II. L'INTÉGRATION DE MONACO DANS LES FRONTIÈRES DE L'ESPACE SCHENGEN
Les modifications de la convention de voisinage ont été inspirées par la préoccupation de la partie française de ne pas remettre en cause l'économie générale du texte (ainsi elles ne touchent ni le titre II -coordination des mesures de police...-, ni le titre III -frappe des monnaies, monopole du tabac, transit des troupes...-) et, surtout, s'agissant du titre premier, de garder intangible le droit de regard reconnu à la France sur la politique suivie par Monaco vis à vis des étrangers.
A. LE PREMIER ÉCHANGE DE LETTRES : UNE HARMONISATION DE LA CONVENTION DE VOISINAGE DE 1963 AVEC LES PRINCIPES POSÉS PAR LA CONVENTION D'APPLICATION DE L'ACCORD DE SCHENGEN.
L'échange de lettres s'articule autour de trois lignes
directrices.
•
L'affirmation des deux principes fondamentaux dans les relations
franco-monégasques en matière de circulation des personnes (art.
1er)
:
- d'une part la liberté d'entrée, de circulation et
d'établissement entre les ressortissants des deux Etats signataires ;
- d'autre part l'engagement du gouvernement princier de maintenir sa
législation sur l'entrée, le séjour et
l'établissement des étrangers en harmonie avec la
législation française (cette deuxième disposition reprend
l'intégralité de l'ancien article premier de la convention).
•
La distinction entre court et long séjour (art. 2 et 3).
La convention de voisinage de 1963 ne distinguait pas entre les durées
de séjour ni entre les étrangers en fonction de leur pays
d'origine.
1. Les séjours inférieurs à trois mois
Le
dispositif en la matière retient trois principes :
- l'obtention d'un titre de séjour en France ou à Monaco permet
aux étrangers de circuler indifféremment dans les deux Etats ;
- les visas valables pour l'ensemble des Etats Schengen sont également
valables pour Monaco ; de même les visas nécessaires pour
l'entrée sur le territoire de la Principauté sont
délivrés par l'autorité habilitée à
délivrer les visas valables pour le territoire français ;
- la France prend toutes les initiatives nécessaires afin de permettre
aux monégasques ou aux étrangers titulaires d'un titre de
séjour monégasque de circuler librement au sein de l'Espace
Schengen. Ces initiatives ont abouti lors du Comité exécutif
Schengen du 23 juin 1998 : les Etats signataires des accords de Schengen
prennent acte du régime de libre circulation en France des
ressortissants monégasques, antérieur à la convention de
Schengen, et acceptent la libre circulation des étrangers titulaires
d'un titre de séjour à Monaco dans l'espace Schengen. Cet
agrément a pu être obtenu en raison des garanties apportées
par les deux accords franco-monégasques relatifs aux contrôles aux
frontières de la Principauté qui s'effectueront selon les normes
Schengen et de l'engagement pris par Monaco de reconnaître sur son sol
les titres de séjour délivrés par les Etats de l'espace
Schengen.
2. Les séjours de plus de trois mois
Le visa
de long séjour reste subordonné à la consultation et
à l'accord des autorités monégasques. Ce principe souffre
toutefois deux exceptions :
- pour les étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'Union
européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique
européen la procédure est allégée : les
autorités monégasques communiquent au Consul
général de France à Monaco la demande dont elles sont
saisies et lui procurent les éléments d'appréciation
nécessaires ;
- pour les étrangers d'autres pays établis en France depuis au
moins un an, la demande d'autorisation de long séjour doit être
adressée au Consul général de France à Monaco qui
la transmet alors avec ses observations éventuelles aux autorités
monégasques.
Dans tous les cas, le gouvernement princier tient compte des oppositions
formulées, le cas échéant, par la France, autre
manière de signifier que notre pays dispose d'un droit de veto sur
l'octroi des visas de long séjour ;
Par ailleurs, les étrangers titulaires d'un contrat de travail
temporaire à Monaco supérieur à trois mois et
inférieur à six mois peuvent obtenir un visa d'une durée
identique auprès du Consul de France territorialement compétent ;
ce visa peut à titre exceptionnel être prorogé par le
Consul général de France à Monaco pour une durée
maximale de trois mois. Il ne peut toutefois donner droit à
établissement.
Enfin, les dispositions relatives au transit ont été
adaptées de sorte que le transit en France des étrangers
exerçant une activité professionnelle dans la Principauté
obéisse aux dispositions fixées par les accords de Schengen.
•
La Principauté est intégrée aux
frontières de l'Espace Schengen (art. 7).
