur à 10 % 48( * ) .

Or, l'obsolescence du barème n'est pas neutre fiscalement. En cas de donation ou de donation-partage avec réserve de l'usufruit, elle s'avère très pénalisante pour les contribuables puisque l'assiette de l'impôt est maximisée par une sous-estimation artificielle de la valeur de l'usufruit.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE RÉACTUALISATION DU BARÈME

L'administration fiscale est consciente des imperfections qui entachent le barème de l'article 762 du code général des impôts. Pourtant, aucune réforme n'est entreprise pour actualiser ce dernier.

En revanche, la même administration critique fortement les stratégies transmissives qui consistent pour le propriétaire à apporter au préalable la nue-propriété d'un bien à une société civile constituée avec ses héritiers, puis à faire donation des parts sociales qui lui ont été attribuées, à titre onéreux, en contrepartie de son apport.

Il convient de relever que ces opérations seraient beaucoup moins fréquentes si l'application d'un barème obsolète ne rendait pas la taxation intolérable en manipulant l'assiette des droits de mutation à titre gratuit.

Il apparaît donc urgent de réactualiser le barème de l'article 762 du code général des impôts. Deux considérations contradictoires doivent être conciliées.

Le nouveau barème doit aboutir à un calcul le plus exact possible de la valeur de l'usufruit qui varie non seulement en fonction du rendement du bien mais aussi en fonction de la durée de vie de l'usufruitier et de son sexe. La prise en compte de ces paramètres conduit par conséquent à établir plusieurs barèmes.

Cette situation se heurterait au second impératif auquel doit obéir la méthode d'évaluation de l'usufruit et de la nue-propriété, à savoir la simplicité. L'utilisation de l'article 762 du code général des impôts n'est obligatoire que pour la liquidation et le paiement des droits de mutation à titre gratuit. Elle doit notamment permettre aux contribuables concernés de prévoir facilement l'impôt qu'ils auront à payer. La création d'un barème trop complexe serait donc contreproductive.

Votre rapporteur a choisi une solution de compromis qui vise à conserver un barème unique mais à en actualiser les paramètres. Le taux de rendement du bien retenu est de 4 %. La durée de l'usufruit est calculée en fonction de l'espérance de vie constituée à partir de la table de mortalité 1990-1992 établie par l'INSEE. Enfin, les tranches d'âge sont fixés de 5 ans en 5 ans.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 7

Suppression de l'interdiction de louer à un ascendant ou un descendant dans le nouveau régime fiscal en faveur de l'investissement locatif

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de permettre l'extension du nouveau régime fiscal en faveur de l'investissement locatif (régime dit " Besson ") à la location aux ascendants ou descendants de l'investisseur.

I. LE NOUVEAU REGIME FISCAL EN FAVEUR DE L'INVESTISSEMENT LOCATIF


L'article 96 de la loi de finances pour 1999 a créé un nouveau dispositif fiscal en faveur du logement locatif privé (dispositif dit " Besson "), en remplacement du régime d'amortissement autonome pour les biens locatifs neufs prévu par l'article 29 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (dispositif dit " Perissol"), qui s'est achevé au 31 août 1999 pour les immeubles ayant obtenu un permis de construire avant le 31 décembre 1998.

Tout en regrettant l'abandon de tout soutien fiscal à l'investissement locatif dans le secteur libre, le Sénat a approuvé le principe de la création d'un secteur locatif intermédiaire et s'est réjoui du rééquilibrage en faveur du logement ancien, qu'il avait à de nombreuses reprises appelé de ses voeux.

Considérant toutefois le nouveau régime fiscal comme insuffisamment incitatif, il avait souhaité y apporter des améliorations sur trois points :

- ouvrir le nouveau dispositif aux locations en faveur des ascendants ou descendants, à condition qu'ils ne soient pas membres du foyer fiscal,

- allonger la durée d'amortissement des biens locatifs neufs de neuf à quinze ans, afin d'assurer une meilleure transition entre le régime fiscal en faveur des logements neufs et celui en faveur des logements anciens,

- porter le plafond de la déduction forfaitaire des revenus fonciers sur le revenu global de 70.000 à 100.000 francs.

L'Assemblée nationale a suivi la position du Sénat sur le second point, ce qui permet aux investisseurs d'amortir jusqu'à 65 % de la valeur de l'immeuble neuf, contre seulement 50 % dans le projet de loi initialement présenté par le gouvernement.

II. LA NÉCESSITÉ D'AMÉLIORER LE DISPOSITIF EXISTANT

Le dispositif actuel prévoit que le locataire doit être une personne physique, autre qu'un membre du foyer fiscal du propriétaire, un ascendant ou un descendant. Si le logement est la propriété d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés, et que cette société loue à l'un des associés ou un membre du foyer fiscal, un ascendant ou un descendant d'un associé, ce dernier ne peut bénéficier de la déduction au titre de l'amortissement.

Ces dispositions, qui sont reprises pour le dispositif en faveur du logement ancien, paraissent exagérément restrictives.

L'interdiction de louer à un membre du foyer fiscal, un ascendant ou un descendant est justifiée, selon le gouvernement, par le souci d'éviter des abus.

Toutefois, considérant que le dispositif fiscal s'accompagne de nombreuses conditions relatives, en particulier, aux revenus du locataire, les cas d'abus devraient être exceptionnels.

De plus, il apparaît que l'interdiction de louer à un ascendant ou descendant pourrait être contournée lorsque l'ascendant ou le descendant partage le logement avec une autre personne, qui pourra être titulaire du bail.

Votre rapporteur général estime qu'il n'y a pas de raison qu'un contribuable ne puisse pas bénéficier d'un avantage fiscal s'il loue à un membre de sa famille dont les ressources ne sont pas élevées, à condition que la personne ne soit pas membre du foyer fiscal (afin de ne pas cumuler les avantages fiscaux) et que le bailleur ne dispose pas par ailleurs de la déduction au titre du versement d'une pension alimentaire.

L'encouragement à l'investissement locatif conventionné est d'autant plus important que la reprise du marché immobilier pourrait, à terme, créer des tensions sur le marché locatif. Rendre le dispositif fiscal en faveur du logement " intermédiaire " plus incitatif apparaît donc comme un objectif prioritaire.

Votre rapporteur général vous propose donc d'adopter le présent article additionnel, dont le coût pour 2000 devrait être modeste.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 7 bis (nouveau)

Suppression de toute condition d'âge pour la réduction d'impôt
au titre des frais d'hospitalisation et de cure

Commentaire : le présent article introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des finances, tend à supprimer toute condition d'âge pour la réduction d'impôt accordée en application de l'article 199 quindecies du code général des impôts au titre des frais d'hospitalisation et de cure.

A l'heure actuelle, les contribuables âgés de plus de 70 ans peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des dépenses engagées pour leur hébergement dans un établissement de long séjour ou une section de cure médicale, quelle que soit leur situation de famille.

La réduction d'impôt est égale à 25 % des dépenses engagées dans une limite annuelle de 15.000 francs par foyer, soit une réduction d'impôt maximale de 3.750 francs.

Il faut noter que seuls peuvent être pris en compte, les frais d'hébergement, à l'exclusion des dépenses de soins. On note également que le plafond de 15.000 francs, qui ne fait l'objet d'aucune réduction pro rata temporis , lorsque les dépenses n'ont été exposées qu'une partie de l'année, n'est pas majoré en cas d'hébergement des deux époux.

L'Assemblée nationale a souhaité dans le cadre des réflexions contenues dans le rapport récemment remis au Premier Ministre par Mme Paulette Guinchard-Kunstler, intitulé " Vieillir en France : enjeux et besoins d'une nouvelle orientation de la politique en direction des personnes âgées en perte d'autonomie ", supprimer la condition d'âge.

En effet, certaines pathologies graves et invalidantes et en particulier la maladie d'Alzheimer rendent indispensable le placement avant l'âge de 70 ans fixé par l'article 199 quindecies du code général des impôts.

Selon le rapport de M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, un tel aménagement représente une moins-value de l'ordre de 70 millions de francs par an, à comparer à la dépense fiscale actuelle évaluée à 240 millions de francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8

Institution d'une exonération des impôts commerciaux en faveur des associations qui exercent des activités lucratives accessoires

Commentaire : le présent article propose que les organismes constitués sous forme associative dont la gestion est désintéressée puissent exercer des activités lucratives accessoires tout en restant exonérés des impôts commerciaux, sous réserve que les recettes liées à ces activités n'excèdent pas 250.000 francs.

Le présent article concrétise l'une des promesses faites par le Premier ministre au monde associatif lors des assises de la vie associative tenue à Paris les 20 et 21 février 1999. Il a pour objet de remédier aux conséquences de l'instruction du 15 septembre 1998 qui a confirmé l'assujettissement des associations aux impôts commerciaux pour les activités lucratives accessoires, dès lors que ces activités sont exercées dans des conditions identiques à celles des entreprises commerciales.

