Proposition de loi sur la limitation des licenciements des salariés de plus de cinquante ans
SOUVET (Louis)
RAPPORT 297 (98-99) - Commission des Affaires sociales
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N°
297
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 avril 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans ,
Par M.
Louis SOUVET,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques
Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM.
Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.
) :
Première lecture :
1236
,
1251
et T.A.
219
.
Deuxième lecture :
1375
,
1415
et T.A.
257
.
Sénat :
Première lecture :
114
,
165
et
T.A.
66
(1998-1999).
Deuxième lecture :
253
(1998-1999).
Travail. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mardi 6 avril 1999
,
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président
, la commission a
procédé à
l'examen du rapport de M. Louis Souvet
sur la
proposition de loi n° 253
(1998-1999), adoptée
avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
tendant à
limiter les licenciements des salariés de plus de
cinquante ans.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a présenté les grandes lignes de
son rapport
(cf. exposé général).
La commission a ensuite examiné les amendements proposés par le
rapporteur.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article premier
qui assujettit à la " contribution Delalande " les ruptures de
contrat de travail des salariés ayant adhéré à des
conventions de conversion.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 2
qui soumet à la " contribution Delalande " les licenciements
des salariés ayant refusé le bénéfice de la
préretraite dans le cadre du FNE.
Elle a enfin adopté un amendement de suppression de
l'article 3
qui rend applicables les dispositions de la
présente proposition de loi à toutes les ruptures de contrat de
travail intervenant à compter du 1
er
janvier
1999.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
En deuxième lecture, le 4 mars 1999, l'Assemblée nationale n'a
pas apporté de modification à la proposition de loi tendant
à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante
ans, qu'elle avait adoptée en première lecture le 10
décembre 1998 et que le Sénat a rejetée le 9
février 1999.
Cette proposition de loi, déposée par M. Alain Belviso et les
membres du groupe communiste et apparentés, vise à étendre
le champ de la " contribution Delalande " due pour le licenciement
d'un salarié de plus de 50 ans.
Elle soumet à cette contribution les ruptures des contrats de travail
des salariés ayant adhéré à des conventions de
conversion
(article premier)
et les licenciements des salariés
ayant refusé le bénéfice de la préretraite dans le
cadre du fonds national de l'emploi (FNE)
(article 2).
Elle prévoit que ces dispositions seront applicables pour toutes les
ruptures de contrat de travail intervenant à compter du
1
er
janvier 1999, c'est-à-dire de manière
rétroactive
(article 3).
Cette proposition de loi est présentée par le Gouvernement comme
le complément indispensable du doublement -voire, dans certains cas du
triplement- de la " contribution Delalande ", décidé
par voie réglementaire à compter du 31 décembre 1998. En
application du décret n° 98-1201 du 28 décembre
1998, le taux de cette contribution est désormais progressif de deux
mois de salaire brut à 50 ans à douze mois de salaire brut
à 56 et 57 ans. Il est ensuite dégressif à partir de 58
ans.
En première lecture, constatant que le Gouvernement attendait de la
majoration et du doublement de la " contribution Delalande " 1,4
milliard de francs de recettes supplémentaires, votre commission avait
été conduite à s'interroger sur la nature exacte de cette
contribution : la " contribution Delalande " constituait-elle
une contribution de dissuasion ou une contribution de rendement ?
Dans le premier cas, l'objectif consiste à dissuader, autant que
possible, les licenciements des salariés : l'idéal serait
donc que le produit de cette contribution soit quasiment nul, ce qui
témoignerait de son efficacité.
Dans le second cas, la finalité est toute autre : il s'agit
d'accroître le produit d'un prélèvement en majorant son
taux et en élargissant son assiette.
Votre commission avait estimé que le Gouvernement semblait se faire peu
d'illusions quant à l'efficacité réelle du nouveau
dispositif et privilégiait avant tout le rendement financier de cette
contribution.
Votre commission avait jugé que la présente proposition de loi
reposait sur des fondements fragiles et contestables ; elle avait en effet
considéré que les prétendus contournements de la
" contribution Delalande " par les conventions de conversion ou par
les refus de conventions de préretraite n'étaient pas
prouvés.
Votre commission avait considéré que la simple constatation d'une
augmentation de la part des salariés de plus de 50 ans dans les
entrées en convention de conversion paraissait très insuffisante
à démontrer un contournement massif et un abus
généralisé justifiant une intervention du
législateur.
Il lui avait en outre paru contradictoire de faire porter la
" contribution Delalande ", qui procède d'une logique de
sanction, sur les conventions de conversion qui ont précisément
pour objectif de faciliter le reclassement du salarié dont le
licenciement n'a pu être évité.
Votre commission avait regretté que le Gouvernement semble condamner
l'utilisation de ces conventions pour les salariés âgés de
plus de 50 ans et se satisfasse ainsi de l'exclusion définitive de
ces salariés du marché du travail.