L'échange de lettres permet la création aux frontières
aériennes et maritimes de la Principauté, autres que la
frontière franco-monégasque, des points de passage
contrôlés conjointement par les autorités françaises
et monégasques.
Le fonctionnement de ces points de passage contrôlés est l'objet
du deuxième accord sous forme d'échange de lettres soumis
à l'examen du Sénat.
B. LE DEUXIÈME ÉCHANGE DE LETTRES : LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DES POINTS DE PASSAGE AUX FRONTIÈRES
•
Le cadre retenu : un contrôle conjoint
Le contrôle est exercé aux points de passage créés
aux frontières aériennes et maritimes de la Principauté
par chaque autorité nationale dans une zone qui lui est affectée.
Le contrôle conjoint s'inspire de la formule des bureaux communs
nationaux juxtaposés (BCNJ) largement retenue pour le contrôle aux
frontières terrestres
2(
*
)
.
Au sein de ces structures qui abritent des fonctionnaires des administrations
françaises et de l'Etat limitrophe, les contrôles s'effectuent
successivement, en premier lieu, à la sortie, par les autorités
de l'Etat de provenance et, à l'entrée, par celles de l'Etat de
destination. La suppression du contrôle aux frontières
intérieures de l'Espace Schengen ne laisse subsister d'activité
qu'aux BCNJ des frontières extérieures -sous réserve
naturellement du rétablissement des contrôles aux
frontières intérieures en vertu de l'application de la clause de
sauvegarde de l'article 2 § 2 de la convention d'application de
l'accord de Schengen.
En pratique, aucun effectif français ne sera affecté en
permanence sur le territoire monégasque. Les autorités de la
Principauté préviendront la DDCILEC des Alpes-Maritimes de
l'arrivée d'un hélicoptère provenant d'un territoire
situé hors de l'Espace Schengen ou d'un navire provenant d'un port non
français -seul le trafic des liaisons régulières par
transbordeurs entre les Etats de l'Espace Schengen relève de la
navigation intérieure, les liaisons effectuées par d'autres
navires sont considérées comme navigation hors Schengen-. Les
fonctionnaires français chargés des contrôles se rendront
en temps utile dans les zones qui leur sont attribuées en suivant des
itinéraires définis par arrangement administratif.
La teneur de cet arrangement a fait l'objet d'un accord principe ; cependant le
texte ne sera signé qu'après l'approbation de l'échange de
lettres (les zones dévolues aux autorités française et les
itinéraires que devront suivre les fonctionnaires français
figurent sur des plans cotés annexés à l'arrangement).
•
Les conditions de contrôle répondent aux principes
pris par les accords de Schengen.
Les autorités françaises appliquent dans les opérations de
contrôle des règles fixées par les accords de Schengen
(art. 2). Qu'il s'agisse de l'entrée ou de la sortie des ressortissants
d'Etats tiers aux Etats membres de l'Espace Schengen, les contrôle
frontaliers, il importe de le souligner, sont d'
abord exercés par les
autorités françaises
, puis par les autorités
monégasques.
Toutefois, même s'il répond aux critères posés par
Schengen, un étranger peut toujours être refoulé s'il est
néanmoins jugé indésirable dans la Principauté.
Par ailleurs, dans les zones de contrôle qui leur sont affectées,
les autorités françaises peuvent appréhender les personnes
ou les objets signalés aux fin d'appréhension dans le
système d'information Schengen. Ces personnes sont alors
acheminées vers le territoire français, à moins qu'elles
ne soient également recherchées par la Principauté, ou
qu'elles disposent de la nationalité monégasque, ou enfin
qu'elles aient commis un crime ou délit au point de contrôle et
relèvent dès lors des juridictions pénales locales. Dans
ces trois cas, les intéressés sont remis au autorités
monégasques.
Les autorités monégasques n'ont pas accès au
système d'information Schengen. Il reviendra à la France, seule,
de tenir compte du signalement du SIS pour empêcher l'entrée
d'étrangers indésirables sur l'Espace Schengen ou procéder
à l'appréhension des personnes signalées à cette
fin.
*
* *
Ce second échange de lettres revêt un caractère accessoire par rapport au précédent et les dispositions finales prévoient d'ailleurs une entrée en vigueur concomitante. La procédure de ratification obéit à Monaco à une procédure simple et rapide : le Prince signe et ratifie les traités après consultation du Conseil de la Couronne 3( * ) ; il les porte ensuite à la connaissance du Conseil national. S'agissant des deux présents accords, les autorités monégasques attendent l'achèvement de la procédure de ratification en France.
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