Il vise à faire bénéficier les associations concernées d'une exonération d'impôts commerciaux à condition que le montant de leurs recettes commerciales n'excède pas 250.000 francs par an.

En outre, ces organismes seraient également placés hors du champ de la taxe professionnelle et exonérés de taxe sur la valeur ajoutée.

Enfin, il est proposé de simplifier la gestion du paiement de l'impôt sur les sociétés en supprimant l'obligation de verser des acomptes pour les associations, fondations et congrégations dont les activités lucratives accessoires restent de faible importance (chiffre d'affaires imposé de l'année précédente inférieur à 350.000 francs).

On notera qu'un des motifs de mécontentement du monde associatif ces derniers mois reste pendant : le fait d'exiger que les associations soient gérées de façon bénévole se heurte en effet à la réalité des grandes associations qui ont fréquemment recours à des dirigeants à temps plein et rémunérés à ce titre. Il conviendrait donc que le gouvernement clarifie ce point dans les meilleurs délais.

I.  L'INSTRUCTION FISCALE DU 15 SEPTEMBRE 1998 VISAIT À REMÉDIER À L'INSÉCURITÉ FISCALE DES ASSOCIATIONS

A. L'INSÉCURITÉ FISCALE DES ASSOCIATIONS


Compte tenu de leur but non lucratif, les associations sont placées par la loi hors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle et bénéficient de larges exonérations de TVA. Elles sont pour l'essentiel assujetties à la taxe sur les salaires.

Impôt sur les sociétés

L'impôt sur les sociétés s'applique à toutes les " personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " (article 206-1 du CGI). Les associations sont donc passibles de cet impôt si et seulement si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.

Deux exonérations spécifiques sont prévues à l'article 207 du CGI en faveur :

- des associations organisant avec le concours des collectivités territoriales des manifestations telles que foires, expositions et réunions sportives ;

- de toutes associations à raison des opérations exonérées de TVA par le 1° du 7 de l'article 261 du CGI. Cette dernière exonération est toutefois d'un effet pratique limité, les associations ainsi exonérées de TVA n'étant le plus souvent pas passibles de l'impôt sur les sociétés.

Les associations sans caractère lucratif sont toutefois soumises à l'impôt sur les sociétés à hauteur des revenus de leur patrimoine (location d'immeubles bâtis et non bâtis, exploitation des propriétés agricoles ou forestières, revenus de capitaux mobiliers hors actions de sociétés françaises et obligations) mais ces revenus sont taxés au taux de 24 % et même de 10 % pour les dividendes émanant de certaines sociétés immobilières et sociétés agréées.

Les associations qui ne se livrent à aucune opération lucrative sont exonérées de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés prévue à l'article 223 septies du CGI.

Enfin, les associations qui ne sont pas passibles de l'IS ne le sont pas davantage de la taxe d'apprentissage qui représente 0,5 % des salaires versés par l'entreprise.

Taxe professionnelle

L'article 1447 du CGI dispose que " la taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ". Il a constamment été interprété comme plaçant les associations à but non lucratif hors du champ d'application de la taxe professionnelle.

Le CGI prévoit en outre certaines exonérations au profit, notamment :

- des établissements d'enseignement du second degré qui ont passé avec l'Etat un contrat et des établissements d'enseignement supérieur qui ont passé une convention ou qui font l'objet d'une reconnaissance d'utilité publique (article 1460) ;

- des entreprises de spectacle (article 1464 A) : cette exonération relève des collectivités territoriales ou de leurs groupements ; elle est plafonnée à 50 %.

La Taxe sur la valeur ajoutée

Le champ d'application de la TVA n'exclut pas les associations à but non lucratif. En effet, l'article 256 A du CGI dispose ainsi que " sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leurs interventions ".

Toutefois, les associations font l'objet de plusieurs exonérations qui leur sont propres, le point commun de ces exonérations étant de viser les organismes agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée (mouvements d'opinion, associations fermées, associations ouvertes, manifestations de bienfaisance).

Source : Rapport de M. Guillaume Goulard, fiches n° 1 et 2

Toutefois, le bénéfice de ce régime fiscal privilégié est subordonné au caractère non lucratif de leur activité qui s'apprécie à l'aune de deux critères :

- une gestion désintéressée : cela signifie que l'association ne doit concourir, ni directement ni indirectement, à l'enrichissement de ses membres ;

- une gestion dont les objectifs et les méthodes ne peut les assimiler à des entreprises commerciales.

Selon l'article 261 du CGI qui concerne les exonérations de TVA, le caractère désintéressé de la gestion peut être évalué au regard de trois critères :

- l'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ;

- l'organisme ne doit pas procéder à aucune distribution directe ou indirecte des bénéfices, sous quelque forme que ce soit ;

- les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports.

Toutefois, même gérée de façon désintéressée, une association peut être considérée comme un organisme à but lucratif pour l'application des impôts commerciaux dès lors qu'elle exerce une activité similaire à celle d'une entreprise commerciale et qu'elle l'exerce dans les mêmes conditions que celle-ci.

Bien que non contestable, ce principe est celui qui donnait lieu à la plus grande partie des difficultés concrètes, à la fois parce que les services fiscaux en retenaient une interprétation trop large et parce qu'il était très inégalement appliqué sur l'ensemble du territoire.

En outre, les critères fixés il y a plus de vingt ans pour bénéficier du régime d'exonération se sont révélés inadaptés à la situation actuelle caractérisée par l'intervention croissante du milieu associatif. Les élus se sont ainsi fait l'écho des inquiétudes émanant des associations à la suite de l'augmentation des redressements fiscaux et de l'insécurité fiscale qu'une telle situation engendre.

Car, comme le relève le rapport Goulard, à la différence des sociétés commerciales pour lesquelles les impositions supplémentaires résultant de redressements fiscaux sont " économiquement supportables ", une association qui subit un contrôle et un redressement se voit contrainte de supporter d'un seul coup la totalité de l'impôt dû au titre des trois années précédentes. Les redressements notifiés aux associations sont en conséquence presque toujours disproportionnés par rapport à leurs possibilités financières.

A ce titre, il préconisait plusieurs mesures :

- la publication d'une instruction clarifiant le régime fiscal des associations en déterminant de façon objective la frontière entre les activités lucratives et les activités non lucratives ; cette proposition a donné lieu à l'instruction du 15 septembre 1998 ;

- l'institution d'une procédure de " garantie " ou de " rescrit " permettant aux associations d'interroger l'administration sur leur statut fiscal sans encourir de contrôle et de redressement ; cette préconisation a également été suivie de mesures 49( * ) ;

- l'institution de voies de recours adaptées, qui supposent une extension de la compétence de la commission départementale des impôts et un aménagement de sa composition ; cette proposition a fait l'objet de l'article 111 de la loi de finances pour 1999.

B. L'INSTRUCTION DU 15 SEPTEMBRE 1998 ET SES DIFFICULTÉS D'APPLICATION

1.  Les dispositions de l'instruction du 15 septembre 1998

L'instruction 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 tendait à remédier aux incertitudes relevées ci-dessus.


Cette instruction prévoit ainsi qu'une association ne peut se trouver assujettie aux impôts commerciaux que si :

- sa gestion est intéressée, c'est-à-dire que des rémunérations ou des avantages significatifs sont consentis aux dirigeants 50( * ) ou à des tiers ;

- ou si elle développe une activité exercée par une entreprise lucrative, en visant le même public, en pratiquant des prix comparables et en ayant recours à des méthodes commerciales 51( * ) .

Pour apprécier si une association relève effectivement du secteur lucratif ou non, il convient désormais de procéder à l'analyse suivante :

Un préalable consiste à examiner si l'association n'exerce pas son activité principalement au profit d'entreprises . Dans ce cas, l'association est nécessairement soumise aux impôts commerciaux. A défaut, le principe d'égalité devant l'impôt ne serait pas respecté.

Il convient ensuite de vérifier le caractère désintéressé de la gestion de l'organisme. Si la gestion est intéressée (rémunération significative des dirigeants, avantages en nature consentis à ces derniers et à leurs proches, etc ...), l'association est soumise aux impôts commerciaux.

L'interrogation suivante en cas de gestion désintéressée consiste à déterminer si les activités exercées par l'organisme ne concurrencent pas une entreprise.

Si la gestion est désintéressée et si l'activité n'est pas concurrentielle, il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse, l'organisme n'est pas soumis aux impôts commerciaux.


Dans le cas contraire, dès lors que l'activité est concurrentielle, l'analyse doit être poursuivie.

La dernière interrogation porte alors sur les modalités d'exercice de chaque activité de l'organisme. Les modalités à examiner sont au nombre de quatre, classées par ordre d'importance décroissante :

le " produit " : l'activité (prestation, vente) tend-elle à satisfaire des besoins déjà pris en compte par le marché, ou pas ?

le " public " concerné : l'activité est-elle réalisée au profit de catégories de personnes en situation difficile sur le plan moral, physique ou financier ?

les " prix " pratiqués : les tarifs sont-ils nettement inférieurs à ceux des organismes lucratifs ?

la " publicité " utilisée : l'organisme a-t-il recours aux mêmes méthodes et procédés commerciaux que les entreprises pour se créer une clientèle (recours à la publicité, etc...) ?