S'agissant des refus de préretraites FNE, votre commission avait
constaté que les affirmations concernant d'éventuels abus ne
reposaient pas davantage sur des éléments précis. Elle
avait souligné que sur une moyenne de 20.000 entrées en
préretraite FNE chaque année, le nombre de refus était
extrêmement faible et
portait sur une soixantaine de
salariés par an seulement.
Après avoir relevé que le refus du salarié pouvait, dans
certains cas, être motivé par une indemnisation au titre de
l'assurance chômage plus avantageuse que la préretraite, votre
commission avait estimé que le nombre des refus susceptibles de
résulter d'une éventuelle pression de l'employeur était,
dans l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de quelques dizaines
à peine.
Dans ces conditions, votre commission s'était interrogée sur le
bien-fondé d'une intervention du législateur pour réprimer
un nombre effectif d'abus qui devait vraisemblablement se compter sur les
doigts d'une seule main...
Votre commission avait jugé inacceptable le procès d'intention
fait aux entreprises, globalement considérées par les initiateurs
de cette proposition de loi comme ayant un comportement frauduleux.
Elle avait estimé que la proposition de loi ne semblait répondre
qu'à des considérations très politiques et visait avant
tout, pour le Gouvernement qui avait demandé l'inscription de ce texte
à l'ordre du jour prioritaire du Sénat, à conforter la
cohésion de sa majorité.
Votre commission avait dénoncé la logique de sanction et
d'accroissement des charges des entreprises qui animait cette proposition de
loi. Là où des dispositifs positifs, dynamiques et imaginatifs
étaient nécessaires, la proposition de loi ne mettait en place
que des mesures pénalisantes et contraignantes pour les entreprises.
Elle avait exprimé la crainte que cette proposition de loi, qui
entendait préserver l'emploi, ne constitue en définitive un
véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés
âgés de 45 à 50 ans.
Votre commission s'était enfin interrogée sur la cohérence
de la politique que mène le Gouvernement en matière d'emploi des
salariés les plus âgés. Elle avait souligné qu'il
était paradoxal d'augmenter la " contribution Delalande ",
afin de sanctionner les entreprises qui licencient des salariés
âgés de plus de 50 ans, tout en encourageant simultanément
certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des âges par des
départs massifs et anticipés de salariés
" âgés ".
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission avait proposé au
Sénat d'adopter trois amendements de suppression des trois articles de
cette proposition de loi.
L'adoption par le Sénat de ces amendements, le 9 février 1999, a
conduit au rejet de la proposition de loi.
Délibérant, en application de l'article 109 de son
Règlement, sur le texte qu'elle avait adopté en première
lecture, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité modifier ce texte
en deuxième lecture.
A cette occasion, ni le Gouvernement, ni le rapporteur n'ont apporté
d'éléments nouveaux permettant de justifier le bien-fondé
de cette proposition de loi et susceptibles de faire évoluer la position
adoptée par le Sénat en première lecture.
En outre, aucune réponse n'a été apportée aux
interrogations concrètes formulées par votre commission.
Votre commission avait par exemple jugé que la rédaction retenue
par l'article premier de la proposition de loi concernant la participation
financière de l'entreprise aux conventions de conversion était
pour le moins imprécise et pouvait s'interpréter de deux
façons : soit, la référence se faisait sur la base de
l'article D. 322-2 du code du travail, qui détermine la
participation de l'entreprise au sens large du terme, préavis du
salarié y compris, soit l'interprétation se faisait plus stricte
et la participation de l'entreprise se limitait au forfait de 4.500 francs.
Sur ce point, aucune précision n'a été donnée par
le Gouvernement.
Votre commission s'était également inquiétée de
l'affectation des 1,4 milliard de francs de recettes
supplémentaires que le Gouvernement attend de la majoration et de
l'extension de la " contribution Delalande ". Alors que l'UNEDIC est,
en application de l'article L. 321-13 du code du travail, le seul
bénéficiaire des sommes prélevées au titre de la
" contribution Delalande ", le Gouvernement avait indiqué, par
la voix de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
que ces recettes supplémentaires iraient à l'Etat si les
partenaires sociaux se refusaient à améliorer l'indemnisation du
chômage des salariés précaires.
Sur ce point également, le Gouvernement n'a apporté aucune
précision quant à ses intentions.
Enfin, votre commission avait souligné les problèmes pratiques et
les risques de contentieux que ne manquerait pas de soulever l'entrée en
vigueur rétroactive de la loi au 1
er
janvier 1999.
L'Assemblée nationale n'a pas tenu compte de cette observation et a
rejeté un amendement présenté par M. Bruno
Bourg-Broc, député de la Marne, prévoyant
précisément que la présente loi n'entrerait en vigueur
qu'à compter de sa date de publication.
