AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'an dernier, analysant le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, la commission des Affaires sociales
avait estimé que le projet du Gouvernement était " fragile
dans ses équilibres, inabouti dans ses analyses et incohérent
dans ses propositions ".
De fait, le retour à l'équilibre de la sécurité
sociale, malgré une conjoncture très favorable, n'a pas
été atteint.
Trois " grandes " réformes étaient annoncées par
le Gouvernement : la " consolidation " des régimes de
retraite par répartition, la réforme de l'assiette des
cotisations patronales et la mise en place d'une couverture maladie universelle.
La première a accouché d'une souris : le Gouvernement qui,
selon le rapport annexé à la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 devait " prendre les
décisions qui s'imposent ", entend désormais
" préciser ses orientations générales au début
de l'année 2000 ".
La deuxième a donné naissance à un monstre : le fonds
de financement des 35 heures, et à une crise grave du paritarisme.
Le troisième, pour l'instant, n'a rien donné du tout : la
couverture maladie universelle a bien été votée en urgence
par le Parlement pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2000, mais
les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, son
coût est contesté et son financement amputé.
Enfin, l'essentiel du dispositif de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 a été annulé par
le Conseil constitutionnel s'agissant de l'assurance maladie.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
ne s'annonce pas sous de meilleurs auspices.
Il organise en premier lieu l'opacité des comptes sociaux. De ce point
de vue, l'intrusion, dans le projet de loi, du dispositif de financement des
trente-cinq heures a porté la confusion à son comble.
Depuis deux ans, c'est-à-dire depuis le dépôt en
décembre 1997 du premier projet de loi relatif à la
réduction du temps de travail, le Gouvernement prétendait imposer
une contribution aux organismes gérant la protection sociale.
La veille du débat à l'Assemblée nationale sur le
présent projet de loi, il a dû y renoncer face à
l'opposition résolue et unanime des partenaires sociaux. Si l'UNEDIC est
ainsi temporairement exonérée, la sécurité sociale
reste mise à contribution à l'issue d'un mécanisme de
" tuyauterie " bouleversant à nouveau les règles
d'affectation des prélèvements sociaux.
En définitive, "
la réforme d'ampleur de l'assiette des
cotisations patronales
" annoncée par le Gouvernement
débouche sur l'affectation à la compensation des
exonérations de charges d'une collection hétérogène
et sans fondement de recettes de poche et d'impôts nouveaux.
Il en résulte en outre que les recettes prévues en juillet 1999
-c'est-à-dire il y a trois mois- en faveur de la CNAMTS pour compenser
le coût de la couverture maladie universelle financeront désormais
indirectement les trente-cinq heures.
S'agissant de l'assurance maladie dont les comptes sont loin d'être
maîtrisés, le Gouvernement semble-t-il entend désormais
agir seul sans pour autant que les lignes directrices de son action soient
claires.
Il semble vouloir ainsi se passer du Parlement. En affichant pour 2000 une
progression de l'ONDAM calculée par rapport aux
"
dépenses attendues pour 1999
", le Gouvernement
relègue cet objectif sur rang de simple " hypothèse
économique " et prétend gommer la dérive des
dépenses d'assurance maladie en 1998 et 1999.
Il semble vouloir également se passer des professionnels de
santé. Le projet de loi -notamment par son article 17- consacre la fin
des relations conventionnelles globales.
Il semble vouloir enfin se passer de la CNAMTS. Utilisant pour la
première fois, depuis les ordonnances de 1967, le rôle de
proposition qui leur avait été confié, les partenaires
sociaux ont élaboré un plan ambitieux et audacieux de refondation
du système de soins. Il aurait gagné à être
analysé par le Gouvernement et débattu devant le Parlement.
Or, la réponse du Gouvernement à la CNAMTS s'apparente à
une fin de non-recevoir. Le projet de loi de financement ne met en oeuvre
aucune de ses propositions.
Bien au contraire, il exclut l'assurance maladie de la régulation des
cliniques privées, allant ainsi à l'encontre de toutes les
politiques visant à développer la coordination entre
l'hospitalisation et la ville, et négligeant les économies qui
pourraient être réalisées du fait de cette coordination.
Enfin, il instaure un dispositif d'obstruction à l'égard de la
CNAMTS, qui serait chargée, au détriment de sa mission
d'assureur, de rédiger chaque année une centaine de rapports
d'équilibre destinés au Gouvernement : la CNAMTS passerait
ainsi du statut de " payeur aveugle " à celui de
" gratte-papier éclairé ".
Face à ce projet de loi et à travers ses propositions, votre
commission a d'abord souhaité affirmer son souci d'une clarification des
comptes sociaux dans le respect du principe de la séparation des
branches.
L'intelligibilité des comptes sociaux, c'est-à-dire la
compréhension par chacun, assuré ou contribuable, de la
destination et de la raison d'être des prélèvements
sociaux, est le fondement des lois de financement et la condition du
redressement de la sécurité sociale.
Votre commission a souhaité en outre rappeler son attachement au
maintien des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les
professionnels de santé qui seules peuvent garantir une maîtrise
médicalisée des dépenses.