L'examen de ces quatre critères doit permettre de vérifier que l'organisme ne cherche pas à se " placer " sur le marché, comme n'importe quelle autre entreprise.

L'instruction précise également qu'un organisme dont l'activité principale est non lucrative peut réaliser des opérations de nature lucrative, notamment quand celles-ci sont nécessaires à l'exercice de son activité non lucrative. Dans cette hypothèse, le caractère non lucratif d'ensemble de l'organisme n'est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables de l'activité principale non lucrative, par leur nature. Il est, en outre, nécessaire que l'activité non lucrative demeure " significativement prépondérante ", la partie lucrative ne devant pas orienter l'ensemble de l'activité de l'organisme.

L'instruction ajoute qu' en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle, l'absence de remise en cause du caractère non lucratif de l'activité principale suppose également que les opérations lucratives soient réalisées dans le cadre d'un secteur d'activité distinct ou d'une filiale .

Une nouvelle instruction est parue le 16 février 1999 (n° 4H-1-99) afin de détailler les conditions dans lesquelles une association qui exerce une activité lucrative peut placer cette activité dans un secteur d'imposition distinct. Cette nouvelle instruction a notamment apporté les éléments suivants :

- en principe, sont considérées comme dissociables de l'activité principale non lucrative les activités qui correspondent à des prestations de nature différente : vente d'un journal, même si le thème de ce dernier correspond à l'objet social de l'organisme, exploitation d'un bar ou d'une buvette, vente d'articles divers, même illustrés du logo de l'association, location de salles ;

- la notion de prépondérance doit s'appréhender de la manière qui rende le mieux compte du poids réel de l'activité non lucrative de l'organisme ; à cet égard, le critère comptable du rapport des recettes commerciales sur l'ensemble des moyens de financement de l'organisme (recettes, subventions, dons, legs, etc.) apparaît comme le plus objectif ; il est toutefois possible d'apprécier cette notion en fonction de la part respective des effectifs ou des moyens qui sont consacrés respectivement à l'activité lucrative et à l'activité non lucrative ; en toute hypothèse, il est généralement préférable d'apprécier la prépondérance par rapport à une moyenne pluriannuelle afin d'éviter de tirer des conséquences d'une situation exceptionnelle.

2. Les difficultés d'application

L'instruction du 15 septembre 1998 comme celle du 16 février 1999 ont suscité de grandes inquiétudes au sein du monde associatif.

L'impossibilité pour un grand nombre de petites associations de se conformer aux conditions leur permettant de rester hors du champ d'application des impôts commerciaux alors même que leur activité demeure essentiellement non lucrative, est rapidement apparue. De nombreuses associations se sont ainsi signalées pour souligner les difficultés que faisaient surgir les dispositions des deux instructions précitées.

En outre, les services fiscaux se sont retrouvés assaillis par une multitude de demandes d'associations désireuses d'obtenir des précisions sur le régime fiscal qui leur est applicable.

Lors des assises de la vie associative tenue à Paris les 20 et 21 février 1999, le Premier ministre a en conséquence annoncé deux mesures importantes pour mettre un terme aux légitimes inquiétudes du monde associatif :

- en premier lieu, il a annoncé le report de l'entrée en vigueur des instructions du 15 septembre 1998 et du 16 février 1999 précitées au 1 er janvier 2000 ;

- en second lieu, il a promis une exonération d'impôts commerciaux pour les certaines activités accessoires développées par les associations.

Tel est l'objet du présent article.

II.  LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le présent article vise à exonérer explicitement d'impôts commerciaux les organismes sans but lucratif constitués sous forme associative qui, en vertu du 1 bis ajouté à l'article 206 du code général des impôts, remplissent les trois conditions suivantes :

- leur gestion est désintéressée ;

- leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes ; on a vu que cette notion avait été explicitée par l'instruction du 16 février 1999 précitée ;

- le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au titre des activités lucratives au cours de l'année civile n'excède pas 250.000 francs par an ; en mentionnant les seules recettes d'exploitation, le gouvernement a voulu expressément exclure de l'exonération toutes les autres recettes : produits des parts et actions de sociétés, résultats de participation, produits de créances ; en outre, il a expressément précisé que les organismes à but non lucratif sont assujettis à l'impôt sur les sociétés en raison des résultats de leurs activités financières lucratives et de leurs participations.

Cette mesure vise les associations de la loi de 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les fondations d'entreprise ou reconnues d'utilité publique ainsi que les congrégations.

Les organismes ainsi exonérés deviennent en revanche passibles de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et de la taxe professionnelle aussitôt que l'une des trois conditions n'est plus remplie, mais selon des modalités différentes.

1. La situation des organismes visés au regard de l'impôt sur les sociétés

Le I du présent article précise que les organismes exonérés deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés à compter du 1 er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions n'est plus remplie. En application du droit commun, la totalité de l'impôt dû au titre d'une année est liquidé le 15 avril de l'année suivante. Cette disposition supposait d'aménager les règles prévues en matière de versement des acomptes afin de ne pas rendre une association perpétuellement redevable de l'impôt sur les sociétés, dans l'hypothèse où elle l'aurait été une fois.

En effet, l'article 1668 du CGI dispose que l'impôt sur les sociétés est payé en quatre termes déterminés provisoirement d'après le résultat du dernier exercice clos. En l'absence de dispositions spécifiques, un organisme qui aurait été imposé au titre des résultats réalisés l'année N aurait donc du acquitter en N + 1 quatre acomptes au titre du résultat de l'année N + 1, quand bien même ce résultat n'aurait au final pas été imposable.

Pour éviter de mettre en place un système de remboursement des associations qui se trouveraient dans ce cas, le présent article prévoit dans son paragraphe IV une disposition tendant à dispenser les organismes sans but lucratif du paiement des acomptes à condition que le chiffre d'affaires du dernier exercice clos soit inférieur à 350.000 francs.

On rappellera également que les organismes sans but lucratif dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500.000 francs bénéficieront, en vertu de l'article 11 du présent projet, d'une exonération d'imposition forfaitaire annuelle (IFA).

2. La situation des organismes visés au regard de la TVA

En vertu du a du 1° du 7 de l'article 261 du CGI, les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes sans but lucratif dont la gestion est désintéressée sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée.

Il en est de même, en vertu du b du 1° du 7 du même article, pour les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui répondent aux conditions suivantes :

- leur gestion est désintéressée ;

- les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ;

- des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient.

Le paragraphe II du présent article propose d'instituer un nouveau cas d'exonération de TVA, sans possibilité d'option, en faveur des organismes répondant aux trois conditions précitées, c'est-à-dire une gestion désintéressée, des activités non lucratives significativement prépondérantes et des recettes d'exploitation inférieures à 250.000 francs au titre des activités lucratives. Une telle disposition semble conforme aux dispositions communautaires dès lors qu'un plafond de recettes est fixé.

Toutefois, certaines opérations sont explicitement exclues du bénéfice d'une telle exonération. Il s'agit :

- des opérations concourant à la production, à la livraison, à la transformation ou à l'amélioration d'immeubles ;

- des opérations donnant lieu à la perception de revenus patrimoniaux.

On rappellera enfin que les associations bénéficient de la franchise de TVA ouverte aux micro-entreprises par l'article 7 de la loi de finances pour 1999.

3. La situation des organismes visés au regard de la taxe professionnelle

En application du paragraphe III du présent article, les organismes qui remplissent les trois conditions précitées sont exonérés de taxe professionnelle.

Toutefois, comme pour l'impôt sur les sociétés, ils deviennent imposables à compter de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions n'est plus remplie.

En principe, cette situation est assimilée à une création d'établissement et, en vertu du II de l'article 1478 du CGI, la taxe professionnelle n'est pas due pour l'année de cette création. Elle est due pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition étant alors calculée d'après les immobilisations dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité. Enfin, en principe toujours, la base du nouvel exploitant est réduite de moitié pour la première année d'imposition, en vertu du troisième alinéa du II de l'article 1478.

Toutefois, le présent article prévoit que lorsque l'organisme se livrait à une activité lucrative l'année précédant celle au cours de laquelle il devient imposable, cette réduction de base n'est pas applicable.

En sens inverse, lorsque les trois conditions posées au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 du CGI sont à nouveau réunies, l'organisme reste redevable de la taxe au titre de l'année au cours de laquelle il les remplit, lorsqu'il ne les remplissait pas l'année précédente.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8 bis (nouveau)

Relèvement de l'abattement de taxe sur les salaires
au profit des associations

Commentaire : le présent article tend à faire passer l'abattement sur les salaires dont profitent notamment les associations à 33.000 francs au lieu de 29.070 francs en 1999.