Dans ces conditions, pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous
propose de maintenir la position adoptée par le Sénat en
première lecture.
Elle vous propose de supprimer les trois articles de ce texte et de rejeter par
conséquent la proposition de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Assujettissement à la
" contribution Delalande " des ruptures de contrats de travail des
salariés de plus de cinquante ans ayant adhéré à
une convention de conversion
Cet
article insère un nouvel alinéa dans l'article L. 321-13 du
code du travail afin de prévoir que la " contribution
Delalande " est due également pour chaque rupture de contrat de
travail intervenue du fait de l'adhésion d'un salarié à
une convention de conversion.
Cet alinéa précise en outre que le montant de cette cotisation
tient compte de la participation de l'entreprise au financement de la
convention de conversion. Cette disposition vise, selon le rapporteur de
l'Assemblée nationale, à permettre au pouvoir
réglementaire de moduler de manière spécifique le montant
de la cotisation dans ce cas : le montant de celle-ci pouvant être
d'autant plus réduit que la participation de l'entreprise au financement
de la convention de conversion est importante.
Cet article avait été supprimé par le Sénat en
première lecture. En deuxième lecture, l'Assemblée
nationale a repris sans modification le texte qu'elle avait adopté en
première lecture.
Pour sa part, votre commission a rejeté cette sanction collective qui
frapperait la totalité des entreprises. Elle a en effet jugé
qu'aucun élément précis ne permettait de conclure
aujourd'hui à un contournement massif par les entreprises de la
" contribution Delalande " par l'utilisation du dispositif de la
convention de conversion.
Elle s'est refusé en outre à condamner l'utilisation des
conventions de conversion, qui peut constituer un outil précieux d'aide
au reclassement, pour les salariés âgés de plus de 50 ans.
Elle a considéré par conséquent que la véritable
origine de cet article -et de l'ensemble de la proposition de loi- tenait
davantage à des impératifs politiques -visant à assurer la
cohésion de la majorité gouvernementale- qu'à de
réels motifs de fond.
Elle a enfin exprimé la crainte que cet article, qui entendait
préserver l'emploi, ne constitue en définitive un
véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés
âgés de 45 à 50 ans.
Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement de
suppression de cet article.
Art. 2
Assujettissement à la
" contribution Delalande " des licenciements de salariés ayant
refusé le bénéfice d'une préretraite ASFNE
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du
code du
travail prévoit que l'employeur qui conclut avec l'Etat une convention
d'allocation spéciale du FNE et qui en propose le bénéfice
aux salariés concernés est dispensé du versement de la
" contribution Delalande ".
Le présent article propose une nouvelle rédaction de
l'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du
travail afin de prévoir que la " contribution Delalande "
n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie
d'une allocation spéciale de préretraite du FNE.
Cette nouvelle rédaction de l'alinéa signifie
a contrario
que le refus par le salarié de la proposition de préretraite
assujettit l'employeur au versement de la " contribution Delalande ".
Cet article avait été supprimé par le Sénat en
première lecture. En deuxième lecture, l'Assemblée
nationale a repris sans modification le texte qu'elle avait adopté en
première lecture.
Votre commission a relevé que les affirmations des initiateurs de la
proposition de loi concernant d'éventuels abus liés aux
préretraites FNE n'étaient étayées par aucun
élément précis.
Elle a souligné que le nombre des refus de préretraite FNE
était extrêmement faible : il concerne une soixantaine de
salariés par an pour un total de plus de 20.000 entrées annuelles
en conventions d'ASFNE. Après avoir constaté que le refus du
salarié pouvait, dans certains cas, être motivé par une
indemnisation au titre de l'assurance chômage plus avantageuse que la
préretraite, votre commission a estimé que le nombre des refus
susceptibles de résulter d'une éventuelle pression de l'employeur
était, dans l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de
quelques dizaines à peine.
Dans ces conditions, votre commission s'est refusé à une
intervention législative destinée uniquement à sanctionner
quelques très rares abus éventuels.
Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement de
suppression de cet article.
Art. 3
Date d'application des articles
premier et
2
Cet
article prévoit que les articles premier et 2 sont applicables pour
toutes les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du
1
er
janvier 1999, c'est-à-dire de manière
rétroactive, au 1
er
janvier 1999.
Cet article avait été supprimé par le Sénat en
première lecture. En deuxième lecture, l'Assemblée
nationale a repris sans modification le texte qu'elle avait adopté en
première lecture.
Par coordination avec les amendements qu'elle propose aux articles premier et 2
de la présente proposition de loi,
votre commission vous propose
d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Elle considère de surcroît que cet article introduit une
rétroactivité qui poserait en pratique de redoutables
problèmes d'application et serait vraisemblablement source de nombreux
contentieux.