I. LE DISPOSITIF EN VIGUEUR


L'article 231 du code général des impôts prévoit que les organismes qui versent des salaires sont passibles d'une taxe assise sur le montant de ces salaires 52( * ) . En conséquence, les organismes sans but lucratif sont eux aussi passibles de cet impôt.

Toutefois, le mouvement associatif au sens large bénéficie d'un régime favorable de taxe sur les salaires.

D'une part, l'article 231 bis L du code général des impôts dispose que les rémunérations versées par des organismes sans but lucratif aux personnes qu'ils recrutent à l'occasion et pour la durée des manifestations de bienveillance ou de soutien, sont exonérées de taxe sur les salaires, si ces manifestations sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée.

D'autre part, l'article 1679 A du même code prévoit un abattement de 29.070 francs sur la taxe due au titre des salaires versés en 1999, au bénéfice des associations et autres organismes sans but lucratif.

Trois types d'organismes sont concernés :

- les associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 ;

- les syndicats professionnels et leurs unions, tels qu'ils figurent au chapitre 1 er du titre 1 er du livre IV du code du travail ;

- les mutuelles régies par le code de la mutualité lorsqu'elles emploient moins de trente salariés.

Concrètement, cela signifie que la taxe sur les salaires n'est exigible, pour les organismes précédemment cités, que pour la partie de son montant dépassant 29.070 francs en 1999.

Cette disposition revient à exonérer de la taxe sur les salaires les rémunérations versées à près de six salariés payés au SMIC.

Ce plafond est relevé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à porter l'abattement à 33.000 francs. Pour l'an 2000, les organismes visés à l'article 1679 A ne devront plus acquitter que la fraction de taxe sur les salaires qui excède 33.000 francs.

Les petits organismes, dont le montant de taxe sur les salaires est inférieur à 33.000 francs, sont totalement exonérés.

Le coût de cette mesure est évalué à 100 millions de francs pour 2000.

Cette mesure a été proposée pour calmer en partie les inquiétudes des associations d'aide à la personne provoquées par l'adoption de l'article 4 du projet de loi de finances pour 2000. Cet article réduit à 5,5 % le taux de la TVA sur les prestations de services d'aide à la personne fournies par des entreprises agréées. Dans la mesure où les associations d'aide à la personne sont déjà exonérées de la TVA, cette mesure bénéficiera uniquement aux entreprises qui risquent de concurrencer le secteur associatif.

Enfin, il est à noter que le rapport au Premier ministre de M. Guillaume Goulard 53( * ) faisait état des critiques de certaines associations vis-à-vis de cet impôt qu'elles jugent trop lourd et, à ce titre, défavorable à l'emploi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 9

Mesures en faveur des versements effectués par les entreprises
dans le cadre du mécénat

Commentaire : le présent article propose d'admettre les versements effectués par les entreprises au profit des organismes sans but lucratif comme des charges déductibles du résultat dans les conditions de droit commun, et de généraliser à l'ensemble des organismes la possibilité pour l'entreprise versante d'associer son nom aux opérations financées, possibilité dont ne bénéficiait jusqu'à présent que la Fondation du Patrimoine.

I.  RAPPEL DU DROIT EXISTANT


En principe, ne sont déductibles des résultats d'une entreprise que les dons et subventions versés dans l'intérêt direct de l'entreprise, c'est-à-dire ceux qui relèvent d'une gestion commerciale normale.

Toutefois, en vertu de l'article 238 bis du code général des impôts, les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés sont autorisées à déduire du montant de leurs bénéfices les versements qu'elles ont effectués au profit d'organismes sans but lucratif ainsi qu'à certains organismes agréés dans la limite de 2,25 â ou 3,25 â de leur chiffre d'affaires selon la nature des organismes bénéficiaires.

A ces limites particulières s'ajoute un plafond global : le montant total des dépenses déductibles au titre d'un exercice ne peut excéder 3,25 % du chiffre d'affaires. Ce plafond prend également en compte les déductions pratiquées au titre des dons d'oeuvres d'art à l'Etat et de l'acquisition d'oeuvres d'art contemporaines (article 238 bis AA et 238 bis AB du CGI).

Le plafond de déduction est de 2,25 â lorsque les versements sont effectués au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d'une fondation d'entreprise.

Ce plafond est porté à 3,25 â du chiffre d'affaires lorsque les dons sont faits à des fondations ou associations reconnues d'utilité publique, ainsi qu'aux associations cultuelles ou de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des dons et legs et aux établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle. Sont également déductibles dans cette limite les versements faits à des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés à but non lucratif agréés par le ministre chargé du budget ainsi que par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ou par le ministre chargé de la culture.

Lorsque ces limites sont atteintes, l'excédent de dépenses peut être déduit du bénéfice imposable réalisé par l'entreprise concernée au cours des cinq exercices suivants, après déduction des versements propres à ces exercices.

Enfin, lorsqu'ils sont effectués au cours d'un exercice déficitaire, ces versements sont reportables sur les cinq exercices suivants celui au cours duquel ils ont été effectués, après imputation des versements de même nature effectués au cours des exercices concernés, dans la limite qui leur est applicable et dans la limite globale de 3,25 â.

Ces versements ne sont déductibles que s'ils ne donnent lieu à aucune contrepartie, y compris l'association du nom de l'entreprise versante à l'opération financée, à l'exception des versements effectués au profit de la Fondation du Patrimoine. Cette dernière exception a d'ailleurs été introduite à l'initiative du Sénat à l'occasion de la loi de finances pour 1997.

II. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE


Les règles d'imputation exposées précédemment obligent les entreprises qui ont exposé des dépenses de mécénat à effectuer une gestion fine des avantages fiscaux correspondants.

Aussi, afin d'encourager les actions de mécénat des entreprises, il est proposé :

- d'autoriser les entreprises mécènes à associer leur nom aux opérations qu'elles soutiennent. Cette mesure leur permettra de signer leur action sans que cette signature soit considérée désormais comme une contrepartie les privant du bénéfice de l'avantage fiscal ;

- de simplifier le suivi des dépenses de mécénat lorsque l'entreprise est déficitaire au plan fiscal en lui permettant de déduire les dons qu'elle effectue au titre du mécénat, de son résultat et non plus de son seul bénéfice ; les versements concernés seraient donc considérés comme des charges déductibles dans les conditions de droit commun.

Cette disposition permettra dorénavant aux entreprises de cumuler les plafonds de déduction sur six ans, dans l'hypothèse ou au moins l'exercice final est excédentaire. En outre, la nouvelle règle est d'autant plus intéressante que la législation fiscale prévoit une imputation des déficits sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire.

A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à appliquer cette dernière mesure aux versements effectués par des entreprises à des sociétés ou organismes de recherche scientifique et technique agréés visés à l'article 238 bis A du code général des impôts.

Ces mesures seraient applicables pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, pour l'impôt dû au titre de 1999, et, pour les sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 1999.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10

Mesures en faveur de la création d'entreprises

Commentaire : le présent article comprenait dans sa version initiale, trois dispositifs destinés à favoriser la création d'entreprises, à travers : la pérennisation du report d'imposition des plus-values de cession dont le produit est réinvesti dans les fonds propres d'une PME, la suppression du caractère provisoire du régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise étendus, en même temps, à l'ensemble des jeunes entreprises de croissance, quelle que soit la nature de leur activité et, enfin, l'exonération du droit de 1.500 francs perçu sur les apports effectués lors de la constitution de sociétés.

Le contenu de cet article, tel que le gouvernement l'a conçu, est disparate et les mesures qu'il prévoit d'inégale importance. Toutes tendent néanmoins, il est vrai, à favoriser la création d'entreprises.

Les modifications prévues du code général des impôts concernent donc le régime des plus-values de cession de valeur mobilière, des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE) et des droits d'apports exigés lors de la constitution de sociétés.

Deux de ces mesures consistent en la pérennisation de dispositions provisoires relatives, pour la première, aux réinvestissements de plus-values et, en ce qui concerne la seconde, aux bons de création d'entreprises (BSPCE).

I. LE PROJET INITIAL : DIVERSES DISPOSITIONS D'INÉGAL INTÉRÊT MAIS NÉANMOINS OPPORTUNES

Malgré le caractère disparate et l'inégale portée des mesures initialement proposées par le gouvernement dans cet article, celles-ci n'en vont pas moins dans le bon sens. S'agissant particulièrement de l'extension du champ d'application du régime des bons de création d'entreprises et de la pérennisation des avantages fiscaux qui sont accordés à leurs cessions ainsi qu'à celles de titres dont le produit est réinvesti dans les fonds propres de jeunes sociétés non cotées.

La suppression du caractère temporaire de ces incitations est, en l'occurrence, appréciable dans la mesure où elle contribue, de façon générale, à la fois à simplifier et à stabiliser l'environnement fiscal des entreprises nouvellement créées, et, en ce qui concerne les BSPCE, permet leur montée en régime qui nécessite un certain temps et augmente leur caractère attractif.

A. LA PÉRENNISATION DU REPORT D'IMPOSITION DES PLUS VALUES RÉINVESTIES DANS LES FONDS PROPRES DES ENTREPRISES

1. Un objectif louable


L'objectif de cette mesure est d'inciter des personnes expérimentées (salariés, dirigeants d'entreprises) à investir le produit de leur réussite dans l'apport de fonds propres à des entreprises nouvelles.

En remployant ainsi les plus values retirées de la cession de droits sociaux de leur entreprises dans la souscription au capital initial ou la participation à une augmentation du capital d'une jeune société, ces personnes qualifiées souvent de " business angels " (sorte de mentors) sont susceptibles de prodiguer en même temps de précieux conseils à leurs émules.

L'apport de financements recherchés pourra donc se doubler d'un transfert de compétences.

2. La consécration de dispositions initiées par de précédentes lois de finances

C'est l'article 79 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) qui a institué ce mécanisme de report d'imposition de plus values de cession ou de droits sociaux normalement imposables au taux proportionnel de 16 %.

Il devait initialement bénéficier seulement à des sociétés créées depuis moins de sept ans mais l'article 5 de la loi de finances pour 1999 a porté ce délai à quinze ans.

3. Un dispositif restreint

a) Les apports concernés

Les apports doivent consister en une souscription au capital des sociétés éligibles à l'occasion soit de leur constitution, soit d'opérations d'augmentation de capital en numéraire.

Les plus values dont le produit est ainsi réinvesti proviennent de la cession à titre onéreux :

- de titres mentionnés à l'article 92 B du code général des impôts (valeurs mobilières négociées sur un marché réglementé ou sur le marché hors cote, obligations et autres titres d'emprunts négociables non cotés) ;

- de droits sociaux , visés à l'article 92 J du même code, cédés par certains associés de sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés dont la part dans les bénéfices sociaux n'excède pas 25 %.

b) De nombreuses limitations

- concernant le cédant : il doit avoir été, pendant cinq ans, salarié ou mandataire social de la société dont les titres sont cédés. Son foyer fiscal doit en avoir détenu plus de 10 % des bénéfices sociaux.

Mais il lui est interdit, en revanche, de devenir salarié ou mandataire social de la société bénéficiant de l'apport (ou même d'y détenir une participation substantielle de plus de 25 % des droits pendant les cinq années suivantes).

- concernant la société bénéficiaire de l'apport :

Elle ne doit pas exercer une activité bancaire, financière, immobilière ou d'assurance. Il lui faut être une véritable PME, réellement nouvelle, ce qui implique :

. qu'elle ne soit pas cotée à la date de l'apport (ses titres pouvant faire néanmoins l'objet d'une négociation sur le marché libre dit " over the counter ") ;

. qu'elle soit détenue pour 75 % au moins, directement ou indirectement, par des personnes physiques (hors participation minoritaire d'organismes de capital - risque) ;

. qu'elle ait été immatriculée au registre du commerce depuis moins de quinze ans (moins de sept ans pour les apports réalisés avant le 31 août 1998) ;

. qu'elle ne soit pas issue d'une concentration, d'une restructuration d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes.

En outre, la société bénéficiaire de l'apport doit être passible de l'impôt sur les sociétés en France, de plein droit ou sur option.

- dans le temps : le réinvestissement doit avoir lieu au plus tard avant la fin de l'année qui suit celle de la cession.

Enfin, il ne s'agit encore que d'un dispositif temporaire, en attendant que la pérennisation proposée ne prenne effet, puisque ne sont concernées que les cessions réalisées entre le 1 er janvier 1998 et le 31 décembre 1999, soit une période de deux ans.

La transmission, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit, le rachat ou l'annulation des titres remis en contrepartie de l'apport mettent fin au report d'imposition accordé.

En résumé, ce dispositif d'aide à la création d'entreprises s'adresse effectivement à des personnes, salariés, associés ou dirigeants, s'étant précédemment engagées de façon significative (en droit fiscal, le seuil de 10 % distingue les participations de simples placements de portefeuille) et durable (puisqu'une durée de cinq ans est prise en compte) dans l'activité d'une entreprise avec une certaine réussite dont témoignent les plus values de droits sociaux convoitées.

En bref, il s'agit donc bien, comme cela a été souligné plus haut, de faire bénéficier de jeunes PME des capitaux et des conseils d'entrepreneurs expérimentés et efficaces.

Les nombreuses restrictions apportées à ce mécanisme de ré-emploi de plus values peuvent sembler justifiées par le double souci d'en réserver le bénéfice à de vraies PME, réellement nouvelles et d'éviter certains détournements (par exemple la création, par ce biais, de filiales de groupes ou de sociétés préexistantes ou le développement de relations " incestueuses " entre la société dont les titres sont cédés et la société bénéficiaire, consistant à recaser des dirigeants de la première ou à placer la seconde sous son contrôle).

Le dispositif dont le paragraphe I du présent article propose la pérennisation n'en demeure pas moins (voir infra) complexe et sans doute peu incitatif (le coût n'en est d'ailleurs pas précisé). Il ne s'agit jamais que d'un report et non d'une exonération.

B. RENDRE DURABLE LE REGIME DES BONS DE CREATION D'ENTREPRISE ET EN ETENDRE LE CHAMP D'APPLICATION

Comme les mesures qui viennent d'être décrites, celles relatives aux bons de création d'entreprises, proposées par les paragraphes I et IV de cet article, s'inscrivent dans la continuité de dispositions adoptées dans le cadre de textes antérieurs qu'elles tendent à consacrer, en assurant leur pérennisation.

1. La stabilisation du régime des bons de création d'entreprises

a) Des avancées successives

Plus ou moins inspirés des " stock-options " (plans d'options de souscription ou d'achat d'actions d'une entreprise par ses propres dirigeants ou salariés), mais bénéficiant d'un régime fiscal nettement plus avantageux (voir infra), les BSPCE (bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises) permettent à la fois d'attirer vers les jeunes sociétés à fort potentiel de croissance les talents dont elles ont besoin et de leur procurer des fonds propres. Pour les personnels concernés, qui croient au projet fondateur de leur société, l'espérance d'une forte plus value constitue un instrument à la fois de motivation, de fidélisation et de compensation d'une moindre rémunération immédiate.

La récompense ainsi obtenue, dans le meilleur des cas, est aussi la contrepartie d'un risque réel car le succès n'est pas toujours au bout du chemin.

Les BSPCE, que l'on peut désigner par l'appellation résumée de " bons de création " ou de " bons de créateurs d'entreprises " ont été institués par l'article 76 de la loi de finances pour 1998.

Ce mécanisme a été réservé, au départ, à des sociétés présentant les mêmes caractéristiques que celles visées par le dispositif, analysé plus haut, du paragraphe I (réinvestissement dans les fonds propres de jeunes sociétés du produit de plus-values de cessions de titres).

Il devait s'agir, en effet, initialement de sociétés :

- non cotées, créées depuis sept ans, passibles de l'impôt sur les sociétés,

- entièrement nouvelles, c'est-à-dire non issues de concentrations, de restructurations, d'extensions ou de reprises d'activités préexistantes,

- détenues, directement ou indirectement, pour 75 % au moins par des personnes physiques (sans tenir compte des participations d'organismes de capital risque).

En bref, les sociétés autorisées à émettre ces bons fiscalement avantageux devaient être de vraies PME, entièrement nouvelles et indépendantes. En revanche, faute de pouvoir définir juridiquement cette notion, il n'était pas exigé qu'elles soient innovantes (bien que le mécanisme considéré soit particulièrement bien adapté aux entreprises de ce type).

Les bénéficiaires des BSPCE étaient et demeurent les salariés de la société ainsi que ses mandataires sociaux soumis au régime fiscal des salariés.

Comme pour les reports d'imposition de plus-values, l'article 5 de la loi de finances pour 1999 a étendu le régime de ces bons aux sociétés de moins, non plus de sept, mais de quinze ans.

Le même texte a, par ailleurs, autorisé leur émission par des sociétés issues d'essaimage (bien qu'elles résultent de l'extension, par ailleurs interdite, d'activités préexistantes).

Par la suite, la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a encore substantiellement élargi le champ d'application du dispositif.

Celui-ci s'applique, en effet, désormais :

- aux sociétés cotées sur les marchés de valeur de croissance en France (nouveau marché) et au sein de l'espace économique européen ;

- à celles détenues par des personnes physiques à hauteur non plus de 75 % mais de 25 % (pour tenir compte de la dilution inévitable de la part de capital détenu par les fondateurs d'une société en croissance rapide ainsi que de l'insuffisance de fonds propres de chercheurs qui créent leurs entreprises).

La loi précitée a enfin prorogé le régime des BSPCE jusqu'au 31 décembre 2001, alors qu'il devait être expérimenté, initialement, pendant une période de seulement deux ans allant du 1 er janvier 1998 au 31 décembre 1999.

b) Un régime fiscal avantageux

Le régime d'imposition des BSPCE (ou BCE) est précisé par une instruction du 16 juillet 1998 du service de la législation fiscale de la Direction Générale des Impôts.

Ils sont émis dans les conditions prévues par l'article 339-5 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, relatif aux bons de souscription dits " autonomes " 54( * ) .

Réservés aux membres du personnel salarié de la société ainsi qu'à ses dirigeants soumis au régime fiscal des salariés (à l'exclusion donc des administrateurs, membres du conseil de surveillance, mandataires, etc... qui ne sont pas dans ce cas), ces bons confèrent à leurs bénéficiaires le droit de souscrire des titres (actions ou certificats d'investissement) représentant une quote-part du capital de la société émettrice, à un prix fixé de manière intangible à la date de leur attribution.

Attribués " intuitu personnae " et donc rigoureusement incessibles, les BCE sont soumis aux dispositions qui régissent les valeurs mobilières (autorisation par les actionnaires réunis en assemblée générale extraordinaire etc...).

Les titres sont émis au fur et à mesure de l'exercice des bons, c'est à dire lorsque les bénéficiaires font une demande de souscription accompagnée du versement du prix correspondant. Le prix d'acquisition est fixé au jour de l'attribution par l'assemblée générale des actionnaires. Les bons doivent être exercés par leurs titulaires dans les cinq ans qui suivent.

Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des BCE est imposé selon le taux de droit commun, particulièrement avantageux, du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux, qui est de 16 %, (26 % compte tenu des prélèvements sociaux 55( * ) additionnels), lorsque le bénéficiaire, à la date de la cession, est ou a été pendant au moins trois ans, salarié de la société émettrice.

Si cette dernière condition d'ancienneté n'est pas respectée, la plus value est taxable à un taux majoré de 30 % (soit 40 % en incluant les prélèvements sociaux).

Ces modalités d'imposition paraissent particulièrement attrayantes, eu égard au taux marginal de l'impôt sur le revenu en France (54 %) et en comparaison du régime des stock-options, du fait, principalement de l'absence de cumul entre plus-value d'acquisition (plus sévèrement taxée) et plus-value de cession.

Le régime fiscal des BCE est également beaucoup plus simple (notamment du fait qu'il n'a pas eu encore à subir de modifications) et nettement plus souple (mis à part le respect d'une condition d'ancienneté dans l'entreprise, aucun délai de conservation des titres n'est exigé).

Du point de vue de la dépense fiscale, il est vrai que les inconvénients des BCE sont bien moindres : soit la nouvelle société échouera et la perte de recette sera minime, soit elle réussira et les pouvoirs publics bénéficieront de ressources supplémentaires d'autant plus abondantes que sa croissance sera soutenue (or, ce sont les entreprises présentant le meilleur potentiel à cet égard qui sont visées par le dispositifs des BCE).

Les deux tableaux suivants illustrent le caractère plus favorable mais le champ d'application plus étroit du régime des BCE par rapport à celui des stock-options.

Concernant ces dernières, on rappellera qu'elles ont été introduites en France par la loi du 31 décembre 1970 et permettent soit de souscrire à des actions créées lors d'une augmentation de capital (plans d'option de souscription d'actions), soit d'acheter des actions rachetées au préalable par le société (plans d'option d'achat d'actions).

Les opérations correspondantes doivent être autorisées par une assemblée générale extraordinaire des actionnaires (AGE) statuant, dans le cas des stock-options, sur rapport du conseil d'administration (ou du directoire) et des commissaires aux comptes.




 

Attributaires

Bénéficiaires

Stock-options

- sociétés, cotées ou non, et leurs filiales,

- sociétés liées au sein d'un groupe (loi du 9 juillet 1984),

- sociétés françaises mères ou filiales d'une société étrangère (ordonnance du 21 octobre 1986).

Salariés, puis mandataires sociaux, lorsque ces derniers :

- participent à la création ou au rachat d'une société (loi du 9 juillet 1984),

- occupent une fonction de direction (loi du 17 juin 1987),

dans la limite de :

• 1/3 du capital social (options de souscription)

• 10 % du capital (options d'achat)

BSPCE

- sociétés non cotées ou cotées sur le nouveau marché ou sur les marchés de valeurs de croissance de l'Espace économique européen,

- de moins de 15 ans,

- détenues, directement ou indirectement, à hauteur de 25 %, par des personnes physiques (hors participation d'organismes de capital risque mais à condition d'en être indépendantes),

- entièrement nouvelles ou issues d'essaimage.

Attribués " intuitu personnae ", réservés aux membres du personnel salarié et aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés

L'extension du bénéfice des stock-options à tout type de sociétés, mères ou filiales de groupes, ainsi qu'aux mandataires sociaux occupant une fonction de direction apparaît comme l'une des principales différences entre leur régime et celui des bons de créateur d'entreprises.

Le tableau ci-dessous confirme en outre l'avantage fiscal dont bénéficient ces derniers, du fait, principalement, de l'absence de délais de conservation et d'imposition d'éventuelles plus values d'acquisition (dans la pratique, des rabais sont très rarement accordés).

Il montre également le durcissement 56( * ) dont l'imposition des stock-options a fait l'objet depuis 1995, du fait de ce que notre collège René Trégouët a appelé " des initiatives malencontreuses de la précédente majorité ".

CONDITIONS D'IMPOSITION



 

DELAIS

(pour bénéficier du régime fiscal le plus favorable)

RABAIS 57( * )

PLUS-VALUES

(après abattement à la base de 50.000 francs depuis 1998)

Stock option

- 5 ans de conservation du titre entre l'attribution (au prix d'acquisition) et la cession

- pas de délai de portage (entre levée de l'option et cession)

Si 5 %

- IR à la levée de l'option

- + cotisation et contributions sociales (CSG - CRDS) depuis le 1.1.95

d'acquisition 58( * )

- en cas de non respect des cinq ans : imposition comme salaire l'année de cession (avec un système de quotient)

assujettissement aux cotisations sociales salariales, à la CSG et à la CRDS depuis le 1.1.97, mais exemption du 2 % social

de cession 59( * )

imposition au taux de droit commun (16 %) + 10 % de prélèvements sociaux (CSG, CRDS, et 2 %)

 
 
 

- si respect des cinq ans : depuis le 20.9.95, taux spécifique de 30 %, appliqué l'année de cession, + 10 % de prélèvements sociaux (CSG, CRDS et 2 %) ou imposition, sur option, comme salaire (sans application du système du quotient)

 

BSPCE

- 3 ans d'ancienneté dans l'entreprise

- pas de délai de conservation ni de portage

non prévu (titres, pour la plupart, non cotés)

non imposées

- si moins de 3 ans d'ancienneté : taux majoré de 30 % (40 % compte tenu des prélèvements sociaux)

- en cas d'ancienneté d'au moins 3 ans : taux de droit commun (16 %) soit 26 % y compris les prélèvements sociaux

En résumé, le régime d'imposition des bons de créateur d'entreprise présente, avec celui relatif aux stock-options à la fois des similitudes (plus value de cession taxée au taux de droit commun applicable aux valeurs mobilières) et des divergences (champ d'application beaucoup plus restrictif en contrepartie de conditions d'imposition nettement plus favorables).

On peut y voir un modèle ou une préfiguration d'un dispositif allégé de taxation des stock-options (dont les conditions d'attribution deviendraient, en compensation, plus transparentes et ouvertes à un plus grand nombre de salariés).

2. L'extension du champ d'application


L'extension de la possibilité d'émettre des BCE à des entreprises qui n'y étaient auparavant pas autorisées, à raison de la nature de leurs activités, constitue la mesure la plus novatrice de cet article, dans sa version initiale, telle que présentée par le Gouvernement.

En effet, et ceci concerne aussi l'incitation au remploi de plus values visée au paragraphe I de cet article, les avantages fiscaux dont bénéficient les entreprises nouvelles ainsi que les subventions qui leur sont octroyées, sont généralement réservés à celles qui exercent à titre exclusif une activité industrielle, commerciale ou artisanale, à l'exception notable des activités financières et immobilières.

Ces activités paraissent ainsi jugées plus créatrices d'emplois et sont estimées nécessiter des investissements plus importants.

L'aide publique est donc destinée en priorité à assurer la pérennité d'entreprises nouvelles censées être plus particulièrement fragilisées durant leurs premières années d'exploitation par le volume de leurs investissements et leurs charges de personnels.

L'article 44 sexies du code général des impôts dispose ainsi (dans la partie relative aux bénéfices des professions non commerciales) que les dispositions particulières à certaines entreprises nouvelles " ne s'appliquent pas aux entreprises qui exercent une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles ni aux entreprises exerçant une activité de pêche maritime créées à compter du 1er janvier 1997 ".

Or, jusqu'à présent, les sociétés nouvelles susceptibles d'émettre des BCE (comme celles pouvant bénéficier de ré-emplois de plus-values de cession) doivent, elles aussi, selon l'article 163 bis G, exercer une activité autre que celles exclues du bénéfice des exonérations d'impôts sur le revenu et les sociétés accordées par l'article 44 sexies susvisé.

Le A du II de cet article du projet propose de supprimer cette restriction et modifie, en ce sens, la rédaction de l'article 163 bis G.

Il tend ainsi à autoriser les sociétés bancaires, financières, immobilières, d'assurance ou de pêche maritime à émettre des BCE.

Il est indéniable que dans la nouvelle économie, ces activités (hormis le cas un peu particulier de la pêche maritime) peuvent présenter, elles aussi, un fort potentiel de croissance et de créations d'emplois, du fait de l'apparition de nouveaux services aux entreprises et aux particuliers (comme le courtage électronique), liée à l'essor des nouvelles technologies d'information et de communication.

Les entreprises concernées doivent financer des investissements immatériels et des dépenses d'équipement importantes pour se moderniser et se mettre en réseau. Il serait paradoxal d'aider, d'un côté, en amont, le développement de ces technologies nouvelles et d'ignorer, en aval, les applications qui en sont faites et en constituent l'un des principaux débouchés.

Au demeurant, l'exclusion de certaines activités ne se justifie aucunement si le but essentiel de la mesure est d'encourager l'esprit d'entreprise et la prise de risques : on ne voit pas au nom de quoi les domaines financier et immobilier devraient faire l'objet d'une sorte d'ostracisme.

3. La pérennisation des bons

Le dispositif incitatif de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise semblait présenter, à l'origine, un caractère expérimental, puisque la loi de finances pour 1998 l'avait instauré pour une durée allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999.

Or, l'expérience des stock-options montre qu'il faut un certain temps pour que ce type de mécanisme se diffuse dans les entreprises (même si les sociétés sont sans doute aujourd'hui plus réactives que dans les années soixante-dix, notamment celles plus particulièrement visées par les BCE).

La loi précitée du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a donc prorogé jusqu'au 31 décembre 2001 la date d'expiration du régime provisoire des BCE.

Dans la version initiale de cet article, le Gouvernement propose de pérenniser ces bons et de supprimer, à cet effet, le V de l'article 163 bis G du code général des impôts qui les soumet, actuellement, à l'échéance du 31 décembre 2001.

C. L'ALLÉGEMENT DE CERTAINS DROITS D'APPORT

Le régime des droits d'apport aux sociétés est l'un des plus complexes de notre droit fiscal et a été analysé, de façon très détaillée, dans le rapport général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Il est également l'un des plus lourds au monde, de par l'application de taux proportionnels (droits de mutation de droit commun ou taxation spécifique), en ce qui concerne surtout les apports à titre onéreux mais aussi, parfois, les apports purs et simples d'immeubles et de fonds de commerce lorsque la société bénéficiaire est soumise à l'impôt sur les sociétés.

Les réductions des droits de mutation à titre onéreux prévues à l'article 5 sont, de ce point de vue, les bienvenus.

La portée des A et B du paragraphe III de cet article est beaucoup plus réduite.

Il s'agit d'introduire, dans le code général des impôts, un nouvel article 810 bis qui exonère les apports effectués lors de la constitution de sociétés :

- d'une part, du droit fixe d'enregistrement de 1.500 francs, prévu à l'article 810 et actuellement perçu dans la majorité des cas ;

- d'autre part, d'un autre droit fixe, d'un montant de 1.500 francs aussi, visé par le paragraphe I bis de l'article 809, perçu à l'occasion d'apports réalisés sous certaines conditions 60( * ) à une société en nom collectif, en commandite simple, à une SARL dans laquelle la gérance est majoritaire ou à une société civile exerçant une activité professionnelle.

Il s'agit de l'imposition des plus-values réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une branche complète d'activités ou d'un ensemble d'éléments d'actif affectés à l'exercice d'une activité professionnelle.

Le droit de mutation est remplacé par un droit fixe (dont la suppression est demandée) si l'apporteur s'engage à conserver pendant cinq ans les titres remis en contrepartie de l'accord.

Le régime de droit commun des apports purs et simples ou des apports d'activité serait ainsi l'exonération, lors de la création d'une société, et la perception d'un droit de 1.500 francs pour les opérations réalisées durant l'existence de la société.

Le coût de cette disposition, visant les quelques 140.000 sociétés créées chaque année en France, serait modeste (200 millions de francs en 2000), à l'image de son ambition.

Même si l'on peut penser que les créateurs d'entreprise n'en sont pas à 1.500 francs près, il s'agit d'une mesure qui peut être appréciée autant par la simplification qu'elle apporte que par l'allégement qu'elle accorde à des personnes méritant particulièrement d'être encouragées.

Il doit être souligné qu'elle vise -comme il a été précisé- non seulement les créations d'activités nouvelles, mais également les sociétés issues de la transformation d'activités préexistantes exercées dans un cadre individuel.

La disposition du B du paragraphe III est de pure coordination puisqu'elle tend uniquement à modifier la rédaction de l'article 810 du code général des impôts en conséquence des propositions du A de ce même paragraphe.

II. L'EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : BEAUCOUP DE BRUIT POUR PAS GRAND CHOSE

Lors des débats en séance publique, à l'Assemblée nationale, sur la première partie de la loi de finances, le ministre de l'économie et des finances, M. Dominique Strauss-Kahn avait qualifié de " relativement mineur " cet article. Il déclarait ainsi que l'extension du dispositif des BSPCE à toutes les sociétés, et notamment aux entreprises de service les plus modernes " ne lui semblait pas poser de problème majeur " et pouvait même " aller de soi ".

Plusieurs éléments ont contribué toutefois à faire dévier le débat vers la question des stock options et à l'élargir bien au-delà du simple examen du dispositif technique proposé :

- Les similitudes tout d'abord, malgré la persistance de différences importantes, entre stock options et BSPCE pouvaient laisser croire, ce qui était peut-être le cas, que l'objectif ultime du gouvernement était d'aligner le régime fiscal des premières sur celui, beaucoup plus favorable, des seconds 61( * ) . Quant au député Nicole Bricq, elle estimait, dans une note du 27 juillet 1999 au rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qu'il suffisait de " retouches fiscales et sociales de faible importance " pour fusionner bons de croissance (stock options) et bons de créateurs d'entreprise.

- Diverses informations parues dans la presse, s'ajoutant à l'annonce de nombreux licenciements chez Michelin, ont d'autre part particulièrement indisposé certaines fractions de la gauche plurielle à l'encontre du dispositif proposé. Le journal " l'Expansion " a ainsi révélé le 9 septembre que les plans d'achat ou de souscription d'actions en vigueur dans les entreprises du CAC 40 offraient à 28.000 dirigeants une richesse virtuelle de 45 milliards (soit 1,6 million de francs par personne mais le magazine estimait que certains dirigeants salariés pouvaient gagner des centaines de millions, les plus values potentielles par dirigeant dépassant, par exemple, 80 millions de francs chez l'Oréal et avoisinant 40 millions de francs pour LVMH).

Il soulignait, à ce titre, " la logique hypersélective " présidant à l'attribution de ces titres dans notre pays. Par ailleurs, selon diverses rumeurs dont fait état " l'Express " du 21 octobre, l'indemnité de départ du PDG d'Elf, ajoutée à ses stock options, aurait atteint des sommes qui peuvent paraître, selon l'expression de Dominique Strauss-Kahn " dépasser l'entendement ".

Ces éléments et le tintamarre politico-médiatique qui a accompagné leur divulgation explique la polarisation et les débordements du débat ainsi que son caractère parfois idéologique ou confus.

A. UN DÉBAT CONCENTRÉ SUR LES STOCK OPTIONS ET DÉBORDANT DU CADRE DU DISPOSITIF DE CET ARTICLE

1. Une polarisation sur les stock options


a) Une discussion escamotée sur le ré-emploi des plus-values et l'exonération de droits fixes d'enregistrement

Les dispositions de cet article, étrangères aux BSPCE, n'ont pas été débattues en commission ni en séance publique. Elles ont été néanmoins commentées dans le rapport général de M. Migaud qui a fait observer, par ailleurs, à l'auteur d'un amendement, M. Christian Cuvilliez, que celui-ci risquait involontairement de les faire disparaître, en proposant la suppression de l'article tout entier alors qu'il ne souhaitait, en fait, que celle des paragraphes II et IV relatifs aux bons incriminés.

Concernant le paragraphe I (report d'imposition des plus values de cession de valeurs mobilières réinvesties dans de nouvelles sociétés), le rapport écrit de M. Migaud observe qu'il eût été sans doute plus clair d'intégrer ces dispositions dans l'article 60 de la deuxième partie de la loi de finances qui propose une fusion des différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés par les particuliers et un aménagement du régime différé d'imposition des plus values d'échange de ces mêmes titres.

S'agissant de l'exonération de droits fixes d'apports effectués lors de la constitution de sociétés, le rapport général de l'Assemblée nationale note la possibilité d'effets " collatéraux " (extension du bénéfice de la mesure à des sociétés tierces) qu'il juge cependant inévitables sous peine de complexifier encore davantage notre droit fiscal en la matière.

De fait, le régime des droits d'apport étant commun à toutes les sociétés et la transformation d'activités existantes exercées dans un cadre individuel étant visée en même temps que les créations d'activités nouvelles, une grande variété de montages sont possibles pouvant bénéficier à des sociétés civiles à objectif purement patrimonial (y compris des sociétés civiles immobilières de gestion d'un patrimoine privé).

b) La concentration sur les stock options

Le rapport de M. Migaud, sans se focaliser entièrement sur les bons de créateur d'entreprises, leur a consacré de substantiels développements, insistant, notamment sur la possibilité désormais offerte aux salariés et dirigeants de SAS (sociétés par actions simplifiées) de s'en voir attribuer et s'inquiétant qu'une société anonyme puisse filialiser certaines de ses branches dans le cadre d'une SAS à actionnaire unique.

Dès l'examen en commission, le débat s'est concentré presqu'exclusivement sur les BSPCE, le rapporteur général proposant d'en supprimer la pérennisation et la généralisation à l'ensemble des sociétés nouvelles.

La discussion n'a pas tardé ensuite à " dériver " vers le sujet des stock-options à propos d'un amendement du président Augustin Bonrepaux tendant à porter de 30 à 40 % le taux d'imposition des plus values de cession dépassant 500.000 francs par an.

Cette tendance s'est confirmée en séance publique, des tractations s'étant entre-temps, semble-t-il, déroulées entre différentes composantes de la gauche plurielle.

Le compromis suivant a finalement été respecté :

- Retrait de l'amendement du Président Bonrepaux tendant à surtaxer les plus values sur stock options supérieures à 500.000 francs par an (en attendant le dépôt d'un projet de loi sur l'épargne salariale tenant compte des points de vue exprimés par les députés de la majorité ainsi que des conclusions d'une mission de réflexion confiée à notre collègue député Jean-Pierre Balligand et à l'ancien commissaire au plan Jean-Baptiste de Foucauld) ;

- Suppression, comme l'avait proposé M. Migaud, de la généralisation des BSPCE à l'ensemble des sociétés nouvelles et de leur pérennisation (le fonctionnement, en l'état, du régime actuel étant de toute façon assuré jusqu'à la fin de 2001) ;

- Vote, enfin, avec le soutien de la majeure partie de l'opposition, d'un amendement de M. François Hollande visant à considérer comme imposables les indemnités versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail sous certaines conditions 62( * ) , et à plafonner la fraction des indemnités de licenciement exonérée 63( * ) , dans la limite de la moitié de la première tranche du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (voir commentaire de l'article 2 bis ).

2. Un élargissement à de plus vastes sujets

Par rapport à l'objet de l'article en discussion, le débat sur les stock-options représentait déjà une sorte de digression, malgré les similitudes, déjà soulignées, existant entre ces titres et les BSPCE.

Mais, même si le débat en séance publique est resté, dans l'ensemble, relativement sobre et concentré sur les questions d'aides aux créations d'entreprises et de critères d'attribution de stock options, les problèmes en cause étaient, en réalité, plus importants encore, comme en témoignent les propos de certains intervenants, les tractations préalables et leurs commentaires dans la presse ou, enfin, le renvoi de diverses dispositions à un texte ultérieur sur l'ensemble de l'épargne salariale.

" Avec cette question des stock options -a déclaré M. Christian Cuvilliez- nous n'abordons pas un débat à caractère budgétaire et fiscal mais un problème de civilisation, qui concerne le type de société que nous voulons au siècle prochain ". Et d'évoquer " le développement surréaliste des nouveaux conquérants de la fortune " et les dividendes que se réservent " une poignée de dirigeants décideurs autocrates s'arrogeant des privilèges exorbitants " !

Pour M. Georges Sarre, " se voir attribuer le droit de recevoir un actif dont la valeur a parfois quadruplé par rapport à un prix fixé à l'avance, ce n'est rien d'autre qu'un sursalaire " et le système du stock options est abusif, opaque et injuste.

De fait, la " mise à plat " du système soulève de vastes problèmes sociaux, économiques, juridiques :

- comment concilier, notamment :

. une plus grande transparence avec l'offre aux dirigeants de nos entreprises 64( * ) d'avantages équivalents à ceux auxquels ont droit leurs homologues étrangers (dans un contexte où le recrutement de cadres compétents devient soumis lui aussi à la concurrence fiscale internationale) ?

. une plus grande ouverture avec la récompense des mérites individuels des salariés qui contribuent le plus à la valorisation de leur société ?

- comment imposer des gains qui diffèrent à la fois d'un salaire (aspect aléatoire, achat des titres) et sont procurés par des placements distincts de formes d'épargne plus longues (fonds de pension, etc...), étant motivés par la recherche d'une plus value à relativement court terme ?

- cela doit-il relever de la législation sur l'épargne salariale ou du droit des sociétés ?

Les stock options sont en fait intrinsèquement liées à la nouvelle économie, à laquelle prétendait adhérer Dominique Strauss-Kahn, dans laquelle l'opposition capital-travail est dépassée, tous les salariés devenant actionnaires et les ressources humaines, de plus en plus essentielles, se voyant rémunérées de façon croissante sous forme de dividendes.

C'est aussi une nouvelle conception des entreprises qui se révèle, plus patrimoniale et moins liée à la notion d'intérêt social (voir infra).

B. UNE DISCUSSION PARFOIS OBSCURCIE PAR DES CONSIDÉRATIONS IDÉOLOGIQUES OU CERTAINES CONFUSIONS

1. Des considérations idéologiques

" Il importe surtout -écrivait Nicole Bricq dans sa note précitée du 27 juillet 1999- de ne pas faire de la question des prélèvements sociaux sur les plus values des bons de croissance (stock options) un problème idéologique ". Notre collègue estimait que la référence, en la matière, à la durée de détention des actions acquises constituait un bon critère et considérait, à juste titre, de telles plus values comme un revenu complémentaire plutôt que comme un complément de salaire (avec les conséquences fiscales que cela implique).

De son côté, M. Claude Allègre avait déclaré le 13 mai 1998 aux assises de l'innovation " Gagner de l'argent, ce n'est pas honteux, c'est servir son pays ".

Enfin, un peu plus tard, à l'occasion du 15eme anniversaire de l'AFIC (Association française des investisseurs en capitaux), M. Dominique Strauss-Kahn jugeait " très peu compétitif " (mais aussi " opaque " et " inégalitaire ") le système français actuel des stock-options et estimait, bien qu'il s'agisse d'un sujet passionnel, qu'il méritait d'être réformé.

Un volet fiscal avait été initialement introduit, à cet effet, dans une première version du projet de loi sur l'innovation et la recherche. Ces bonnes intentions se sont malheureusement toujours heurtées aux réticences de nature idéologique d'une partie de la majorité gouvernementale.

Certaines déclarations faites à l'Assemblée nationale lors de la discussion de cet article en séance publique en témoignent.

Le problème majeur de notre pays est d'ordre culturel : ce qui choque, en France, est monnaie courante aux Etats-Unis. L'article de " l'Expansion ", si souvent cité, révélait aussi que les 10 patrons américains les mieux payés ont reçu 2,3 milliards de dollars (13,8 milliards de francs) en cinq ans et détiennent pour 38 milliards de francs d'actions de leurs entreprises, le PDG de Disney, Michael Eisner ayant " empoché ", 3,8 milliards de francs entre 1994 et 1998.

Quant à " l'Express ", il estimait que Philippe Jaffré " surpayé en France... paraît presque à la traîne de ses collègues étrangers " (la rémunération du patron de Mobil a augmenté de 23 % en 1998, année durant laquelle il a encaissé 16 millions de francs plus une prime de gestion de 18 millions de francs. Son portefeuille de stock options approche les 200 millions de francs et il a droit, en cas de licenciement, à une indemnité de 60 millions de francs).

Les chiffres qui provoquent l'indignation des Français, lorsque sont en cause les rémunérations d'un dirigeant de grande entreprise, ne suscitent pas du tout les mêmes réactions s'agissant du transfert ou des revenus d'un joueur de football ou des gains du loto (plus de 20 milliards de francs de lots ont été distribués en 1998, le record des gains, non imposés, ayant atteint 150 millions de francs en mars 1997).

Tout ce qui touche à la rémunération des chefs d'entreprise apparaît en France comme hautement symbolique. On se heurte au même tabou en matière d'ISF dont tout allégement circonstancié apparaît impossible (seule une aggravation peut être envisagée).

Ces obstacles idéologiques ont conduit à repousser encore à plus tard des réformes qui s'imposent et apparaissent urgentes.

La priorité ne semble donc pas tant de réconcilier en France le capital et le travail mais bien plutôt les différentes sensibilités de la majorité plurielle !

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